1 - Chapitre 11

Une vibration familière se propagea le long de la colonne vertébrale d'Harlock. Les réacteurs avaient démarré et étaient en train de monter en puissance.

Nous décollons ?

Logique. Pour quelle autre raison Emeraldas aurait-elle fait diffuser le poste de manœuvre ? Néanmoins, le capitaine sentait confusément que c'était une mauvaise idée. Et il faisait confiance à ses intuitions, en général.

Il ne lui restait plus qu'à aller voir ce qui se passait... Plus facile à dire qu'à faire. Le docteur Zero avait resserré les sangles qui le maintenaient, et augmenté leur nombre. Il n'avait plus été attaché comme ça depuis la fois où il avait attrapé un virus exotique qui lui donnait des hallucinations.

Le doc va encore me tuer.

Le capitaine s'efforça de dégager ses mains en exerçant un mouvement de va-et-vient sur ses liens. Cela prendrait plus de temps que de tout arracher, mais il s'agissait de s'éclipser en silence. Il doutait que le docteur accepte de le conduire en passerelle, même s'il lui demandait gentiment.

Comme il s'y attendait, les sangles se desserrèrent sans trop d'efforts. Zero avait certes gagné en expérience dans l'immobilisation de ses patients, mais il était toujours soucieux de leur bien-être. Et Harlock avait un palmarès d'évasions d'infirmerie assez conséquent.

Une fois les mains libres, le capitaine détacha rapidement les autres sangles.

Et voilà !

L'obstacle numéro un réglé, il pouvait passer à l'obstacle numéro deux : se mettre debout.

Il avait eu droit à une nouvelle injection d'anesthésiant. Il soupçonnait le docteur de s'arranger pour le maintenir toujours à la limite de l'overdose. D'accord, ça le faisait dormir – un peu – et ça permettait au docteur de souffler quelques minutes, mais là, il avait l'impression d'avoir du coton à la place du cerveau, et il ne sentait plus ses jambes. En plus, il avait des nausées.

Pas très pratique.

Voyons... D'ordinaire, le doc assistait aux décollages depuis le pont d'observation. Il disposait donc d'un peu de temps pour convaincre ses jambes de le soutenir. Il s'assit sur son lit et entreprit de remuer ses orteils.

Ah, bonne nouvelle, l'information passait.

Il s'aperçut avec un temps de retard qu'il était toujours – ou encore, selon le point de vue – branché au système d'assistance. En attendant de retrouver la pleine fonctionnalité de ses jambes, il enleva les uns après les autres les différents tuyaux, ainsi que les électrodes.

Tiens, j'étais sous simulateur cardiaque, aussi ?

Au moins, l'anesthésiant remplissait bien son rôle. La douleur avait disparu, et il ne sentait plus Syssend'har se vider de son sang dans sa nuque.

Il balança les pieds hors du lit et prit un peu d'élan pour se lever.

Okay. Maintenant, faut lâcher le mur.

Finalement, il estima qu'il était plus prudent de garder un point d'appui. S'aidant des parois, il réussit à atteindre la coursive principale, pour l'instant déserte.

Ouf.

Il ne restait plus qu'à atteindre l'ascenseur, sans trop tituber, sans vomir sur le pont et sans perdre connaissance. Et surtout sans croiser le docteur en sens inverse.

L'enfance de l'art.

                                                  —————

Sam Carter s'était éloignée du camp pour procéder tranquillement à une série de mesures du champ magnétique de P4X-48C. Les premiers résultats corroboraient les analyses de Thor : les ondes électromagnétiques augmentaient en puissance. Le champ de la planète se dilatait.

Elle modifia les réglages de son appareil de mesure – une petite merveille que lui avait prêtée Tochiro. Celui-ci afficha sur son écran une représentation du champ magnétique de P4X-48C et déroula une simulation de son évolution dans le temps.

Effectivement, la situation était critique.

— Major Carter ? appela MacKay par radio.
— Je vous écoute.

Le Canadien était parti avec une équipe SG afin de réparer la porte des étoiles. Il avait apparemment réussi à convaincre Tochiro qu'il était parfaitement qualifié pour effectuer ce travail seul. Tochiro n'avait pas insisté pour le suivre, probablement désirait-il reprendre son débat avec Thor au sujet de sa théorie des mathématiques interdimensionnelles.

Sam les avait écoutés quelques minutes, mais il lui avait rapidement fallu se rendre à l'évidence : ce n'était pas de son niveau.

Elle prit cependant mentalement note de se pencher à nouveau sur le sujet à tête reposée. Il y avait là de nombreuses pistes à explorer, et elle avait déjà quelques idées.

La voix de MacKay la tira de ses rêveries mathématiques.

— Je suis arrivé à proximité de la porte des étoiles, disait-il, et j'ai commencé à appliquer la même procédure que le professeur Oyama a utilisé pour réparer la porte de la Terre.
— Mais... ? coupa Carter.
— Mais les relevés sont différents ici. J'ai fait un diagnostic complet du DHD et de l'anneau, et les résultats que j'obtiens sont totalement aberrants.
— Vous avez une explication ?
— Euh... Oui, j'ai une théorie, mais...
— Mais quoi ?
— Je pense qu'il vaut mieux que vous veniez voir par vous-même, termina sombrement MacKay.

                                                  —————

Un sifflement assourdissant emplit soudain la vallée. O'Neill sortit en trombe de la tente de commandement.

— Que se passe-t-il ? cria-t-il à la cantonade. On est attaqué ?
— C'est le vaisseau pirate, mon colonel ! répondit un soldat.
— Elle décolle ? fit Kei, incrédule, derrière lui.
— C'est ce qu'il paraît.

De fait, l'Arcadia était entourée d'un nuage de poussière. Le vaisseau vert était en train de s'élever verticalement, mètre par mètre. O'Neill s'était attendu à ce qu'il soit plus rapide, d'ailleurs.

