2 - Chapitre 1

Vala avait escaladé un amas de rochers branlants et tentait de se repérer.

— Il n'y a que des ruines autour de nous ! cria-t-elle. Et je n'aperçois rien qui ressemble à une porte des étoiles d'ici !

Le colonel Mitchell lui lança un regard exaspéré.

— Moins fort, nom de dieu !

Vala redescendit souplement jusqu'à lui.

— Et je n'ai vu aucun signe de vie non plus, termina-t-elle.
— Ce n'est pas une raison pour hurler notre présence à tous les vents, rétorqua le colonel.

Mitchell parcourut du regard l'endroit où ils avaient atterri : au fond d'un immense cratère, jonché de débris. Le fait qu'ils n'aient trouvé aucune porte derrière eux quand le vortex s'était refermé n'était pas le plus bizarre... Vala aurait pu jurer qu'elle n'avait jamais posé le pied sur cette planète, quelle qu'elle soit, le lieu lui semblait pourtant familier.

— Il faut sortir de cette cuvette, annonça Mitchell. Et trouver quelqu'un qui puisse nous dire où nous sommes... Sam, vous avez déjà des hypothèses sur ce qui est arrivé ?

Vala se fendit d'un grand sourire.

— Moi, je sais ! affirma-t-elle. Lorsque le prieur a tiré sur la porte, elle est partie en surcharge et a envoyé le trop-plein ailleurs. Avec nous.
— Ce qui m'intéresse, c'est de savoir où est cet ailleurs, répondit Mitchell.
— Euh...
— J'ai quelques pistes, Cam, intervint Sam Carter.
— Des idées pour rentrer au SG-C ?

La scientifique secoua la tête négativement.

— Ce n'est pas la première fois que SG-1 traverse un vortex et ne trouve aucune porte de l'autre côté, dit-elle.

Vala écarquilla les yeux.

— C'est vrai ? Comment vous en êtes-vous sortis ?

Daniel lui décrocha sa fameuse expression « tu vas encore dire une bêtise » à laquelle elle répondit par sa moue « moi ? non... qu'est-ce que tu vas penser là ? ».

La jeune femme avait elle aussi été confrontée à une situation similaire... En fait, elle avait été larguée sur une planète prétendument déserte à la suite d'un marchandage qui avait mal tourné, mais c'était presque pareil.

Il n'y avait pas de porte.

Elle s'apprêtait à faire part au groupe des différentes méthodes qu'elle avait utilisées pour envoyer des signaux de détresse, mais Mitchell reprit la parole avant qu'elle n'ait eu le temps d'organiser ses idées.

— Avant tout, il faut rester discret, fit-il en insistant sur le mot « discret ». Sam, Teal'c et moi allons reconnaître le terrain là-haut. Vala, Daniel, vous nous attendez ici, et vous fouillez le cratère.
— Mais...
— La porte est peut-être enfouie sous les décombres, coupa le colonel.

Il ignora les mimiques de protestations de Vala... Bah, au moins elle faisait équipe avec Daniel.

— Contact radio toutes les quinze minutes, termina Mitchell.

                                                  —————

Le croiseur dérivait. Il était encore parcouru de temps à autre de quelques décharges électriques, mais hormis cela aucun signe d'activité n'émanait plus de sa carcasse inerte.

L'Arcadia s'était arrimée à l'épave. Des tubes de transport s'échappaient de ses flancs et s'enfonçaient dans les entrailles de sa prise. Un drone s'affairait à démonter un radar latéral à grand renfort de chalumeau.

La passerelle était silencieuse. Silencieuse et déserte. La Terre occupait toujours l'écran principal, majestueuse. Depuis son fauteuil, Harlock étudiait le développement d'une perturbation sur l'océan Pacifique quand les équipes de quart revinrent à leur poste.

Kei s'arrêta en face de lui.

— Mission accomplie, capitaine. Il n'y avait rien d'intéressant dans les soutes, mais nous avons pu prélever les pièces de rechanges qui nous manquaient directement à la source.

Harlock acquiesça d'un signe de tête. Ils ne manquaient pas réellement de rechanges, pas plus qu'ils n'en avaient vraiment besoin, mais un peu de maintenance préventive ne ferait pas de mal aux systèmes de l'Arcadia les plus sollicités.

Et puis, cela permettait d'occuper un peu les hommes, entre deux batailles.

— On reprend l'orbite, fit-il.

Un des gars jouait avec la console de tir – probablement avait-il l'envie pressante de faire un carton.

— Je le détruis, captain ?

Harlock le considéra froidement.

— Inutile de gaspiller de l'énergie pour ça.

Le tireur frustré désactiva la console sans protester. Le capitaine préféra lui passer la phrase inaudible qu'il grommela. Ce n'était pas la peine de rajouter à la mauvaise humeur ambiante.

— Kei ! ordonna-t-il. Programme-moi une trajectoire qui nous rapproche de la Terre. On va patrouiller en haute atmosphère, et voir s'il est possible d'appuyer les zones de combat, en bas.

Le gros de la bataille avait déjà eu lieu – dans l'espace. Les forces mécanoïdes avaient déployé la quasi-totalité de leurs vaisseaux basés dans le système solaire pour contrer l'avancée des humains. Les affrontements avaient été rudes, mais l'Arcadia n'y avait pas participé : le vaisseau vert croisait alors du côté d'Andromède et, malgré toute la puissance de ses moteurs, il n'avait pu revenir à temps.

Et aucune des flottes humaine ou mécanoïde n'avait jugé bon s'attarder au-dessus d'une planète ravagée...

— Paramètres calculés et entrés dans le pilote automatique, annonça Kei. Temps de parcours douze point neuf, azimut deux deux sept.

L'artilleur quitta la passerelle avec un air dégoûté.

