Chapitre 3

La pluie crépite contre le bitume de ces rues désertes, les rares lampadaires ne suffisent pas à percer l'obscurité de cette nuit si sombre.

Près du caniveau, du sang se mêle à l'eau pour s'échapper en un flot qui bientôt disparaît dans cette bouche d'égout. 

Et non loin de là, dans la pile de sacs poubelles et de détritus, plusieurs corps inertes se mêlent aux ordures, ajoutant à l'ambiance cauchemardesque de cette nuit de printemps.

Le garçon essuie la lame de son couteau contre son jean avant de le glisser à nouveau dans sa manche. Il rabat sa capuche sur ses cheveux teints, crache un jet de salive ensanglanté et s'en va sans se retourner.

Justice a été faite.



 Lorsque le professeur lance la musique et que les premières basses commencent à résonner, nous posons tous un pied sur les marches face à nous et débutons les mouvements chorégraphiés. 

C'est ainsi que la séance de step commence. Genou levé, écarte les bras, tourne sur toi même. Monte sur la marche, saute à pieds joints, replie ta jambe. 

Dix minutes passent, de premiers élèves s'arrêtent, déjà fatigués.

Nous entamons la deuxième séquence musicale, les mouvements se font plus rapides et plus compliqués.

Vingt minutes plus tard, filles comme garçons, tous se laissent tomber au sol, épuisés.

Vient la troisième et dernière séquence, je lève les bras, pivote, tourne, saute. Recommence, et recommence encore. Rester en rythme. Continuer.

La musique s'arrête finalement, je regarde autour de moi, je suis la seule debout.

Rien de surprenant en soi.

La classe entière me regarde, les yeux ronds. 

Quels gamins pitoyables, épuisés par une demi-heure de danse rythmée. 

 - Reposez-vous cinq minutes et on reprend, lance le professeur. N'oubliez pas de notez votre temps et de mesurer votre pulsation. 

Je pose deux doigts sur mon poignet et ferme les yeux.

Mon rythme cardiaque n'a augmenté que de quelques secondes à peine. 

Je pousse un petit soupir, c'est déjà trop, il ne devrait pas accélérer à cause de quelques mouvements de step.

 - En position, on reprend dans cinq, quatre, trois !

C'est parti pour une nouvelle demi-heure.


Les deux heures d'éducation physique sont encore passées bien trop vite. Le sport est le seul cours m'intéressant un tant soi peu dans ce lycée, même si j'ai bien conscience que je progresserais bien plus vite par moi-même. 

Je me change rapidement dans les vestiaires alors que les autres filles s'arrosent de déodorant et s'occupent déjà à retoucher coiffure et maquillage.

Je surprends quelques regards en coin alors que je retire mon débardeur de sport pour passer mon tee-shirt. De la crainte et de la surprise, comme toujours. Une pointe d'admiration. Une pointe de dégoût. Je sais. Je sais, j'ai une musculature plutôt développée et une silhouette plutôt bien taillée, comparés aux leurs. Je sais, j'ai des cicatrices surprenantes qui ne devraient pas se trouver sur un corps adolescent. 

Je lace mes baskets, jette mon sac sur mes épaules et fais un simple détour par les toilettes afin de passer de l'eau froide autour de ma nuque. 

Alors que je m'apprête à retourner en cours, une vibration de mon téléphone me fait m'arrêter. Il s'agit ou de mes parents, ce dont je doute, ou d'une information capitale. 

Je déverrouille rapidement mon smartphone et jette un coup d'œil à l'écran. 

Oh.

Une information capitale, je ne sais pas si on peut le dire ainsi. Une urgence, tout du moins.

Il et temps de passer à l'action, une nouvelle fois.

Navrée cher lycée, je n'assisterais pas au cours cette après-midi. 

Le temps venant déjà à manquer, je change de direction et me presse vers la sortie de l'école. 

Alors que je m'apprête à passer le portail, une voix m'interpellant me stoppe et me fait me retourner.

Taehyung.

Il est là, accoudé au mur, une sucette dans la bouche et son téléphone contre mon oreille.

 - Yep, à plus mec.

Il raccroche et reporte à nouveau son attention sur moi.

Je pousse un soupir.

 - Tu me veux quoi Taehyung ? J'ai pas vraiment le temps, là.

 - Tu vas où ? On reprend les cours dans cinq minutes.

 - J'ai quelque chose à faire.

Il s'approche et reprend :

 - Vraiment ? Je suis intrigué. 

 - Retourne en cours Taehyung, je dois vraiment y aller.

 - Tu sais que tu finiras pas avoir des problèmes, à force de sécher les cours ?

Sérieusement, il se prend pour qui ? 

