2 - Chapitre 2

Le Queen glissait le long d'une perturbation magnétique. Emeraldas sommeillait dans ses quartiers en écoutant un morceau d'ancienne musique terrienne.

« Détection masse métallique en approche », fit l'ordinateur.

— Un vaisseau ? demanda Emeraldas.

Quelques secondes passèrent, le temps que l'ordinateur traite la question et recalibre ses scanners.

« Aucun système propulsif en fonction. Aucune similitude avec les types de vaisseaux standards de la base de données. Recherche approfondie en cours », répondit-il.

Hmm. C'était probablement sans intérêt, mais quoi que ce soit, ça avait au moins le mérite de rompre la monotonie de la journée.

Emeraldas se leva et gagna la passerelle.

— Visuel sur écran dès que nous sommes en portée, ordonna-t-elle.

Elle se souvint d'un détail alors qu'elle s'asseyait dans le fauteuil de commandement.

— Fais-moi un scan de recherche de formes organiques.

La zone était mal cartographiée. Emeraldas avait pu observer ces dernières semaines une extension des anomalies, sans qu'elle puisse y trouver une raison. Si un appareil s'était égaré dans ce quadrant, il avait dû essuyer de plein fouet les tempêtes magnétiques. Peu de vaisseaux étaient capables d'y résister.

Elle se demanda combien de temps ils avaient pu tenir dans cette zone. Toute leur électronique avait dû griller dès la première vague magnétique... Mais bon, peut-être restait-il des survivants, si elle n'arrivait pas trop tard – les chances de survie à l'intérieur d'un vaisseau sans propulsion tombaient à zéro au bout d'une semaine, et encore, si les systèmes auxiliaires étaient toujours fonctionnels.

« Formes de vie détectées, concentrées dans une seule zone. Données organiques incohérentes », annonça l'ordinateur. « Affichage de l'image en cours. »

Qu'est-ce qu'il veut dire avec ses données incohérentes ? Il ne reconnaît plus les êtres vivants, à présent ?

Emeraldas prit mentalement note de vérifier la programmation de l'ordinateur principal, quand la vidéo s'afficha brusquement.

Elle se leva, sous le choc.

Bon sang ! Que fait-il ici, celui-là ?

Pas étonnant que la base de données n'ait pu fournir de réponse rapide. Aucun vaisseau de ce type ne croisait plus dans l'espace depuis des siècles. Mais elle le reconnut sans peine ; sa forme pyramidale était par trop caractéristique. Et à sa connaissance, aucun autre peuple n'avait utilisé ce design si particulier.

Elle avait déjà eu l'occasion de monter à bord d'un de ces appareils... Le souvenir d'une aventure au vingt-et-unième siècle traversa son esprit.

Un Goa'uld ?

                                                  —————

Vala avait sorti une pièce de sa poche, et jouait à pile ou face la coursive qu'elle allait emprunter.

Face. À gauche.

Le vaisseau semblait désert. Elle n'avait croisé personne, et les seuls locaux qu'elle avait visités avaient l'air de tous servir d'espace de stockage. Elle n'avait pas dû prendre la bonne direction. Où donc étaient les locaux techniques, les systèmes d'armes ? Où était l'équipage, d'ailleurs ? Elle ne pouvait même pas rebrousser chemin. Elle avait tourné et retourné dans ces satanées coursives, et elle ignorait totalement où se trouvait sa cabine, à présent.

— Il y a quelqu'un ? appela-t-elle au hasard.

On ne savait jamais...

Elle attendit quelques secondes, tendant l'oreille, mais rien de notable ne se passa.

Bon. Je suis perdue.

La logique aurait voulu qu'elle reste sur place jusqu'à ce que quelqu'un la retrouve. Elle aurait même été heureuse de voir surgir le colonel Mitchell, tiens, même si elle risquait à tous les coups de se faire sermonner – une fois de plus. Ah, bah, à quoi bon se tracasser. Elle reprit sa marche. Un vaisseau du futur devait au moins posséder un dispositif de localisation, non ?

Un bourdonnement discret attira son attention. Ah. Il y avait de la vie, par là.

Mmm. Je suis trop haut pour être à la salle des machines...

Seule une faible lueur intermittente illuminait l'autre bout de la coursive. Vala hésita un peu – l'obscurité, cette lueur blafarde et l'absence totale de mouvement contribuaient à rendre l'endroit fort peu engageant.

Finalement, la curiosité l'emporta. Elle s'avança vaillamment, parvint au bout de la coursive et percuta une forme noire alors qu'elle entrait dans une pièce circulaire qu'occupait presque entièrement un immense ordinateur.

— Aaah ! cria-t-elle de saisissement. Qu'est-ce que vous faites ici ?

Le capitaine Harlock leva un sourcil étonné.

— C'est plutôt à vous que je devrais poser cette question, répondit-il sèchement.
— Je visitais votre vaisseau, déclara la jeune femme sans se démonter. Vous nous avez dit tout à l'heure que nous pouvions aller partout.
— J'aurais dû préciser « partout, sauf dans cette pièce ».

Il fixa un instant la coursive, derrière elle.

— Vous n'êtes pas avec les autres ?

Vala sortit son plus beau sourire. Tomber par hasard sur le capitaine de l'Arcadia au beau milieu d'une coursive déserte n'était pas pour lui déplaire. Après tout, si elle voulait séduire un membre de l'équipage pour lui arracher des secrets technologiques, alors autant commencer au sommet...

— Je voulais me dégourdir les jambes, avoua-t-elle. Je dois dire que je trouve votre vaisseau impressionnant. Comment s'appelle-t-il ?
— Arcadia.
— Mmm. J'aime bien.

