2 - Chapitre 4
Harlock se réveilla dans sa chambre et constata aussitôt trois choses.
Premièrement, il avait chaud et horriblement mal partout comme si quelqu'un avait remplacé son sang par de l'huile bouillante.
Deuxièmement, il n'entendait pas le ronronnement rassurant habituel des moteurs, ce qui signifiait que l'Arcadia était à la dérive.
Troisièmement, il était relié à un appareil médical qu'il identifierait plus tard, et le doc était à son chevet. Le doc et au moins une autre personne, d'ailleurs, vu qu'il était en pleine conversation et que, aux dernières nouvelles, Zero n'était pas frappé au point de parler tout seul.
— Qu'est-ce que... vous faites dans ma chambre ? demanda-t-il en se redressant.
Ah. Et quatrièmement, se rendit-il compte une fois que le drap eut glissé, il n'était pas beaucoup vêtu... et à part Zero, il était en présence de personnel uniquement féminin.
Kei rougit, Mimee ne rougit pas pour une question de métabolisme, mais c'était tout comme, et la troisième fille le gifla.
Il aurait mieux fait de continuer à dormir.
— Tu es idiot ! cria Morgane.
Morgane adorait lui crier dans les oreilles. Il leva la main pour intercepter une deuxième gifle mais il n'avait aucun moyen de baisser le volume sonore, à part se jeter sur elle pour la bâillonner – et cela risquait d'être mal interprété, vu sa tenue.
— Tu te rends compte que tu aurais pu y rester, que plus tu continuais à bouger, plus le poison se diffusait vite dans ton corps et que, pour couronner le tout, j'aurais pu détruire ton vaisseau avant d'avoir compris que c'était toi ! continuait la néo-humaine aux cheveux rouges sur le même ton.
— J'ai envoyé le code d'identification à temps, protesta-t-il.
— J'avais le doigt sur la commande de tir, bordel ! Même l'Arcadia ne peut pas résister à une salve de torpilles warp à bout portant !
Oui, bon. Okay. Il faudrait qu'il essaie plus tard de faire passer ça sur le compte du « poison des griffes de mutants terriens qui l'empêchait de réfléchir correctement » mais pour l'instant il devait se résigner à ne pas avoir le dernier mot.
Et donc il devait changer de sujet... Euh... Juste après une dernière question, alors.
— Comment va Josh ? demanda-t-il.
— Il est mort, répondit Morgane. J'ai rien pu faire, désolée.
Un ange passa.
Je suis passé si près que ça du point de non-retour, alors ?
Mmm. Je pense qu'il faut dire quelque chose de gentil, maintenant.
— Je te remercie, lâcha-t-il.
Il tenta de regarder discrètement autour de lui, histoire de repérer un tee-shirt. Et un pantalon, aussi. Bon sang, il n'avait pourtant été blessé qu'au bras !
— Vous devrez rester couché pendant quelques jours, déclara le doc après s'être éclairci la gorge plusieurs fois. Trois jours, au minimum. Il faut s'assurer que le contrepoison que Mademoiselle Morgane nous a fourni est efficace, et que d'autres foyers d'infection n'apparaissent pas ailleurs que sur votre bras.
— Je vais bien, rétorqua Harlock. Je peux me lever.
Il balança les jambes hors de son lit. Ce qui serait bien, maintenant, c'est que les filles partent pour qu'il puisse s'habiller.
Zero se planta devant lui, l'air sévère.
— Je sais que vous n'aimez pas rester à l'infirmerie, capitaine, et c'est pour ça que je vous fais une concession en vous installant chez vous. Maintenant, vous avez le choix : soit vous restez tranquille ici, soit je vous rapatrie dans mon domaine, je vous attache et je vous fais tester un petit cocktail de sédatifs de mon cru et je vous assure qu'avec ça vous ne vous réveillerez pas avant une semaine !
Morgane éclata de rire.
— Wow, doc, j'ai hâte de voir ça ! Je vous donne même un coup de main, si vous voulez...
Harlock préféra ne pas insister. Il n'avait pas envie que Morgane s'occupe de lui, non merci. Il se réinstalla dans son lit, non sans avoir balancé un regard furibond au médecin au passage, lequel fit mine de ne rien remarquer.
Ah, bah. Il pourrait toujours transiger plus tard.
— Serait-ce trop demander que de réclamer un ordinateur pour accéder au réseau du bord ? fit-il.
— Non, ça, vous pouvez, répondit Zero. Mais pas trop longtemps.
Il haussa les épaules, ramassa une mallette marquée d'une croix rouge de l'infirmerie et jeta un dernier coup d'œil à son patient.
— Tant que vous restez couché, insista-t-il.
— C'est bon, doc, j'ai compris !
Zero grommelait en quittant la chambre. Probablement des malédictions.
—————
— Qu'est-ce qu'on attend ? On n'avance plus, là !
— En effet, colonel Mitchell.
L'Arcadia avait stoppé. Cam se colla le nez contre le hublot de sa cabine pour tenter d'apercevoir le vaisseau de Morgane, en vain. Il devait être de l'autre côté.
— Yasu vient de me donner des nouvelles ! annonça Vala en entrant. Le pirate qui était en stase n'a pas pu être sauvé, mais ils ont récupéré leur capitaine.
— Eh bien, tant mieux ! Peut-être qu'on va pouvoir rentrer chez nous, maintenant. Sam ?
— C'est un vrai casse-tête, mais je pense que je tiens le bon bout, répondit la scientifique, qui s'était installée avec un ordinateur portable sur un coin de table. Il ne reste plus qu'à espérer qu'ils soient disposés à faire le saut...
— Bon sang, ils ont intérêt ! S'ils ne voulaient pas nous aider, ils n'avaient qu'à le dire dès le début, on se serait débrouillés tout seuls.
— Euh... Je ne suis pas sûre que ce soit une bonne chose à suggérer...
