C'est triste de penser ainsi, mais je ne regrette pas d'avoir vagabondé entre les différents territoires de l'académie pour tomber sur une maisonnette de Sorcière en feu, parce que, de cette façon, j'ai pu me faire ma première, et sûrement ma seule, amie. Je n'aime pas ça, mais j'étais au bon moment au bon endroit. Si je ne l'avais pas aidée, Rosa ne me regarderait peut-être pas, ne me parlerait pas. Je n'aime vraiment pas ça. Est-ce qu'elle marche avec moi par obligation ? Parce qu'elle a une dette envers moi ? Je me mordille la lèvre tout en songeant à une phrase qui ne serait pas maladroite ou humiliante pour éclaircir ce point entre nous. Je ne veux pas d'une amitié née de la gratitude simple et j'ai bien vu le brouillard dans ses yeux à la mention des sans-ordre. 

Toutefois, quand je puise le courage d'adresser ce sujet, nous avons déjà atteint l'entrée de la Citadelle. Elle porte bien son nom. Impressionnante en longueur, en largeur et en hauteur, sur plusieurs hectares et étages, elle ressemble à une place-forte ancienne et c'est ce qu'elle est. Gothique avec ses tours ornées d'arabesques et ses nombreuses arches, les gargouilles à chaque porte, et ses fenêtres hautes, j'admire chacune des voûtes, la couleur dorée de la roche que les rayons du soleil exagèrent. Puisque la directrice de la Starborn a convoqué les étudiants pour l'heure du déjeuner, la foule s'entasse et cela me permet de prolonger mon observation à ma guise. Un coup d'œil vers Rosa et je confirme que nous sommes foudroyées par le même sentiment. C'est tout bonnement splendide. Les pointes touchent les nuages et il me faut tordre ma nuque pour tout voir. Elle met de côté le désastre de l'incendie et j'oublie le dortoir moderne et honnêtement laid, déprimant et fade des sans-ordre. 

Nous passons les premiers remparts. La Citadelle est dédiée à tous les espaces de vie commune entre les différents Ordres, ce qui inclue les cours et le réfectoire, l'infirmerie et les bureaux des membres de l'académie. De part et d'autre du sentier herbeux piétiné par des centaines d'étudiants avant nous, se trouvent les terrains de sport. Certaines écoles ne dispensent pas ce genre de classe, mais la directrice de la Starborn estime que les êtres dotés de magie, en particulier à notre âge encore jeune, ont tout autant besoin de se dépenser que les humains. Je distingue des pistes de course et quelques terrains pour les activités d'équipe. Je compte éviter ces options tant que je le peux, mais il me semble qu'un exercice physique est obligatoire dans le règlement de cet établissement. Ayez pitié de moi. 

— Quel sport tu choisirais ?

La question de Rosa me fait sursauter. Je hoche négativement de la tête, lui indiquant que je n'en choisirais pas si la décision me revenait, et ma mine défaite l'amuse, lui tirant un ricanement de compassion.

— Je suis moyenne dans tous les sports, si ça peut te rassurer. J'ai étudié dans le monde humain, au fait. 

Mes orbes s'illuminent face à ce miracle. Elle ne provient pas de Caeddarah. Une chance pour moi ! J'entrevois une opportunité pour une amitié sincère et je la saisis tout de suite, chassant mes incertitudes à son sujet, désespérée d'avoir quelqu'un à qui me raccrocher. 

— Je suis née et j'ai grandi ici. Comment s'est ? Le monde humain ?

— Vraiment, vraiment différent ! 

Son rire est contagieux. Je l'aime bien. Elle a l'air réellement gentille. Pas comme toutes les vipères de cette académie.

— Je te raconterai tout à l'occasion, ajoute-t-elle, et tu me raconteras en échange la vie à Caeddarah. Mes parents ont vécu ici. Je ne suis pas totalement ignorante, mais le royaume a sûrement changé depuis qu'ils sont partis pour le monde humain. Là-bas, le sport est un cours indispensable dans la quasi-totalité des écoles. J'en ai pratiqué plein. Volleyball, badminton, football, basketball, gymnastique...oh la gymnastique ! L'enfer sur terre ! Beurk ! Je me suis presque fracturé la nuque une fois en faisant une roulade. L'horreur. Qu'est-ce que j'ai fait d'autres ? Baseball, du rock, de la natation, de l'escalade et de la course. Je détestais le cross des collèges chaque année, même si je finissais dans les premiers. Je suis une rapide, paraît-il.