Elle se rapprocha petit à petit du capitaine. Il avait l'air encore jeune, et malgré le bandeau qui couvrait son œil droit et la balafre qui lui mangeait l'autre moitié du visage, elle le trouvait plutôt beau gosse. Elle lui fit un clin d'œil langoureux. Cela promettait d'être agréable...

— Vous voulez me servir de guide ?

Elle laissa ses doigts frôler ceux d'Harlock, qui recula aussitôt d'un pas.

Et ben... C'est pas gagné.

Le capitaine saisit les épaules de Vala et lui fit fermement faire demi-tour.

— Je pense que le major... le colonel Carter pourra tenir ce rôle à la perfection, répondit-il.

Il commença à s'éloigner dans la coursive, mais Vala n'avait pas l'intention de renoncer si facilement. Elle lui emboîta le pas, et accéléra pour revenir à sa hauteur.

— Vous connaissez sûrement mieux votre vaisseau que Sam, rétorqua-t-elle. Toute cette technologie, les ordinateurs, les systèmes d'armes...
— Vous n'êtes pas censés être à cette époque, coupa-t-il. Je n'ai pas l'intention de vous révéler quoi que ce soit sur des technologies que vous ne maîtrisez pas.
— Je ne suis pas terrienne, vous savez. Je connais pas mal de technologies avancées : les cristaux asgards, la navigation hyperspatiale...

Évidemment, Sam Carter avait des connaissances plus pointues qu'elle dans ces deux domaines, mais elle-même ne se débrouillait pas si mal.

Harlock ne répondit pas.

— Vous n'êtes pas obligé d'entrer dans les détails, insista-t-elle. Mais vous pourriez me montrer les différents locaux, me présenter votre équipage... Vous êtes combien à bord, à propos ? J'ai eu l'impression de marcher des kilomètres et vous êtes la seule personne vivante que j'ai croisée.

Il lui lança un regard qu'elle retrouvait sans cesse chez Daniel. L'expression « arrête, tu parles trop ». Elle fit mine de ne pas comprendre.

— Vous n'avez pas besoin de parler du futur... enfin, de votre présent, continua-t-elle. C'est normal, de toute manière, à cause de toutes ces histoires de paradoxe temporel, tout ça... Mais je suis sûre qu'on peut trouver des sujets communs, non ?
— Je suis sûr que vous pouvez trouver quelqu'un d'autre pour discuter, fit-il.
— J'en serai ravie... dès que vous m'aurez présentée. Je m'appelle Vala, au fait.

Harlock lâcha un « mmh » qui pouvait aussi bien vouloir dire « enchanté » que « ça ne m'intéresse pas ». Bon. Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il n'était pas d'un naturel bavard... Mais s'il comptait la décourager de cette manière, il se trompait.

Il stoppa sans crier gare. Quelque chose dans son regard donnait à penser qu'il se demandait quelle était la meilleure manière de se débarrasser d'elle. Ce qui devait inclure le meurtre, d'ailleurs.

Il opta finalement pour une solution moins radicale, au grand soulagement de Vala.

— Le mess est par là, annonça-t-il. Il y a toujours du monde.

Il la poussa sans ménagement à l'intérieur d'un local qui, après un rapide examen de la part de Vala, s'avéra être la cantine du bord. Une femme âgée s'affairait derrière ce qui ressemblait à une immense cocotte-minute. Les quelques hommes attablés lancèrent des regards ébahis à leur capitaine lorsqu'il se dirigea vers eux.

— Occupez-vous d'elle, ordonna Harlock sans s'adresser à personne en particulier, mais en foudroyant les hommes du regard les uns après les autres.

Il força Vala à s'asseoir.

— Euh... À vos ordres, captain, répondit un grand brun avec un bandana, mais qu'est-ce que...
— Faites-la visiter ou reconduisez-la dans sa cabine, je m'en fiche, coupa Harlock.

Il saisit l'imprudent qui avait pris la parole par le col.

— Ce que vous voulez, mais je ne veux plus l'avoir dans les pattes, c'est clair ?

L'homme se raidit.

— Aye aye, captain.

Harlock gratifia Vala d'un dernier regard furieux avant de tourner les talons et de quitter le mess. L'homme qui avait écopé du rôle officiel de guide poussa un soupir puis sourit à ses camarades de table.

— Pff. L'est pas dans un bon jour, hein ? déclara-t-il avec une expression mi-figue mi-raisin.
— Ça lui passera, répondit son voisin en haussant les épaules. Faut qu'il digère l'expédition d'aujourd'hui... Pas vraiment ce que j'appelle un succès.

Vala se tortilla sur sa chaise, mal à l'aise. Quelqu'un allait finir par évoquer le but de ladite expédition... L'un des leurs avait été tué, cela risquait de faire partir leurs relations du mauvais pied.

Elle devait prendre les devants.

— Je tiens à vous remercier d'avoir pris le risque de venir nous chercher, intervint-elle. Sans vous, je ne crois pas que nous aurions pu en sortir.
— Ça, c'est sûr ! ironisa quelqu'un en bout de salle.

Elle ignora la remarque.

— Je m'appelle Vala, continua-t-elle.
— Moi, c'est Yasu, fit le pirate au bandana.

Il plissa les yeux, suspicieux.

— Vous pouvez m'expliquer pourquoi vous êtes si importants aux yeux du capitaine ? Si ça n'avait tenu qu'à moi, j'aurais laissé ces mutants vous dévorer...

Les autres hochèrent la tête. Un murmure d'approbation courut dans le mess. Vala hésita. Qu'est-ce qu'elle en savait, elle ? Elle ne connaissait même pas Harlock...

— Nous venons du vingt-et-unième siècle, répondit-elle avec hauteur.
— Et alors ?

Woups. Analyse de la situation : hostile. Il est temps de prendre congé.

Elle s'apprêtait à se lever discrètement quand un couteau se planta dans le bois de la table, faisant sursauter tout le monde. Vala jeta un œil dans la direction du lancer : la vieille cuisinière avait quitté ses fourneaux et agitait un deuxième couteau menaçant.