— Prévenez-moi s'il se passe quelque chose d'intéressant, maugréa-t-il.

Harlock ne lui accorda pas un regard. La plupart des hommes pensaient qu'il eut mieux valu partir à la rencontre des flottes mécanoïdes plutôt que de perdre du temps autour de ce caillou – fût-il la Terre.

Il est vrai que leur seule activité depuis qu'ils étaient arrivés n'avait consisté qu'à achever des vaisseaux moribonds et à « visiter » les épaves...

                                                  —————

— Ici Jackson. Contact cinq cinq. Rien à signaler.

Daniel rangea soigneusement sa radio et reprit son examen des ruines du cratère. Vala le suivait en traînant les pieds.

— Tu vois bien que ce ne sont que des gravas sans intérêt, gémit-elle. Et même si la porte des étoiles est là-dessous, comment espères-tu la repérer ?

Daniel laissa sa coéquipière se plaindre du manque de sens pratique du colonel Mitchell, puis l'écouta d'une oreille distraite lorsqu'elle embraya sur ses propres expériences passées. Il côtoyait la jeune femme depuis suffisamment longtemps pour juger du crédit à accorder à ces histoires : absolument aucun.

— ... et je suis sûre que si je court-circuite ceci, je vais pouvoir amplifier le signal de façon exponentielle et...

Quoi ?

Daniel bondit vers Vala et lui arracha sa radio à demi démontée des mains.

— Qu'est-ce que tu fais ?
— Eh ! protesta-t-elle. Je m'occupe de nous sortir de cette planète ! Tu vois bien qu'il n'y a pas de porte, alors il va falloir à un moment ou à un autre attirer l'attention d'un vaisseau...
— Et que feras-tu s'il s'agit d'un vaisseau ori ?
— Au moins, on ne sera plus bloqués ici !

La radio grésilla. C'était Sam, à l'autre bout.

— Que se passe-t-il ? J'ai capté un signal de forte intensité sur cette fréquence...
— Ce n'est rien, répondit Daniel en foudroyant Vala du regard. Une fausse manipulation.
— Il me semble avoir demandé d'être discrets, intervint Mitchell. Pas d'initiatives malheureuses, c'est compris ?

Daniel respira à fond avant d'acquiescer. Une fois de plus, Vala avait réussi à l'exaspérer. La jeune femme se défendit avec un sourire désarmant. Il céda, comme d'habitude.

— Allez, viens, fit-il. Je crois qu'on n'a pas encore été voir de ce côté.

                                                  —————

L'image de l'écran tactique changea brusquement.

— Encore ? pesta Kei. Bon sang, pourquoi le dispositif de pointage s'obstine-t-il à se focaliser à cet endroit ?

La jeune femme tapa quelques lignes sur sa console pour recaler la vidéo, et jura lorsque l'image changea à nouveau quelques secondes plus tard.

Harlock haussa un sourcil.

— Un problème ? demanda-t-il.

Kei désigna l'écran.

— L'image vidéo n'est pas stable, capitaine. L'ordinateur se recale systématiquement sur le même point et signale une « faible transmission en gamme de fréquence Sierra ».

Harlock se rapprocha du pupitre de Kei. Voilà qui était intéressant. Tochiro aurait-il trouvé quelque chose qui lui avait échappé ?

— La fréquence Sierra n'est utilisée ni par les forces mécanoïdes, ni par les humains, déclara-t-il. Qu'y a-t-il sur les senseurs ?
— Que des parasites, capitaine. Nous avons bien capté un signal en Sierra, mais il n'était pas modulé... Ce n'était qu'un simple « bip ».
— Rien qui ressemble à une transmission verbale ?
— Négatif.

Le capitaine réfléchit quelques secondes. Son intuition lui soufflait d'aller investiguer ce signal de plus près, mais il était aussi pleinement conscient que son équipage avait soif d'action.

Et l'action se trouvait de l'autre côté de la planète, sur le continent asiatique, et non pas sur ces terres dévastées par d'anciennes guerres. Plus personne n'habitait ici depuis des siècles, à cause de la radioactivité.

Plus personne d'humain, en tout cas.

— Quelles sont vos instructions, capitaine ? interrogea Kei.

Son ton claquait comme un rappel à l'ordre. « Un équipage est fait pour être commandé », lui avait-elle dit récemment. « Et pour cela il faut nous faire part de vos intentions. »

Il faillit soupirer, se retint à temps et lui répondit d'un ton impassible soigneusement calculé, comme s'il n'avait pas entendu le reproche sous-jacent.

— Affiche-moi toutes les fréquences de la gamme Sierra.

Kei fit une moue sceptique mais s'exécuta.

— En quelle unité ? Hertzienne ?
— Oui. Et recherche dans la base de données si nous n'avons pas déjà utilisé une de ces fréquences.

L'écran affichait toujours la même image, zoomée au maximum des capacités des senseurs de l'Arcadia. L'ordinateur la recalait automatiquement toutes les dix à quinze secondes. Harlock la fixa intensément et tenta de discerner ce que Tochiro y avait trouvé de remarquable. Il ne vit que des ruines, des cratères et des kilomètres carrés de terre vitrifiée.

L'image se brouilla comme les processeurs effectuaient un autre recalage, autour d'un point situé dans l'hémisphère nord, sur ce continent... comment s'appelait-il, déjà ? Ah, oui. L'Amérique.

La solution lui apparut juste avant que la base de données ne crache ses résultats.

Les États-Unis.

La fréquence Sierra.

— L'ordinateur principal reporte une seule utilisation antérieure de la gamme Sierra, lut Kei. Nous avions modifié l'antenne numéro huit pour pouvoir émettre et installé un démodulateur annexe. Les transmissions étaient effectuées avec... Oh non, ce n'est pas possible...

Le capitaine croisa le regard de Kei.