— Donc, ce sera la course pour toi ? 

— Si l'académie nous laisse décider de notre sport, oui. Et toi ?

Je me dépêche de m'accorder avec elle sur la course. Quoi qu'il en soit, je hais tous les sports et ne suis bonne dans aucun d'entre eux. Autant prendre celui où Rosa pourra me relever une fois que je me serais évanouie de fatigue. 

Nous franchissons enfin le second cercle de remparts dédiés aux pauses pour les étudiants où nous sommes censés profiter de l'extérieur dans une vaste étendue d'herbes, et ensuite l'arche centrale, pénétrant dans le gigantesque château gothique. L'intérieur de la Citadelle ne nous déçoit pas. Quelques tableaux sont accrochés sur les murs, mais ils sont souvent nus, arborant leur teinte d'or naturelle. Le hall n'est qu'un espace vide et nous montons tous à la chaîne un large escalier menant au réfectoire. Celui-ci se décompose en d'innombrables tables rondes et rustiques pour accueillir les cent admis de notre promotion. Rosa se jette sur la première chaise à sa disposition et en attrape une seconde qu'une fille était en train de prendre. Je la remercie et m'assois vite. Des groupes d'amis se sont déjà formés, à en juger par le brouhaha et les chamailleries qui s'ensuivent, et personne ne se joint à nous. Les Ordres demeurent majoritairement entre eux, sauf ceux qui se connaissent en dehors de la Starborn. 

Des chandeliers éclairent la salle, brillant de mille éclats, et je tombe amoureuse du plafond peint, représentant sur ses voûtes tous les Ordres et leurs magies principales. Rosa suit mon regard et nous ne jetons même pas un œil à la nourriture posée sur toutes les tables. Il nous faut bien cinq minutes d'admiration pour baisser la tête et nous intéresser à notre repas. Des cuisses de poulet, des pommes de terre et des légumes, des assiettes pesées au gramme près accompagnées d'un pichet d'eau. Un panier de fruits trône au centre, ainsi qu'un minuscule plat où patiente une sucrerie aux amandes. 

— Au final, ce n'est pas si mal.

Mon estomac gronde cruellement. Je suis habituée à manger peu, mais, en général, il n'y a pas de nourriture alléchante sous mon nez pour me narguer. Le bruit incessant s'atténue petit à petit et je repose vivement ma fourchette en m'apercevant qu'une femme s'est levée. Elle était assise sur une estrade, où je repère le professeur Sirène de tout à l'heure. Ses cheveux courts sont attachés en chignon rigide, ses lèvres pincées sont peintes d'un rouge classieux, habillée d'une robe écarlate qui moule ses formes parfaites pour son corps qui affiche fièrement sa cinquantaine passée, ses épaules drapées d'un manteau sobre et raide. Elle incarne la grâce et la richesse, ses oreilles décorées de lourdes boucles en or, des bagues à chaque doigt et un pendentif en diamant à son cou. Je m'empourpre violemment en notant que la plupart des étudiants sont très bien vêtus, avec toute l'élégance de leur statut. Au moins, je me rassure de la simplicité des vêtements de Rosa. 

— Bonjour à tous et bienvenue à la Starborn Academy. Je suis la Directrice Morelli. Félicitations pour votre entrée dans cette prestigieuse académie. Inutile de faire un long discours qui vous ennuiera certainement et inutile aussi de vous rappeler les enjeux de votre parcours ici. Vous êtes les enfants des Ordres. N'oubliez pas qui vous êtes, ne vous oubliez pas en cours de chemin et surtout, n'oubliez pas votre objectif... Les cours débutent dès demain matin. Vos emplois du temps vous seront distribués en main propre dans l'après-midi. Vous êtes libres de vous installer ou de visiter la Citadelle. Vous lirez avec attention le règlement. La moindre transgression vous vaudra une exclusion par le conseil disciplinaire sans possibilité de défendre votre cas... Avant de crouler sous les mêmes questions agaçantes que toutes les années précédentes, laissez-moi éclaircir certains points. Les cours obligatoires sont les suivants : Histoire et Géographie de Caeddarah, Langue Moderne, Histoires des étymologies des langues anciennes, les Arts Divinatoires, les Arts de la Guérison, les Usages des Plantes en concordance avec les cours de Potions et Sortilèges. Des cours d'arts martiaux sont imposés, ainsi qu'une option sur n'importe quel sport de votre choix proposé à l'académie. Les cours de Magie Offensive et Magie Défensive commenceront après votre premier mois à l'académie pour une raison que j'expliquerai juste après. Bien évidemment, vous aurez des cours de Perfectionnement des Ordres Individuels. Pour les sans-ordre, vous serez soumis aux cours de Découverte et par la suite, vous intégrerez les classes de Perfectionnement des Ordres Individuels avec un supplément de soutien tous les soirs pour rattraper votre retard. Si vous tardez trop à manifester votre Ordre, vous ne pourrez pas rattraper ce retard et par conséquent, ne pourrez pas obtenir des notes correctes aux tests, ce qui vous mènera inexorablement à l'exclusion de l'école.