Wow. Ils sont tous dingues, ici, ou quoi ?

— Ces jeunes gens ont sauvé Kei et le capitaine il y a trois ans, lorsqu'ils se sont retrouvés dans le passé, intervint-elle, visiblement en colère. Ils n'auraient jamais pu revenir sur l'Arcadia sans leur aide !
— Faites excuse, ma'am, répondit Yasu. Je ne savais pas, je n'étais pas encore à bord...
— Et alors ? Renseigne-toi auprès des anciens !

La cuisinière récupéra son couteau d'un air furibond avant de rejoindre sa place près de la cocotte-minute qui en avait profité pour déborder à gros bouillons. Elle lâcha un chapelet de jurons imagés tandis que les hommes la regardaient furtivement, probablement dans la crainte d'un autre lancer de couteau.

Yasu sourit à Vala d'un air penaud.

— Désolé, miss, s'excusa-t-il. On est tous un peu à cran à cause de Josh qui est blessé et du pauvre gars qu'on a dû laisser en bas...
— Je comprends.

Ah. Tout n'était pas perdu. Vala passa en mode « charme ». La petite lueur qui s'alluma dans les yeux du pirate lui indiqua qu'elle avait fait mouche.

— Je prends le quart dans une heure, dit-il. D'ici là, je peux vous montrer les principaux locaux de l'Arcadia, si vous voulez...

                                                  —————

Harlock étudiait la possibilité de se rendre en passerelle bien que, d'un autre côté, il était assez tenté par quelques heures de repos dans ses quartiers.

Il avait la migraine. Et malgré ses efforts, il ne parvenait pas à se convaincre que c'était à cause du bavardage incessant de cette Vala – dire qu'il était allé dans la salle de l'ordinateur principal pour y être au calme...

Son bras, que Mimee avait nettoyé et pansé, pulsait douloureusement. Il avait envie de dormir, d'un grand verre de brandy et d'une douche, pas nécessairement dans cet ordre, d'ailleurs. Le problème, c'est que le chemin du château arrière, et donc de sa cabine, passait forcément devant l'infirmerie...

— Capitaine !

Le doc émergeait d'une coursive annexe, trop près pour qu'il puisse lui échapper. Il ne restait qu'à espérer qu'il avait croisé Mimee avant lui.

— Je me suis fait soigner, doc, répondit Harlock avant que le médecin ait le temps d'ouvrir la bouche.
— C'est ce que m'a dit Mimee... Mais ça ne vous dispense pas de passer me voir !

Mrf.

Zero fronça les sourcils mais n'insista pas.

— Il faut que je vous parle de Josh, capitaine, reprit le doc d'un air grave. C'est urgent.
— Il y a des complications ?
— J'en ai peur.

Le médecin se mordit la lèvre inférieure nerveusement.

— Une infection généralisée que je n'arrive pas à traiter. Aucun des médicaments habituels n'a eu d'effet. Et je n'ai pas réussi à établir de diagnostic précis.
— Vous voulez dire que rien du même genre n'est référencé dans la base médicale ?
— J'ai mis Yattaran sur l'affaire, répondit Zero. Il est en salle de briefing.

Si Yattaran avait cessé de s'intéresser à ses maquettes, c'est que la situation devait être critique, en effet.

— Quels sont les symptômes ?
— Infection du sang, forte fièvre qui continue d'augmenter... Si je ne trouve rien, il ne s'en sortira pas.

Zero lui lança un regard appuyé.

— ... et je veux toujours voir votre bras, capitaine.
— Mon bras va bien, merci, mentit-il.

Il n'allait quand même pas faire toute une histoire pour une simple griffure.

La griffure en question se rappela à lui par des fourmillements, un élancement de douleur qui lui remonta du coude à l'épaule et une vague de chaleur assez peu normale pour une griffure qui se respecte.

Mmm. Effectivement, dans un futur proche, il allait peut-être devoir reconsidérer son état de santé... Et surtout, il allait devoir considérer le fait que l'Arcadia ne se trouvait pas dans la meilleure zone si le doc lui demandait de dénicher un médicament rare.

Bon, et bien je crois qu'il va falloir renoncer au repos.

— Je monte en passerelle, déclara-t-il. Il faut qu'on se rapproche des grands carrefours commerciaux. Rester aux abords de la Terre n'apportera rien.
— Captain ! Vous devez...
— Je pense que vous allez vouloir vous approvisionner dans une pharmacie bien achalandée sous peu, coupa Harlock. Je vais régler ça là-haut. Prévenez-moi dès que Yattaran a trouvé ce qu'il vous faut.

Il planta le doc au milieu de la coursive et s'engouffra dans l'ascenseur avant qu'il ne réagisse. Il repensa à cette opération de sauvetage et sourit amèrement.

Des griffes empoisonnées ! C'est bien ma veine...

Il aurait dû s'en douter. Le continent entier avait été mis en quarantaine après les guerres nucléaires. Ceux qui étaient restés – et qui avaient survécu – avaient payé très cher les conséquences du taux de radioactivité. Mais personne ne s'était vraiment intéressé à la nature exacte des mutations... ou plutôt, les quelques fous qui s'y étaient intéressés n'étaient jamais revenus.

Un autre élancement lui fit crisper involontairement la main.

Si seulement il avait ignoré ce maudit signal en Sierra !... Après tout, qu'avait-il à faire de SG-1 ?

Il traversa la passerelle et s'appuya à la barre sans même regarder la trajectoire du vaisseau. Il pouvait rejoindre les planètes centrales, les Pléiades ou Heavy Melder, mais seul un hôpital renommé posséderait les infrastructures et les médicaments nécessaires pour soigner ce genre de blessures. Et bien sûr, ce n'était pas le meilleur endroit pour débarquer avec un vaisseau pirate, surtout vu le montant actuel de la prime sur sa tête.