— On descend, ordonna-t-il. Vers le cratère que l'ordinateur vise depuis tout à l'heure.

Le navigateur entra les coordonnées et modifia l'assiette du vaisseau en conséquence. Harlock observa le sol se rapprocher tandis que les souvenirs affluaient.

Cheyenne Mountain. Le SG-C.

                                                  —————

Cameron Mitchell était face à... une immense patinoire.

Un examen plus attentif lui révéla que le sol était « simplement » vitrifié. Cela ressemblait à une tactique Ori – bien que le colonel n'ait jamais entendu parler de l'utilisation d'une telle arme – mais l'attaque devait remonter à de nombreuses années. Des plantes rabougries tentaient de reconquérir la surface lisse et brillante à travers d'innombrables petites fissures dans lesquelles s'était accumulée la poussière... Ce n'était pas logique.

Des coups de feux lui firent oublier momentanément l'énigme. Carter déboula d'une cavité en lâchant une dernière rafale. Il se précipita.

— C'est bon, le rassura-t-elle. Je crois que je l'ai eu.
— Qu'est-ce qui se passe ? demanda la voix de Daniel à travers la radio. On a cru entendre tirer.
— L'adversaire a été neutralisé, répondit Mitchell.

Il chercha dans les yeux de Sam une confirmation. Elle opina.

— Qui vous a attaqué, colonel Carter ? intervint Teal'c qui les avait rejoints.
— Je ne sais pas. C'était bipède, mais avec trop de bras. Et ça bavait beaucoup.

La scientifique hésita.

— Il faisait sombre, ajouta-t-elle comme pour s'excuser.

Mitchell jeta un coup d'œil par-dessus son épaule : le soleil, pâle et rougeâtre, était en train de disparaître à l'horizon.

— La nuit va tomber, déclara-t-il. Je pense qu'il est préférable de rejoindre Jackson... Cette créature avait peut-être des amis dans le coin.

Le petit groupe tournait les talons quand un râle d'agonie les interrompit.

— Je croyais que vous l'aviez abattu, Sam ? tenta de plaisanter Mitchell.

Mais il n'avait pas trop le cœur à ça. Ce hurlement donnait froid dans le dos. D'autant plus qu'un cri identique lui fit écho, suivi d'un troisième, dans des directions opposées.

— Il a pris un chargeur complet à bout portant dans la poitrine, répliqua Sam. Quoi que ce soit, ça a l'air coriace... Et je crois que votre dernière affirmation se vérifie, ajouta-t-elle comme un quatrième hurlement se faisait entendre.
— Ouaip. Mieux vaut ne pas traîner ici.

Ils se mirent à courir.

                                                  —————

Vala trafiquait discrètement le deuxième émetteur-récepteur radio qu'elle avait emporté – on n'était jamais trop prudent. Un signal suffisamment puissant pourrait être capté par un vaisseau en orbite. Il ne restait plus qu'à espérer que ledit vaisseau soit de nature curieuse... et que la planète ne soit pas trop éloignée des zones fréquentées.

La jeune femme sursauta lorsque les coups de feu éclatèrent. Une dizaine de mètres devant elle, Daniel jura en attrapant sa radio.

— Ce n'est rien ! lui lança-t-il une fois la communication terminée. Ils l'ont eu !
— Ils ont eu quoi ? répondit Vala, sceptique.

C'est alors que les hurlements commencèrent.

— Bon sang ! Quel genre d'animal pousse des cris pareils ?

Daniel vérifia le chargeur de son arme.

— Je pars à leur rencontre, déclara-t-il.
— Eh ! Attends !

Mais il avait déjà disparu derrière un éboulis. Vala allongea le pas pour le rattraper.

— Daniel ?

La nuit était en train de tomber. Les ombres s'allongeaient, menaçantes, et dans l'imagination de Vala, chaque rocher dissimulait une bête féroce prête à fondre sur elle. La jeune femme raffermit sa prise sur son arme.

— Daniel ?

Où donc était sa radio ? Ah, oui. Inutilisable depuis qu'elle l'avait démontée.

Surtout, pas de panique.

Vala sortit la radio de sa poche. Épisodiquement, le petit appareil continuait d'envoyer un signal dans le vide... bah, il suffisait qu'elle fasse la manipulation inverse pour pouvoir contacter les autres.

Elle soupira. Il faisait vraiment sombre maintenant, et les hurlements qui retentissaient de loin en loin contribuaient à rendre le cratère un petit peu plus lugubre.

Alors voyons... Ma lampe torche. Où ai-je rangé ma lampe ?

Quelque chose bougea à l'extrême limite de son champ de vision. Elle se figea, oublia sa lampe et reprit son arme.

— Qui est là ?

Soudain, droit devant elle, elle aperçut une faible lueur. Une diode rouge, qui clignotait à intervalles réguliers. « Vu », pensa-t-elle en ajustant sa visée.

Elle n'eut pas le temps de tirer. Un bras puissant la saisit par-derrière tandis qu'elle sentait l'acier d'un canon contre sa gorge. Au moins il ne s'agissait pas de bêtes sauvages. Elle allait pouvoir négocier... ou user de son charme naturel.

Elle lâcha docilement son arme.

— Je la tiens, captain !

L'homme parlait avec un accent étrange, comme s'il mâchait les mots avant de les recracher en bouillie à peine compréhensible. C'était la première fois que Vala entendait une telle prononciation, ce qui l'inquiéta davantage que le pistolet braqué sur elle : ils devaient être bien loin des planètes qu'elle connaissait...

Elle devina d'autres silhouettes qui se détachaient des ombres. L'une d'elle dirigea un projecteur vers elle, l'aveuglant momentanément lorsqu'il l'alluma.

— Les gars, commença-t-elle. Je peux vous assurer que je ne suis pas votre ennemie. Je suis même contente de tomber sur vous. Figurez-vous...
— Silence ! interrompit celui qui la maintenait.

