Chapitre 4

Encore une nouvelle journée de cours.

Peu importe ce que je fais, peu importe ce qui avance, j'en reviens toujours au point de départ.

Le lycée. La maison. Le lycée, encore.

Et après ?

La fac, peut-être. Ou le boulot. Puis la maison. Puis on y retourne.

Peu importe comment je parviens à faire avancer mon combat.

Alors que je devrais dormir, je passe mes nuits à me déchaîner. Alors que je devrais vivre, je passe chaque minute à m'achever et à achever ceux autour de moi.

Et puis je suis de retour au lycée, et je me demande à quoi bon.

Je suppose que je ne trouverais jamais de réponse.

Je suis allée bien trop loin pour pouvoir m'arrêter, dans tous les cas.

Même s'il n'a aucun sens, même s'il ne mène nulle part, mon combat est réel, la victoire n'existe peut-être pas mais je remporte cependant de nombreuses victoires.

Piètre réconfort.

C'est comme ça, c'est ainsi.

Je pénètre à la salle de classe et vais me laisser tomber à mon bureau. Comme toujours.

Des voix un peu trop fortes devant moi, inhabituelles, me font cependant tendre l'oreille.

Je jette un regard vers le groupe d'étudiantes qui parlent avec animation de manière bien peu discrète.

- Elle est tellement énervée, je ne l'ai jamais vu comme ça.. Il lui a dit au téléphone !

- J'ai entendu dire qu'elle veut aller le voir, lui dire en face ce qu'elle pense..

- Elle a du courage, après avoir été humiliée comme ça.. Elle y croyait, alors que lui il voulait que coucher..

- C'est dégueulasse n'empêche..

Je pousse un soupir. Un bâtard de plus.

- J'aurais jamais cru Zelo comme ça. Je les ai déjà vu tous les deux, il était tellement chou..

Ah.

Ah.

Je n'aurais pas cru qu'il aurait si bien retenu la leçon.

- Je t'ai jamais vu sourire comme ça, je sais pas si je devrais avoir peur.

Je tourne la tête, mon regard vient se poser sur un Taehyung qui, sans surprise, se mêle encore de mes affaires.

Il laisse son sac tomber sur le bureau à côté du mien et tire la chaise.

- C'est pas censé être la place de l'autre gamin ici ? Tu vas encore le faire pleurer.

- Jihoon ? Il s'est enfin fait un ami, ils s'assoient ensembles maintenant.

Il pointa du menton un pupitre sur la gauche ou le petit peureux qui était usuellement mon voisin de bureau parlait avec animation à un autre garçon, un grand sourire sur le visage, les joues un peu rouges, sûrement par timidité.

Je les quittais des yeux, peu intéressée.

- Ce qui veut dire que, je deviens ton voisin de table en philosophie !

- Génial.

Alors qu'il s'assoit, son attention toujours posée sur moi, il me demande :

- Pourquoi tu souriais ? Quelque chose de bien s'est passé ?

J'hausse les épaules.

- Si on veut.

- Est-ce que ça aurait un lien avec ce que tu avais à faire de si important hier ?

- Taehyung, tu réfléchis trop.

- Ahah ! J'ai vu juste, n'est ce pas ?

Je pousse un long soupir et m'apprête à répondre, le professeur entrant dans la classe m'en empêche.

Taehyung m'adresse un clin d'œil avant de se tourner vers le tableau.

Quel gamin.

Le cours se poursuit en silence, je ne saurais dire de quoi il parle, je suis plutôt occupée à me liquéfiée sur ma chaise, lorsque mon voisin de table m'adresse à nouveau la parole :

- Dis, t'as compris la philosophie de Kant, toi ?

- Taehyung, je te rappelle que je suis celle qui passe mes cours à dormir.

- Pourquoi tu es toujours aussi fatiguée, d'ailleurs ?

- Tu vas arrêter quand de me poser toutes ces questions ?

- La curiosité n'est pas un crime.

Je ferme les yeux, déjà fatiguée par cette conversation qui ne mène à rien, et viens poser ma tête sur mes bras croisés.

- Tu sais où je me la fous, ta curiosité ? je murmure à moi-même, ne sachant s'il peut m'entendre.


Lorsque le cours se termine et que je m'ébroue doucement, Taehyung est déjà debout, son sac sur le dos, prêt à quitter la salle.

- Tu sais que tu es mignonne quand tu dors ?

- Tu sais que la prochaine fois que tu me regardes dormir, je t'arrache les yeux ?

- Bah, je te regarderais dormir en silence alors.

Il hausse les épaules et s'en va sous mon regard exaspéré.

Alors que je gagne le couloir à mon tour, prête à aller passer ma pause à dormir au foyer, je me fais arrêter une nouvelle et énième fois par Taehyung, qui m'attendait, adossé au mur.

Je commence vraiment, vraiment, à perdre patience.

- Taehyung, je suis sérieuse, je vais finir par te péter un bras si tu continues à me tourner autour.

Il me lâche un sourire moqueur.

- Vu la taille de tes bras, je m'en fais pas trop.

Je le dépasse et m'éloigne à grands pas.

- Si tu savais, crétin.. je murmure pour moi-même.

Un jour il regrettera de s'être aveuglément fié aux apparences.

