1. Brooklyn Bridge
- Steve... Steve Rogers ?
Le blond observait la caméra en face de lui, l'air confus. Lorsqu'un rayon rouge apparut en face de lui, rendu presque invisible par la clarté qu'offrait la fin de matinée, il ne put s'empêcher de faire un pas en arrière. Lorsqu'il comprit enfin le but de la lumière, il se pencha de nouveau vers la petite lentille noire, lui laissant tout le loisir de scanner les traits de son visage. L'image que la lentille reflétait était celle d'un jeune homme contrarié et un brin perdu - était-ce vraiment ce à quoi il ressemblait ? Il fallait qu'il s'arme de plus d'enthousiasme avant de croiser le maître de maison, et cela rapidement, puisque la double porte qui gardait l'entrée de la Tour Stark s'ouvrait déjà. Stark avait visiblement décidé de renforcer la sécurité de la Tour, ce qui constituait en soi une idée raisonnable - trop raisonnable pour le milliardaire, si l'on voulait l'avis de Steve. Mais après tout, c'était une façon de plus de montrer ses prouesses en matière de technologie.
Pour sa part, le soldat essayait toujours de s'habituer à la plupart des inventions modernes. S'il voyait bien en quoi Internet se révélait utile au reste de la population, lui-même avait encore du mal à lui trouver un usage. Peut-être que c'était cela, au fond, l'une des grandes différences entre les gens normaux et les super soldats venus du passé. Steve ne s'attardait pas sur une culture qui n'était pas la sienne, et il n'avait pas d'autres questions que celles qui pouvaient lui servir durant ses missions. Alors finalement, pourquoi s'obstiner à essayer d'apprendre ? Il n'y avait rien de plus compliqué que de devoir comprendre tout ce progrès en si peu de temps, et avec la vie de soldat en parallèle. Et évidemment, rien de plus déprimant que de ne pas réussir à maîtriser ce qui faisait une grande partie de la société dans laquelle il s'était réveillé quelques années plus tôt. Cela revenait presque à se rendre compte qu'il n'avait plus sa place nulle part.
Après une brève hésitation, Steve passa les portes et se retrouva dans une pièce trop éclairée et surtout complètement déserte. Pourtant, elle ressemblait à l'accueil d'un bâtiment quelconque - ce que la Tour n'était pas, évidemment, il suffisait de voir l'énorme A qui ornait encore la devanture. Il manquait juste une secrétaire, ou même un employé allant se servir à la fontaine à eau qui traînait près de l'ascenseur. Mais évidemment, Stark n'avait pas besoin de tout ça ici, encore moins maintenant que la Tour était plus un immeuble-prison qu'autre chose. A la place d'une forme de vie quelconque, un comptoir se tenait dans un coin, agrémenté d'un ordinateur éteint et d'un pot à crayon vide. Pas l'atmosphère la plus accueillante qu'il ait rencontré, en somme.
- Stark vous attend au quatrième étage, monsieur.
La voix robotique de Jarvis fut accompagnée par l'ouverture de l'ascenseur en face du soldat. Bien-sûr, l'intelligence artificielle du milliardaire rendait inutile la présence d'autres êtres humains pour s'occuper de l'endroit. Raison de plus pour expliquer le vide. Avec un petit soupir, Steve entra dans l'ascenseur et appuya sur le bouton orné d'un 4. La petite musique qui l'accompagna à travers les étages rendit son impression d'être victime d'une mauvaise blague encore plus forte. Comme si Fury allait apparaître devant lui dans une seconde, crier « Surprise ! » et le renvoyer dans son ancien appartement. Lorsque les portes s'ouvrirent de nouveau, faute de directeur, il se trouva face à Tony Stark.
- Rogers, l'accueillit-il d'une voix qu'il interpréta comme faussement enjouée. Vous êtes visiblement le seul à être ponctuel dans cette équipe.
- Je suis le seul à être arrivé ?