Il fixa un point derrière le projecteur.

— La langue correspond, fit-il.

Vala cligna des yeux, perplexe. Que voulait-il dire par là ? Évidemment que cela correspondait ! Grâce au réseau de portes des étoiles, toute la galaxie parlait plus ou moins le même sabir... avec un accent plus ou moins marqué en fonction de la fréquence des communications avec l'extérieur.

Vu l'accent de celui-ci, son peuple devait être particulièrement isolé...

— Je m'appelle Vala Mal Doran, reprit-elle. Mes amis et moi-même sommes arrivés sur votre planète par la porte des étoiles... Vous voyez de quoi il s'agit ?

Un autre homme s'avança dans la lumière. Il portait une cape noire, et sa capuche relevée lui dissimulait le visage, mais il arrivait par sa démarche à dégager une aura particulière.

Ah. Lui, c'est le chef.

De fait, elle sentit celui qui la tenait rectifier la position.

Sans un mot, l'homme arracha le macaron du SG-C qu'elle portait au bras et y jeta un coup d'œil rapide.

— SG-1, lut-il.

Il redressa la tête et fixa Vala droit dans les yeux. Son regard implacable était particulièrement difficile à soutenir... Même s'il ne disposait pour cela que d'un seul œil valide.

Lorsqu'il s'adressa à elle, elle ne décela aucune trace d'accent.

— Où est le colonel O'Neill ?

Comment ça, « où est le colonel O'Neill ? »

— Euh... Sur Terre, je suppose, bafouilla-t-elle machinalement. Mais comment...

Il la secoua rudement.

— Toute l'équipe SG-1 est arrivée ici en même temps que vous ? insista-t-il.
— Oui !
— Alors où sont-ils ?
— Partis explorer les environs, répondit Vala évasivement.

L'homme jura.

— Lâche-la, ordonna-t-il... Vous avez un moyen de les contacter ? continua-t-il à l'attention de Vala.
— En fait... hésita la jeune femme. J'ai quelques petits problèmes avec ma radio...

Il grogna quelque chose qui pouvait passer pour une approbation ou un reproche et se tourna vers le ciel. Les nuages rendaient la nuit encore plus noire... Il eut un geste résigné.

— Allumez-moi un maximum de projecteurs, déclara-t-il.
— On va se faire repérer, captain ! intervint une troisième personne à gauche de Vala.

Tout en essayant de garder l'air innocent, elle fit un tour d'horizon rapide. Sans compter leur chef – un capitaine, apparemment –, elle dénombra en tout cinq personnes. Tous étaient armés et lançaient des regards nerveux autour d'eux.

— Nous avons peu de risques de tomber sur une patrouille ici, répondit le capitaine.
— Ce n'est pas à ça que je pensais...
— Nous sommes repérés. Nous faisons trop de bruit... Et ils n'aiment pas la lumière.

Le ton du capitaine indiquait clairement qu'il n'appréciait guère que l'on discute ses ordres alors que la situation était critique. Il revint vers Vala.

— Dans quelle direction sont-ils partis ?

Vala hésita. Ces gens – quels qu'ils soient, d'ailleurs – semblaient connaître SG-1... et ils semblaient bien décidés à les retrouver. Mais quant à savoir s'ils comptaient ensuite fêter leurs retrouvailles entre amis ou régler un vieux différent par les armes...

— Vala ?

Ah. Daniel s'était rendu compte qu'elle ne le suivait pas. Il eut un mouvement de recul en s'apercevant qu'elle avait de la compagnie, et l'un des hommes profita de son hésitation pour lui ôter son arme des mains.

— Qu'est-ce que...

Il cligna des yeux quand une lampe l'éclaira en face.

— Simple précaution... Daniel Jackson.

Daniel haussa un sourcil quand il entendit son nom, mais n'eut pas le temps de demander des explications. Des tirs en rafales accompagnés de bourdonnements de zats parvinrent jusqu'à eux.

Le capitaine attrapa Daniel par le col et le poussa dans la lumière, en direction de Vala.

— Éclairez de ce côté, ordonna-t-il en désignant un azimut approximatif des coups de feu.

Il désigna Daniel.

— ... Et tirez sur tout ce qui ne porte pas un uniforme comme celui-ci.

Les hommes vérifièrent fébrilement leurs armes et commencèrent à balayer la nuit à coups de projecteurs.

                                                  —————

Cameron essayait de continuer à courir sans se prendre les pieds dans une pierre sur le passage – tâche qui devenait d'autant plus ardue que la luminosité baissait. Mais il ne tenait pas du tout à ralentir. Immédiatement devant lui, Sam et Teal'c semblaient avoir tenu le même raisonnement. Tous les trois couraient comme si leur vie en dépendait, ce qui était probablement le cas.

Quelque chose bougea.

— Sam, couchez-vous ! cria-t-il.

La scientifique obéit par réflexe au moment où une créature non identifiée bondissait sur elle. Teal'c réagit aussitôt et atteignit la créature d'un tir de zat, mais celle-ci se contenta de rouler sur elle-même avant de se retourner en grognant.

— Merde ! jura Mitchell. Ce n'est pas sensible aux zats ?

Il envoya une rafale à bout portant dans la poitrine de la chose qui s'effondra avec des gargouillis répugnants.

— C'est différent de ce que j'ai abattu, constata Sam.
— Mais aussi agressif, apparemment, hmm ?

Mitchell se rapprocha de la créature. Humanoïde, avec des dents et des griffes impressionnants.

— Elle porte des lambeaux de vêtements, fit-il après examen. Vous pensez que c'est intelligent ?

Sam haussa les épaules pour lui signifier qu'elle n'en savait rien.