— Exact, renchérit Vala. D'après mes estimations, la moitié de l'équipage se demande pourquoi nous sommes toujours à bord et envisage de nous balancer par un sas. La seule chose qui les a retenus pour l'instant, c'est le capitaine.
Vala fit une moue pour signifier tout ce qu'elle en pensait. Cam se défoula d'un coup de poing contre la cloison.
— Je n'ai pas l'intention d'attendre le bon vouloir de ces pirates ! s'exclama-t-il en quittant la cabine.
— Cam ! fit Carter.
Elle le suivit dans la coursive.
— Cam, attendez !
— Je vais voir Harlock, rétorqua le colonel. Nous ne faisons peut-être pas partie de ses priorités, mais je vais lui rappeler notre présence à bord !
— Je n'ai pas terminé les calculs de navigation...
— Oui, je sais. Et vous vous êtes sentie épaulée pour ce travail ? Vous estimez que vous avez reçue toute l'aide qu'on pouvait vous fournir ?
— Euh... Vous avez raison, Cam, ce n'était pas leur priorité du moment, répondit la scientifique. Mais je suis sûre que ça va s'arranger, à présent.
— Eh bien je vais de ce pas m'en assurer.
Il la planta devant l'ascenseur.
—————
Shark avait été réveillé en sursaut par une sirène hurlante. Irascible comme chaque fois que sa nuit était fragmentée, il passait ses nerfs sur un tech qui n'avait rien demandé, et qui d'ailleurs n'était pas plus au courant que lui de la cause de l'alarme.
Ils arrivèrent ensemble dans la salle de contrôle de la station. Le tech se hâta de rejoindre son poste – et de s'éloigner de son chef qui cherchait déjà quelqu'un d'autre à martyriser.
— Deux vaisseaux en approche, monsieur, lui annonça le chef de quart.
— Et vous déclenchez l'alarme pour ça ? hurla Shark. Nous sommes sur une station spatiale, merde ! Nous accueillons des vaisseaux ! Seriez-vous incompétent au point de ne pas savoir vous servir de tous ces appareils ?
Le chef de quart déglutit. Sa tête ne disait rien à Shark, mais sa station était peuplée en permanence d'un peu plus de cinq cents personnes, sans compter les équipages des vaisseaux de passage – il y en avait toujours deux ou trois arrimés aux docks.
— Non, monsieur, je sais, monsieur, bafouillait l'homme.
— Et alors ? insista Shark, ce qui ne fit qu'ajouter à la confusion du pauvre gars.
Décidément, celui-là était beaucoup trop émotif. Il faudrait qu'il pense à le faire remplacer.
— Euh... Ils ne répondent pas, monsieur, réussit-il tout de même à répondre après trois tentatives infructueuses. Et nos scanners affichent des données incohérentes.
Shark leva un sourcil. Ah. L'alarme était peut-être nécessaire, en fin de compte.
Le chef de quart avait senti qu'il venait de regagner des points.
— Voilà la vidéo que nous a envoyé la balise Delta-8, poursuivit-il d'un ton plus assuré. La partie centrale semble être une source d'énergie, mais nos banques de données n'ont aucune trace de ce type de vaisseau en mémoire. J'ai démarré une recherche plus approfondie en utilisant les archives historiques de la station.
Mmm. Finalement, il était bien, ce petit. Un détail était gênant, cependant.
— Delta-8 ? Mais c'est un cul-de-sac, de ce côté !
— En effet, monsieur... Mais les légendes racontent qu'il existerait des passages qui n'ont pas encore été découverts...
Shark balaya ces ragots de comptoir de la main. Évidemment qu'il existait des passages. Aucune zone de l'espace n'était fermée – elles étaient simplement parfois mortellement dangereuses à traverser.
Il se pencherait sur la question plus tard. Pour l'instant, il devait s'occuper de deux vaisseaux inconnus qui se rapprochaient rapidement de sa station – un coup d'œil à l'écran lui indiqua qu'ils seraient en mesure d'accoster dans moins de vingt minutes. Putain, ils avançaient vite...
— Poursuivez les appels radio, ordonna-t-il. Sur toutes les fréquences utilisables. Dites-leur que s'ils ne s'identifient pas, nous ouvrons le feu.
— Bien monsieur.
— Toutes les pièces au paré à manœuvrer ! cria Shark à travers la salle de contrôle. Préparez-vous au combat !
—————
Samantha s'était résignée à laisser Cam monter en première ligne. Après tout, le colonel était une référence en matière d'obstination, peut-être réussirait-il à obtenir quelque chose d'Harlock. Elle avait cherché Yattaran en passerelle, puis chez lui, ne l'avait pas trouvé et avait renoncé – Daniel lui avait raconté avoir un soir croisé le second dans une des salles de bains du bord, en train de tester une maquette de cuirassé dans la baignoire, mais elle ne se sentait pas le courage d'aller vérifier.
Elle s'était donc résolue à finir ses calculs de trajectoire seule, et s'était installée dans une salle de briefing vide. Et elle avait chargé son programme de navigation sur un des terminaux de l'Arcadia.
Elle se frotta les yeux, fit quelques pas dans la pièce pour se dégourdir les jambes et envisagea d'aller se passer de l'eau sur le visage. Ce devait être la fatigue, elle ne voyait que ça comme explication rationnelle.
L'ordinateur lui parlait. Elle avait déjà travaillé avec des IA sophistiquées issues de la technologie asgard ou des artefacts anciens, mais aucune ne possédait un tel degré d'interaction.
Elle fixa à nouveau l'écran. « C'est un plaisir de vous retrouver, major Carter. Vos connaissances en navigation warp ont nettement progressé depuis votre dernier passage sur l'Arcadia. Mais il reste cependant quelques petites erreurs élémentaires dans vos calculs – je vais vous corriger ça. »
Sam soupira. La fatigue, c'était évident. Aucune IA ne pouvait commencer un travail sans instructions.
— C'est colonel Carter, maintenant, murmura-t-elle.
« Oh, j'ignorais. Félicitations. »
Elle cligna des yeux.
