s e v e n

«Le rire est le propre de l'Homme.»
Je ne ris plus depuis que tu es partie. Alors que suis-je ?

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"Il est 2h37. Tout le monde dort. Le foyer est silencieux, seul le vacarme des quelques voitures passant devant devant le bâtiment emplit la pièce où je suis. Je me sens vide. J'ai l'impression que mon âme s'envole pour ne jamais revenir. As-tu idée de ce qu'il se passe ici ? Je ne pense pas. C'est comme si le monde était devenu plus gris, plus terne, plus moche qu'il ne l'était avant. Les gens sont plus égoïste et inhumains chaque jours. Ils évoluent, mais dans le mauvais sens. Nous n'aimions pas ce monde. Tu voulais partir d'ici, et devenir une étoile. Ta passion pour la constellation m'avait toujours fasciné. Je ne savais pas si ça te rendait mignonne ou un peu folle su les bords. Mais le plus important, c'est que j'aimais ça."

Je faisais tourner mon téléphones entre mes mains, attendant un signe, un appel. Mais rien. Encore ce soir, je n'aurais pas de nouvelles. Je me tournai dans mon lit pour me positionner sur le côté, quand je sentis une longue vibration. Dans un mouvement brusque, je répondais rapidement au téléphone.

"Aiden ?"

"Aliyah.."

"Je te réveille ?"

"Non ! Non, pas du tout, je.. En fait je dormais pas, je pensais à.. Tout un tas de choses."

"Je suis désolée pour hier.."

Je levai le regard vers la toile accroché au plafond.

"Je comprend."

"Comment tu vas ?"

"Bien. Tu me manques."

Elle rigola de l'autre côté de l'appareil. Et son rire léger et innocent me fit chaud au cœur.

"C'est moi qui dit ça, d'habitude."

"Peut être que je ne te manque pas."

Elle ne répondit pas. Je n'aurais pas dû.

"Si. Énormément. Mais je n'ai plus le temps de t'appeler.."

"Tu arrives à dormir, la nuit ?"

"Non."

Alors pourquoi ne m'appelait-t-elle pas ? Je n'arrivais pas à m'y faire.

"Aiden ?"

Je pourrais donner ma vie pour elle. Je pourrais me gâcher, me rendre fou pour qu'elle soit heureuse.

"Allô ?"

Alors pourquoi ? Avais-je fait une erreur quelque part ?

Les tonalités de fin d'appel résonnèrent dans mon crâne. Elle venait de raccrocher. Je laissai tomber le téléphone contre le vieux parquet et m'allongea, le regard perdu dans le vide.

"Vous m'avez caché tellement de choses.. Je ne devrais pas vouloir te pardonner, mais comment ? Ce n'est pas de ta faute. Tu dois en avoir marre de lire ça. Mais je ne sais que faire d'autre pour garder un contact avec toi. Travie me parle de spiritisme. Prendre contact avec les morts. Je ne veux pas. Je ne veux pas prendre contact avec un mort.. Tu n'es pas morte. Tu t'en es juste allée, mais tu n'es pas morte. Les jours passaient encore et encore. J'étais à bout. Je ne pouvais plus tenir."

Le vent frais de la nuit me glaça les veines. Les rues de la ville étaient vides, seul un vacarme rythmé provenant de la gare donnait une lueur de vie à cet endroit. Au fur et à mesure, je me rapprochais de la rue marchande de la ville et ses restaurants. Je passai devant, le ventre vide mais pas un sous en poche. Puis je m'arrêtai au petit café du coin, saluant quelques personnes au passage. Tout les soirs le même rituel. J'étais de plus en plus seul, alors que faire d'autre ? J'étais le plus vieux du foyer, et j'avais la permission de sortir le soir pendant que les autres dormaient.

J'étais en pleine conversation avec Joseph, quand je pris un coup. Un visage familier. Bien trop familier. Elle était de l'autre côté de la rue, assise à la table d'un restaurant. Elle n'était pas seule, mais en tête à tête avec un homme. Mes yeux la fixèrent, et je ne pouvais plus prêter attention aux paroles de Joseph.

"Mec ? T'as vu un fantôme ou quoi ?"

Inconsciemment, je m'avançais vers les vitrine du restaurant. Et je restais là. Elle était souriante, elle avait l'air heureux. Sans moi. J'étais pratiquement collé contre la vitrine, attirant déjà les regards des autres clients sur moi. Qu'importe. Ils ne m'intéressaient pas. Puis elle croisa mon regard, et je sentis une lame transpercer mon cœur. Son sourire disparu, et elle me regarda longuement avant de baisser la tête. Pourquoi ? Qu'ai-je donc fait ?