— Il y en a d'autres, colonel Mitchell, intervint Teal'c.
— Il faut rejoindre Daniel et Vala, répondit Cameron. Si je me situe bien, nous devrions être arrivés en bordure du cratère.
— En effet.

Une dizaine de mètres plus loin, la pente plongeait brusquement. La vue était dégagée sur le centre du cratère, curieusement illuminé.

— Où Daniel a-t-il trouvé toutes ces lampes ? s'interrogea Sam.
— Ce n'est pas le moment, répliqua Mitchell en la poussant dans la descente.

Il attrapa sa radio.

— Daniel ? transmit-il sans se soucier d'obtenir une réponse. On est en vue, on arrive d'ici une à deux minutes. Préparez-vous à nous couvrir !

                                                  —————

Harlock tenta de percer l'obscurité, mais rien ne semblait bouger parmi les ombres. Le silence était pourtant entrecoupé de légers bruits de pierres qui roulaient, comme si quelqu'un – quelque chose – se déplaçait furtivement au-delà des projecteurs...

La radio de Daniel Jackson cracha.

— Ils arrivent, annonça le professeur.

Harlock sortit son propre communicateur.

— Kei, prépare la navette. Je pressens un départ en catastrophe...
— Navette parée, capitaine, répondit la jeune femme. Je suis en stationnaire au-dessus de vous... Je vous récupérerai au centre du cercle des projecteurs, il y a juste assez d'espace.
— Parfait. Ça ne devrait plus tarder. Dès que tu nous vois tirer, tu descends.
— À vos ordres. Kei, terminé.

En tendant l'oreille, le capitaine entendit le sifflement des réacteurs de la navette : Kei amorçait son approche.

— Formes de vie détectées ! annonça un des hommes. À cent mètres, en approche. Trois humains suivis de... nom de dieu ! Captain, il y en a au moins une quinzaine !
— Envoyez des fusées éclairantes, ordonna Harlock. Feu à volonté !

                                                  —————

À bien y regarder, Daniel et Vala n'étaient pas seuls dans le cercle de lumière. Mais était-ce une bonne ou une mauvaise nouvelle...

Un grognement rauque derrière lui ramena le colonel Mitchell à un problème plus immédiat. Il lâcha une rafale au jugé et accueillit avec soulagement le couinement qui s'ensuivit.

— Ils nous talonnent ! cria-t-il. Plus vite !

Des fusées illuminèrent soudain le ciel, presque aussitôt suivies d'un tir de barrage nourri. Mitchell constata avec détachement qu'ils n'étaient pas la cible des tirs.

Au moins, nous avons trouvé des alliés... Il faudra que je les remercie, si on s'en sort...

Il s'agissait d'armes à laser. Ces gens avaient l'air évolués ; avec un peu de chance, peut-être pourraient-ils aussi les dépanner pour leur petit problème de porte des étoiles...

Ils arrivèrent enfin sous le halo des projecteurs. Une navette était en train de se poser au centre d'un espace dégagé.

— On se replie ! Embarquez ! fit l'un des hommes qui leur étaient si providentiellement venus en aide.

Sam lui lança un regard ébahi lorsqu'elle passa devant lui.

— Vous ? s'étonna-t-elle.

Ah, tiens. Elle avait l'air de le connaître... Il approfondirait ça plus tard.

— Attention !

Les créatures semblaient avoir compris que leurs proies étaient en train de s'échapper. Brusquement, elles bondirent sans se soucier des tirs qui lacéraient leurs chairs. L'un des hommes hurla lorsqu'il fut submergé.

— Cam ! Derrière vous !

Il se retourna au cri de Carter : une créature fonçait sur lui, les yeux fous... et son chargeur était presque vide.

— Vous ne les arrêterez pas avec ça.

L'homme que Sam avait reconnu portait une cape noire à capuche et se battait avec un pistolet et un genre de sabre. Mitchell ne put s'empêcher de songer au dernier jeu vidéo auquel il avait joué – quelque chose avec un guerrier solitaire et des hordes de monstres à massacrer. Mais Cam préférait quand même quand les zombies ne sortaient pas de son écran.

Il évita de justesse un bras griffu ; son propriétaire continua sur sa lancée et atteignit l'homme à la cape juste avant que celui-ci ne lui transperce le crâne de son sabre.

— Embarquez ! Maintenant ! ordonna-t-il à Mitchell.

Cameron regarda autour de lui. Tous les autres étaient montés à bord de la navette. Il ne restait qu'eux deux, entourés de créatures aux yeux luisants, toutes griffes et dents dehors... et il en arrivait de plus en plus.

Plus jamais de jeux vidéo avec des zombies !

Il déchargea ses dernières balles avant de sauter dans la navette.

                                                  —————

— Kei ! Décolle !

La navette s'éleva aussitôt de quelques mètres puis se stabilisa pour trouver son assiette. Harlock repoussa un ultime assaut d'un coup de cosmodragon avant de verrouiller la porte latérale. Il sentit presque simultanément Kei mettre les gaz pour rejoindre l'Arcadia.

Le capitaine vérifia rapidement l'intérieur de l'habitacle. Un de ses hommes était manquant. Personne n'avait rien pu faire lorsqu'il avait été attaqué. Trop nombreux...

Au fond de la navette, un pirate gémissait en se tenant le ventre. Sa poitrine était lacérée de coups de griffes, mais aucun organe vital ne semblait avoir été touché. En fin de compte, le bilan n'était pas trop catastrophique par rapport à la nature de la mission : un mort, un blessé... Le capitaine fit jouer machinalement son bras droit...

Ouch.

Bon, d'accord, deux blessés. Il essaya sans grand succès d'éponger la plaie avec un pan de sa cape tandis qu'il remontait vers le cockpit.

— Quelle est la situation ? demanda-t-il à Kei en s'asseyant dans le siège du copilote.