Kei lui agrippa le bras.

— Tochiro est toujours ici ? demanda-t-elle d'un ton qui, aux oreilles du colonel, laissait transparaître un peu d'affolement.
— Ne vous inquiétez pas...
— Je m'inquiète, au contraire ! coupa-t-elle. Emeraldas n'abandonnerait jamais Tochiro !
— Elle doit avoir l'intention de venir le récupérer plus tard.
— Vous n'avez pas écouté ce que ce tas de scientifiques vient de dire ? protesta la jeune fille. La planète va exploser ! Qu'il y ait ou non un bombardement !

O'Neill hocha la tête. MacKay et Carter étaient juste revenus au camp. Ils avaient provoqué une réunion d'urgence : en tentant de réparer la porte des étoiles, MacKay avait mis le doigt sur un problème inattendu : les nanomachines avaient contaminé la porte des étoiles.

Bon, il n'avait pas compris grand-chose aux explications techniques, mais il avait bien retenu la conclusion.

Les nanomachines envoyaient leurs ondes électromagnétiques à travers tout le réseau de portes des étoiles. Lorsque le système entrerait en surcharge sur P4X-48C, la décharge d'énergie se répercuterait sur toutes les planètes possédant une porte. Faire exploser la planète pour déclencher une réaction contrôlée, comme Thor l'avait prévu, ne résoudrait pas le problème : son objectif était de limiter l'explosion localement pour éviter qu'elle ne se propage à travers l'espace et entraîne l'effondrement des étoiles les plus proches. Mais là, il s'agissait d'une propagation par l'hyperespace.

Même si Thor et Tochiro n'avaient pas l'air de s'entendre sur certains détails – encore des équations mathématiques, apparemment –, ils s'accordaient tous les deux sur un point : la quantité d'énergie produite serait suffisante pour détruire une bonne partie des portes des étoiles. Ainsi que toutes les installations à proximité, bien entendu.

— Je comprends mieux pourquoi Harlock a été surpris lorsque je lui ai expliqué comment nous voyagions dans l'espace, déclara-t-il. Dans neuf siècles, toutes les portes auront disparu depuis des lustres et vous aurez trouvé d'autres moyens de transport.

Il se demanda si Carter allait trouver une solution miraculeuse avant le dénouement. D'accord, SG-1 avait l'habitude de sauver le monde in extremis, mais cette fois, le défi était de taille !

                                                  —————

Emeraldas avait stabilisé l'Arcadia en orbite basse autour de la planète. Le vaisseau, sous son bouclier de camouflage, était en attente. À l'écoute de tout mouvement à l'intérieur de la sphère d'influence planétaire. Les radars ne détectaient aucune présence ash, mais elle ne s'en souciait pas. Les sondes automatiques que Tochiro avaient larguées à son arrivée pourraient effectuer un nouveau balayage dès qu'elle en donnerait l'ordre.

— Vos ennemis se dissimulent derrière la lune, lui dit Ba'al obligeamment.
— Je sais, répondit-elle sèchement.

Elle savait aussi que Ba'al ne tarderait pas à l'interroger sur ses intentions. Il lui demanderait pourquoi elle ne faisait pas route immédiatement vers le satellite pour engager le combat, mais elle avait besoin de réfléchir calmement, sans que cet alien ne la harcèle.

Tochiro avait appelé. Il avait transmis toutes les informations qu'il avait rassemblées sur la planète, l'arme et l'explosion imminente. Et le rôle des Ashs dans cette affaire.

Bon, même si l'un d'entre eux faisait de son mieux pour prévenir la catastrophe qui s'annonçait, cela ne la ferait pas changer d'avis sur leur culpabilité. Les Ashs étaient directement responsables de l'hiver éternel qui s'était abattu sur Râmétal, au début du vingt-et-unième siècle – c'est-à-dire maintenant. La tempête électromagnétique qui avait traversé la galaxie avait définitivement achevé d'éjecter Râmétal de son orbite déjà instable. La petite planète, la dernière du système solaire, avait traversé la ceinture de Kuiper et était allée se perdre dans le vide interstellaire. Le refroidissement inexorable avait fini par pousser sa reine à la pire des extrémités : la mécanisation de ses habitants. Au fond d'elle-même, elle était consciente que se battre contre les trois vaisseaux ashs n'avancerait à rien, mais au moins, ça la défoulerait.

Ba'al revint à la charge.

— Vous devez prendre l'initiative de l'action, insista-t-il.
— Je n'ai pas à me justifier de ma stratégie.

Mais quelle était-elle ? Quelle était le meilleur choix à faire ? Elle connaissait le but à atteindre : il ne fallait pas que l'arme se déclenche. Mais l'Histoire avait égaré les détails qui auraient pu lui être utiles. Est-ce que les Ashs – les Asgards – pourraient influencer les événements de façon positive ? Ou bien leur action serait-elle forcément négative, quoi qu'ils tentent ?

Et pendant ce temps, Ba'al essayait de la forcer à agir selon ses propres intérêts... Sans compter qu'il avait à l'évidence des vues sur l'Arcadia... Entre autres.

— Vous avez peur de ne pas être à la hauteur ? reprenait-il perfidement. Vous craignez que votre vaisseau ne soit pas assez puissant ?
— Ça suffit ! s'emporta-t-elle brusquement, faisant sursauter la totalité du personnel présent en passerelle.

Y compris Ba'al, remarqua-t-elle avec un sourire sinistre.

— Je n'ai nul besoin que vous me dictiez ce que j'ai à faire ! continua-t-elle.
— Ce n'était pas mon intention, déclara Ba'al d'un ton conciliant. Je pensais seulement vous montrer combien vos intérêts et les miens étaient proches...
— Votre objectif à long terme est différent du mien.
— Vraiment ? J'ai l'impression que vous ne refuseriez pas d'acquérir davantage de moyens... Commander une flotte... Sentir la puissance entre vos mains...
— Je possède mon propre vaisseau. Je n'ai pas besoin de plus.