Steve fut un peu étonné d'apprendre cela. Sans pour autant pouvoir se résoudre à être en retard, il avait pris le plus de temps possible pour venir, espérant que quelqu'un aurait l'obligeance de le devancer de quelques secondes. Le milliardaire avait invité tout le monde à se retrouver à la Tour à quatorze heures, l'occasion selon lui d'expliquer directement tout ce qu'il fallait au groupe. Stark avait ajouté qu'il détestait répété les choses plusieurs fois – et le soldat commençait à avoir l'impression qu'il détestait en fait beaucoup de choses. Il lui semblait plutôt que Stark avait voulu pouvoir les surveiller lorsqu'ils débarqueraient, mais dans tous les cas, voilà qui était raté.
- Non, Bruce était en avance.
Ce qui ne semblait étonner aucun des deux hommes. Steve était soulagé d'apprendre que Banner l'avait devancé. Lui et Stark semblaient s'être rapprochés pendant la bataille de New York, et ils étaient maintenant suffisamment en bons termes pour que le milliardaire soit moins insupportable après l'avoir accueilli. Le scientifique était sans doute la seule personne que Stark appréciait recevoir chez lui. Le soldat trouvait lui-même Banner de bonne compagnie : c'était un homme respectueux et respectable. Cependant, il ne pouvait pas en dire autant de son alter-ego vert.
Lorsque Fury leur avait exposé sa brillante idée, le scientifique avait été le seul à ne pas broncher. Était-ce par timidité ou parce-que cela ne le dérangeait pas, Steve n'en avait aucune idée, et peu importait au final. Pour sa part, il n'avait pas manqué d'exprimer son avis sur la question, tout comme le reste de l'équipe. Vivre avec les Vengeurs au quotidien ? Le SHIELD ne voyait-il pas qu'il risquait bien de les faire tous s'entretuer en essayant de garder un œil sur eux, ou était-ce un plan à plus grande échelle qui visait justement à éliminer la menace que chacun d'entre eux représentait ? La pensée avait déjà effleuré l'esprit du soldat, mais il se persuadait sans cesse de son manque de véracité. Il avait peu confiance en un grand nombre d'agents du SHIELD, mais Fury n'en faisait pas partie. Si les mettre tous ensemble dans une cage de soixante-dix étages était le seul moyen qu'il avait trouvé pour montrer au gouvernement que tout était sous contrôle, alors il allait malgré lui se plier au désir du directeur.
- Vos affaires ont déjà été apportées, poursuivit le milliardaire après un long silence. Le onzième étage est tout à vous, Captain. Le douzième et le treizième sont réservés aux salles de sport, alors je pensais que cela vous ferait plaisir.
Le soldat leva un sourcil amusé. L'ingénieur essayait-il vraiment d'être sympathique ? Voilà qui le surprenait assez pour chasser sa mauvaise humeur. Si vivre avec Tony Stark s'annonçait compliqué, cela promettait au moins d'être divertissant. Steve avait encore du mal à totalement cerner le personnage, et pourtant ce n'était pas faute d'avoir essayé. C'était sans doute pour cela qu'il n'arrivait pas à arrêter d'être méfiant. Parfois, il lui semblait que le milliardaire était en constante représentation, et Steve se demandait ce qui restait au playboy si l'on grattait tout le vernis qui composait son armure. Le reste du temps, il était persuadé qu'on ne pouvait pas être aussi insupportable, narcissique et antipathique autrement qu'en restant naturel. Il pensait tout savoir mieux que tout le monde, et pourtant c'était lui qui prenait le plus de décisions impulsives, voire carrément dangereuses. Malgré tout, c'était difficile de croire qu'un grand homme tel que Howard Stark avait pu élever son fils de cette façon. Steve avait tellement bien connu le père du milliardaire que le trouver aussi désagréable lui faisait presque de la peine.
Ce fut sur cette pensée que le soldat décida qu'il valait mieux s'éclipser avant que les deux hommes ne se lancent de nouveau dans l'une de leurs tristement célèbres altercations.
- En effet, merci d'y avoir pensé. C'est tout ? Je veux dire, pas de clé ou de carte pour s'assurer qu'un extraterrestre ne rentre pas à ma place ?
Stark eut un petit rire. Steve y décela une légère touche de mépris - il restait le soldat d'une autre époque, après tout, que savait-il de ce qui se faisait désormais en termes de sécurité ? Cette idée lui fit manquer la note de détresse qui était apparue, l'espace d'une seconde, dans les yeux du milliardaire à la mention d'un possible alien.