Des mutants, hmm ?

Il y avait une alternative. Certaines planètes de la Bordure Extérieure étaient habitées par des personnes qu'il fallait éviter d'appeler mutants, même si à l'origine leurs ancêtres avaient été des humains qui avaient subi des mutations. Il ne restait plus qu'à espérer que les quelques néo-humains qu'il connaissait sauraient résoudre son problème de griffes empoisonnées...

Il empoigna la barre.

— On change de quadrant ! annonça-t-il. Que tout le monde se prépare à effectuer un saut warp !

                                                  —————

Le sas du tube de transport s'ouvrit dans un chuintement. Emeraldas sauta souplement à l'intérieur du ha'tak goa'uld.

Le local qu'elle avait abordé était désert. À l'exception de la gravité artificielle, plus aucun système de survie ne fonctionnait sur ce pont. La pirate rousse vérifia le bon fonctionnement de son scaphandre avant de poursuivre son exploration.

« Données atmosphériques viables dans les ponts supérieurs », lui transmit l'ordinateur. « Ponts inférieurs détruits à soixante-trois pour cent. »

— Donne-moi une estimation du nombre de formes de vie humanoïdes à bord, demanda Emeraldas.

« Analyse en cours. »

La coursive portait des traces d'incendie. D'où que vienne ce vaisseau, il avait souffert.

« De quand », corrigea-t-elle mentalement. Elle considéra les probabilités que le ha'tak ait effectué un saut warp incontrôlé qui l'aurait propulsé dans le futur.

Une foutue coïncidence, oui !

C'était possible, bien sûr, mais alors pourquoi le vaisseau aurait-il abouti précisément maintenant ?

« Formes de vie humanoïdes : soixante-trois. Multiples données organiques non répertoriées. »

L'équipage de ce vaisseau ne faisait pas partie des nombreuses races contenues dans la base de données de l'ordinateur du Queen. Ce qui signifiait, en clair : des Jaffas et leur symbiote, et certainement un Goa'uld.

Emeraldas explora les locaux les plus proches, tous dans le même état, puis revint à son point de départ.

— Quel est le chemin le plus court pour rejoindre les ponts supérieurs ?

La console portative fixée à son poignet afficha un diagramme stylisé du ha'tak : il y avait un sas de montée à quelques mètres à peine de sa position.

Elle dégaina son arme.

                                                  —————

Cam avait eu faim – les émotions, ça creuse – et il avait suivi les indications de Daniel pour se rendre au mess. Il y avait retrouvé une Vala visiblement ravie entourée de quatre ou cinq pirates sous le charme. Elle discutait avec animation.

Il saisit les mots « marchandage » et « intermédiaire peu recommandable » et comprit qu'elle devait être en train de relater l'un de ses nombreux exploits, réel ou fictif, il s'en fichait et n'avait pas envie de le savoir.

Il déclina d'un geste lorsque Vala l'aperçut et lui fit signe de la rejoindre, et alla s'attabler au comptoir. La cuisinière lui tendit un bol de nouilles qu'elle arrosa généreusement de sauce.

— Vous êtes Miss Masu, c'est ça ? demanda Mitchell.

Daniel lui avait fait un descriptif bizarre, duquel ressortaient les termes « susceptibilité » et « couteaux ». Son coéquipier était ensuite parti sur une histoire de chat et de cigogne, à moins qu'il ne s'agisse de vautour... Cam se pencha au-dessus du comptoir avec curiosité. La vieille femme, tout à fait normale par ailleurs, lui fit un grand sourire.

— Oui, répondit-elle. Et vous, vous venez de cette base militaire du passé, n'est-ce pas ? Je ne vous ai pas vu, la dernière fois...
— Je n'étais pas encore affecté au programme SG-C, fit Cam. Je suis le colonel Cameron Mitchell... Je suis un ami de Daniel Jackson, ajouta-t-il.
— Ah, oui... Un garçon charmant...

La cuisinière s'interrompit pour servir un bol à un pirate qui s'était approché.

— Eh bien, en attendant de rentrer chez vous, j'espère que vous vous plairez à bord, termina-t-elle.

Cam attendit encore un peu, mais rien d'extraordinaire ne semblait devoir se passer. Vaguement déçu, il emporta son bol et avala rapidement ses nouilles sur un coin de table.

Rassasié, il s'adossa sur sa chaise et observa la pièce. Un antique mobilier en bois – tables, chaises, comptoir – côtoyait du matériel high-tech, un écran plat, une sorte de boule lumineuse qui lévitait dans un coin, ainsi que la cuisine elle-même. Le contraste était étrange et donnait une ambiance à mi-chemin entre le western et la science-fiction.

Le mess s'animait progressivement. Outre la table à laquelle était installée Vala, la moitié des tables étaient déjà occupées. La porte s'ouvrit soudain sur une dizaine de pirates affamés. Le colonel entraperçut également un éclair roux filer en direction de la cuisine.

— Faites sortir cette bestiole d'ici ! hurla aussitôt Masu.
— Du calme, répondit une voix bonhomme. Cette pauvre bête a bien le droit de se nourrir, elle aussi...

Mitchell remarqua avec intérêt que tous les hommes attablés baissaient le nez dans leur assiette comme pour se faire oublier.

— Je vais le dépecer et m'en faire un manchon, de votre chat ! continuait la cuisinière. Ahhh ! Saleté d'animal ! Lâche ce morceau de viande tout de suite !

Le propriétaire du chat, un homme d'âge mûr avec un début d'embonpoint, laissa tranquillement passer l'orage. Il vint s'asseoir en face de Cam tout en arborant l'air de qui en a vu d'autres.

