Chapitre 5


L'inconscience dans laquelle nageait Stiles était profonde tant le coup qu'on lui avait porté était puissant – presque punitif. C'était l'équivalent d'un K.O, à une échelle similaire... Et rien, en théorie, ne pourrait le réveiller, si ce n'est un peu de temps, celui dont avait besoin son corps pour se remettre de cette agression si soudaine. Qu'importe le bruit, qu'importe ce qu'il pourrait ressentir, qu'importe la situation... Rien ne le sortirait de cet état avant un moment.

Mais chaque règle avait son exception.

Et celle de Stiles était sonore.

L'intégralité de son corps sembla s'éveiller dès lors que le jeune homme perçut le tout premier hurlement qui sortait si puissamment de son géniteur. Comment savait-il qu'il s'agissait du sien ? L'instinct. Serait-il capable de l'expliquer en tant que tel ? Absolument pas. A ce stade-là, Stiles dormait encore et n'avait pas consciemment conscience des choses. Ce qui entendait et percevait les bruits extérieurs, en lui, était une chose primale qu'il fallait dissocier de lui pour pouvoir se la figurer dans son entier. Cette entité, elle n'avait pas de forme – elle n'en avait jamais eu. Mais elle était là. Elle écoutait.

Et elle ne pouvait pas supporter la portée de ces hurlements, à partir du premier, qui avait tout déclenché. Qui l'avait éveillée. Car avant cet instant, elle n'existait pas – pas vraiment, en tout cas. Elle n'était qu'une idée vague, sans le moindre pouvoir, la moindre présence. Mais la façon dont elle grandissait sans un bruit n'avait rien de normal et tout du démon gagnant en puissance... De quoi se nourrissait-il ? De tout et rien à la fois. Quelle était son origine, d'où tirait-il sa force ?

Réveille-toi.

Stiles ouvrit les yeux sans même en avoir conscience. Mais ses oreilles saignaient. Elles saignaient de l'intérieur tant la douleur qu'il entendait l'atteignait alors même qu'il n'en avait pas la moindre idée. Il ne se demanda pas qui poussait ces hurlements qui lui détruisaient le cœur sans qu'il ne ressente à ce sujet la moindre émotion. Le paradoxe, aussi puissant soit-il, n'était pas complètement dénué de sens. Le jeune homme releva légèrement la tête. Ses yeux virent. Lui, non. Pas vraiment, en tout cas. Quelque chose en lui, à l'intérieur, était terrifié. Lui. C'était lui que la vision paralysait, alors même qu'il refusait de la comprendre.

Tu n'es pas assez fort.

Il ne voulait pas accepter ce qu'il voyait, toute cette violence... Cette torture qui n'avait pas de mots. Alors la voix qui lui susurrait ces mots avait raison. Elle parlait froidement, mais sans réellement l'accabler, sans le rabaisser à proprement parler. Elle énonçait un fait indéniable... A l'heure actuelle. Sous le choc, Stiles n'était effectivement pas assez fort pour agir et... Il perdait un temps monstrueux et les images sanglantes étaient d'ores et déjà en train de s'imprimer sur sa rétine tandis que les hurlements de son paternel, que l'on bâillonnait sommairement, le détruisaient de l'intérieur.

Je vais prendre ta place.

Stiles ne fut effectivement pas assez fort pour avoir son mot à dire, pas plus qu'il n'en eut pour comprendre ce que ces mots, qu'il percevait sans en comprendre le sens, signifiaient réellement.

A quelques mètres, l'on défonçait les jambes de Noah Stilinski avec une inhumanité totale. Des armes, on en avait apporté, mais l'on avait trouvé dans la maison, à l'étage, un objet peu commun qui avait suscité l'envie de réaliser cette barbarie avec une ironie prononcée. Dans ce qui était autrefois la chambre de Stiles lorsqu'il était adolescent figurait une batte de baseball en métal. Elle arborait des signes d'usures sans équivoque, et les intrus avaient tout de suite su que ce serait ce qu'ils utiliseraient pour détruire le shérif, pour qui ils entretenaient une rancœur certaine. L'un d'entre eux sembla finalement remarquer Stiles, toujours au sol, à quelques mètres de là et son regard figé sur son père lui fit légèrement relever sa cagoule. L'homme se détacha du groupe, sachant fort bien qu'on le laisserait reprendre le relais sur Noah si besoin, et alla s'accroupir devant l'hyperactif, de façon à l'empêcher de voir son père. Juste entendre ses hurlements de plus en plus étouffés le briserait davantage... Et ça lui allait parfaitement. Le fils avait choisi de marcher dans les pas de son père : c'était à ses risques et périls. L'homme sourit, mit Stiles à genoux de force et tira sa tête en arrière en le prenant par les cheveux. Ils étaient courts, mais pas suffisamment pour qu'il n'ait aucune prise. Or, la manipulation, censée lui faire mal, n'eut même pas le mérite de lui tirer la moindre grimace.