"Monsieur ?"

Je n'ai rien fait pour mériter ça. Je l'ai toujours protégée, pourquoi me renie-t-elle ?

"Monsieur, je vais devoir vous demander de partir. Vous gênez nos clients."

Je me tournais vers le serveur un instant, et replongea mon regard vers elle avant d'hocher doucement la tête. Puis je m'en allais. Seul.

"Et quand j'y repense, je me sens bête.. Parce que je me souciais de choses futiles, sans deviner qu'il y avais beaucoup plus derrière tout ça. Je te croyais. Comment pouvais-je savoir que la vérité était tout autre ?"

Je m'éloignai, doucement, laissant mes pensées vagabonder sans vraiment y prendre attention. J'essayai de penser à autre chose, mais en vain. Comment ? Elle était la seule chose intéressante a mes yeux. Mais c'était différent pour elle.

"Aiden ?"

Je m'arrêtai net. Pourquoi est ce qu'elle m'a suivi ?

"Je dois t'expliquer quelque chose, est ce que ça te dérangerais qu'on parle quelques minutes ?"

Je me retournai pour lui faire face. Et la seule chose que j'avais envi de faire, c'était la prendre dans mes bras. Elle avait une robe ample couleur prune qui s'arrêtait au dessus de ses genoux nus, et recouverte d'une veste noire.

"Je t'écoute.."

Elle prit une inspiration.

"Écoute.." Elle s'avança vers moi "je sais à quel point c'est dur pour toi, comme pour moi, de devoir se contenter de petits moments pour nous voir. J'ai envi de te voir, tout le temps, j'ai envi de t'appeler, mais je peux pas. T'as du mal à comprendre, je sais, mais c'est pas de ma faute. Ma famille d'accueil est stricte, ils adhèrent pas aux téléphone ou au sorties trop fréquentes.. Essayes de comprendre, s'il te plaît. Je veux tous vous voir, vous parler, mais c'est difficile.."

Elle avait les yeux brillants et la voix faible. Je baissai les yeux un instant et relevai mon regard vers le gars qui se tenait non loin d'ici.

"Et lui ?"

"C'est Fred, le garçon de la famille. Les parents nous ont envoyé au resto pour sortir un peu. "

"Mais je me dis que si j'avais cherché à savoir plus, tu te serais braquée. Je te connais. Mais j'aurais préféré te voir te braquer plutôt que ça.. Et c'était une accumulation de tout. De ton absence, de mon amour pour toi, et de ta maladie. Ces choses qui m'ont rendu fou."

La porte du foyer s'ouvrit sur un visage que j'aimais revoir après tant de temps. Je m'avançai vers elle, et elle me prit dans ses bras, et j'avais l'impression de revivre. J'avais l'impression qu'elle m'appartenais de nouveau.

Elle parla un moment avec les autres, et je la regardais. Elle est si belle. Ses cheveux étaient lisses, ses yeux verts étaient légèrement maquillés. Elle était parfaite. Elle restait une heure a papoter avec les autres jeunes et on s'éloigna un moment. Elle s'asseya sur le lit, et allongea ses pieds.

"Aliyah, je.."

"Oui ?"

"Je dois te dire quelque chose."

Son visage devint soudains moins lumineux.

"Oui ?"

Je pris une longue inspiration et essayais d'ignorer mon coeur qui voulait sortir de ma poitrine.

"S'il te plait ne m'interromps pas." Elle hocha la tête. "Ça fait un moment que j'y pense et je crois que c'est tout à fait clair, maintenant.. On se connait depuis tout petits, on s'est rapproché, on se voyait comme des frères et sœurs. Et depuis que tu es dans cette famille d'accueil et que je te vois de moins en moins, je me suis rendu compte à quel point tu comptais pour moi. C'est.. Bizarre. C'est un sentiment désagréable et tellement bon en même temps. Je pense a toi tout les jours, toutes les nuits, je n'arrive plus à dormir. Je sais pas si tu vois ce que je veux dire.. En fait c'est-"

Je fus coupé par un gémissement de douleur. Elle se serrait la poitrine, et je commençais à paniquer.

"Aliyah ?"

