6. Donatella

6. Donatella

Attention : Boulimie

Donatella regrettait.

Elle avait mangé des cochonneries dans la réserve en compagnie de gens qu'elle ne connaissait pas et elle le regrettait.

En voyant ce garçon si étrange se régaler avec sa barre chocolatée, son ventre lui rappela que l'adolescente n'avait pas mangé depuis plus de vingt heures. Ce n'était pas rare qu'elle se prive de manger pendant des longues heures - voire des jours - mais son corps ne supportait plus cette torture. Des fois ses jambes la lâchaient, et des fois son cerveau  réfléchissait aussi lentement qu'un escargot.

Mais bon, de toutes façons, Donatella ne pourrait rien y faire. Il fallait qu'elle soit en forme pour le prochain défilé et en plus de ça son corps rejetterait la nourriture. La blonde avait maintenant la capacité de digestion d'un nourrisson. Plus de deux fruits par jour lui causaient déjà des maux de ventre.

Si elle pouvait, Donatella choisirait une autre manière de maigrir, mais la privation alimentaire était la plus rapide. La nourriture était synonyme de graisse et la graisse était synonyme de perte de pouvoir, de beauté, et de confiance en soi. Et si elle n'était pas la plus belle, celle qui avait le plus de confiance en soi, la plus rayonnante des filles, elle ne serait plus rien. Donatella serait réduite au titre de " la fille des Cappacho" et ça elle le refusait.

Non, Donatella ne pouvait pas grossir.

Donatella regrettait.

En plus d'avoir mangé inutilement, un surveillant les avait surpris à grignoter. Les six élèves avaient été punis par six heures de colle pendant lesquelles ils devraient nettoyer le lycée. La blonde platine se demandait si cela était légal.  La réponse était sûrement négative mais à Foretown, les élèves n'étaient pas vraiment considérés comme des êtres humains. Une hiérarchie régnait dans le lycée. Les adultes forcément avaient raison, les adolescents devaient absolument la fermer.

La mannequin ne savait pas comment elle devait l'annoncer à ses parents. Elle n'avait jamais été punie auparavant, que ce soit pas ses parents ou autres. Donatella ne savait absolument pas à quelle réaction s'attendre.

Quand l'adolescente rentra chez elle, leur maison luxueuse était vide de présence humaine. Le silence régnait et il apaisa Donatella, enfin sa journée merdique finissait.

Elle posa son sac de cours dans sa chambre et retourna dans le salon. La famille Cappacho vivait au fin fond de nulle part mais ils tenaient quand même à avoir un minimum de confort et de modernité dans leur appartement. Et pour la mère de Donatella, un minimum de confort était équivalent à un lustre en cristal qui coûtait plus de 20.000$ accroché au plafond et à un tapis avec des poils d'ours. Des vrais poils d'ours.

Leur maison avait deux étages et quinze pièces. Le tout décoré par des meubles - principalement noirs et blancs - choisis avec soin par Annie Lorenzo, une amie de longue date de Madame Cappacho.

Donatella trouvait que tout ça était de trop. Ses parents lui avaient annoncé, il y a quatre ans de ça, qu'ils allaient déménager dans une ville un peu plus calme et reculée pour le bien-être de leur fille.

L'adolescente croyait que vivre dans un endroit plus calme était équivalent à vivre une vie moins rythmée et dure à suivre. Moins de paparazzis, moins de flashs et de paillettes. Mais elle se trompait.

Ses parents se réveillaient à cinq heures tous les matins pour aller travailler. Aux alentours de huit heures, ils étaient déjà à leurs bureaux hors prix à New york. Ils y passaient la journée avant de revenir à la maison pille à l'heure du dîner. Les week-ends, les jours fériés et les vendredis après-midi, Donatella faisait comme eux. 

La vie d'une lycéenne salariée n'était pas facile. Donatella sentait qu'elle succombait petit à petit à la pression et au stress.

Donatella s'affala sur le canapé et prit son téléphone entre les mains pour prendre des nouvelles de Kelly. Mais au moment d'appuyer sur le bouton "envoyer", elle hésita. Kelly était une très bonne personne. La rousse était généreuse, attentionnée, bavarde, bosseuse, adorable... Des fois, la blonde platine avait l'impression de ne pas la mériter.

Elle n'était rien de plus qu'une fille à papa qui avait tout ce qu'elle voulait, quand elle le voulait et comme elle le voulait.
Elle n'était rien de plus qu'une fille grosse et moche qui avait été pistonnée dans le monde du mannequinat, mais qui ne méritait pas sa place.
Elle n'était rien de plus qu'une ratée, une looser, une salope. Elle n'était rien de plus qu'un déchet.

Elle n'était rien...rien.