Elle se détourna de Ba'al, en partie pour se concentrer sur la trajectoire de l'Arcadia, mais surtout pour qu'il ne remarque pas son hésitation. Le Queen Emeraldas était un vaisseau exceptionnel, capable de défier des escadrilles entières. Que serait-elle en mesure d'accomplir si elle disposait de toute une flotte pour l'épauler ?

— Diminuez l'altitude ! ordonna-t-elle. Assiette à moins trois ! Programmez une circulaire autour de la porte des étoiles à cent point huit !
— Vous perdez une occasion précieuse...
— Cette discussion est terminée ! trancha-t-elle. Veuillez retourner dans vos quartiers avant que je ne sois obligée d'utiliser la force.

Le visage de Ba'al se ferma, mais il ne fit aucun geste pour quitter la passerelle.

— Al'shak anack kel, marmonna-t-il pour lui-même.
— Ne'naï, répondit Emeraldas sans se troubler, tout en dégainant son sabre. Goah sha kree.

Ba'al recula, surpris.

— Comment...?
— Je ne suis pas Terrienne, fit-elle avec un demi-sourire narquois. Contrairement à Harlock et aux autres, j'avais déjà entendu parler de votre peuple avant de vous rencontrer.
— Ce devait apparemment être plus que des rumeurs, reprit Ba'al en tentant de se ressaisir.
— Ma planète avait développé une civilisation brillante. Et mon peuple a accueilli les derniers représentants du vôtre, juste avant la fin... Il reste des traces de votre passage, même si elles sont incomplètes. Des écrits, des enregistrements...

Emeraldas s'avança vers Ba'al sans baisser sa garde. Le Goa'uld eut un mouvement involontaire des mains, comme s'il s'apprêtait à bondir, mais finalement il se laissa guider docilement vers l'ascenseur.

— Poursuivez la manœuvre ! ordonna-t-elle au personnel de quart. Nous attendrons un nouvel appel de Tochiro avant d'entreprendre quoi que ce soit.

                                                  —————

Hammond écoutait les scientifiques exposer une nouvelle méthode pour venir à bout de l'arme de P4X-48C.

— Un nanovirus, expliquait Thor. C'est le major Carter qui en a eu l'idée.
— Il est programmé de manière à déstructurer l'ensemble du dispositif, renchérit Carter. Le virus va envoyer des ordres contradictoires aux nanomachines, qui ne seront plus capables de synchroniser leurs émissions magnétiques.
— Mmm... fit Hammond. Vous êtes sûrs du résultat ?
— Nous avons fait un essai à petite échelle. Les nanomachines qui ne sont plus synchronisées avec l'ensemble sont rejetées par le cœur. Elles peuvent alors être détruites sans risquer une réaction en chaîne.
— Nous commencerons par décontaminer la zone de la porte des étoiles, reprit Thor. J'utiliserai le téléporteur de mon vaisseau pour extraire les nanomachines désynchronisées. L'objectif n'est pas de nettoyer toute la surface mais d'isoler le cœur. Privé du relais des nanomachines, son explosion pourra être facilement confinée par un champ de force.
— Nous sommes capables de générer un tel champ de force ? s'étonna Hammond.
— Je m'en occupe, répondit Tochiro.

                                                  —————

Ba'al s'était nonchalamment adossé à la paroi de l'ascenseur.

— Vous me voyez sincèrement désolé de ne pas avoir réussi à vous convaincre, déclara-t-il sans quitter des yeux le sabre d'Emeraldas.

Elle avait quelque peu baissé sa garde. Il saurait en profiter.

— Votre baratin perfide ne m'intéresse pas, répliqua-t-elle. Vous ne pensez qu'à votre propre personne. Je crois que vous vous souciez plus d'agrandir votre empire et d'asseoir votre pseudo « divinité » qu'autre chose.
— Le rêve d'une galaxie unifiée... sourit-il.

Il haussa les épaules, vaguement vexé.

— Et ce n'était pas du « baratin », ajouta-t-il.

Emeraldas le considéra avec un soupçon de perplexité.

Le Goa'uld se laissa conduire à travers les coursives sans rien tenter... pour le moment. S'ils se rendaient effectivement dans ses quartiers, comme Emeraldas l'avait annoncé, alors ils allaient devoir passer devant un local qui l'intéressait au plus haut point...

Ils bifurquèrent dans la bonne direction. Il n'aurait que quelques secondes avant qu'elle ne réagisse. Il pouvait voir la porte du local. Elle était fermée, mais le voyant vert au-dessus du panneau de commande lui indiquait qu'elle n'était pas verrouillée.

La chance me sourit ! Encore quelques mètres... Maintenant !

Il bondit brusquement sur le côté, dévia le sabre d'Emeraldas d'un revers de la main et se jeta sur la commande d'ouverture. La porte coulissa pour le laisser passer et se referma aussitôt derrière lui. Il écrasa le panneau de contrôle de ce côté, court-circuitant les commandes. Emeraldas devrait mettre plusieurs minutes avant de forcer le passage.

— Que faites-vous ici ?

Il y avait deux humains dans la pièce. Il ne leur donna pas le temps de réagir... Emeraldas n'avait pas pris la peine de lui enlever son gantelet... qu'il s'était bien gardé de lui montrer.

— En arrière ! siffla-t-il en libérant d'un coup toute la puissance de la pierre.

Les deux hommes volèrent à travers la pièce, s'écrasèrent contre une paroi quelques mètres plus loin et retombèrent au sol inanimés.

Il avait bien fait de les observer effectuer leurs maintenances ici. Il avait une petite idée sur la façon dont fonctionnaient les ordinateurs, ainsi que les appareils de pointage manuels, à présent...