Loin d'inquiéter le braqueur, ce fait le galvanisa.

- Le gamin est traumatisé, s'esclaffa-t-il. Il réagit pas. Ou alors, c'est qu'il est pas encore bien réveillé...

Et son rire gras, Stiles le perçut avec une netteté folle. Un rire qu'il ressentit immédiatement le besoin de faire taire... Alors que les hurlements insupportables de Noah le couvraient complètement. Mais à cet instant, c'était bien la voix de l'homme cagoulé qui lui défonçait les oreilles.

Réduisons-le au silence.

L'idée séduisit Stiles alors même qu'il ne la comprenait pas. De toute façon, il n'était plus vraiment là. Sa personnalité avait été brutalement poussée au fin fond de son esprit sans qu'il puisse y faire quoi que ce soit. Ce n'était plus lui qui décidait... Parce qu'il n'en avait pas la force.

Les images sanglantes avaient cassé quelque chose en lui et ces hurlements... Les hurlements de son père qui semblaient ne jamais diminuer en force, en intensité... Il les percevait, mais cessait peu à peu de les entendre, comme si une part de lui s'était éteinte.

A raison.

- Réveille-le à ta sauce, montre-lui son bâtard de père ! Rit un autre.

Un autre rire gras, si gras... Perfide, horrible avec des paroles qui suivaient cette même ligne directrice. Ces hommes-là n'avaient aucune morale, aucune âme. Nous allons les détruire.

- Ou ce qu'il va bientôt en rester, ricana un énième.

Les hurlements de Noah avaient cessé pour le moment, son calvaire mis en pause par l'attention que l'on portait à Stiles et dont le regard noisette était désormais marron foncé, brun.

Presque noir.

Celui qui lui tenait les cheveux rit encore et lui cracha un mollard au visage avant de s'écarter légèrement. La salive dégoûtante coula sur la joue de Stiles, qui n'en avait cure. Ses yeux accrochaient déjà le corps immobile, les jambes dans un état indescriptible.

Le visage de son père, déformé par la douleur de cette torture, ses yeux fermés, et ce sang, tout ce sang...

On va leur faire payer. Chaque coup qu'ils lui ont porté, on va le leur rendre au centuple. Le petit Stiles, retranché dans un coin de sa propre tête, trembla. Il n'aimait pas ces mots. Ils faisaient peur. Mais il voyait et ça... Il ne pouvait pas nier ce que ces enfoirés avaient fait endurer à Noah... Et qu'ils continueraient sitôt qu'ils se seraient désintéressés de son cas. Car c'était bien le shérif qu'ils visaient et non lui, le fils. Le jeune flic, l'humain lambda. L'inintéressant. Il ne servait à rien, si ce n'est à servir de pression supplémentaire sur son père qui, le pauvre, n'avait rien à donner, rien à avouer...

Juste à hurler, à souffrir, à endurer cette torture dont il ne comprenait pas l'origine. Pourquoi s'attaquer à lui ? Qu'avait-il fait, si ce n'est son travail ? Et Stiles comprit. Il comprit que ces gens avaient dû être arrêtés par son père et ne faisaient rien de moins que se venger. Tu vois, ils ne valent rien. Oui, il le savait. Laisse-moi prendre le contrôle total. Stiles ne savait pas. Était-ce une bonne chose ? Et puis, qu'est-ce que ça voulait dire ? Mais l'hyperactif avait déjà lâché l'affaire, son âme tremblant de plus en plus au fond de lui. Elle chercha à s'enfoncer plus profondément encore dans un coin de sa tête, dans l'espoir de ne plus voir ces horreurs. Agir, il le voulait, mais il n'y arrivait pas. Le choc était trop grand.

Et la voix le caressa par son timbre doux et rassurant. Lui tendit la main.

Endors-toi, Stiles.

Ses yeux devinrent complètement noirs.

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