Chapitre 25 : Retour


... on frappe à la porte avec brutalité.

Tristan me devance et ouvre. J'entends parler, mais la musique couvre une partie du propos. Je crois bien avoir entendu le mot police. C'est dingue, le volume de la musique a soudainement augmenté. Déjà qu'on ne s'entendait plus... Je rejoins l'entrée et me glisse devant Tristan. C'est bien vrai, la police est chez moi.

— C'est vous qui habitez ici, mademoiselle ? me hurle-t-il, en essayant de se faire entendre.

— Oui, oui. Euh...

— Arrêtez immédiatement la musique.

Je me retourne et demande à Clara de couper le son. Elle s'exécute.

— Mademoiselle, nous avons reçu plusieurs plaintes du voisinage et... mais... ça sent le brûlé ? Qu'est-ce qui se passe ici ?

— Oh euh... je suis désolée. Oui, j'ai fait brûler un plat dans le four, ce n'est rien, on va aérer, et...

— Hum. Comme je disais, nous avons reçu plusieurs plaintes de vos voisins, la musique est beaucoup trop forte. Vous savez ce que vous risquez ? Le tapage nocturne est une infraction, mademoiselle.

— Oui, oui, je suis vraiment désolée. Je vais faire le nécessaire, mes amis vont rentrer chez eux, la fête est terminée, excusez-nous.

L'un des trois hommes se penche pour regarder la pièce et fait signe à ses collègues.

— Nous allons entrer mademoiselle. Il semble que la plupart des gens présents ici soient alcoolisés. Ils ne doivent pas prendre le volant. Alors... pour des raisons de sécurité, il serait bon que ceux qui sont venus en voiture acceptent de se soumettre à l'éthylotest, si vous ne voulez pas de drame.

— Oui, bien sûr. Merci.

L'un des hommes descend chercher l'appareil dans la fourgonnette, pendant que je m'évertue à remettre un peu d'ordre pour rendre l'appartement présentable. Chacun a adopté une attitude piteuse, et je suis contente que personne ne fasse d'esclandre.

Les trois personnes qui conduisent soufflent dans l'éthylotest. Deux sont positives, ils devront se faire raccompagner par Maxime. Tandis que Tristan ramasse son casque de moto posé au sol, l'un des flics lui attrape le bras avec fermeté. Tristan le toise du regard.

— Jeune homme, vous êtes venu en deux roues ? Il serait sage de mesurer votre alcoolémie, s'il vous plait.

Avec dédain, Tristan saisit l'appareil qu'on lui tend et souffle. Vu la quantité de whisky, de rhum et de vodka qu'il a ingérée, je m'attends à ce qu'il soit clairement au dessus du seuil de tolérance.

— Pas une trace d'alcool. Exemplaire. Parfait. Rentrez bien.

Je n'y comprends rien. Tristan m'adresse un sourire entendu, fier de son effet. Nous promettons aux agents de ne laisser aucune des personnes alcoolisées prendre le volant ou errer dans les rues. Nous nous en sortons sans amende, avec un simple avertissement. Je rends grâce à leur professionnalisme et à leur cordialité. À peine la porte refermée, je demande à chacun de rentrer, dans les conditions que nous avons établies avec la police : Maxime raccompagne ceux qui ont trop bu. Ils sortent tous en file indienne, sans ajouter quoi que ce soit. Je réalise alors que les deux blondes ont disparu avant que les flics ne fassent irruption, sans que personne ne s'en aperçoive. Tout le monde est reparti, mais Tristan reste, comme je m'en doutais. Il contemple la pièce lentement, et se met à rire. Puis il applaudit bruyamment, exagérant chacun de ses gestes, en ajoutant :

— Ah... Cette soirée... Merveilleuse ! Félicitations.

— Arrête ça. Et rentre chez toi.

— Mais je suis chez moi, mon adorable petite Émy...

Il me caresse les cheveux en me regardant comme un objet qui lui appartiendrait. Je recule.

— Je me souviendrai longtemps de cette belle soirée, ma puce. On a bien ri. Allez, je rentre. Mais rappelle-toi que désormais, c'est comme ça que les choses se passeront. Bonne nuit.