Un des hommes grogna, en essayant de se redresser maladroitement. Ba'al lui expédia un violent coup de pied qui le réassomma, puis jeta un coup d'œil à la porte. Elle avait l'air de tenir. Il était donc entièrement libre de faire ce qu'il voulait dans ce local. Au cœur du centre de contrôle des tourelles principales de l'Arcadia...

                                                  —————

— Commandant ! Nous détectons un tir à énergie en provenance du vaisseau terrien en orbite ! Il est pointé sur nous !
— Ce n'est pas possible ! répondit le commandant asgard. Levez les boucliers, puissance maximale ! Puis essayez de le contacter sur les fréquences qu'utilisent habituellement les humains.
— Aucune réponse, commandant. Dois-je effectuer un nouveau balayage de fréquences ?
— Transmettez sur toutes les fréquences possibles que nous riposterons à une nouvelle agression ! fit l'Asgard. Et mettez-moi en liaison avec le Commandant Suprême !

Le tir passa à quelques encablures spatiales de la nef asgard. L'onde de choc fit cependant tressaillir les boucliers. Les estimations transmises par Thor étaient exactes : ce vaisseau possédait effectivement une puissance de feu supérieure à un ha'tak goa'uld standard.

— Affichez-moi une solution de tir sur l'écran tactique !

Peut-être n'était qu'une erreur de manipulation, une mise à feu intempestive. Le commandant préférait tout de même être paré à toute éventualité. D'autant plus que les fréquences de communication restaient muettes.

— Qu'est-ce qui empêche le Commandant Suprême de me répondre ? demanda-t-il nerveusement à son radio.
— Je l'ignore, commandant, répondit celui-ci. Je détecte un brouillage électromagnétique diffus provenant de la planète. Impossible d'établir sa source avec précision.
— Ce sont les effets de l'emballement du cœur que nous a décrit le Commandant Suprême. La réaction semble commencer plus tôt que prévu.

La solution de tir demandée se déroula sur l'écran tactique principal. L'angle de tir était plus que mauvais : la gravité de la lune perturbait la ligne de visée, obligeant l'artillerie à des corrections hasardeuses. Le point positif, c'était que le vaisseau terrien devait tenir compte des mêmes paramètres pour ajuster son tir.

— Nouvelle salve ! annonça l'opérateur. Deux coups rapprochés, correction de tir enregistrée, impact estimé dans quinze secondes !
— Manœuvre d'esquive sur tribord ! Pleine puissance !

La nef asgard vibra lorsque ses moteurs passèrent brutalement en régime maximal, mais le lourd vaisseau ne put vaincre son inertie à temps. Le premier coup atteignit l'arrière du flanc bâbord, et mit le bouclier en surcharge. Le deuxième franchit la barrière énergétique sans quasiment rien perdre de sa puissance, et transperça le vaisseau de part en part.

— Perte de pression dans les tranches huit à dix-sept ! Les ordinateurs de contrôle du réacteur bâbord ne répondent plus. Aucune donnée de l'intérieur du compartiment, tous les détecteurs sont détruits ! Fort dégagement de fumée dans les tranches sept et six. L'ordinateur reporte également une élévation anormale de la température.
— Isolez les zones sinistrées ! Fermez les panneaux étanches à partir de la tranche cinq, et coupez toutes les alimentations électriques de l'arrière du vaisseau.
— Commandant, si nous condamnons ces zones, nous allons perdre plus de soixante-dix pour cent de la propulsion, et cinquante-quatre pour cent de notre puissance de feu !
— L'arrière est en flammes ! coupa le commandant. Les dispositifs de sécurité du vaisseau sont insuffisants ! Il faut traiter les sinistres par le vide !
— À vos ordres.

La nef siffla et craqua tandis que des explosions assourdies se répercutaient jusqu'à la passerelle. Le deuxième vaisseau appela sur la fréquence d'urgence, mais le commandant déclina la proposition d'assistance qui lui était faite. L'équipage des vaisseaux asgards était réduit au minimum, et certainement pas adapté à lutter contre une série d'incendies de grande ampleur.

Enfin, les écrans de contrôle purent transmettre une image de l'extérieur. Les compartiments des machines bâbords étaient dévastés. Une blessure béante trouait le flanc du vaisseau et laissait échapper des arcs électriques inquiétants.

— Quelles sont nos capacités de manœuvre ?
— Seize pour cent, commandant. Uniquement sur tribord et sans utiliser l'hyperpropulsion.
— Cela suffira. Préparez-vous à riposter !

L'autre vaisseau vint se placer en couverture sur sa hanche endommagée. La nef de Thor, en configuration automatique, bougea pour rejoindre une orbite plus proche de la lune. Inutile de l'exposer inutilement.

— Toutes pièces d'artillerie parées, commandant.
— Ouvrez le feu !

                                                  —————

Un choc sourd ébranla toute la coursive, puis un deuxième. Harlock tenta de se retenir aux parois, mais il ne trouva aucune prise. Le troisième choc acheva de le déséquilibrer.

C'est bon, je fais une pause.

Une série de coups caractéristiques résonna le long de la structure de l'Arcadia. Le bouclier était en train d'encaisser une salve nourrie à bout portant, et sans chercher à l'éviter. Harlock n'avait senti ni les compensateurs inertiels, ni le ronronnement des moteurs qui auraient indiqué que le vaisseau commençait une manœuvre évasive.

Qu'est-ce qu'ils font, là-haut ?

Vu la façon dont la coque vibrait, cela signifiait que ceux qui tiraient sur le vaisseau étaient soit très proches, soit mieux équipés qu'un vaisseau Illuminas commun. Dans les deux cas, et si Tochiro voulait que le bouclier ait une espérance de vie supérieure à quelques minutes, il ne fallait pas rester au beau milieu de la ligne de tir.

C'est pas croyable... Il suffit que je m'absente pour que tout parte à vau-l'eau !