« Je n'ai pas beaucoup discuté avec Harlock, ces derniers jours, » continuait l'écran, « il était occupé ailleurs, j'imagine. J'ai cru comprendre que le colonel O'Neill était passé général ? »
— Euh... En effet.
« N'hésitez pas à venir me rendre visite, cela me fera plaisir. Harlock n'apprécie guère que d'autres que lui s'attardent dans la salle de l'ordinateur principal, mais je m'arrangerai avec lui. »
L'écran parut faire une pause, comme s'il réfléchissait.
« Je vous ferai savoir quand les calculs seront terminés, » reprit-il. « Ne vous inquiétez pas pour les détails, je me charge de tout transférer dans le système de navigation du bord. »
L'écran clignota – cela aurait pu passer pour une baisse de tension dans l'alimentation électrique du bord si cela n'avait pas concerné que le terminal informatique – puis la vidéo se recala sur la page de calcul que Sam avait initialement chargée. Seul un message de commande au bas de l'écran lui rappelait qu'elle ne venait pas de tout imaginer.
« Fin de transmission. Déconnexion. »
Sam continua à fixer l'écran quelques secondes, puis elle secoua la tête pour s'éclaircir les idées. Elle repensa aux paroles énigmatiques d'Harlock sur Tochiro. Une hypothèse saugrenue prit racine dans son esprit.
Impossible...
Elle ne parvenait pas à se défaire de l'impression qu'elle venait réellement de discuter avec l'ingénieur de l'Arcadia.
Elle avait besoin de repos...
—————
Cam se rendit d'un pas décidé dans le château arrière, croisa le docteur Zero qui maugréait tout seul en sens inverse, s'arrêta devant la porte qui menait aux quartiers du capitaine, frappa deux coups et entra sans attendre de réponse. De toute façon il n'était pas sûr que quelqu'un l'ait entendu.
La première pensée qui lui vint à l'esprit devait ressembler à quelque chose comme « putain, tout seul avec trois filles, il ne se refuse rien. » Après un examen plus approfondi, Harlock avait plutôt l'air de vouloir se débarrasser de ses visiteuses.
— Je vais bien ! martelait-il sans que cela paraisse suivi d'un effet notoire. Combien de fois faut-il que je le répète ? C'est inutile que vous restiez ici, c'est inutile que l'Arcadia reste dans ce quadrant, et c'est inutile que tu restes à bord, insista-t-il en envoyant à Morgane un regard qui aurait fait disparaître sous terre n'importe qui d'autre.
— Eh ! Tu es venu me chercher, maintenant assume ! répondit-elle.
— Personnellement, j'étais pour l'option « sédatifs », renchérit Kei.
Les bras croisés, la jeune femme blonde fixait son capitaine comme un lépidoptériste examinerait son dernier spécimen de papillon.
— Le docteur a laissé tout le matériel qu'il faut, ajouta la troisième fille d'une voix éthérée.
Mimee était une alien, elle aussi : cheveux bleus, peau laiteuse, yeux jaunes vaguement brillants, et l'impression persistante qu'elle scannait le cerveau de son interlocuteur quand elle lui parlait. Cam l'avait croisée plusieurs fois en passerelle et avait trouvé cela très désagréable.
Harlock inspira profondément.
— J'ai dit au doc... commença-t-il.
— Et vous pensez que je vais vous croire ? coupa Kei. Zero est peut-être suffisamment crédule pour avaler ce que vous lui promettez, mais avec moi, ça ne prend pas !
Le capitaine ouvrit la bouche pour répondre et parut se rendre compte à ce moment qu'il avait un visiteur de plus. Son regard passa rapidement de Cam à son officier en troisième ; la jeune femme s'aperçut immédiatement du manège, se retourna et poussa un soupir exaspéré.
— Oh, non ! Pas vous ! Ce n'est pas le moment !
— Nous avons un saut temporel à préparer, déclara Harlock avec un demi-sourire. J'ignore l'état d'avancement des calculs de trajectoire, mais assure-toi qu'ils soient terminés et vérifiés par l'ordinateur principal aujourd'hui. Et je veux un rapport complet des dégâts qui ont été subis pendant notre « petite altercation », et savoir s'il y a le moindre risque de rupture ou d'anomalie lors du passage en navigation warp.
— Capitaine... protesta la jeune femme.
— Dehors ! C'est un ordre !
Kei sembla sur le point d'ajouter autre chose, mais elle se ravisa et tourna les talons, emmenant au passage Mimee avec elle.
— Et c'est valable pour toi aussi, reprit Harlock.
Morgane se fendit de son sourire « je te montre que j'ai des dents bien pointues et si tu y réfléchis bien je dois certainement avoir envie de te mordre ».
— Je retourne sur le Speranz... Tu sais où me trouver, si tu as encore besoin de moi. La prochaine fois, essaie simplement de me prévenir de ta venue avant que je ne commence à te tirer dessus.
Harlock grogna une réponse inaudible tandis que la fille faisait demi-tour et suivait le même chemin que Kei et Mimee. Puis il se rejeta en arrière sur son oreiller et lâcha un soupir de soulagement – du moins, ça y ressemblait furieusement.
— Vous vous êtes servi de moi comme excuse, constata Cam.
— Franchement ? Oui.
Le capitaine se redressa, sembla hésiter un peu, puis finalement s'assit sur son lit et entreprit d'ôter le tube d'injection fixé à son bras.
— Le point positif, continua-t-il tout en se débattant avec un morceau de sparadrap récalcitrant, c'est que tout ça va accélérer votre retour chez vous. Parce que je dois dire que je n'étais pas trop pressé d'effectuer un saut temporel, à l'origine, surtout lorsqu'il faut en plus glisser dans un univers parallèle.
— Vous ne devriez pas le laisser ? répondit Cam en désignant le tube, lequel était relié à une poche transparente encore à moitié pleine de liquide.
Il ne voulait pas rentrer dans une énième polémique « ce n'est pas vous que je venais chercher, c'est O'Neill, et donc je ne vais pas faire d'efforts pour vous ramener au SG-C ».