La jeune femme fit un signe du menton vers l'extérieur : l'Arcadia attendait droit devant. La navette commençait son approche finale.

— Rien qui puisse laisser croire que nous ayons été détecté, répondit-elle. Et derrière ? Comment ça se passe ?
— Conforme à ce qu'on soupçonnait. SG-1. Je n'ai pas vu le colonel O'Neill, mais il semblerait que nous ayons récupéré tous ceux qui se trouvaient là.
— Et de notre côté ?
— Un mort et un blessé.

Kei lui lança un regard en coin.

— Qui d'autre est blessé, capitaine ?

Harlock pinça les lèvres en enfonçant son bras dans les replis de sa cape. Kei haussa les sourcils et réussit à lui faire comprendre, sans dire un mot et tout en négociant la phase d'accostage, que d'une part, ça ne fonctionnait pas avec elle, et d'autre part, il perdait son sang sur le plancher du cockpit.

Okay.

Il avait intérêt à changer de sujet très vite.

— Josh a été touché à la poitrine, répondit-il. Superficiel, à première vue.

Il compta mentalement jusqu'à trois.

— Il faudra les installer dans les chambres passager de l'arrière, reprit-il innocemment.
— Ne changez pas de sujet, capitaine.

Ça non plus, ça ne fonctionnait pas. Ça ne fonctionnait jamais, à vrai dire, mais il ne se rendait jamais sans combattre.

— Il faut savoir comment ils sont arrivés ici, mais dans un endroit plus calme. On va quitter l'orbite et aller se réfugier dans la ceinture d'astéroïdes. J'irai voir le doc après.

Elle sourit. C'était mauvais signe.

— Vous pouvez aller voir le doc maintenant, capitaine. Je suis parfaitement capable de m'occuper de la manœuvre... puisque vous m'avez donné vos ordres.

Quand donc lui avait-il suggéré de prendre plus de responsabilités ? Non pas qu'il s'en plaigne, elle faisait un travail remarquable et elle pourrait bientôt prétendre à un commandement, mais il aurait préféré qu'elle ne montre pas tant de zèle quand il s'agissait de lui rappeler ce qu'il était censé faire.

La navette se posa en douceur. Au fond du hangar, le docteur Zero attendait, matériel de campagne paré. Kei avait dû le prévenir avant même qu'ils ne rembarquent. Harlock l'observa déployer le brancard gravitationnel et courir vers la navette... Il pourrait difficilement échapper au regard acéré du médecin.

Il céda. À moitié.

— Le doc s'occupe de Josh en premier.
— Évidemment, fit-elle.

                                                  —————

— Bon sang ! Personne ne s'occupe de nous ?

Un de leurs sauveteurs les avait plantés ici en grommelant quelque chose comme « attendre » et « le captain va venir ». Cameron observa la pièce : une simple chambre, avec deux lits superposés de part et d'autre de la porte. Sam et Vala avaient été installées dans la pièce à côté.

La porte n'était pas verrouillée. Il sortit, fit quelques pas dans le couloir – vide – et revint de mauvaise humeur. Il n'avait aucune idée de l'identité du vaisseau qui les avait récupérés, ni des intentions de ses occupants, et il détestait cette incertitude.

Et il avait en plus l'impression que Teal'c et Jackson en savaient plus que lui... Encore une mission de « l'ancien SG-1 » qu'il était incapable de partager avec l'équipe. Ce qui était bizarre en revanche, c'était qu'il ne se souvenait pas avoir lu la moindre allusion à un vaisseau comme celui-ci – et pourtant il avait épluché tous les rapports de mission du général O'Neill.

— Nous nous éloignons de la planète, colonel Mitchell, déclara soudain Teal'c. Vous devriez venir voir.

Ah, bah. Il savait à quoi ressemblait une planète vue de l'espace.

— Colonel Mitchell, insista le Jaffa.

La curiosité de Cam l'emporta sur sa mauvaise humeur. Après tout, Teal'c non plus n'était pas du genre à s'extasier à la vue d'une planète...

Il se colla au hublot pour profiter de la vue sur l'arrière. Elle était étrangement familière.

— Je ne comprends pas... souffla-t-il.

Les hasards de l'astronomie pouvaient-ils faire exister deux planètes jumelles ?

— Youhou ? Les garçons ?
— Vala ! appela Daniel.

La jeune femme brune entra dans la chambre avec un grand sourire.

— Bien... Il semble que nous n'ayons pas été enfermés et que personne ne nous surveille. Je vous propose donc d'aller faire un petit tour pour reconnaître ce vaisseau. Qu'est-ce que vous en pensez ?

Elle fit demi-tour et serait repartit aussi vite qu'elle était arrivée si Sam, qui la suivait, ne l'avait pas retenue.

— Une minute ! fit la scientifique. Ce vaisseau ne se visite pas à moins d'y être invité.
— Mais...

Sam fit les gros yeux à Vala, qui répondit par sa célèbre « moue boudeuse » mais vint néanmoins s'asseoir sur un des lits.

— Vous avez pu admirer la vue ? reprit Sam.
— Yep. D'ailleurs, à ce propos, je voulais vous demander si le concept de « planètes jumelles » existait en astronomie.

Carter secoua la tête.

— Je ne crois pas qu'il faille chercher si compliqué... C'est la Terre, tout simplement.
Tout simplement ? Et quel coin du globe a été vitrifié comme ça ?
— Vous n'avez pas eu accès au dossier « Arcadia », Cam. N'est-ce pas ? répondit-elle.
— Le dossier quoi ? intervint Vala. Je n'ai rien trouvé de ce genre dans vos archives informatiques.

Quatre paires d'yeux la foudroyèrent simultanément. Elle haussa les épaules.

