Chapitre 6
- Mais pourquoi t'as fait ça ?
Molly me regarde avec des gros yeux, attendant ma réponse.
- Je...
- Des beaux gars comme ça, ça tombent pas du ciel, continue-t-elle. Surtout dans cet hôpital de merde !
Voici Molly Swan, ma meilleure amie. Elle a 19 ans, soit trois ans de plus que moi. Je l'ai rencontré lors de mon deuxième diagnostic. À l'époque, elle avait les cheveux teints en violet, mais maintenant elle est chauve à cause de tous les traitements qu'elle doit subir pour soigner son cancer des os. Je n'ose pas me plaindre de ma maladie; cela fait huit ans que Molly doit endurer régulièrement de longues visites à l'hôpital.
- À ta place, je l'aurais embrassé sans hésiter ! Moi, la seule personne qui veut m'embrasser c'est M. Wilson.
Entendant cela, M. Wilson, le vieillard qui occupe le lit voisin de celui de Molly, se tourne vers nous et déclare :
- J'ai déjà embrassé Angelina Jolie.
- Et c'est reparti..., soupire Molly.
- En fait, continue M. Wilson, c'est elle qui m'a embrassé. Je n'ai rien vu venir.
Molly se tourne vers moi.
- Hier, il jurait qu'il était à bord du Titanic lorsqu'il a coulé. Quoique, en y repensant, j'avoue qu'il est tellement vieux qu'il aurait vraiment pu y être...
Je ris et reprends une bouchée du souper que j'ai décidé de manger en compagnie de Molly.
- Bon, allez raconte-moi, dit-elle. Pourquoi tu ne l'as pas embrassé ? Attends, laisse-moi deviner, tu te sentirais coupable si ta maladie te tuait, c'est ça ?
Je souris faiblement; Molly sait toujours ce qui ne va pas.
- Je vais te dire un truc. Oui, un jour, tu vas mourir. Mais ça ne doit pas t'arrêter ! Tout le monde finit par mourir, c'est la vie !
- Merci, ça me remonte le moral.
- Ce que je veux dire, c'est que tu dois oublier ta maladie et vivre ta vie ! Tente ta chance avec ce garçon et ne regrette rien.
Je reste silencieuse un instant. Puis, de plus en plus optimiste, je réponds :
- Tu as raison.
- Bien sûre que j'ai raison ! Tu sais ce que tu vas faire maintenant ? Tu vas aller le voir.
- T'es sûre ? Mais s'il ne veut plus me voir ?
- Arrête de dire n'importe quoi ! Il craque pour toi, c'est certain !
- Tu crois ? je demande en rougissant stupidement.
- Bien sûre que oui, voyons ! Il voulait t'embrasser !
Je me rends compte que je souris bêtement et j'arrête aussitôt.
- Et c'est évident que c'est réciproque, dit calmement Molly, un petit sourire en coin.
Je me tourne vers elle, énervée.
- Pfff, n'importe quoi.
Molly ne répond pas, mais elle continue à sourire.
- Vous ai-je déjà dit qu'un jour j'ai provoqué un avalanche seulement avec un pet ? demande M. Wilson.
- C'est formidable, marmonne Molly.
Je ris, puis Molly se tourne vers moi et dit :
- Allez, va rejoindre ton prince charmant.
- Je reviens te voir plus tard.
- Ne t'inquiète pas, je suis en très bonne compagnie, répond-elle en désignant M. Wilson.
Je souris et je sors de la chambre. Puis, je vais dans la mienne pour changer de vêtements et je me dirige vers celle d'Alex, quand j'entends une voix familière.
- June !
Je me retourne et vois mes parents, qui s'élance vers moi pour m'embrasser.
- Salut Maman, salut Papa.
- Comme promis, dit ma mère, souriante, on est venu te voir !
J'ai complètement oublié que nous sommes samedi, le jour de visite pour tout l'hôpital. Certes, on peut avoir des visiteurs tous les autres jours, mais le samedi est habituellement la journée où il y en a le plus.
- Nous aurions aimé venir hier aussi, déclare mon père. Mais ta mère et moi avions beaucoup de boulot.
Mes parents sont tous les deux avocats et débordent sans cesse de travaux, c'est pourquoi il n'ont pas beaucoup de temps libres pour venir me voir. Mais, parfois, mes parents prennent des journées entières de congé pour être avec moi, et je leur en suis très reconnaissante. Je ne leur en veux pas qu'ils travaillent beaucoup. Au contraire, je suis contente qu'ils continuent à vivre normalement même si leur fille unique est à l'hôpital. Je ne veux pas qu'ils deviennent dépressifs à cause de moi, ce qui serait le genre de ma mère.
Nous nous installons dans ma chambre pour parler de tout et de rien. Comme d'habitude, mon père évite sans cesse le sujet de ma maladie pour me permettre de penser à autre chose, mais ma mère ne peut s'empêcher de me rappeler de ne pas m'essouffler, de toujours me reposer et de prendre mes médicaments, même si c'est les médecins eux-mêmes qui me les donnent.
Ça fait du bien de les voir, mais j'avoue que j'ai hâte qu'ils partent parce que je pense sans cesse à Alex. Donc, après presque trois heures en leur compagnie, lorsqu'ils finissent par me dire au revoir, je vais tout de suite vers sa chambre. Et ce que je vois à l'intérieur me laisse stupéfaite.
Une fille se tient au milieu de la pièce. Elle est blonde et manifestement très belle. Elle semble avoir mon âge, peut-être un peu plus.
Et, là, devant moi, Alex, qui était assis sur son lit, se lève et la prend dans ses bras. La fille pose la tête sur l'épaule d'Alex, et celui-ci dit :
- Je t'aime.