- Jarvis s'occupe de tout ça, dit le milliardaire avec un petit sourire.
Se contentant d'un petit hochement de la tête en guise de réponse, Steve se dirigea de nouveau vers l'ascenseur. Il pouvait sentir les yeux de l'ingénieur le suivre alors qu'il appuyait manuellement sur le panneau métallique. Bien-sûr, il aurait pu demander à Jarvis de le conduire au onzième étage... Mais autant être fidèle à son image.
Cela ne faisait aucun doute : le onzième étage avait été aménagé pour lui. Une décoration très vintage ornait les différentes pièces, qui se révélaient assez vastes pour deux – non pas qu'il ait quelqu'un avec qui le partager. La lumière était tamisée, les meubles en bois sombre. Un tourne-disque était posé sur la bibliothèque près de son lit, avec une sélection de vinyles sur laquelle il promit de se pencher plus tard. Tout ce qu'il savait des goûts musicaux de Stark relevait du AC/DC qu'il passait sans arrêt pendant leurs missions communes, et dont il lui avait déjà un peu parlé. Steve appréciait d'avantage quelque chose de plus doux, mais il n'avait pas eu le cœur de le dire au milliardaire alors qu'il semblait si attaché au groupe qu'il lui recommandait avec ferveur. Aux murs étaient accrochés plusieurs tableaux qui, vu leur aspect authentique, avaient dû valoir une fortune. L'attention de Steve fut attirée par une œuvre en particulier, une représentation de Brooklyn aux couleurs aussi chaudes que celles qui l'entouraient. Le tout donnait à l'étage une apparence accueillante, chaleureuse. Un vague parfum de nostalgie flottait dans l'air. Et puis, il ne fallait pas oublier l'obligeance du milliardaire - si rare qu'elle en était plus précieuse encore. La proximité des structures sportives était également un avantage énorme aux yeux du soldat. Depuis son réveil, il n'avait trouvé la paix qu'en s'entraînant, ce qui le poussait à faire du sport de plus en plus souvent. En résumé, le plus proche il se trouvait d'un punching-ball, le mieux il se sentait.
Contempler tout cela donna rapidement au soldat un léger sentiment de culpabilité. Il savait que l'irritation qu'il avait vis-à-vis de Stark était réciproque, mais cela n'avait pas empêché le milliardaire de lui rendre son emménagement ici plus agréable. Steve avait toujours été quelqu'un d'extrêmement sensible, et il appréciait sincèrement le geste de Stark. Il espérait soudainement avoir eu l'air plus enjoué devant lui qu'il ne l'avait été face à son système de sécurité.
- Jarvis ? tenta Steve.
- Oui, monsieur ?
Il eut un bref sourire. Si l'IA comptait tous les appeler comme ça, cela allait très vite devenir confus. Et puis il avait bien du mal à imaginer Thor ou Barton être apostrophé avec cette formule.
- Combien je vous dois pour tout ça ?
Si Jarvis pouvait rire, Steve était certain qu'il l'aurait fait. Il répondit malgré tout sur un ton amusé – à quel point Stark l'avait-il rendu humain ?
- Rien du tout, monsieur. Voyez ça comme un cadeau de bienvenue de la part de Monsieur Stark.
- Vraiment ? Et bien merci, je suppose...
- Je transmettrai cela à Monsieur Stark.
Steve se contenta de hocher la tête. L'IA semblait suffisamment intuitive pour avoir compris qu'évidemment, cela l'arrangeait. Il allait culpabiliser s'il n'avait pas la certitude d'avoir exprimé sa gratitude au milliardaire, même avec la rivalité évidente entre eux. Bien-sûr, possédant sa propre réticence à l'idée de vivre à la Tour, il se doutait que la chose ne plaisait pas plus à Stark qu'au reste de l'équipe. Mine de rien, on le dépossédait encore un peu plus de la solitude qu'il semblait tant apprécier. Sans oublier l'évidence même : on louait sa célèbre Tour Stark – aussi hideuse soit-elle – sans lui demander son avis.
- Oh, et Jarvis ?