— J'ai entendu les mots « contrepoison » et « rechute », ajouta-t-il. À mon avis...
— Vous n'allez pas vous y mettre aussi ?
Harlock cessa néanmoins de triturer sa perfusion.
— Vous aviez autre chose à demander ?
Cam secoua la tête. Il avait obtenu ce qu'il voulait. S'il restait, Harlock allait fatalement prononcer le nom « O'Neill » et ça allait l'énerver. Il pensa cependant à un détail alors qu'il avait la main sur la commande d'ouverture de la porte.
— Comment saviez-vous que cette Morgane possédait le médicament qu'il vous fallait ?
— Un coup de chance.
Harlock dut sentir que ce genre de réponse n'était pas satisfaisante.
— Elle est néo-humaine, expliqua-t-il. Certains de ses compatriotes possèdent les mêmes particularités que les créatures qui nous ont attaqués sur Terre.
— Oh. Des mutants civilisés, en quelque sorte.
— En quelque sorte.
Le regard du capitaine se perdit dans le vague.
— Mais je ne me souviens pas que quiconque soit resté en vie après avoir traité Morgane de mutante...
— Ah. Okay. Merci du conseil.
Voilà qui lui éviterait de commettre un impair... Même si, a priori, il n'aurait plus à croiser ni Morgane, ni son équipage, ni aucun mutant.
—————
O'Neill avait quitté son bureau spacieux de général au Pentagone pour réintégrer un petit local exigu au SG-C, mais il ne lui serait jamais venu à l'idée de se plaindre. Il avait fait des pieds et des mains pour participer à l'opération en cours et avait finalement réussi à se faire détacher en tant qu'expert ès « dossier Arcadia ». Ce qui ne voulait strictement rien dire et ne servait d'ailleurs absolument à rien ; d'un point de vue technique, il en savait probablement moins sur le vaisseau d'Harlock que tous les gars qui avaient lu le rapport de mission en entier et qui avaient compris ce qu'avait écrit Carter.
Il se demanda qui, à l'état-major, était dupe quand ils avaient décidé de l'envoyer ici... Mais bon, le principal, c'était le résultat : ce qui était important, c'était qu'il soit aux premières loges afin de participer au sauvetage de SG-1, où qu'ils puissent être. Avec un peu de chance, il pourrait même faire partie d'une équipe sur le terrain... De l'action, comme au bon vieux temps. Voilà qui lui changerait de son travail de bureau.
Landry entra en coup de vent.
— J'ai des nouvelles, Jack !
— Fields, ou Bra'tac ?
Fields leur avait envoyé le transmetteur et sa clé de chiffrage depuis la zone 51, avec toutes les bandes enregistrées qu'il avait récupérées. Le tout avait été installé dans l'Odyssée qui avait pour mission de se rapprocher le plus possible de P4X-48C sans se faire détecter et de larguer dans l'espace le transmetteur bloqué sur le mode « émission automatique ». En espérant que quelqu'un, quelque part, soit en mesure de capter le signal.
Bra'tac, lui, s'était lancé sur la piste du vaisseau fantôme de manière plus conventionnelle.
— Bra'tac, répondit Landry. Il vient de retrouver notre mystérieux vaisseau à l'opposé de P4X-48C.
L'option « essayons de le contacter par radio » venait de faire long feu.
— Et il nous envoie plus d'images que ce qu'il avait ramené la dernière fois ? ironisa Jack.
— Tout à fait.
Landry fit durer un peu le suspense.
— Accouche, Hank. Ne me fais pas languir.
— Une séquence complète « sortie d'hyperespace sous camouflage / désactivation du dispositif de furtivité / entrée dans l'atmosphère », répondit le chef du SG-C en chargeant le contenu d'un DVD sur l'ordinateur de Jack. Tu avais raison, poursuivit-il, ce n'est pas l'Arcadia.
Il s'interrompit le temps qu'O'Neill visionne la vidéo.
— Néanmoins, reprit-il ensuite, certains détails me donnent à penser que ton ami Harlock a quand même quelques liens avec ce vaisseau...
O'Neill hocha la tête. Effectivement. Même si la forme du vaisseau était complètement différente – celui-là était ovoïde alors que celui d'Harlock était beaucoup plus anguleux –, il était impossible de ne pas remarquer des similitudes troublantes – deux exactement. D'une part, le design farfelu, avec pour résultat l'insertion anachronique de détails de construction empruntés aux anciens galions espagnols. D'autre part, une propension certaine à vouloir afficher ostensiblement un emblème bien spécifique, en particulier sur la proue et sur un pavillon de poupe.
— Encore un pirate, hein ? plaisanta Jack. À moins que ce ne soit la mode, au trentième siècle, de décorer son vaisseau avec des têtes de mort...
— Il s'est posé sur une planète éloignée, de l'autre côté du secteur tollan... PZ3-18, ou quelque chose comme ça, fit Landry, l'air grave.
— Il n'y a pas une base jaffa, là-bas ?
— Plus maintenant.
— Oh. Hostile, alors.
— J'en ai peur.
Jack soupira. Comme s'ils n'avaient pas suffisamment à faire avec les Oris et les complots politico-religio-guerriers de différentes factions jaffas, voilà qu'en plus, ils allaient devoir s'occuper d'un pirate du futur.
Qu'est-ce qu'il vient faire ici, d'ailleurs ? Participer à la curée ?
Tout ça ne leur ramènerait pas Carter et les autres.
— D'après les informations que Bra'tac a pu récupérer, continua Landry, le vaisseau était piloté, ou tout au moins transportait des Jaffas. Et ils semblaient être commandés par une femme.
— Un Goa'uld ?
— Bra'tac n'a rien de plus. Les rebelles jaffas qui ont survécu sont ceux qui ne se sont pas approchés du vaisseau.
Landry haussa les épaules.
— Ah, si. Elle est rousse.
— Comment ?
— La fille. Elle a les cheveux roux.