Cette immobilité n'était pas normale. La stratégie militaire n'était certes pas le point fort de Tochiro, mais il savait tout de même appliquer des réactions strictement préplanifiées en situation de crise. Et Emeraldas possédait une longue expérience des combats spatiaux.

Le capitaine nourrissait de sombres appréhensions quant à la présence de Ba'al sur son vaisseau. Par ses manigances, le Goa'uld était tout à fait capable d'avoir divisé son équipage... Et ce n'était que l'option la plus optimiste.

L'éclairage de la coursive faiblit, puis s'éteignit quelques secondes avant que le circuit de secours ne se mette automatiquement en place. Un nouveau tir fit gîter brutalement l'Arcadia. Ballotté d'un bord à l'autre, Harlock tenta péniblement d'atteindre le bout de la coursive.

Pourvu que l'ascenseur ne soit pas hors-service...

Il se voyait mal monter à la passerelle à la force des poignets. Heureusement pour lui, les portes coulissèrent sans problème et l'ascenseur fonctionna sans rechigner. Une détonation assourdie fit trembler les parois : une des deux tourelles principales était en train d'ouvrir le feu. Étrange pourtant qu'il n'entende pas davantage de ripostes de l'Arcadia. Les tourelles n'étaient assurément pas leur seul moyen de défense...

L'ascenseur s'ouvrit sur une passerelle étonnamment calme, et quasiment déserte. Seuls un radio et un opérateur radar étaient en vue.

Je sais que ce vaisseau est conçu pour fonctionner avec un minimum de personnel, mais faut tout de même pas pousser !

— Au rapport ! ordonna Harlock.

Les deux hommes se retournèrent vivement.

— Capitaine ? s'étonna le radio. Euh... L'alien a pris le contrôle des tourelles principales, captain, se reprit-il rapidement. Il tire manuellement depuis un des locaux techniques. Et les vaisseaux ennemis ne répondent pas sur les fréquences habituelles !
— Ce ne sont pas les fréquences habituelles, répliqua Harlock. Désactivez toutes les sécurités et le cryptage et utilisez les fréquences du SG-C !
— À vos ordres !

Harlock passa derrière la barre et s'y raccrocha obstinément. L'opérateur radar le regardait avec inquiétude. Le capitaine serra les dents. Son corps insistait de plus en plus lourdement pour qu'il perde connaissance, mais il n'était pas question de le laisser faire.

— Où est Tochiro ? demanda-t-il.
— À terre, captain. Il est parti avec miss Kei. Ils voulaient aider le général à réparer sa porte.
— Et Emeraldas ?
— J'en sais rien. Elle a eu un échange de mots un peu violent avec l'alien, qui essayait de la pousser à attaquer. Elle l'a raccompagné à ses quartiers, et on n'a plus de nouvelles depuis.

Zut. Il ne lui restait plus qu'à se débrouiller tout seul. Tochiro était absent, Emeraldas probablement en train de s'expliquer avec Ba'al... Il verrait plus tard si elle avait besoin d'aide. Pour l'instant, la priorité était de sortir l'Arcadia de ce traquenard.

Il inspira profondément, tentant d'ignorer les signaux d'alarme de son propre organisme.

— Rapport des dégâts ! fit-il.
— Bouclier à vingt-trois pour cent, captain. Incendies mineurs au hangar aviation, deux blessés légers. Réacteur deux disponible à dix-neuf pour cent, le réacteur un à cent pour cent.

Un autre tir partit de la tourelle numéro deux.

— Aucun contrôle sur l'artillerie principale, répéta le radio.
— Court-circuitez toutes les commandes de tir ! ordonna Harlock.

Une fois le système grillé, Ba'al ne serait plus capable d'effectuer le moindre tir. Lui non plus, d'ailleurs, mais c'était le cadet de ses soucis.

— Pleine puissance des boucliers sur tribord ! Préparez-vous à effectuer une rentrée en atmosphère !

Il avait une petite chance que les conduites de tir ennemies soient perturbées par les couches atmosphériques. Après... Il espérait que le relief de la planète lui offrirait un refuge : un canyon profond ou un océan feraient parfaitement bien l'affaire.

Avec un seul réacteur pleinement opérationnel et des boucliers agonisants, c'était inutile de songer à une manœuvre d'évasion élaborée. Il préférait privilégier la rapidité. Ni lui, ni l'Arcadia ne tiendraient bien longtemps.

                                                  —————

Toutes les portes de l'Arcadia disposaient d'un système d'ouverture de secours manuel en cas de défaillance des commandes. Emeraldas reçut une légère décharge lorsqu'elle réussit enfin à ôter le capot de protection du panneau de contrôle : la destruction du panneau symétrique, de l'autre côté de la paroi, avait court-circuité tous les composants. Les fibres optiques achevaient de fondre, les cartes électroniques étaient définitivement inutilisables, mais le loquet de déverrouillage était à sa portée.

Les vérins se relâchèrent dans un soupir, entrouvrant la porte. Il ne restait plus qu'à la faire coulisser manuellement pour que le passage soit suffisamment large.

Ba'al était penché sur le radar de conduite de tir, occupé à régler la prochaine salve. Les deux artilleurs de quart gisaient inconscients dans un coin.

— Écartez-vous de cette console ! cria Emeraldas en braquant son sabre.

Le Goa'uld se retourna posément, nullement surpris.

— C'est trop tard, déclara-t-il. J'ai sérieusement endommagé l'un des vaisseaux asgards et ils sont en train de riposter. Si vous ne voulez pas être détruits, vous devez vous défendre.
— Avant cela, je vais définitivement vous empêcher de nuire ! rétorqua Emeraldas.

Elle tira deux fois, visant délibérément de chaque côté des oreilles de Ba'al. Il ne cilla pas.

— Vous semblez avoir des scrupules à m'abattre, sourit-il. Ce ne sera pas mon cas.