— Le rapport de mission de P4X-48C existe en deux versions, continua Sam. Hammond s'était entendu avec le commandant de la zone 51 pour rédiger une version officielle et une version classée.
— Ces foutus rapports ont déjà un degré de classification effroyable ! fit Mitchell. C'est cette arme asgard qui a nécessité tant de précautions ?
— Non. C'est ce vaisseau. L'Arcadia.

Sam soupira.

— Pour faire simple, expliqua-t-elle, nous avions dû faire face à une surcharge de la porte lors du premier voyage retour de P4X-48C, ce qui avait provoqué un voyage temporel. Je crains fort que le tir du prieur ne soit parvenu au même résultat.
— Mais en sens inverse, colonel Carter, termina Teal'c.

Mitchell les regarda bouche bée.

— Comment ça, en sens inverse ?
— C'est nous qui avons fait le voyage et pas eux, cette fois-ci, répondit Sam. Ce qui signifie que nous sommes dans le futur.
— C'est génial ! s'exclama Vala. Nous allons pouvoir savoir si nous avons vaincu les Oris, et comment. Et je pourrai voir si je vieillis bien.
— Nous sommes neuf cents ans dans le futur, précisa la scientifique.
— Oh.

Vala sembla réfléchir aux implications de cette dernière affirmation. Neuf cents ans... pensa Mitchell. Et une guerre thermonucléaire, a priori.

La porte s'ouvrit sur l'homme vêtu de noir qui s'était battu aux côtés de Cam, dans le cratère. Le colonel tiqua quand il remarqua la tête de mort sur la tunique, et des emblèmes identiques gravés sur les deux boucles de ceinture. Wow, songea Mitchell. Ou les symboles avaient changé en neuf cents ans, ou ce type tenait absolument à faire savoir qu'il était un pirate.

— Harlock, commença Carter. Je ne m'attendais pas à vous trouver ici.
— Vous voulez certainement dire maintenant, répondit l'homme. Si vous étiez en train de rentrer chez vous, alors vous êtes au bon endroit. Mais un peu trop tard de plusieurs siècles, j'en ai peur.
— Au bon endroit ? intervint Mitchell. Et est-ce que par hasard il n'y aurait pas une porte dans le coin ?
— Négatif. Mais nous vous avons repêchés à l'emplacement exact du SG-C.
— C'est bizarre, fit Vala, il me semblait que le paysage présentait à l'époque un peu plus de... comment dire... de relief.
— Cheyenne Mountain, je sais, coupa Harlock. Maintenant vous savez à quoi ressemble une montagne lorsqu'on stocke un anneau de trinium pur hautement explosif au sous-sol.

Sam fronça les sourcils. Visiblement, quelque chose dans la dernière phrase du pirate la gênait.

— Ce n'est pas un simple voyage temporel, fit-elle. Nous n'aurions pas dû tomber ici.
— C'est aussi mon avis, répondit Harlock.

Il fit un geste fataliste.

— Je crois me souvenir que vous étiez la meilleure pour débrouiller ce genre d'énigmes, reprit-il. Les ordinateurs de l'Arcadia sont à votre disposition, si vous le désirez.

Il fit demi-tour, mais hésita avant de refranchir la porte.

— Vous pouvez vous déplacer où vous voulez à bord. Vous connaissez déjà les lieux, je ne vous donne pas de guide... Mes effectifs sont un peu restreints, en ce moment.

Harlock s'adossa au chambranle de la porte et dévisagea Mitchell de la tête aux pieds, un demi-sourire aux lèvres.

— À propos, major... ajouta-t-il. Qu'avez-vous fait du colonel O'Neill ?
— Le général O'Neill a été appelé à de plus hautes responsabilités à Washington, intervint Cam en appuyant bien sur le mot « général ». Quant à moi, je suis le colonel Mitchell et j'ai pris sa suite à la tête de SG-1.
— C'est curieux... J'aurais plutôt parié sur le major Carter pour ce poste...

Cameron jura intérieurement. Bon sang ! Même dans le futur, il fallait encore qu'il soit écrasé par l'ombre de l'ancienne équipe SG-1 – celle du « fameux colonel O'Neill ». Quand donc arriverait-il à asseoir sa légitimité comme nouveau leader de SG-1 ? Et surtout, quand donc arriverait-il à ce que ses actions effacent le souvenir de celles d'O'Neill ?

— C'est « colonel Carter », à présent, grommela-t-il, vexé.
— Toutes mes félicitations, lâcha Harlock, impassible.

Le pirate enfonça la commande d'ouverture de la porte.

— Je vous laisse. J'ai quelques... affaires à traiter en priorité.

Il sortit sans plus se retourner.

— Faites comme chez vous, conclut-il avec un geste de la main.

                                                  —————

À peine la porte refermée, Vala se frotta les mains avec une expression réjouie.

— Bien... Maintenant que nous avons été invités, que diriez-vous d'une petite visite ?

Elle était impatiente de découvrir ce vaisseau... Il regorgeait à coup sûr de technologies inconnues – des technologies du futur – et peut-être trouverait-elle des appareils facilement transportables dont personne ne remarquerait la disparition. Elle se demanda à combien se monnayait un artefact du futur au marché noir... Plus qu'un bibelot antique, en tout cas.

Daniel parut deviner à quoi elle pensait, car il lui fit son regard sévère de prof.

— Je suis tenté, concéda Mitchell. Mais je voudrais des informations complémentaires avant... Corrigez-moi si je me trompe, mais ces types sont des pirates, non ?

Daniel échangea un regard avec Sam, qui haussa les épaules.

— Ils ne font pas grand-chose pour le cacher, répondit-il.
— Mais nous avons relativement peu d'éléments sur eux, quand on fait le bilan, continua Sam. La dernière fois, nos déplacements étaient limités entre nos quartiers et le mess, et je n'ai jamais pu approcher d'ordinateurs... Nous avons eu droit à une visite sommaire, mais aucune information sur les technologies qu'ils utilisent.
— Apparemment, ça a l'air un peu moins strict cette fois-ci, fit Vala. C'est plutôt une bonne nouvelle, vous ne trouvez pas ?