O'Neill manqua une respiration. Ça, c'était capital. Bien sûr, c'était peut-être une coïncidence. Il existait peut-être d'autres pirates rousses dans le futur.
Mais une seule connaissait déjà le coin.
— Emeraldas, murmura-t-il.
— Celle qui est dans ton rapport ? Attends, elle n'est pas de notre côté ?
— Je croyais que tu avais lu ce rapport, Hank ?
— Oui, évidemment, sa façon de négocier avec Ba'al était assez ambiguë, mais au final, le résultat était là, non ?
— Mouais...
O'Neill fit une moue dubitative. Il ne voulait pas casser le moral de Landry, mais il était préférable qu'il soit averti avant qu'il essaie de traiter avec cette fille.
— Je ne l'ai pas noté dans le rapport de mission, Hank, parce que s'interroger sur la possibilité d'une alliance avec des voyageurs temporels était absurde...
Il secoua la tête. Il aurait dû l'écrire. Il avait eu un doute, à l'époque – une chance sur un million de les recroiser, avait-il pensé... ça n'arriverait jamais.
— Je n'ai jamais été capable de déterminer si l'on pouvait se fier ou non à Harlock, continua-t-il. Mais j'étais – je suis – certain qu'on ne peut pas faire confiance à Emeraldas...
—————
Adria écoutait le compte-rendu du prieur et ne pouvait s'empêcher d'arborer un sourire satisfait. Elle avait eu raison de rester autour de P4X-48C, elle avait eu raison d'envoyer de vaisseaux dans le « trou » et surtout, elle avait eu raison de croire que sa mère était toujours en vie quelque part.
Évidemment, il y avait des bonnes et des mauvaises nouvelles, dans ce compte-rendu. Celle qui lui faisait le plus plaisir, et qui lui prouvait qu'il ne fallait pas écouter les prieurs, beaucoup trop timorés, c'était qu'il existait toute une galaxie de l'autre côté de « trou ». Des milliers de planètes à convertir, afin que la foi des fidèles fasse encore grandir la puissance des Oris.
Ce qui était positif, également, c'était que le « trou » laissait passer les ondes radio, dans les deux sens. Elle pourrait ainsi sans difficultés donner ses instructions à la flotte spéciale qu'elle allait envoyer de l'autre côté.
Après, le rapport était moins optimiste. Apparemment, les autochtones y étaient plus belliqueux et plus puissants : ils avaient ouvert le feu avant même qu'un prieur ait pu se téléporter parmi eux pour prêcher la foi des Origines et avaient réussi à détruire un vaisseau tandis que le deuxième, sérieusement endommagé, était parvenu à s'éloigner de justesse afin de pouvoir relater les événements à l'Orici.
Il ne s'agissait cependant que d'un contretemps sans importance. Ses vaisseaux avaient été pris par surprise, cela ne se reproduirait plus. Rien ne pourrait empêcher la croisade ori de s'étendre dans cette nouvelle galaxie.
Elle se félicita d'avoir conservé une flotte importante prête à agir en orbite autour de P4X-48C. La contre-attaque pourrait ainsi être immédiate, efficace, foudroyante.
Elle vérifia que la clause particulière concernant Vala était bien inscrite dans ses ordres, puis elle les transmit aux vaisseaux. La flotte se mit lentement en branle, et, un par un, les vaisseaux disparurent dans le « trou ».
Adria sourit. Elle était d'humeur joyeuse. Ah, si. Il restait un dernier détail à régler avant qu'elle puisse reprendre le cours initial de sa croisade.
Elle avait repéré un vaisseau terrien dans les parages. Oh, il était resté à distance (probablement croyait-il être discret), et il avait simplement largué un dispositif de transmission. Le contenu était étrange, crypté d'une manière inédite, plus technique que ce à quoi le SG-C l'avait habituée. Elle était venue à bout du code en quelques heures seulement, mais le message... il n'avait aucun sens.
À quoi pensaient les Terriens en envoyant cela ? La seule hypothèse qui lui venait à l'esprit, c'était que le SG-C tentait de contacter quelqu'un par le « trou » mais que, n'ayant une technologie suffisamment évoluée, ils se contentaient de réexpédier un ancien message.
Toujours est-il que ce point était légèrement contrariant. Si la Terre parvenait à s'allier à une planète qui possédait la technologie nécessaire pour détruire des vaisseaux oris – et une telle planète existait de l'autre côté du « trou », c'était certain – la croisade deviendrait problématique. Les humains étaient tenaces. Et très imaginatifs en matière d'armement.
Il n'y avait pas trente-six solutions. Il fallait traiter le problème à la source.
Elle gagna la passerelle de contrôle.
— Envoyez une flotte vers la Terre, ordonna-t-elle. Et détruisez-la.
—————
Harlock fixait le plafond de sa chambre avec suffisamment d'intensité pour pouvoir passer à travers et se téléporter jusqu'en passerelle, si toutefois il avait possédé les capacités psychiques nécessaires.
Il jeta un coup d'œil à la poche transparente reliée à son bras et qui lui injectait lentement dieu sait quoi. Enfin, si, il savait quoi, c'était le contrepoison de Morgane, mais pourquoi ne lui avait-elle pas donné un médicament plus rapide à assimiler, genre un comprimé ou un sirop, et il aurait même fait l'effort de suivre la posologie, deux cuillères par jour pendant une semaine, tout mais pas ce truc qui le clouait au lit !
Et merde.
Après tout, s'il n'était pas attaché, c'était que ce n'était pas vital qu'il reste couché. Contrairement à ce que prétendait Kei, il savait très bien que le doc n'était pas dupe – Zero avait trop souvent tenté de le retenir, que ce soit à l'infirmerie ou n'importe où ailleurs, pour ne pas être pleinement conscient que le capitaine ne tenait pas en place. Et donc, s'il avait voulu l'immobiliser, il aurait mis les moyens.
Harlock se leva, non sans s'être préalablement assuré que sa chambre était bien vide – on ne savait jamais, et il n'avait pas envie qu'un garde du corps quelconque le replaque illico contre son lit, il avait suffisamment mal partout comme ça.