— Enchanté. Je suis le docteur Zero, se présenta-t-il sans se soucier des invectives de la cuisinière.
— Colonel Mitchell, répondit Cam machinalement.

Un éclat métallique vola à travers la pièce et fut stoppé par un mur. Le « tzing » résonna aux oreilles de Mitchell, qui préféra l'ignorer. Le visage de Daniel prononçant le mot « couteau » traversa son esprit.

Un miaulement proche se fit entendre. Cam jeta un œil sous la table et fut dévisagé par deux yeux félins réprobateurs.

— C'est le chat le plus intelligent que je connaisse, fit Zero avec une note de fierté paternelle.

Cam acquiesça en silence. Autour de lui, les conversations reprenaient. Le mess avait l'air de retrouver son train-train habituel.

Il se souvint soudain d'un détail important.

— Vous êtes le médecin du bord ? Comment va votre blessé ?

Le docteur fit une moue caractéristique de la profession médicale et qui était mauvais signe, généralement.

— Mes blessés, corrigea-t-il sans toutefois s'étendre davantage.

Il plongea ses yeux dans ceux de Cameron.

— Mon diagnostic est réservé... Infection mutagène, expliqua-t-il après une hésitation.
— Mutaquoi ? Vous voulez dire que ce sont des mutants qui nous ont attaqués ?

Zero opina.

— Il s'est passé beaucoup de choses horribles sur Terre entre votre siècle et le nôtre, soupira-t-il.

Il sourit en guise d'excuse.

— J'ai peur que les humains ne soient pas très soigneux envers leur propre planète...

Il haussa les épaules, fataliste. Mitchell ne répondit pas. Il n'était pas sûr qu'une phrase du genre « j'irai voir le président, je lui décrirai le futur qui nous attend et nous mettrons tout en œuvre pour l'éviter » soit bien perçue. Et puis ça lui faisait penser à un mauvais film de série B...

— Cela risque de retarder quelque peu votre retour, reprit le médecin.
— Hein ?
— Les blessés... L'Arcadia ne fera pas de voyage temporel tant que je ne les aurai pas soignés.
— Je comprends, répondit Mitchell.

C'était sûrement un peu égoïste, mais voilà qui ferait certainement plaisir à Sam. Elle allait pouvoir glaner des informations, apprendre le fonctionnement de systèmes futuristes et peut-être, qui sait, trouverait-elle quelque chose susceptible de les aider contre les Oris.

Quant aux autres...Si ce vaisseau possédait une bibliothèque, Cam ne se faisait pas de souci pour Daniel, il saurait s'occuper. Teal'c trouvait toujours à s'occuper. Vala...

Il fixa la jeune femme brune, toujours en grande conversation avec les pirates de sa table... Il n'avait qu'à espérer qu'elle ne se lance pas dans un marchandage douteux, comme monnayer l'Arcadia contre le SG-C ou une cargaison fantôme contre des espèces sonnantes et trébuchantes, et tout se passerait bien.

                                                  —————

Sam Carter avait laissé Teal'c à sa méditation, Daniel à son bouquin, Vala où qu'elle puisse être et Cam à son estomac, et s'était attaquée à la problématique du voyage temporel retour.

Elle nota quelques équations sur son ordinateur de poche. Les calculs s'annonçaient complexes. Elle ignorait pourquoi, mais il semblait que SG-1 avait été projeté dans un univers parallèle – à la fois celui auquel appartenait l'Arcadia qu'ils avaient rencontré dans le passé, et dans lequel P4X-48C avait été détruite. Il devait exister un passage entre les deux univers depuis qu'Harlock avait fait le voyage dans l'autre sens et modifié le cours des événements.

La scientifique se demanda comment elle allait pouvoir expliquer ça simplement à Cam, même si, malgré tout, il était moins obtus que Jack O'Neill.

Sam soupira. Postulat numéro un : elle n'y arriverait pas toute seule. Mais elle connaissait à bord de l'Arcadia quelqu'un qui pouvait l'aider. Ce qui était bizarre, c'était qu'elle ne l'avait pas encore vu. Le petit homme, jovial et beaucoup plus expansif qu'Harlock, n'aurait pas manqué de venir les saluer.

Elle monta en passerelle avec une pointe d'appréhension. Son arrivée passa inaperçue. L'attention des opérateurs de quart était tournée vers leurs pupitres ou vers l'écran de contrôle principal. La vue depuis les baies d'observation ne laissait pas de place au doute : l'Arcadia était en pleine navigation hyperspatiale.

— Paramètres stables. Temps du saut : trois point huit heures.

Sam s'avança au centre de la passerelle et chercha un visage connu.

— Il y a des terminaux informatiques en libre accès dans les salles de briefing, colonel, lui lança Harlock depuis son fauteuil.
— Je suis venue chercher de l'aide, répondit-elle. Ce genre de calculs dépasse mes compétences actuelles.
— Voyez avec les ordinateurs. Leurs processeurs ont été améliorés depuis la dernière fois, et ils possèdent des programmes de recherche très... indépendants.

La scientifique haussa un sourcil. Quelque chose dans le ton d'Harlock l'embêtait. Il donnait l'impression de lui faire une plaisanterie dont il était le seul à connaître la clé. Sam se rapprocha de la barre, et posa la question qui lui brûlait les lèvres.

— Je n'ai pas vu le professeur Oyama. Il est à bord ?

Harlock sourit distraitement.

— Oh, oui, il est à bord... Partout autour de nous...

Comme elle le fixait, perplexe, le capitaine reprit une expression sérieuse.

— Il est mort il y a presque deux ans.
— Je suis désolée...

Harlock eut un regard étrange et Sam eut de nouveau le sentiment qu'une information lui échappait.

— Si vous tenez absolument à travailler avec une personne organique, reprit le capitaine, je vous suggère de voir Yattaran, l'officier en second... Quand il n'est pas occupé par ses maquettes, il est très efficace.