 - C'est drôle, j'ai pas vraiment l'impression que tu t'apprêtais à aller en cours non plus.

Il s'approche encore de moi, seulement quelques centimètres nous sépare à présent.

 - Mais moi, c'est différent, murmure-t-il sur le ton de la confidence. Je suis un agent secret en mission, je dois me rendre sur une scène de crime.

Je recule de plusieurs pas.

 - Très drôle. Si tu as fini tes blagues maintenant, j'aimerais bien pouvoir y aller. A demain, Taehyung.

Je me retourne et m'éloigne, quittant le lycée pour de bon.

 - Mais je te jure, je bosse vraiment pour la CIA ! s'écrie-t-il derrière moi. 

Je secoue la tête et poursuis ma route. 

- J'ai hâte d'être demain !

Je grommelle un ta gueule tout bas en prenant la direction de l'arrêt de bus. 



Je suis prête. Robe colorée au-dessus des genoux, sandales à talons, cheveux relevés en une queue de cheval haute. Quelques bijoux brillants, une touche de maquillage, un parfum floral. C'est drôle comment j'arrive encore à me plier aux standards, à jouer avec eux. 

Drôle et triste.

Utiliser leurs armes pour mieux les détruire, n'est ce pas ce qu'on dit ?

J'attrape un sac à mains et fourre ce qui pourrait me faire passer pour une fille considérée normale et intéressante, un miroir, un rouge à lèvres, un livre pour avoir l'air intellectuelle. Mon téléphone en main et mes écouteurs dans les oreilles - je suis une grande fan d'Ed Sheeran et de ballades romantiques, que personne n'en doute - je quitte la maison parentale.

Père et mère au travail et frère à l'université, je n'ai croisé personne, ce qui m'arrange bien, je tenais pas à avoir à l'expliquer.

Et c'est ainsi qu'à peine vingt minutes plus tard, me voilà à attendre devant la station de métro d'une rue populaire, un sourire timide plaqué aux lèvres.

Impossible de remarquer les quelques accessoires utiles que j'ai glissé parmi les ustensiles de maquillage dans mon sac à main.

Une foule de personnes surgissent alors de la bouche de métro, je me hisse sur la pointe des pieds dans une attitude considérée comme mignonne afin de tenter de le repérer.

Il est là, je le reconnais. Légèrement différent de sa photo de profil, mais aucun doute, c'est lui.

J'évite quelques personnes afin d'aller à sa rencontre. Il ne m'a pas vue, je touche légèrement son épaule, et, le sourire aux lèvres, lance un "Zelo !" joyeux.

 - Oh, tu es là !

C'est parti.


Dix neuf heure trente, je quitte le restaurant sans me retourner, un sourire aux lèvres. Un sourire bien différent de ceux que j'ai affiché toute la journée. Un sourire froid, un sourire qui n'exprime rien d'autre que la satisfaction du devoir accompli.

De nombreux regards me suivent alors que je pousse les portes vitrées, des regards choqués, alors que des murmures se font entendre de toutes parts. 

Je n'ai pas eu à utiliser mes accessoires aujourd'hui.

C'est un peu dommage, en un sens, j'avais envie de me défouler. M'enfin bon, ce qui devait être fait a été fait, et c'est ce qui compte.

Je ne pense pas que Zelo m'oublie de sitôt. 

Il a aujourd'hui reçu une leçon qui le poursuivra toujours.


Je pense à Taehyung en rentrant chez moi. Je comprends pas ce qu'il me veut, et ça m'énerve. 

J'ai bien vu son regard posé sur moi tout le long du cours du sport. 

Je ne comprends pas ce qu'il me veut, mais il ferait bien d'arrêter son petit jeu avec moi, et rapidement, avant de me pousser à bout.

Ce qui m'énerve encore davantage, c'est que derrière ses questions légères et ses sourires joueurs, j'ai l'impression qu'il sait beaucoup de choses.

Je pourrais sécher les cours pour tout un tas de raisons stupides et normales pour une lycéenne. Mais c'est comme s'il savait, comme s'il savait que j'avais de nombreux secrets, que je m'apprêtais à aller poursuivre un combat dont il ignore cependant tout.

J'ai l'impression qu'il essaie de me percer à jour, et je ne sais pourquoi.

Je n'ai vraiment pas besoin de ça. Je n'ai pas le temps de me préoccuper de lui. Je n'ai pas l'énergie d'être sur mes gardes, même au lycée.

Ça m'énerve.


 - Oy Jungkook, c'est encore moi.

 - Tae ! Que se passe-t-il pour que tu m'appelles encore ?

 - J'aimerais avoir ton avis sur quelqu'un. 






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