Le Goa'uld étendit la main gauche et libéra un champ de force par son gantelet métallique. Emeraldas fut brutalement repoussée en arrière jusque dans la coursive et heurta violemment la paroi. Encore groggy, elle roula de côté par réflexe à temps pour éviter un nouveau jet d'énergie. Cet appareil semblait concentrer les ondes psychiques de son utilisateur pour créer des champs de fréquences modulables... Redoutablement efficace. Elle aurait dû se préoccuper davantage des technologies goa'ulds. Ba'al lui avait lui-même annoncé posséder certains gadgets qu'il n'avait pas retrouvés à bord de l'Arcadia. Trop tard pour y penser de toute façon.

Elle tira au jugé avant que Ba'al ne la fasse voler une nouvelle fois. L'impulsion l'envoya une dizaine de mètres plus loin dans la coursive. Elle réussit à se réceptionner sans dommages, mais lâcha son sabre sous le choc. L'arme glissa hors de sa portée... quasiment jusqu'aux pieds de Ba'al.

— Ya'ani ! fit celui-ci en ramassant le sabre, sans cesser de fixer des yeux Emeraldas. Il est temps que vous admettiez la supériorité de la race goa'uld !

Emeraldas le défia du regard. Ba'al la visa posément, fit briller son « générateur de champ psychique » – quel que soit le nom qu'il pouvait donner à cet appareil –, sans toutefois faire mine de tirer.

— Vous semblez avoir des scrupules à m'abattre, déclara Emeraldas à son tour, sarcastique.

L'expression de Ba'al resta indéchiffrable.

Emeraldas bondit avant que le Goa'uld ne réagisse. Elle savait que la force physique de l'alien était bien supérieure à celle d'un humain, mais elle ne comptait pas non plus réussir à le supplanter d'un coup... Simplement tenter de rééquilibrer le rapport des forces. D'un seul mouvement souple, elle évita le coup de sabre et attrapa le bras gauche de Ba'al. Il se dégagea d'une torsion puis l'envoya valser d'un revers, mais elle avait atteint son objectif.

Elle dégaina son cosmodragon.

— Voyons ce que votre soi-disant race supérieure vaut en combat rapproché sans le secours de ceci, dit-elle en exhibant le gantelet de Ba'al au bout de ses doigts.
— Avec plaisir ! lâcha celui-ci en portant une série de coups d'estoc et de taille.

Emeraldas para avec le canon de son arme. Elle recula. Elle manquait d'allonge pour riposter, et elle devait de plus prendre garde à ne pas tirer n'importe où. Ce genre de pistolet était d'un calibre tout à fait suffisant pour trouer la coque si elle atteignait un point plus fragile par inadvertance...

L'Arcadia fit soudain une embardée, les déséquilibrant tous les deux. La coque propagea la vibration caractéristique d'un réacteur en puissance maximale. La luminosité déclina un instant, signe qu'une bonne partie de l'énergie venait d'être déviée au profit de systèmes plus vitaux. Quelqu'un en passerelle s'était apparemment décidé à contrer l'attaque.

— Poste de combat. Prendre les mesures de sauvegarde pour une rentrée en atmosphère d'urgence.

Quelqu'un qui aurait dû être à l'infirmerie, d'ailleurs.

Harlock...

Le pont prit une assiette descendante marquée. Visiblement, les compensateurs inertiels peinaient à suivre le rythme. Plusieurs soubresauts successifs marquèrent le passage du vaisseau dans l'atmosphère de la planète, mais cela ne fit pas cesser les tirs ennemis. Au contraire.

Le souffle d'une explosion plus proche arracha les faux plafonds et jeta Emeraldas à terre. Venue de nulle part, une poutrelle métallique manqua de peu sa tête, mais coinça ses jambes contre la paroi tribord. L'obscurité envahit la coursive.

Sur la diffusion générale, la voix de Mimee remplaça celle du capitaine.

— Alerte maximale. Rupture de collecteur dans la chambre de combustion du réacteur numéro deux. Stoppage de la ventilation. Évacuation des tranches Écho à Kilo.

Un sifflement de mauvais augure ricocha le long des parois : une brèche dans la coque. Toujours immobilisée par la poutrelle, Emeraldas entendit Ba'al se dégager des débris à quelques mètres d'elle. Elle donna vainement des coups rageurs au morceau de métal... Trop lourd.

Ba'al se dressa au-dessus d'elle et la fixa intensément, impassible. Elle crut un moment qu'il allait l'abattre ici-même, mais il se contenta de tourner les talons sans dire un mot. Le chuintement des portes de l'ascenseur parvint à ses oreilles quelques secondes plus tard.

— Revenez ! cria-t-elle au couloir désert. Nous n'avons pas fini de nous expliquer !

Et merde...Tant pis.

Deux coups de cosmodragon suffirent à briser la poutrelle. Le tir transperça également le mur d'en face, et le métal fondu illumina brièvement la coursive d'une lueur rougeoyante... Le vaisseau n'en était plus à ça près.

Elle rejoignit l'ascenseur entre deux explosions.

— Dernière destination programmée, commanda-t-elle.

Contre toute attente, l'ascenseur ne monta pas vers la passerelle. Et il s'arrêta un pont trop haut pour atteindre la salle des machines. Voyons... D'ici, il ne pouvait qu'aller au hangar des navettes. Il allait quitter le bord. Apparemment, Ba'al avait décrété le vaisseau définitivement perdu.

Emeraldas arriva au poste de contrôle du hangar au moment où un des chasseurs décollait. Ba'al n'avait pas menti lorsqu'il lui avait dit être un bon élève. Elle ne se souvenait pas lui avoir montré comment se pilotaient ces appareils, tout au plus avait-il eu droit à une présentation sommaire des commandes.

La porte latérale du hangar était déjà ouverte. Elle ne pouvait qu'attendre la fin de la procédure automatique de décollage pour rejoindre un autre appareil sous peine d'être aspirée par le souffle.