Il faudrait qu'il demande au doc si les fourmillements qu'il ressentait dans les articulations – et les muscles, et les os, et les cheveux – étaient dus au poison ou au remède, d'ailleurs.
Il attrapa des vêtements dans son armoire, batailla pendant presque quatre minutes avec la poche de transfusion – ça marchait par gravité, donc s'il la fixait un peu plus haut, tiens, au niveau de son épaule, là... Bon, ce n'était pas très pratique, mais ça ferait l'affaire.
Il détestait ne pas participer à l'action. Et s'il s'avérait qu'il ne se passait rien et qu'il pouvait prendre un peu de repos, et bien il y avait un fauteuil, en passerelle, qui conviendrait parfaitement pour ça.
—————
— Une communication sur notre fréquence de détresse privée, ma'am !
Morgane venait juste de se réintégrer sa passerelle. Son premier lieutenant lui avait transmis les quelques événements qui étaient survenus durant son absence – un collecteur qui avait lâché à cause du régime accélération / décélération pendant le combat, un gars qui avait fait une crise radioactive due au stress et qui avait contaminé ses collègues de travail et la chambre de confinement qui produisait trop d'isotopes gamma, comme toujours. Rien de bien passionnant, somme toute. Elle s'apprêtait à replonger dans la monotonie de sa patrouille lorsque le radio annonça l'appel de détresse. Une grenade à fragmentation au beau milieu de la passerelle n'aurait pas produit plus d'effet.
— D'où est-ce que ça vient ? demanda-t-elle aussitôt.
Elle pouvait compter ceux qui connaissaient cette fréquence sur les doigts d'une main ; l'un d'eux était dans le vaisseau à côté duquel elle croisait.
— Coordonnées zéro zéro yankee, deux sept alpha, énonça le radio.
Ce n'était pas très loin.
— Shark...
—————
Kei vérifiait les paramètres de navigation que l'ordinateur principal venait de transmettre à la passerelle lorsque Mimee capta le message crypté.
Il ne s'agissait pas des codes de cryptage de l'Arcadia ; le décoder prendrait un peu de temps – l'ordinateur principal avait quand même ses limites.
— Un appel du Speranz, ajouta Mimee à peine vingt secondes après la première communication.
— Sur écran.
Morgane avait le visage grave.
— Je viens de recevoir un signal de détresse de la station Cen't, annonça-t-elle de but en blanc. Je vous laisse.
Kei s'apprêtait à proposer son aide. Bien sûr, elle n'avait pas autorité pour décider une telle chose, ça demanderait un petit délai le temps qu'elle pose la question au capitaine, mais elle ne l'avait jamais vu refuser de répondre à un appel de détresse.
Ce ne fut même pas nécessaire, étant donné que le capitaine entra en passerelle à cet instant.
— Shark a des ennuis ? demanda-t-il aussitôt.
— Il semblerait.
— Connaissant l'armement qu'il déploie sur sa station, il a dû tomber sur quelque chose de coriace.
Morgane le regarda avec une pointe d'humour.
— Dis donc, fit-elle en comptant sur ses doigts. Le temps passe drôlement vite, chez vous... Trois jours, déjà ?
— Je te suis, coupa Harlock. Et je vais bien, maugréa-t-il en s'asseyant.
Kei baissa les yeux lorsqu'il regarda dans sa direction. Non, elle ne se faisait pas de souci. Et elle n'irait pas le ramasser à la petite cuillère s'il tombait encore dans les pommes.
Morgane coupa la communication. Le Speranz s'éloignait déjà.
— Naviguez dans son sillage, ordonna Harlock. Et calez-vous sur sa vitesse.
Il enfonça le bouton de diffusion générale.
— À tout l'équipage. La station Cen't vient d'envoyer un appel de détresse. Il s'agit probablement d'une attaque par un ennemi non identifié. Nous faisons route vers elle pour lui porter assistance.
Il leva un sourcil interrogatif à l'intention du navigateur.
— Nous arrivons sur zone d'ici deux point cinq heures, termina-t-il lorsque la courbe de trajectoire s'afficha sur l'écran tactique.
Kei entra les nouveaux paramètres sur sa propre console sans se soucier des protestations de l'ordinateur principal. Elle jeta néanmoins un coup d'œil à sa voisine : le colonel Carter était montée en passerelle avec des calculs de trajectoire terminés et la ferme intention d'effectuer un saut warp le plus vite possible. Elle lui fit un sourire contrit. Là, c'était mal parti.
— Capitaine, le saut temporel... tenta-t-elle tout de même.
— Plus tard.
— Capitaine... protesta Carter.
— J'ai dit plus tard.
Au moins, c'était clair, et puis SG-1 n'en était plus à un contretemps près.
Carter quitta la passerelle sans ajouter un mot, mais avec un regard qui en disait long. Kei sourit. Elle était curieuse de voir comment réagirait Mitchell, cela promettait d'être explosif.
—————
Atterré, O'Neill visionnait les images que l'Odyssée venait juste de transmettre au SG-C.
— Ça sent le roussi, Hank. Vous avez demandé des renforts ?
Une flotte ori se dirigeait vers la Terre. Certains jours étaient comme ça, avec les tuiles qui s'empilaient les unes après les autres.
— Nos alliés nous ont poliment fait savoir qu'ils étaient soumis à un problème identique sur leurs planètes respectives... Bra'tac a même laissé entendre qu'il s'étonnait que nous n'ayons pas été attaqués plus tôt.
— Et les Asgards ?
— Avec la dérouillée qu'ils ont pris la dernière fois qu'ils ont croisé des Oris, je les ai sentis un peu frileux, répondit Landry. Mais ils envoient tout de même un de leurs vaisseaux.
— Ce ne sera pas suffisant.
— J'ai peur que non. Et il arrivera trop tard.
Landry eut un geste fataliste.