J'ai à peine le temps de discerner les émotions qui m'envahissent parce que, dès que j'entends ces mots, je percute maladroitement une chaise roulante qui traine dans le couloir et me fait voir par Alex et la fille, qui se sépare l'un de l'autre. La fille me dévisage, mais je suis trop en colère pour être gêner.
- Ne vous dérangez pas pour moi, je lance en serrant les dents.
- June ? Qu'est-ce que tu fais là ? me demande Alex.
Mais je suis déjà partie.
J'ai à peine fait trois pas que je n'ai plus de souffle et, même si j'entends Alex crier mon nom, je continue mon chemin sans me retourner.
Mais, au bout d'un moment, je n'ai plus d'autre choix que de m'arrêter. Mon cœur bat à un rythme terrifiant et j'ai l'impression de ne plus avoir d'air dans les poumons. Je me plis en deux.
«Ça y est, pense-je. Je vais mourir.»
Soudain, une main se pose sur mon épaule.
- June...
Alex plonge ses yeux dans les miens et dit :
- Inspire. Expire.
Ça me prend un bon moment pour reprendre ma respiration, mais je finis par y arriver.
Puis, la fille qui était dans les bras d'Alex nous rejoint.
- Je peux savoir qu'est-ce qui se passe ? demande-t-elle.
Je me tourne vers elle, mais avant que je puisse répondre, Alex dit :
- Sarah, voici June. June, Sarah.
Puis, il se tourne vers moi.
- C'est ma soeur, rajoute-il.
Je la regarde, bouche-bée. Bien sûr, la ressemblance est frappante. Pourquoi je ne l'ai pas remarqué avant ?
- J-Je crois que je vais y aller.
- Non, non, j'allais partir, dit poliment Sarah. Je vous laisse, tous les deux. Et Alex, je reviens te voir bientôt.
Alex lui dit au revoir et se tourne vers moi.
- Tu peux m'expliquer ?
- Euh, j'ai cru que... elle et toi... vous étiez...
Je crois que je n'ai jamais été aussi gênée de toute ma vie.
- Ah ! s'exclame Alex en riant. Non, voyons ! C'est seulement ma sœur !
- D'accord..., je réponds, embarrassée.
Je me tourne vers Alex. Je remarque qu'il est plus blême que d'habitude et je me demande si sa blessure va mieux, mais je décide de laisser ce sujet délicat de côté pour l'instant.
- Je voulais te dire que je suis désolée pour hier soir...
- Non, c'est moi qui est désolé.
- On oublie ça ?
- Oui.
J'aime comment c'est simple être avec Alex.
- Au fait, je rajoute en souriant, j'ai quelque chose à te montrer.
Nous marchons au bout du couloir et arrivons à la cafétéria, qui est déserte puisqu'il est presque 21 heures. Je me dirige vers le grillage qui encercle la cafétéria.
- Moi aussi, j'ai mon petit côté bad girl, dis-je à Alex en ouvrant le grillage.
- Quoi, ce n'est jamais verrouillée ? s'exclame-t-il.
- Jamais.
Alex se précipite vers les armoires et les ouvre les unes après les autres.
- Du chocolat ! Des muffins ! Des craquelins au fromage !
Je souris et fouille dans les armoires à mon tour.
- Et de la réglisse ! je m'exclame.
J'ouvre le sac et savoure ma trouvaille.
- Hey, j'en veux aussi ! dit Alex.
Nous mangeons ensemble de la réglisse, assis au milieu du garde-manger de la cafétéria, jusqu'à ce que nous entendions quelqu'un approcher.
- Qui est là ? La cafétéria est fermée à cette heure !
Je jette un œil par dessus le comptoir et vois un agent de sécurité qui marche vers nous.
- Merde, il s'en vient !
- Allez, on sort !
Nous nous levons et partons rapidement de notre cachette en laissant le grillage ouvert.
- Hey, je vous vois ! crie l'agent, mais nous ne nous retournons pas.
Je fais quelques pas, mais je m'arrête, essoufflée, le cœur battant la chamade. Je vois l'agent courir vers nous.
- June, embarque !
Alex prend une chaise roulante dans le couloir et je m'assois dessus. Nous continuons notre course, Alex derrière moi en poussant la chaise.
- Ouhou ! je crie, les bras dans les airs, comme un enfant dans un manège.
Après quelques instants, dans un couloir désert, Alex déclare :
- Je crois qu'on l'a semé !
Il tend la main vers moi et m'aide à me lever de la chaise roulante.
- On fait une sacrée bonne équipe tous les deux ! dit-il.
Nous rions, et je croise son regard. Puis, c'est plus fort que moi : je l'embrasse.
Je voulais le faire depuis longtemps déjà, et là je n'en pouvait plus.
Dès que nos lèvres se touchent, une décharge me parcourt dans tout le corps. Au début, Alex est surpris, mais après il m'embrasse à son tour. J'ai l'impression que la Terre a arrêté de tourner, que le temps s'est figé et qu'il ne reste plus que nous. L'espace d'un instant, ma maladie n'existe plus et je suis transportée dans un endroit merveilleux, bien au-delà du couloir d'hôpital où je me trouve. Mon corps n'est plus que lave en fusion lorsque je sens son souffle sur mon cou. Ses mains s'amènent à mon visage, caressant mes joues. Je sens mon cœur battre à se rompre, mais, pour une fois, je n'y prête pas attention.
- Ça goûte la réglisse, dit Alex à mon oreille.
- Tais-toi, idiot.
Et je l'embrasse encore, ignorant que ce moment allait être le dernier que je passe avec lui...
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