Sam remercia d'un signe de tête, tout en notant mentalement de réfléchir au qualificatif « personne organique » dès qu'elle aurait deux minutes, tandis qu'Harlock cessait de s'intéresser à elle – il devait estimer lui avoir donné suffisamment d'informations pour qu'elle puisse commencer ses calculs... C'était le cas, dans un sens.

Sam quitta la passerelle frustrée. Sa conversation avec le capitaine avait été à deux vitesses, elle en était persuadée, mais elle n'arrivait pas à trouver de sens caché aux quelques phrases sibyllines d'Harlock. Il faudrait qu'elle se renseigne sur Tochiro Oyama et sur ce qui avait causé sa mort auprès d'autres membres d'équipage.

                                                  —————

Daniel se demandait si l'Arcadia possédait une bibliothèque – c'était sûrement le cas – et s'il pourrait la consulter. Il n'avait pas pris beaucoup de livres dans son sac – il les connaissait déjà quasiment par cœur, d'ailleurs –, et peut-être les archives de l'Arcadia le mettraient-elles sur une nouvelle piste dans ses recherches sur les Oris.

— Vous cherchez quelque chose, Daniel ?

Kei Yuki. La jeune femme blonde était accompagnée d'un garçon qui devait avoir seize ou dix-sept ans, et que Daniel ne connaissait pas. Elle avait mûri. L'éclat de ses yeux était plus dur que dans le souvenir de Daniel.

À quoi est-ce que tu t'attendais ? Elle vit sur un vaisseau pirate, la vie ne doit pas être facile tous les jours...

— Plus maintenant, sourit-il.

Les yeux du garçon lancèrent des éclairs. Le jeune homme adopta la posture typique du mâle jaloux. Éviter les familiarités, donc...

— Je laisse aux spécialistes le soin de calculer des trajectoires de navigation temporelle, ajouta-t-il. Quant à moi, je cherchais un peu de lecture... Nous faisons face à une nouvelle menace, expliqua-t-il, et peut-être possédez-vous des archives intéressantes...

Kei haussa les épaules.

— Il y a des terminaux informatiques partout dans le vaisseau, lâcha-t-elle.
— Je préfère le format papier, si possible.

La fille échangea un regard dubitatif avec son compagnon.

— Dans ce cas, faut demander au capitaine... Mais ce n'est pas le moment.

Daniel retint le « pourquoi ? » qui lui venait aux lèvres. Il se rappelait bien le caractère d'Harlock, et si Kei estimait que ce n'était pas le moment, alors mieux valait qu'il oublie.

— Je possède quelques livres électroniques, si vous voulez, reprit-elle. Daiba va vous montrer.

Elle donna un coup de coude au garçon que la dernière phrase ne remplissait visiblement pas d'enthousiasme.

— J'ai à faire en passerelle, trancha-t-elle, sans que Daniel puisse déterminer si elle s'adressait au garçon ou à lui-même.

Elle disparut en coup de vent. Le garçon eut un soupir résigné et fit signe à Daniel de le suivre sans ajouter un mot.

                                                  —————

La salle d'opérations de l'infirmerie possédait une baie d'observation. Teal'c s'était attardé là, dans la pénombre, fixant l'homme qui était allongé sur le lit.

— Il ne sait même pas ce qu'est le SG-C. Et maintenant...

Teal'c se retourna, surpris. La fille avait surgi derrière lui telle une ombre et le dévisageait de ses deux yeux félins, d'un jaune d'or uni.

— Je suis désolé, répondit-il machinalement.

La fille se contenta d'incliner la tête de côté. Ses yeux brillèrent légèrement – cela n'avait cependant rien à voir avec les Goa'ulds. Teal'c attendit qu'elle reprenne la parole, ce qu'elle ne fit pas – lui-même ne trouva rien à ajouter après les quelques mots qu'il avait prononcés. Tous deux restèrent silencieux, côte à côte, à regarder le blessé à travers la vitre.

                                                  —————

Elle était attendue.

Éblouie par l'éclat d'une lampe braquée sur elle, Emeraldas cligna des yeux lorsqu'elle émergea du sas de montée. Visiblement, le ha'tak possédait encore quelques systèmes de détection opérationnels. Ou des hublots bien placés.

Elle tira au hasard. Contre un champ de force, d'après le bruit.

— Baissez votre arme ! ordonna une voix. Comme vous avez dû l'entendre, le champ de force vous empêche de nous atteindre... et l'inverse est vrai également.

Emeraldas plissa les yeux pour évaluer le nombre de Jaffas dissimulés derrière la lumière du projecteur, sans succès. Sa position la défavorisait ; elle ignorait la nature du champ de force – il avait autant de chances d'être calibré pour n'arrêter que les tirs lasers que de posséder un réglage particulier qui carboniserait quiconque tenterait de le traverser.

En conséquence, elle pouvait oublier l'option « foncer dans le tas et passer en force ». Il ne lui restait qu'à battre en retraite dans le sas.

— Vous ne comptez tout de même pas repartir si vite ?

Elle connaissait cette voix... Il fallait qu'elle en ait le cœur net.

Elle baissa légèrement sa garde. Ses yeux s'accoutumaient à la lumière crue – elle pouvait distinguer une dizaine de personnes en face d'elle. Rien qui ne soit insurmontable...

Quelque chose bourdonna sur le côté. Un bruit familier, similaire à celui que ferait un champ de force qu'on désactive. Elle bondit à temps pour éviter le premier tir de zat. Elle riposta au jugé, entraperçut un corps tomber et s'élança aussitôt dans la brèche.

                                                  —————

— Je ne peux pas, je suis occupé.