J'ai presque envie de pleurer à son discours et d'ailleurs, certains sanglots étouffés s'élèvent, ou des gémissements de panique. Hors de question que les autres étudiants assistent à mon humiliation et je garde la tête haute. Néanmoins, je n'arrive pas à tromper Rosa qui me lance un sourire empathique et me serre la main sous notre table. J'enlace nos doigts pour unique réponse. La Directrice Morelli marque une courte pause pour que nous encaissions ses précisions et elle poursuit :

— Comment fonctionne l'académie, me demanderez-vous ? Simple. Nous nous basons sur un système éducatif de tests hebdomadaires qui compteront pour les phases éliminatoires... Oui, éliminatoires.

Ce seul mot procure un vent de colère et de confusion dans la salle. Certains sont déjà au courant, comme le témoigne leur impassibilité ; d'autres l'apprennent à l'instant, dont moi, et je deviens pâle. Rosa ne bronche pas. J'en déduis que cela ne l'étonne pas.

— Silence !

Le cri de la directrice fait trembler les murs. Une Banshee. Super. Ces créatures m'ont toujours fait un peu peur. Son visage paisible revient dans la seconde.

— Toutefois, et écoutez-moi bien, à la fin de chaque trimestre, toutes ces notes et ces tests n'importeront plus. Seuls les résultats finaux des trimestres compteront. Il y a quatre phases éliminatoires. La première interviendra dans un mois. Vous avez peut-être prouvé votre valeur au cours des tests de pré-rentrée, mais nous voudrons nous en assurer pendant ce mois-ci. Dix élèves partiront. Les dix derniers du classement. Ensuite, une deuxième phase éliminatoire aura lieu au terme du premier trimestre. Dix autres partiront. Pour le trimestre suivant, vous serez réduits à soixante étudiants. Ces soixante étudiants termineront le dernier trimestre et seulement cinquante accéderont aux épreuves de fin d'année. Car la réussite à chaque trimestre ne valide pas votre diplôme. Pour l'avoir, il faudra exceller lors des épreuves finales et le diplôme sera attribué aux trente meilleurs étudiants, avec une mention de mérite pour les dix premiers. Pour ceux qui réussiront les épreuves finales sans être dans les trente, un document officiel vous sera fourni et il fera office de certification. Vous ne repartirez pas sans rien, au moins.

Je ne me souviens d'ores et déjà pas de tout ce qu'elle vient de déblatérer, mais je suppose que je m'adapterai au fur et à mesure. Logiquement, je retiens que les semaines et les mois à venir s'annoncent infernaux et je saisis mieux pourquoi les étudiants ont l'air de se préparer pour une guerre.

— Vous devez comprendre que la Starborn Academy ne produit que le meilleur du meilleur de notre société. Pour la gloire et l'honneur de Caeddarah !

Tout le monde répète le slogan et je me mets à crier moi aussi. Les étudiants du monde humain réagissent trop tard. Rosa cligne furieusement des paupières et semble se faire une note mentale pour les prochaines fois.

— Pour conclure, chaque semaine, le classement des étudiants sera exposé sur le mur central du hall, où figureront à part les dix meilleurs. De tout ce que je vous ai dit, rappelez-vous de ceci. Il s'agit d'une règle d'or à la Starborn Academy et il n'y aura aucune exception. Ceux qui se trouvent dans les dix meilleurs devront y rester. À tout prix. Car si vous perdez votre place, vous ne pourrez plus la retrouver. Vous serez interdits des dix premières places du classement, qu'importent vos notes aux tests hebdomadaires. Cette règle prendra effet au bout du premier mois, lorsque les cours de Magie Offensive et de Magie Défensive se rajouteront à vos emplois du temps. Cela vous permet de vous acclimater à l'académie et de faire émerger en vous la motivation de réussir. Coûte que coûte. 