                                                  —————

— Donnez-moi plus de puissance dans les propulseurs auxiliaires !
— Nous sommes déjà en surrégime, capitaine !
— Insistez ! L'Arcadia n'est pas suffisamment manœuvrant avec seulement un réacteur principal !

L'activité en passerelle s'était un peu clarifiée lorsque le personnel de renfort avait rallié, mais les ennuis n'avaient pas disparu pour autant. Le vaisseau essuyait un tir de barrage nourri qui mettait ses boucliers à rude épreuve et pompait à grande vitesse ses ressources en énergie. Le nombre d'impacts directs sur la coque augmentait de façon alarmante. Les armes étaient inopérantes, le réacteur tribord avait définitivement rendu l'âme, et les communications étaient coupées.

Harlock secoua la tête pour chasser le brouillard qui obscurcissait sa vue. S'il ne trouvait pas une solution rapidement, la situation risquait de devenir critique.

— Forcez les signaux des émetteurs ! Nous devons absolument établir le contact avec le camp SG !
— Le brouillage électromagnétique de la planète nous empêche de recevoir la moindre transmission, capitaine, répondit le radio. Les condensateurs saturent et font griller les antennes !
— Envoyez le message en boucle en l'air ! Peut-être qu'eux sont encore capables de nous recevoir...

L'Arcadia fit une brutale embardée. Harlock se raccrocha à la barre de justesse et remit tant bien que mal le vaisseau sur son axe de descente.

— Que se passe-t-il ? L'Arcadia est déséquilibrée sur tribord !
— Ouverture de la porte latérale du hangar trois, capitaine !
— Quoi ? Refermez !

Avec sa propulsion défaillante et en pleine procédure de rentrée en atmosphère, le moindre défaut de coque pouvait se révéler catastrophique...

— La commande s'est faite manuellement depuis le hangar, captain. Je ne contrôle rien d'ici !

Harlock lutta avec la barre pour empêcher l'Arcadia de se mettre en vrille. Faute de mieux, il réussit à stabiliser plus ou moins le vaisseau sur une pseudo-glissade en crabe... Ça ne sembla pas du goût de la structure qui fit entendre des craquements peu rassurants.

Le volume sonore des alarmes en passerelle augmenta d'un cran.

— Distance au sol vingt mille mètres... dix-neuf mille cinq cents... dix-neuf mille... égrenait un opérateur.
— La température de frottement atteint son seuil de tolérance au niveau de la proue ! transmit le chef machine par l'interphone. Il faut ralentir, sinon les plaques de blindage vont fondre !
— Négatif ! Notre vitesse est le seul moyen qui nous reste pour perturber le verrouillage des conduites de tir ennemies !
— Nouvelle salve ! interrompit le radar. Azimut deux sept deux, distance cinquante mille !

Harlock fit plonger le nez du vaisseau.

— Distance au sol treize mille... douze mille... dix mille...

Les tirs passèrent sur l'arrière du bâtiment.

— Un missile verrouillé sur nous, annonça l'artilleur.
— Balancez les leurres !
— Déploiement des leurres... Missile leurré... Impact ! Attention à l'onde de choc !

L'Arcadia se mit en travers lorsque le souffle de l'explosion du missile la rattrapa.

— Distance au sol sept mille... cinq mille... trois mille... Capitaine ! On va se crasher !
— À tous les postes, début de la ressource ! Inversez la poussée du réacteur, rétrofusées à puissance maximale ! Stoppez tous les propulseurs auxiliaires !

En dessous, les ruines de l'ancienne capitale se distinguaient nettement. La forêt s'étendait tout autour jusqu'à l'horizon, seulement entrecoupée çà et là de petits lacs et de vagues clairières. D'après les derniers relevés topographiques, l'unique océan de la planète se trouvait dans l'autre hémisphère... et le relief était bien trop érodé pour fournir le moindre abri.

— Distance au sol mille cinq cents... mille... sept cents...
— Incendie en tranche Alpha ! Perte de l'intégrité du blindage de la proue, déformation des parois de quatre point quatre !
— Trois cents... deux cents... cent cinquante... cent... soixante-dix... cinquante... Nom de dieu !
— Avant, toute ! Pleine puissance !

Les moteurs rugirent, et le vaisseau répondit au quart de tour.

La quille effleura la cime des sapins.

                                                  —————

— Mon colonel, venez voir !

O'Neill leva la tête. Un trait de feu traversait le ciel dans leur direction.

— Bon sang ! Qu'est-ce que c'est que ça ?

Le grondement parvint à leurs oreilles avec un temps de retard. Quoi que ce soit, c'était drôlement rapide.

— On dirait une météorite, mon colonel, fit le soldat qui l'avait interpellé.
— Je ne crois pas. Une météorite ne se déplacerait pas en zigzag de cette manière...

Le colonel plissa les yeux. L'objet en question était incandescent à cause des frottements avec l'atmosphère, mais sa forme générale était tout de même terriblement reconnaissable... D'autant plus qu'il se rapprochait à toute vitesse.

— Ça m'a tout l'air d'être un vaisseau qui était posé à proximité il n'y a pas si longtemps...

Le grondement résonnait dans toute la vallée, faisant peser sur le camp une ambiance apocalyptique.

— J'apprécierais qu'il ne s'écrase pas sur notre camp, commenta Teal'c stoïquement.
— C'est quoi, ce bruit ? se plaignit MacKay qui sortait tout juste d'une tente. Ce n'est pas possible de travailler dans ces conditions ! Houlà... Euh... C'est normal, ce vaisseau qui nous tombe dessus ?

Carter les rejoignit du PC transmissions.