- Oui, Monsieur ?
- Appelle-moi Steve, s'il te plait.
Peut-être finirait-il par s'habituer à la Tour Stark. Il fallait juste lui donner le temps de prouver sa valeur, et c'est ce que Steve Rogers se promit de faire, ses yeux croisant une nouvelle fois les reliefs du Brooklyn Bridge.
De l'autre côté de la Tour, Bruce Banner fixait son œuvre d'un air fatigué. Il avait enfin fini de s'établir dans le laboratoire que Tony lui avait généreusement donné, et ce n'était pas chose évidente lorsqu'il fallait que tout le complexe soit dépourvu de risque. Il s'était fait à l'obligation de tout contrôler – les aiguilles bien rangées, pas de flacon en verre dangereusement proche du vide, pas d'instrument capable de l'aveugler d'un flash sans qu'il y soit préparé... Il s'était habitué, oui. Peut-être pas autant que depuis qu'il avait dû faire de nouveau appel à l'Autre pour sauver New York, mais tout de même. Les récents évènements lui demandaient juste d'être un peu plus prudent.
Tony entra dans le laboratoire avec deux tasses de café, et en posa une sur le comptoir auquel était adossé le scientifique. Ce dernier le gratifia d'un petit sourire. Oh, le café ne lui ferait pas grand-chose, il ne prenait que du décaféiné – on ne savait jamais, tout était bon pour ne pas réveiller l'Autre. Mais Bruce se contentait très bien de l'effet placebo que la boisson avait sur lui.
- Alors, l'endroit est assez pour tes sept doctorats ?
- C'est parfait, Tony, répondit sincèrement Bruce. Merci.
- S'il y a quoique ce soit que je peux ajouter, n'hésite pas à demander. A moi ou à Jarvis, d'ailleurs ; il est plus rapide que votre humble serviteur.
Les deux hommes échangèrent un petit rire. Bruce ne pouvait pas dire qu'il était ravi d'être forcé à rester à la Tour Stark, mais il appréciait au moins la compagnie du milliardaire. Il voyait bien que Stark n'avait aucune envie d'accueillir tout ce petit monde chez lui, et il le comprenait : en tant que scientifique, lui non plus n'était pas certain d'être totalement confiant à l'idée de travailler avec deux espions du SHIELD dormant à l'étage du dessus. Il était en bons termes avec Clint et Natasha, mais les choses étaient ce qu'elles étaient ; lui et l'ingénieur ne pouvaient que se comprendre.
D'ailleurs, la présence de Bruce à la Tour n'était pas exactement aussi inattendue que celle du reste de l'équipe. Tony lui avait proposé de travailler chez lui – et dans une certaine mesure, pour lui, mais ils n'avaient jamais vraiment discuté des termes du contrat – alors qu'ils cherchaient ensemble le Tesseract. Le scientifique se disait que ses talents avaient visiblement plu au milliardaire, et lui-même avait longtemps réfléchi à accepter sa proposition. Il avait finalement décliné après avoir constaté que New York avait définitivement réveillé Hulk. Après tout ce temps passé à le laisser somnoler dans un coin alors qu'il soignait les malades à Calcutta, Bruce s'était rendu compte qu'il n'avait pas géré une crise comme celle-ci depuis un moment, et qu'il fallait qu'il revienne à des habitudes presque oubliées. Dans ces conditions, il n'avait pas pu se résoudre à prendre la main tendue de Stark. Il souhaitait simplement faire profil bas, travailler sur quelques-uns de ses projets dans l'ombre, et voir comment tout cela allait se développer. Tout cela, évidemment, en gardant ce petit problème pour lui. Cependant, il fallait désormais qu'il change ses plans : il était coincé ici, tout comme le reste des Vengeurs.
Plus Bruce y réfléchissait, plus cela lui semblait être la pire idée que le SHIELD ait jamais eu.
Modifications du 23/02/2020 | Je reprends cette histoire ! Ce chapitre a été modifié et prolongé un peu. Il n'y a pas vraiment de délai pour les prochains, mais vu que c'est les vacances et que je suis de nouveau inspirée pour écrire sur nos chers Avengers, ils devraient arrivés rapidement !
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