Sam considéra avec perplexité l'homme qu'un pirate venait de lui présenter comme « le second de l'Arcadia... mais je ne crois pas que vous obteniez quelque chose aujourd'hui, ma'am ».

— Monsieur...
— Oh, pas de chichis, coupa-t-il. Appelez-moi Yattaran. Ou second, ajouta-t-il après réflexion. Si vous tenez absolument à me donner un titre.

La scientifique tenta d'organiser ses idées. Que pouvait-elle demander à quelqu'un en train de poser avec application un point de colle sur ce qui ressemblait à une maquette d'avion biplan, et ce, sans lui prêter la moindre parcelle d'attention ?

— Vous venez pour les paramètres de navigation, c'est ça ? fit Yattaran distraitement en attrapant un empennage.
— Euh... en effet.
— Ce n'est pas le moment.

Yattaran éprouva d'un œil expert la symétrie de sa maquette, puis lui fit exécuter quelques huit en la tenant à bout de bras.

— Superbe, n'est-ce pas ? C'est une réplique exacte !

Samantha préféra ne pas s'engager dans cette conversation. Elle était venue pour des calculs de navigation hyperspatiale, et pas pour un exposé sur les modèles réduits.

Tant pis pour la politesse et la diplomatie.

— J'aurais besoin des calculs que Tochiro Oyama avait effectués lorsque ce vaisseau avait voyagé jusqu'au vingt-et-unième siècle, déclara-t-elle sèchement. Cela me suffira pour déduire les paramètres de notre trajet retour, si vous ne voulez pas m'aider.

Yattaran éclata d'un rire bref.

— Ah ! Le capitaine vous répondrait d'aller demander ça directement à Tochiro !
— Je croyais qu'il était mort ?

Le second de l'Arcadia posa sa maquette d'avion et accorda enfin à Sam toute son attention. Il prit quelques secondes de réflexion pour répondre, et lorsqu'il se décida, il avait un léger sourire aux lèvres.

— Oui... C'est ce qu'on dit.

Yattaran fixa Sam d'un air amusé. L'interlude l'avait apparemment mis de bonne humeur, et l'avait décidé à se désintéresser un instant de ses modèles réduits.

— Je ne pense pas que les calculs de Tochiro soient suffisants, reprit-il... Je m'explique, ajouta-t-il alors que Sam ouvrait la bouche pour protester.

Il traça une ligne imaginaire devant lui.

— Ceci, c'est notre ligne temporelle. Et ça – il plaça son doigt au début de la ligne – c'est le paradoxe que le capitaine a engendré lorsqu'il vous a aidé sur cette planète... euh...
— P4X-48C, fit Sam.
— Oui. Le point zéro, pour nous.

Il esquissa une branche partant de ce point, parallèle à la première ligne qu'il avait tracée.

— Vous, à présent, vous évoluez sur cette ligne temporelle... sur laquelle la planète en question n'a pas explosé, et la première guerre galactique n'a pas eu lieu.
— Nous avons tout de même une guerre en cours, répliqua Sam.
— Pas la même... En tout cas, ce n'est pas celle qui mène à ce présent-ci.

Yattaran fit revenir son doigt en arrière depuis le bout de sa première ligne jusqu'à ce qu'il appelait le point zéro, puis le descendit et l'avança un peu sur sa deuxième ligne.

— Voilà le voyage qu'il faut calculer, conclut-il. Nous allons devoir remonter plus loin dans le temps que votre date de départ, pour retrouver l'embranchement entre les deux univers.

Sam hocha la tête. Elle avait déjà travaillé sur la théorie des univers alternatifs – elle avait même eu des aperçus de certains d'entre eux – et elle avait craint des complications de ce genre.

— Le problème n'est pas insurmontable, déclara-t-elle.
— Non. Bien sûr que non. C'est même classique lorsqu'on navigue souvent en dimension warp... Il ne faut simplement pas louper l'aiguillage.

Yattaran soupira.

— J'ai commencé quelques calculs, je vais vous montrer... Mais ne vous attendez pas à effectuer un saut temporel dès que la trajectoire sera calculée.
— Pourquoi ?
— Nous devons récupérer une molécule un peu spéciale pour soigner nos blessés. C'est prioritaire sur votre rapatriement.

Il reprit sa maquette de biplan et fit tourner son hélice.

— Cela risque de prendre du temps, continua-t-il. La molécule en question n'est produite que dans une poignée d'hôpitaux de pointe sur des planètes du Secteur Central. Et elle est hors de prix. Autant dire qu'il est impossible de s'en procurer.
— Il y a certainement un moyen.

Yattaran haussa les épaules.

— Le capitaine a pris un cap vers la Bordure Extérieure, répondit-il. J'ignore ce qu'il cherche exactement, mais je pense que nous allons nous rapprocher des filières du marché noir...

                                                  —————

Un coup violent entre les côtes, accompagné d'une décharge électrique, lui fit brutalement reprendre conscience. Emeraldas secoua la tête pour éclaircir ses idées. Lorsqu'elle voulut bouger, elle s'aperçut que ses mains étaient entravées.

Elle se tortilla pour éprouver ses liens.

— Vous êtes de retour parmi nous, ma chère ? fit une voix sarcastique. Savez-vous que vous nous avez donné beaucoup de mal ?

La pirate rousse tenta de se relever pour faire face à son interlocuteur. Peine perdue. Elle ne récolta qu'un deuxième coup, tandis qu'une poigne de fer la maintenait au sol.

— Onze de mes Jaffas ont été tués, reprit la voix. Je devrais vous torturer à mort pour ça.
— Mais dans ce cas, il ne vous resterait qu'à dériver jusqu'à ce que tout vos systèmes de survie s'éteignent, n'est-ce pas ? répliqua Emeraldas.

Une paire de bottes se planta devant elle. Son propriétaire s'accroupit, saisit Emeraldas par les cheveux et la redressa jusqu'à ce qu'elle puisse plonger son regard dans le sien.