— Nous avons capté un message de l'Arcadia, mon colonel, annonça-t-elle. Il est fortement brouillé, mais on perçoit quand même quelques mots... En particulier « cessez le feu ».
— Cessez le feu ? Ils sont attaqués ?
— S'ils sont allés titiller les Asgards, ils n'ont que ce qu'ils méritent, déclara MacKay.
— Dans sa dernière communication, Emeraldas m'avait assuré qu'elle attendrait, rétorqua Tochiro.
— Thor est à l'intérieur ? demanda O'Neill en montrant la tente. Débrouillez cette affaire avec lui, major, continua-t-il comme Tochiro opinait. On devrait pouvoir mettre en place une table de négociations.

MacKay eut une moue sceptique.

— Il faudrait déjà qu'il reste des morceaux pour négocier.
— Il va tomber au sud de notre position, intervint Teal'c. J'ai l'impression qu'il se redresse.
— Moi, j'ai surtout l'impression qu'il perd des pièces.
— En effet.

Le vaisseau striait le ciel de panaches de fumée impressionnants et faisait des embardées qui donnaient à penser qu'il ne contrôlait plus du tout sa trajectoire. Néanmoins, O'Neill remarqua avec surprise que la dernière affirmation de Teal'c se vérifiait : l'Arcadia était en train de se redresser.

Dans un vrombissement assourdissant, les moteurs du vaisseau en perdition donnèrent soudain leur pleine puissance, stoppant net sa chute. L'Arcadia passa au ras des arbres, survola le camp et disparut aux yeux des observateurs au sol.

— Il devait être à l'infirmerie, non ? s'interrogea Kei, les deux mains en visière pour tenter de suivre la course folle de son vaisseau.
— Ce n'est plus le cas, apparemment, lui répondit Tochiro d'un ton blasé.

O'Neill haussa un sourcil.

— Je peux savoir de quoi vous parlez ?
— Mon colonel, fit Tochiro avec un sourire, cet appareil n'a plus qu'un réacteur, a manifestement perdu ses boucliers et sa coque a été transpercée en plusieurs points. Sa vitesse de descente depuis la haute atmosphère était telle que la première couche de blindage a fondu, et son pilote vient d'effectuer une ressource parfaite à quelques mètres du sol. Je ne connais pas grand monde qui soit capable de réussir ça.
— Un coup de chance, lâcha MacKay.
— Allons donc. Après une chute de plusieurs kilomètres, le vaisseau se redresserait par miracle une fraction de seconde avant de toucher le sol ? On ne voit cela que dans les films.
— C'est la tactique préférée du capitaine, par contre, renchérit Kei. Radical pour échapper aux radars ennemis.

O'Neill jeta un regard interloqué à la jeune fille.

— Je suis soulagé d'apprendre qu'Harlock est encore en vie, mais... c'est un peu suicidaire, comme manœuvre, non ?

Kei eut un geste d'impuissance.

— On s'habitue, répondit-elle laconiquement.
— Ah.

Le colonel secoua la tête. Tactique d'évasion routinière, donc. Et dire que le général Hammond trouvait parfois son pilotage trop imprudent...

— Et comme manœuvres de combat, vous utilisez quoi ? demanda-t-il d'un ton badin.
— L'éperonnage, ça lui plaît bien, fit Kei après un échange de regards complices avec Tochiro.
— Même quand il est en bonne santé ?
Surtout quand il est en bonne santé, sourit la fille.

Mouais. Complètement dingue.

— Tous nos appareils de transmission sont hors service, mon colonel, interrompit Carter. Les perturbations magnétiques se sont encore intensifiées et empêchent l'émission ou la réception du moindre message.
— Et Thor ? Il ne peut rien faire ?
— Il est soumis au même problème, mon colonel.
— Je crains fort que mon système de téléportation ne soit également défectueux, colonel O'Neill, ajouta Thor qui venait de les rejoindre.
— La téléportation ? Attendez... Vous ne deviez pas utiliser ce moyen pour vous débarrasser des nanomachines ?
— L'intensité magnétique diminuera lorsque le virus se sera répandu dans tout le dispositif, assura Tochiro. Les indicateurs devraient revenir à la normale à ce moment.
— En attendant, votre Arcadia se fait bombarder par une flotte asgard. Ça ne vous inquiète pas ?
— Pas trop... Je me fais davantage de souci pour nous, voyez-vous...

MacKay hocha la tête énergiquement.

— Le champ magnétique se dilate de façon exponentielle, expliqua-t-il. Parallèlement, le taux de radiation augmente régulièrement. D'ici quelques heures, nous serons soumis à un rayonnement d'ondes gamma plus de mille fois supérieur à la norme. Mais entre temps, nous aurons eu le temps d'être irradiés en quantité suffisante pour pouvoir mourir plusieurs fois de suite dans d'atroces souffrances...
— Nous devons évacuer la planète en navette, colonel O'Neill, coupa Thor.

Le Canadien lui jeta un regard assassin, furieux d'avoir été interrompu dans sa tirade dramatique. Mais bon, O'Neill n'allait pas le plaindre, non plus. Il ne manquerait plus que ça.

— Je suis d'accord, répondit-il, mais j'aimerais juste savoir de quelles navettes vous parlez.

Thor plissa les yeux sans répondre.

— On devrait réussir à embarquer à bord de l'Arcadia une fois que le capitaine aura fini ses acrobaties, déclara Tochiro.

D'accord. Donc, plutôt que de mourir irradiés sur P4X-48C, ils avaient la possibilité de monter à bord d'un vaisseau attaqué par les Asgards qui venait de manquer de peu le crash.

O'Neill ne savait pas s'il devait être rassuré.

                                                  —————

— Vaisseau terrien perdu radar, commandant. Il y a de fortes probabilités qu'il se soit écrasé à la surface de la planète.
— Bien. Faites placer les vaisseaux en formation serrée. Nous allons nous rapprocher pour tenter de repérer le Commandant Suprême.
— Que faisons-nous si le vaisseau terrien n'est pas détruit, commandant ?
— Tirez sans sommation.


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