Elle se recroquevilla et cria plus fort. Que se passait-il ? Tout se brouillait dans mon esprit, je ne voyais plus rien mis à part sa souffrance. Sans réfléchir, je criais tout les noms qui me venaient à l'esprit, que quelqu'un vienne m'aider. Je lui parlais, elle ne répondait pas. La voir souffrir me rendait fou. Elle poussa un long cri, en se tordant de plus en plus. Puis les cris des autres me firent reprendre mes esprits. Je la pris dans mes bras et la portait en dehors du foyer. La sirène de pompiers ne tarda pas à résonner dans la ville. Je lui parlais, j'essayais de la rassurer, lui dire que tout finirait bien. Elle avait les yeux fermés, et cette douleur sur le visage, des larmes coulaient sur ses joues.

"Aliyah, je t'en supplie ne pleures pas. Tout va bien se passer, je te le promet."

J'entrais dans le camion à ses côtés et refusa d'en descendre. Je lui tenais la main, lui parlait pendant que le médecin lui branchait tout pleins de câbles, mais je m'en contrefichais. Tout ce que je voyais c'est elle. Le camion s'arrêta, tout allait si vite. En quelques minutes, je me retrouvais devant une porte close, me rongeant les ongles d'angoisse.

Les heures passèrent, les médecins défilèrent. Educateurs, famille d'accueil, ils faisaient tous des vas et viens paniqués pendant que moi, je tournais dans le couloir, tremblant. J'avais peur, tellement peur.

"Monsieur Carraway ?"

Un homme en blouse blanche se présenta à moi.

"Est ce qu'elle va bien ?" m'affolais-je.

"Une minute, êtes vous son tuteur ?"

"Non, je suis un ami proche."

"Je suis désolé, mais vous ne pouvez pas la voir pour l'instant, elle va devoir subir des test dans quelques heures pour déterminer le problème."

"Dîtes moi juste si elle va bien, s'il vous plaît."

Il soupira et baissa le regard vers son calepin.

"Oui, pour l'instant."

Et il s'en alla, me laissant seul. Je restai là à attendre durant des heures, à attendre un signe de vie. Mais rien. Les couloirs se vidèrent peu à peu et je restais seul, assis au sol, la tête contre le mur. Mes paupières étaient lourdes, mais pas question que je m'en aille. Pas question que je m'endorme.

"Vous pouvez entrer."

J'avais attendu des heures avant de la voir. L'infirmière s'en alla, me laissant seul avec elle. Son teint était plus pâle, et la lueur dans sin visage ne brillait plus. Elle avait les yeux fermés, branchée de partout. Mon coeur se fendit un peu plus en la voyant dans cet état. La porte s'ouvrit de nouveau, et un grand homme en blouse blanche entra.

"Ah, bonjour. Je m'attendais à vous voir ici."

Avant que je puisse dire un mot, il s'avança et posa sa main sur mon épaule.

"Écoutez, je crains que votre amie ne soit atteinte d'une grave mal formation cardiaque. D'après les radios précédentes, elle serait en train de s'aggraver de jour en jour. Son cas est assez commun, ne vous inquiétez pas, elle sera soignée. Malheureusement, je crains qu'elle ne guérisse. Les opérations auraient dû être faites dès son plus jeune âge. Sa durée de vie diminue de jour en jour."

Une lame s'enfonça dans ma poitrine, et je sentis couler une larme contre ma joue. Je fondais en larme. Pourquoi ? Pourquoi tout ça lui arrivait-il ? Elle ne le mérite pas. Je posais mon front contre sa main froide et inerte, et lâcha toute la haine et la tristesse en moi. Une accumulation de tout, qui sortait d'un seul coup. J'avais tellement peur de la perdre.

"Comment un simple souvenir peut-il anéantir quelqu'un ? Je suis resté la nuit entière à attendre. Ils ont voulu me faire partir, mais en vain. Je suis resté dans ce couloir toute la nuit, les yeux ouverts. Je n'ai pas fermé l'oeil de la nuit. Comment pouvais-je ? J'étais terrassé. J'en voulais au monde entier, alors que personne n'était fautif. Il est 5h29. Je n'ai toujours pas sommeil. C'est sûrement parce que tu me hantes. Je t'aime. Tellement. Tu me manques, atrocement. Je me sens coupable de ta mort, et c'est là la pire chose possible. Je suis tellement désolé, Aliyah, putain, excuses moi. J'en peux plus. Je suis un monstre, je suis désolé. J'aurais jamais voulu faire une erreur pareille. "

"L'erreur est humaine. Sauf quand elle coûte une vie."

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