— Il ne reste que l'arme des Anciens en Antarctique. Et toi pour la mettre en marche...
— Je ferai de mon mieux, Hank, mais ça non plus, je ne pense pas que ce soit suffisant pour les retenir...
—————
— Le colonel Mitchell est demandé en passerelle.
Cam échangea un regard exaspéré avec Carter. Dire qu'elle venait justement de le convaincre de ne pas monter en passerelle pour éviter d'envenimer la situation.
— Qu'est-ce qu'il veut encore ? Il a changé d'avis ? Ça y est, on rentre ?
Il prit l'ascenseur en grommelant contre l'inconstance de ces pirates, même pas capables de faire un petit saut temporel de rien du tout. Sam le suivit de justesse avant que les portes ne se referment et il remarqua qu'elle faisait son possible pour ne pas lui rétorquer que ce n'était pas un petit saut temporel de rien du tout.
De toute façon, il le savait déjà, il avait bien compris la problématique même s'il faisait sa tête de mule. Mais il avait hâte de rentrer au vingt-et-unième siècle. Après tout, une armée d'Oris belliqueux l'attendaient là-bas, et le SG-C avait besoin de SG-1 pour sauver la galaxie, comme d'habitude.
— Que se passe-t-il ? demanda-t-il sitôt posé le pied en passerelle.
Harlock désigna l'écran principal.
— Je me suis dit que vous apprécierez nous voir combattre, répondit-il. Un vaisseau inconnu. Nous essayons de le contacter, pour le moment.
L'écran tactique était scindé en deux : d'un côté, il montrait un agrandissement d'une station spatiale dans laquelle était encastrée une épave non identifiable (et en plusieurs morceaux), sur l'autre, un vaisseau endommagé tentait visiblement de prendre ses distances avec la station alors que la plupart de ses moteurs étaient hors-circuit.
Endommagé, mais certainement pas inconnu.
— Des Oris, ici ? s'exclama Cam.
Harlock leva un sourcil étonné.
— Vous les connaissez ?
— Ces fanatiques convertissent de gré ou de force toutes les planètes sur leur passage, ils passent difficilement inaperçus !
— C'est la première fois que je croise un vaisseau de ce type.
— Ils viennent d'une autre galaxie, expliqua Carter. Ce qui est étonnant, c'est que nous sommes presque au centre de notre galaxie et qu'ils ne se soient pas manifestés avant... à moins qu'ils n'aient construit une super porte ici.
— Cet univers n'utilise pas la technologie des portes des étoiles, colonel Carter, rétorqua Harlock.
— Peut-être les Oris...
— Oui, peut-être. Toujours pas de réponse ? demanda-t-il au radio.
— Aucune, captain.
Le pirate esquissa un demi sourire à l'intention de Cam.
— Si ce sont vos ennemis, alors...
Il fit signe à son radio.
— Ouvrez-moi un canal vers le Speranz... Harlock pour le Speranz, transmit-il une fois la fréquence activée, ennemi identifié comme extraterrestre agressif répondant au nom de « Ori »... Il est à toi.
— Trop aimable, répondit la voix de Morgane. Mais c'est surtout parce que tu n'es pas encore en portée de tir, n'est-ce pas ?
— On se rejoint sur Cen't, éluda Harlock.
Il se tourna vers le colonel.
— Vous êtes tenté par une visite de station spatiale ? Avec un peu de chance, vous pourrez faire un carton sur un ou deux Oris...
— Euh... en fait, les Oris sont immatériels, fit Mitchell. C'est des prieurs qu'il faut se méfier. Ils sont toujours une poignée à bord de ces vaisseaux.
— Une poignée, ça devrait être parfaitement jouable, rétorqua Harlock d'un ton sarcastique. Je vais juste vous fournir autre chose que vos armes rétrogrades.
— Je possède un zat, répondit Cam, vexé.
— Oui, c'est bien ce que je dis...
Cam admira la vue sur l'écran tactique pendant qu'Harlock donnait la suppléance du vaisseau à Kei et s'abstint de faire remarquer que passer le commandement de son vaisseau à son officier en troisième alors que le second était encore en passerelle manquait de logique. Décidément, il renonçait à comprendre le fonctionnement hiérarchique de l'Arcadia.
Dehors, le Speranz évoluait avec toute la grâce d'un vaisseau de combat lourdement armé – ça faisait très « prédateur fondant sur sa proie sans défense » – lâcha négligemment une torpille qui vint exploser en plein sur le cœur énergétique du vaisseau ori, se paya le luxe de se rapprocher au plus près de sa cible et, ignorant les tirs de défense sporadiques du vaisseau moribond, l'acheva d'une bordée de canons.
— Bon débarras, marmonna Mitchell.
Était-ce parce que le vaisseau ori avait déjà subi de graves avaries qu'il avait explosé si facilement, ou bien l'armement du Speranz était-il vraiment supérieur au point de pouvoir, en un seul coup, percer un trou dans la coque d'un vaisseau que même les Asgards avaient du mal à endommager ?
Cam était tenté de choisir la deuxième solution. Mmm... Peut-être devait-il mandater Vala pour qu'elle achète un de ces vaisseaux pirates...
— Vous venez, colonel ?
Harlock l'attendait devant l'ascenseur. L'Arcadia s'était rapprochée de la station sans que Cam ne s'en aperçoive – à vrai dire, il était trop obnubilé par le spectacle du Speranz s'acharnant à transformer le vaisseau ori en tout un tas de paillettes de métal – et se tenait en équilibre précaire à proximité d'un dock encore à peu près intact.
Cam se hâta se rejoindre le capitaine pirate. Pas question qu'il reste en arrière ; puisqu'il semblait que son retour au SG-C était sans cesse retardé, alors autant qu'il aille se défouler contre un prieur ici.
—————
Le prieur quitta sa méditation, troublé par l'explosion du deuxième vaisseau et la souffrance de ses occupants qui se répercutait dans le subespace. Sa foi avait beau être sans faille, il ne pouvait se cacher que la situation ne tournait pas à son avantage.