- Sinon, je voulais à la boulangerie me prendre un croissant, et puis je me suis dit, pourquoi ne pas passer ma pause avec ma petite.. ? Je ne sais toujours pas ton nom, il termine avec un soupir.

Je ne réponds pas et sors mes écouteurs de la poche de ma veste.

- C'est curieux quand-même, maintenant que j'y pense. Personne ne dit jamais ton nom, même les professeurs t'ignorent, on dirait que personne ne connaît ton nom.

- Taehyung, tu es vraiment stupide ou tu le fais exprès ? Je ne peux m'empêcher de lâcher.

J'avais prévu de ne pas répondre et de me plonger dans ma musique afin de ne plus l'entendre, mais comme d'habitude, ce gamin m'exaspère trop et je me retrouve à rétorquer.

- J'étudie dans ce lycée depuis deux ans, crétin. Si tu voulais savoir mon nom tant que ça, il t'aurait suffi de demander au premier imbécile de cette classe. Personne ne dit mon nom car je ne parle à personne, gros malin.

- Oh.

Il ferme instantanément sa bouche - quel miracle - et reste quelques secondes à méditer, tentant probablement de connecter les deux neurones qu'il n'a pas.

- Et sinon, pourquoi tu ne parles à personne ? Il bondit à côté de moi, tout heureux d'avoir une nouvelle question à me poser.

- Taehyung, si tu ne fermes pas ta gueule tout de suite, je te la ferme de force.

Je n'attends pas de savoir s'il s'est enfin tu ou s'il continue à parler tout seul et enfonce mes écouteurs dans mes oreilles, lançant une chanson, volume maximum.



Lorsque j'arrive au foyer, la plupart des tables sont occupées, et je me retrouve à laisser tomber tomber mon sac sur la seule disponible, près des toilettes.

Un deuxième sac à dos se pose à côté du mien, et je lève les yeux pour tomber sur le visage souriant de l'autre imbécile heureux.

Je retire un écouteur et aboie :

- Taehyung, bordel de mes deux, tu vas vraiment jamais me lâcher ?

- Je te l'ai dit, j'ai décidé de passer la pause avec toi.

Il s'assoit et sors une petite bouteille de lait de son sac, tranquillement. Il la décapuchonne et plante sa paille dans l'opercule d'aluminium, alors que je le fixe, estomaquée par son culot et la colère montant en moi.

Il lève alors des yeux innocents en ma direction, cligne des paupières et demande d'une voix étonnée :

- Ben, tu ne t'assois pas ?

- Taehyung, je te jure que tu vas dégager de là, et tout de suite, je laisse échapper entre mes dents, tentant de contenir ma rage grandissante contre cet imbécile qui a obsession de me faire chier.

- Mais pourquoi ? Je suis bien ici moi, et puis, c'est la seule table de disponible.

Je crois vraiment que j'ai été trop gentille avec cette ordure. Ça ne me ressemble pas. Il a certes l'air de n'avoir peur de rien, mais la moi habituelle l'aurait si bien remis à sa place qu'il n'aurait jamais osé revenir me parler.

J'ai laissé faire trop longtemps. Il est temps de réparer ça.

Je plaque si violemment ma main sur la surface que Taehyung sursaute.

- Quelque chose ne va pas ? demande-t-il, et à son ton l'on peut voir qu'il tente de garder contenance.

- Tu devrais ouvrir rapidement les yeux avant qu'il ne soit trop tard Taehyung, car tous les petits merdeux dans ton genre m'ayant fait chier ne peuvent plus marcher.

Un sourire incertain prend place sur ses lèvres, il ne sait trop s'il doit me croire ou non, c'est évident.

Le lève ma main juste sous ses yeux.

- Tu m'as demandé ce que je m'étais fait à la main l'autre jour. Tu ferais mieux de ne pas insister plus, au risque de me voir me péter une phalange entre tes côtes. C'est clair Ducon ?

Il devrait avoir peur, fuir mon regard, me traiter de folle ou bien déglutir et cacher ses tremblements.

Mais il reste là, tranquillement assis, ses prunelles caramel dans les miens, son visage devenu sans expression et le regard imperméable.

Et je peux sentir la colère monter et monter en moi, encore et toujours plus. Je ne peux pas perdre le contrôle, pas ici, pas au lycée.

Je sais que mes yeux sont devenus si sombres que mes pupilles en paraissent noires, je sais que mon corps prend inconsciemment une position de défense, je peux sentir mes pieds s'écarter légèrement et mes épaules se déplacer imperceptiblement vers l'arrière.

Il me fixe et me fixe toujours, semblant me sonder et lire en moi, semblant tenter de me percer, et, juste avant de craquer, je fais un pas en arrière et je crache d'une voix tremblante :

- Ne m'approche plus.




Installé sur sa chaise à roulettes, face à l'écran de son ordinateur, le garçon est plongé dans une liste de noms.

Il a trouvé.

Il pivote et vient croiser croiser ses bras derrière sa tête contemplant à présent sa chambre.

Une chambre impersonnelle, sans couleur et à peine meublée, aux volets fermés et au parquet abîmé.

Son regard vient se promener sur la collection de briquets posées sur sa petite table de chevet, sur le couteau à la lame repliée et sur la photographie percée de trous de lames.

Un sourire vient étirer ses fines lèvres.

- Je te tiens, laisse-t-il échapper de sa voix rauque.

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