Elle ne renonçait pas à profiter de la situation. Avec un minimum d'efforts, elle devrait pouvoir persuader un pirate de lui faire un cadeau qu'elle serait susceptible de revendre une fortune... et une telle stratégie empêcherait de plus Daniel d'avoir des scrupules.

— Tout ce que je peux dire, reprit Sam, c'est que l'Arcadia est capable de tenir tête à trois vaisseaux-nefs asgards sans problème, que son capitaine, Harlock, vient de sortir de cette pièce et qu'ils doivent être environ quarante à bord.
— Et que ce sont des pirates, répéta Mitchell.

Ça avait l'air de le perturber.

— Exact, répondit Sam. Mais quant à savoir la nature précise de leurs activités...
— Piller, voler, enfin ce genre de choses que font habituellement les pirates, je suppose, coupa Vala.

Elle se sentait parfaitement à l'aise. Après tout, elle avait une longue carrière derrière elle, pendant laquelle elle avait rencontré contrebandiers, hors-la-loi et pirates de tous poils. Par contre, elle vit le colonel Mitchell blêmir ; visiblement son côté « militaire bien élevé » n'approuvait pas.

— Ils peuvent nous ramener au SG-C, intervint Daniel. C'est un voyage qu'ils ont déjà fait.
— Mouais... Je n'ai pas trouvé cet Harlock très pressé de nous réexpédier dans le passé.

Sam eut un geste d'impuissance.

— Il nous a tout de même sauvé la vie en nous récupérant, rétorqua-t-elle. Et il a perdu un homme dans l'affaire.
— Mmm.

Mitchell n'était pas convaincu. Vala décida qu'ils avaient assez tergiversé et que, puisqu'on l'avait autorisée à se balader, elle n'avait aucune raison de rester confinée dans cette chambre minuscule.

— Je vais faire un tour, annonça-t-elle.

Et cette fois, aucun des quatre autres membres de l'équipe ne fut suffisamment prompt pour la retenir.

                                                  —————

Harlock avait docilement suivi le docteur jusqu'à l'infirmerie... du moins tant qu'il était à portée de vue de Kei. Il s'était éclipsé pendant que le doc installait Josh sur la table d'opérations. Vu la tête que Zero tirait, les blessures devaient être plus graves qu'il ne l'avait cru au premier abord.

— Le capitaine est demandé en passerelle.

L'intéressé fit la grimace. Kei utilisait cette astuce pour le localiser – le doc devait l'avoir informée qu'il n'était pas resté à l'infirmerie.

Il avisa un interphone à proximité.

— Harlock, répondit-il. Que se passe-t-il ?
— La route vers la ceinture d'astéroïdes est tracée sur les cartes et entrée dans le pilote automatique, fit la voix de Kei. Vous venez voir ?
— Je te fais confiance.

Qu'elle ne s'imagine pas qu'il allait tomber dans le panneau.

— Capitaine...
— Je sais ! coupa-t-il. Je suis juste passé vérifier si nos invités étaient bien installés.
— Moui... Le doc vous attend, rappela-t-elle.

Il coupa la communication, agacé. Il n'avait pas besoin du doc ! Il écarta les lambeaux de la manche de sa tunique pour examiner sa blessure.

Aïe.

Houlà. Pas joli joli. La plaie était profonde, irrégulière, et elle commençait à coaguler sur les bords, collant des bouts de tissus sur la peau. Il les arracha d'un coup sec, ce qui eut pour effet immédiat de faire saigner à nouveau la blessure abondamment.

Le vertige devait être un effet secondaire bonus. Il s'adossa à la paroi le temps que la coursive cesse de tourner.

— Laissez-moi m'occuper de votre bras, capitaine.

Mimee avait surgi à côté de lui, silencieusement, comme d'habitude. C'était soit une coïncidence, soit Kei avait mis en place sa ruse typiquement féminine numéro deux.

Il ne croyait pas aux coïncidences.

— Kei t'a appelée ? demanda-t-il amèrement.
— Vous devez vous soigner, capitaine, éluda la fille aux cheveux bleus.
— Mmm.

Il prendrait ça pour un oui.

Les yeux jaunes sans pupilles de Mimee s'illuminèrent.

— Arrête ça tout de suite, dit-il.

Les natifs de Jura étaient télépathes. Harlock savait que la jeune femme restreignait ses capacités par égard pour les humains de l'équipage qui supportaient assez mal les communications directes d'esprit à esprit. Mais il avait eu l'occasion de l'observer en action : lorsque ses yeux brillaient ainsi, elle était capable de saisir les pensées de ses interlocuteurs à courte distance.

Il n'aimait pas l'idée qu'on puisse lire en lui. Même s'il s'agissait de Mimee.

— Je sens que vous souffrez, capitaine, insista-t-elle, la tête penchée sur le côté. Je ne comprends pas pourquoi vous êtes aussi têtu.

Il serra les dents. Par principe, il refusait d'entrer dans tout ce qui ressemblait de près ou de loin à un complexe hospitalier – tant qu'il était conscient, en tout cas.

Une réminiscence du passé, il ne changerait pas.

D'un autre côté, puisque Mimee se proposait de le soigner, peut-être pourrait-il écarter la menace du médecin...

— Tu passes chez moi ? proposa-t-il l'air de rien.

La fille lui transmit une vague de soulagement, avec un soupçon d'amusement.

— Très bien, capitaine. Je vais chercher la trousse de secours.

Au moins, il avait échappé à l'infirmerie. Connaissant le doc, il aurait probablement été forcé de rester en observation toute une journée, voire deux.

Et une telle option n'était pas envisageable.


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