— Montre-toi, épouvantail dégénéré ! cria une voix.
Il se concentra pour en déterminer la provenance. L'homme était proche, abrité derrière un recoin de la coursive, armé et – pensa le prieur avec une pointe de regret – définitivement fermé à la foi des Origines.
Un échange de tirs violents obligea le prieur à reculer. Les quelques soldats qui avaient survécu au crash de leur vaisseau sur la station résistaient avec toute l'énergie que leur conférait leur foi, mais c'était sans espoir.
— Loués soient les Oris, murmura le prieur.
Il ne craignait pas les dommages collatéraux. Au contraire, il se réjouissait pour tous ses fidèles qui atteindraient l'illumination grâce à leur noble sacrifice.
Il s'avança prudemment, car il s'était avéré que la puissance de son bouclier personnel était insuffisante pour contrer une rafale des armes de ses ennemis, s'assura que l'espace autour de lui était bien dégagé pour une meilleure dispersion et brandit son bâton.
Le cristal étincela.
—————
— Ces Oris, comment en êtes-vous arrivés à les combattre, s'ils viennent d'une autre galaxie ?
Kei se demandait si elle allait s'asseoir dans le fauteuil de commandement ou pas. À la réflexion, non.
— Un malheureux concours de circonstances, répondit Sam Carter. Nous avons activé un artefact qui a établi une connexion entre nos deux galaxies. Les Oris se sont rendu compte à ce moment qu'une civilisation évoluée s'était développée dans une galaxie qu'ils avaient quittée plusieurs dizaines de milliers d'années auparavant, et depuis ils s'emploient à nous... reconquérir.
Le colonel s'était installée au pupitre de navigation et relisait distraitement des lignes de code que Kei savait être les courbes de trajectoire de leur voyage temporel retour.
— Mais je ne comprends pas ce qu'ils font ici, continua-t-elle.
Kei haussa les épaules. Quel que soit cet ennemi, il n'était plus en mesure de nuire, à présent.
Carter faisait toujours défiler devant ses yeux les calculs de navigation, mais elle pensait visiblement à autre chose.
— À propos... reprit-elle finalement. Je me demandais... ce qui était arrivé au professeur Oyama.
— Tochiro ?
Kei eut un sourire triste.
— Des radiations, expliqua-t-elle. Un contact prolongé sans protection. Il savait que ce sur quoi il travaillait était dangereux, mais c'était bien le seul. Sa maladie a été longue et... pénible sur la fin. Pour tout le monde. C'était incurable, vous comprenez ? Nous ne pouvions que le laisser souffrir...
— Je suis désolée.
— Ce qu'il a laissé derrière lui permet de mieux supporter le deuil... Enfin, cela dépend de l'interprétation que l'on en fait.
Carter leva un sourcil sceptique.
— Vous voulez parler de l'ordinateur principal ?
— Tout dépend de l'interprétation que l'on en fait, répéta Kei.
— J'ai travaillé sur les terminaux informatiques de l'Arcadia, insista la scientifique. Le centre névralgique du vaisseau possède l'IA la plus performante que j'ai jamais rencontrée... Et curieusement, tout le monde ici semble décidé à éviter d'aborder le sujet.
Kei soupira. La scientifique avait un point de vue cartésien sur la question – c'était normal, vu sa spécialité. Mais le sujet était délicat. Elle baissa la voix.
— Cet ordinateur est unique, expliqua-t-elle. Son IA relève d'un niveau de technologie bien supérieur aux standards de ce siècle...
— Ça ne m'étonne pas. Je n'ai pas connu le professeur Oyama très longtemps, mais je pense sincèrement que c'était un génie.
Kei hésita.
— L'Arcadia était son œuvre, reprit Carter. Pourquoi donc êtes-vous tous si gênés lorsqu'il s'agit d'évoquer l'ordinateur principal ?
— C'est... éthique. Et les avis sont partagés, même à bord.
— Je ne comprends pas.
Kei prit le temps d'organiser ses idées. Elle s'aperçut qu'elle-même avait soigneusement évité de trop se pencher sur cette problématique. C'était... Sam Carter avait raison, c'était gênant. Un simple « oh, au fait, le vaisseau est hanté » ne satisferait pas la scientifique – pas plus que cela ne la satisfaisait, elle.
— Juste avant de mourir, Tochiro a conçu une IA qui possède ses connaissances, son expérience, ses... tics de comportement... Il l'a conçue pour agir comme lui. Pour... être lui.
Carter réfléchit un instant.
— J'ai eu l'impression de discuter avec le professeur Oyama lorsque je me suis connectée aux terminaux du bord...
— L'impression, oui... Ou la réalité. Tout dépend de l'interprétation que vous en avez.
— Et quelle est la vôtre ?
Kei secoua la tête.
— Je ne sais pas... Je ne sais vraiment pas, avoua-t-elle. Est-ce que Tochiro a surmonté la mort ? Est-ce que son esprit est intégré à l'ordinateur ? Pour l'éternité... Dans une machine... Personnellement, je préfère penser qu'il s'agit d'une IA. Mais parfois c'est tellement... c'est tellement lui !
Elle s'interrompit lorsque deux des tubes d'abordage de l'Arcadia se déployèrent vers la station.
L'arrimage se déroula sans incident.
— Restez en contact permanent avec le capitaine et l'équipe de reconnaissance, ordonna-t-elle au radio.
Elle vérifia encore une fois les relevés d'activité. Ce n'était pas engageant : d'après les senseurs, la station était quasiment déserte alors que d'ordinaire elle ressemblait plutôt à une fourmilière.
— Qu'une deuxième équipe se tienne parée à intervenir s'il y a le moindre accrochage, ajouta-t-elle.
Elle se demanda si le capitaine lui tiendrait rigueur de cet excès de prudence. Puis elle se demanda, comme à chaque fois, s'il avait bien conscience des risques qu'il prenait en s'exposant ainsi, à toujours faire partie de la première équipe d'intervention.
Probablement pas.
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