Une boule monta dans la gorge de Donatella et elle s'empressa d'aller dans les toilettes du deuxième étage. Elle s'agenouilla devant la cuvette et attendit que ça sorte. Ça ne devrait pas tarder. Ça ne tardait jamais. Mais impatiente de se libérer de tous ces sentiments négatifs, de ces pensées nocives, de ce grammes super-floues, elle enfonça deux doigts au fond de la gorge.

Donatella vomit tout ce qu'elle avait ingurgité un peu plus tôt dans la journée. Le goût amer qui ne voulait pas quitter sa langue la fit grimacer. La blonde avait un peu mal à la gorge mais elle se dit que ce n'était rien. Il faut souffrir pour être belle. Et puis, elle ne pouvait pas se plaindre, c'était de sa faute si elle devait faire ça.

Elle n'aurait pas dû manger.

  -- Sono tornato (1) ! s'exclama une voix masculine.

Donatella eut peur. Elle reconnut cette voix rude et démunie d'humanité et de sentiments honnêtes. Sa mère disait donc vrai : son père était bien et bel rentré de son voyage à Boston.

L'adolescente se le va rapidement et tira la chasse d'eau. Elle nettoya sa bouche et frotta très fort sa peau pour effacer l'odeur désagréable. Son père ne pouvait se douter de rien. Pour lui, elle maigrissait naturellement, elle était belle depuis la naissance. La blonde ne voulait pas la décevoir.

Une fois qu'elle avait effacé toutes les traces de son acte, Donatella descendit accueillir son paternel. Il ouvrit grand ses bras, l'adolescente s'y précipita et il la serra contre lui.

Elle avait bon détester tout ce qu'il faisait ou disait, elle l'aimait quand même de tout son cœur.

  -- Comment s'est déroulée ta journée, mio amore (2) ?

Le moment que Donatella appréhendait tant arriva. Elle devait lui dire qu'elle avait été punie et qu'à cause de ses bêtises, elle ne pourrait pas être là pour le défilé de samedi. Son père serait furieux, la blonde avait peur de ce qu'il pouvait faire sous l'emprise de la colère. De plus, sa mère n'était pas là pour la défendre.

Le défilé de la collection Amore, était le plus important de la saison hivernale. Son père voulait que cette collection batte le record de la plus vendue de l'année. Hors, ils étaient déjà en Octobre. Il avait l'intention de doubler Gucci, Hermès et Louis Vuitton pour atteindre le sommet. Seulement cette fois, ce serais sans Donatella.

  -- Une personne dangereuse a envahi le lycée. Mais je vais bien, je me suis cachée dans la réserve et...

  -- Et ? s'impatienta son paternel.

  -- Et j'ai mangé quelques sucreries avant d'être punie par un surveillant.

  -- Ce n'est pas grave, mio amore. Tu as le droit de lâcher prise de temps en temps. Les adolescents font des erreurs, je ne vais pas te condamner pour ça.

  -- Merci pour ta compréhension, padre(3). Le seul soucis c'est que..que j'ai été collé le samedi du défilé du coup...

   -- Tu vas défiler, ma fille. Ne t'inquiète pas. Papa va s'occuper de ton problème.

Donatella fut surprise de sa réaction. Son géniteur n'avait jamais été aussi compréhensif. Cela l'inquiétait. Elle ne savait pas ce qui l'attendait et avancer dans le noir total l'inquiétait.
Son père enleva son mateau en fourrure et ses chaussures de ville.

  -- Par contre, tu devrais arrêter les sucreries. Tu grossis.

La blonde reçut un coup de couteau en pleine poitrine et ça faisait mal. Très mal. Elle savait qu'elle était grosse, il n'avait pas besoin de lui rappeler ! La rage monta en Donatella et une autre boule lui monta à la gorge.

  -- Ta mère a renvoyé Alfred chez lui ? Elle est bien trop gentille avec...

Son père lui parlait mais elle n'écoutait déjà plus. Elle se retint de toutes ses forces de pleurer. Tout cela ne serait jamais arrivé si elle n'avait pas mangé.

Donatella regrettait.


(1) je suis rentré ; (2) mon amour ; (3) père

°°°

Hey, voixi le deuxième chapitre de cette semaine. Je suis exténuée mais j'ai quand même réussi à corriger mais quelques erreurs m'ont peut-être échapé.

C'est le premier chapitre "fort".

Comment vous sentez-vous ? (LOL, j'ai l'impression d'être psychologue)

Je préfére prévenir qu'il y auras beaucoup de chapitres comme celui-ci. Si vous n'êtes pas à l'aise avec ça, il vait mieux arrêter votre lecture ici.

J'ai déjà 6 chapitres de publiés, il ne m'en manque plus que 4 pour participer au concours donc je vais publier un dernier chapitre cette semaine et puis je vais ralentir le rythme.

À plus.

30/01/2019

Page 6

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