Fatiguée, je ne lui réponds pas. Ça ne servirait qu'à prolonger cette conversation, sans apporter de solution. Je préfère ne rien dire et qu'il s'en aille le plus vite possible. En espérant qu'il s'en aille vraiment et ne me tourmente pas pendant les quelques heures qui me restent avant le lever du soleil. Il est presque quatre heures du matin. Je ne veux pas me coucher. Et dire que cette soirée avait pour but de me permettre d'être accompagnée toute la nuit, pour éviter un nouvel événement étrange... Mais Tristan a trouvé le moyen d'agir malgré la présence de tous ces gens. Même entourée, je continue à voir des choses que je ne devrais pas, des choses dont je ne soupçonnais même pas l'existence. 

Je dois accepter l'évidence : Cyrians avait raison. Tristan me l'a prouvé, il a une influence sur ce qui l'entoure, une influence négative. Il répand le mal comme il respire. Et sans que je sache vraiment pourquoi, il n'a pas l'intention de me lâcher. Tristan est dangereux, et il ma choisie. Il ne me laissera pas tant qu'il n'aura pas obtenu ce qu'il désire : ma Conversion.

Je passe le reste de la nuit à faire le ménage et à ranger, pour essayer de m'occuper l'esprit. Lorsqu'enfin la lumière de l'aube éclaire l'appartement, je m'accorde un peu de repos et m'endors dans le canapé. Je suppose que Tristan s'est réellement éloigné, car j'arrive à dormir profondément et sereinement. C'est Isa, en frappant à la porte, qui me réveille en sursaut. Elle est bronzée et rayonnante. Je lui saute au cou et l'interroge :

— Alors, je t'ai manqué ?

— Oui, ça commençait à faire long, je suis contente d'être rentrée. Mais c'était génial, on a eu beau temps. Et toi ? Ça a été ? Tu ne donnais pas beaucoup de nouvelles, j'étais un peu inquiète... Tu n'a pas tellement bonne mine... Tu as l'air fatiguée. Et tu n'as pas dû manger gras, parce qu'on dirait que tu as perdu du poids...

Je souris intérieurement, en pensant à l'état dans lequel elle m'aurait trouvée si elle était rentrée quelques jours plus tôt. Heureusement que Cyrians l'a devancée.

— J'ai traversé une petite période difficile en début de semaine, mais ça va mieux.

— Et Tristan, il n'est pas resté avec toi ?

— Si, si, ça ne fait pas longtemps qu'il est reparti. Mais j'avais envie d'être seule quelques jours avant ton retour, histoire de bien me reposer. Et puis tu sais, ça ne c'est pas si bien passé que ça. J'ai beaucoup cogité et il avait tendance à... empirer les choses.

— Comment ça ?

— Bah, à propos du départ de Cyrians, de ton départ... Je me suis demandé si... Comme vous partiez en même temps... Enfin, ne fais pas cette tête ! J'ai cru que vous me cachiez peut-être quelque chose...

— Tu es sérieuse ? Mais enfin ! Il est parti à l'autre bout de la planète et moi en Bretagne ! Et puis, il a beau être sacrément canon, j'ai quand même passé l'âge ! Comment as-tu pu croire que je serais capable de te faire un truc pareil ?

— C'était idiot... Mais j'étais mal dans ma peau. Mais ça va beaucoup mieux, je t'assure. D'ailleurs j'ai même invité des amis pour ne pas rester seule !

— Super ! Tu as sympathisé ?

— Bof... Pas vraiment. Ils ont passé la soirée ici hier, j'ai nettoyé le plus gros.

— C'est génial, ça me fait vraiment plaisir.

Si elle savait... Je n'ose pas lui donner de détails. Elle verra le rideau cramé bien assez tôt. Hors de question que je lui raconte le fiasco de cette nuit. Pour ma part, je suis vaccinée, je n'ai plus qu'une envie : disparaître de la surface de la terre, rompre tout contact humain. Je ne suis pas faite pour avoir des amis. Je dois maintenir les gens à distance : sans le vouloir, j'ai mis Romain en danger. Pourtant, avant de commencer ma retraite hors du monde, je veux m'assurer d'une chose. Je dois savoir, il faut que je sache. Je dois être sûre, le doute n'est plus permis.    

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