Il n'avait pas changé.

— J'aurais préféré tomber sur n'importe qui d'autre que vous, dans la situation délicate où je me trouve... même si je ne vous cache pas que vous retrouver me fait extrêmement plaisir.

Ba'al sourit dédaigneusement.

— C'est bizarre, ça n'a pas l'air d'être votre cas... À moins que tuer mes soldats soit votre façon de me montrer votre joie de me revoir ? Ne me dites pas que vous avez été surprise par ma présence à bord...

Emeraldas serra les dents. Comment avait-elle pu se laisser piéger ainsi ? Elle avait su qu'il s'agissait du ha'tak de Ba'al dès l'instant où il était apparu sur ses écrans. Pourquoi ne l'avait-elle pas détruit depuis le Queen ? Pourquoi n'avait-elle pas poursuivi sa route en le laissant dériver ?

— J'ai besoin de votre vaisseau, ajouta le Goa'uld. Le mien n'est pas réparable.
— Allez au diable ! Jamais le Queen ne vous appartiendra !

Ba'al ricana.

— Je n'ose croire que vous ignorez l'étendue des moyens dont je dispose pour vous convaincre...

Il la fixa pensivement.

— Je suis pressé, malheureusement. J'ai peur de n'avoir pas le temps de m'amuser...

                                                  —————

Harlock tentait de coder un message avec une triple séquence de cryptage qu'il avait récupérée dans ses archives personnelles et qu'il n'avait pas utilisée depuis... Il ne se souvenait pas l'avoir jamais utilisée, d'ailleurs. Les calculs étaient suffisamment ardus pour faire ramer son ordinateur, et nécessitaient de faire abstraction de sa migraine persistante, de la fièvre qui pointait et du colonel Mitchell qui jouait les touristes en passerelle depuis cinq bonnes minutes.

Le capitaine se demanda si l'équipe SG-1 s'était concertée pour faire défiler tous ses membres les uns après les autres devant lui... pour faire durer le supplice, en quelque sorte. Il referma sèchement son ordinateur portable qui lui affichait un énième message d'erreur, quelque chose comme « mémoire virtuelle insuffisante, connectez un périphérique plus puissant pour poursuivre le calcul en cours ». Bon sang ! Il allait devoir demander à Tochiro alors qu'il aurait préféré garder l'information pour lui. Mais pourquoi avoir choisi une clé de cryptage de malade, aussi ?

— Pouvez-vous me montrer le fonctionnement de votre console de tir ? demandait Mitchell à un opérateur au hasard. À ce que j'ai compris, nous allons devoir passer plus de temps sur votre vaisseau que je ne le prévoyais...

Argl. Pourquoi avait-il fallu qu'il leur dise qu'ils pouvaient se déplacer partout ? Il avait horreur des passagers, encore plus lorsqu'ils se comportaient comme des touristes ébahis.

La console de tir occupa Mitchell trente petites secondes, le temps qu'il comprenne que l'artilleur n'était pas prêt à tirer dans le vide pour ses beaux yeux. Le colonel se mit ensuite à déambuler à travers la passerelle l'air de rien, mais en réussissant le tour de force de déranger à peu près toutes les personnes de quart présentes. Puis il fit ce que le capitaine redoutait depuis le début.

Il engagea la conversation avec lui.

— Vous avez un vaisseau superbe, déclara-t-il. Je pense que j'apprécierais le voir en action.

Harlock grogna en rouvrant sauvagement son ordinateur, lequel pédalait toujours dans le vide avec ses algorithmes. Dire que son message n'était composé que d'une dizaine de mots ! Heureusement qu'il ne voulait pas envoyer un rapport de plusieurs pages...

— Je suis désolé, continua Mitchell.
— Pourquoi ?
— Et ben... Les pertes, les blessés...
— J'avais une dette envers le colonel O'Neill, coupa Harlock. J'avoue que je pensais le trouver en descendant vous chercher.
— Je vous remercie quand même.

Harlock nota que la mine du colonel s'était allongée lorsqu'il avait évoqué le nom de son prédécesseur. Il sourit intérieurement. Prendre la suite du colonel O'Neill n'avait pas dû être facile... Mitchell avait dû se voir reprocher sa jeunesse, son manque d'expérience, et tout ce qu'il faisait devait immanquablement être comparé à quelque chose que le colonel O'Neill avait déjà accompli, probablement mieux. « Le général O'Neill », corrigea-t-il.

Mitchell semblait avoir compris que sa présence en passerelle n'était pas vraiment bienvenue. Il grommela quelques phrases de politesse avant de s'éclipser. Le capitaine revint à son cryptage. L'écran indiquait « erreur système ». Bon. Il irait plus vite en faisant le calcul à la main. Mais pas en passerelle.

— Je suis chez moi. Appelez-moi avant la fin du saut.

                                                  —————

Ailleurs, et bien avant...

— Nous avons découvert une déformation de l'espace-temps au point d'origine de la perturbation énergétique, Orici. Il s'agit d'une signature identique à celle que laisse un vaisseau franchissant l'hyperespace, mais d'une intensité bien supérieure.
— Il est impossible que les infidèles de cette galaxie aient accès à une telle technologie, à moins qu'ils n'aient reçu l'aide de peuples évolués. Il y a certainement une explication beaucoup plus simple. Je me rends sur place pour étudier ce phénomène de plus près.
— Nous attendons votre venue avec impatience, Orici.
— Poursuivez la croisade dans ce secteur de la galaxie. La foi des Origines doit triompher partout, et s'il s'agit d'un vaisseau qui a provoqué cela et qu'il revient, je veux qu'il soit isolé. Ainsi nous pourrons le convertir, ou le détruire facilement.
— Bien Orici. Il en sera fait selon vos désirs.


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