Nous ne savourons pas ce déjeuner autant que nous l'aurions dû. Le poulet ne nous paraît pas aussi juteux que de prime abord, les sucreries ont le goût amer de la rivalité. Rosa et moi ne discutons pas, afin d'épier les conversations autour de nous. Les cent étudiants sont tous très déterminés à éjecter tous les autres de leur trajectoire et certains méditent déjà sur des tactiques, d'autres prévoient des plans minutieux de révision active. Nous nous attardons au réfectoire, surtout pour laisser les couloirs se vider. Non seulement, je ne voulais pas venir ici et en plus, je vais devoir me battre pour garder ma place. Mes parents ont pleuré de joie à ma lettre d'admission. Pour les cinquante meilleurs aux tests de pré-rentrée, une bourse est offerte et nous sommes exemptés de payer les frais de scolarité. En d'autres termes, le plus beau rêve de papa et maman. J'inspire profondément pour tenter de me secouer et d'insuffler de la force à mon esprit de combativité. Je refuse de les décevoir. Je ne pourrais pas affronter leurs sanglots désespérés si je manque cette chance et qu'ils sont condamnés à financer mes études dans une autre école. Ils ne disposent pas de cet argent et je serais forcée d'entrer dans un établissement pittoresque sans aucune valeur, avec un diplôme qui sera moqué à la clé.

Après notre déjeuner, Rosa s'efforce de s'enthousiasmer en parcourant la Citadelle et il est vrai, qu'à l'intérieur de cet édifice de toute beauté, nos inquiétudes s'envolent. Nous observons nos futures salles de cours, traversons les bureaux et nous lisons le nom de professeurs, avec leur discipline inscrite sur les écriteaux. Lesquels aurons-nous ? Nous croisons par hasard un homme des plus charmants, sculpté au millimètre près, de haute stature et vraiment, définitivement, infiniment séduisant. Sa musculature nous fait croire qu'il est en lien avec le sport. Il nous salue avec un sourire dévastateur et s'enferme dans sa pièce réservée.

— Ouah ! s'exclame Rosa. Enfin une bonne nouvelle ! Je confirme, je n'ai plus le choix maintenant. Ce sera la course ou rien du tout !

J'admets que mon dégoût pour la course a diminué à la vue de l'enseignant. Sur le moment, nous nous fendons de ricanements agaçants et aiguës et un brin hystériques, mais cela fait tellement du bien de redevenir de simples filles amoureuses du corps de leur professeur. Plus les heures défilent et mieux je me sens. Avec Rosa à mes côtés, je suis tranquillisée par une impression de puissance et de confort. Elle finit par commenter chaque tableau sur notre chemin, notamment sur le torse nu et les cuisses des messieurs, et j'en conclus qu'elle est cent fois plus énergique, extravagante et extravertie que moi. Mais, bien que nos énergies ne concordent pas du tout, je nage dans le soulagement à l'idée d'être son amie. 

— À ton avis, quel est ton rang ? 

Nous nous avançons naturellement vers le hall. Il s'est bien écoulé trois ou quatre heures. Il faut dire que nous nous sommes attardé longuement dans la bibliothèque, mon endroit préféré du monde entier. Des millions de livres, des centaines d'étagères, des rayons à ne pas pouvoir les compter. L'odeur de l'ancien et du papier omniprésent. Un décor simpliste et des tables autour de cheminées, une température parfaite pour créer un lieu convivial et pour préserver les manuscrits. Je hausse les épaules à sa question.

— Dans les cinquante premiers, c'est certain, puisque je suis boursière... Hum, entre quarante et cinquante, je suppose.

Rosa plisse les yeux en me toisant.

— Tu n'as pas confiance en toi ou tu te connais très bien ? 

Je me connais et je sais exactement ce que je vaux. Mes parents ont toujours affirmé que j'étais brillante et que je méritais ma place ici. En envoyant ma candidature et en réalisant ces fichus tests de pré-rentrée, je n'imaginais pas décrocher mon billet d'entrée. Je ne me flatte pas au point de penser que d'autres étudiants ne sont pas plus intelligents que moi, c'est tout. Mon savoir repose sur les manuels que j'ai tirés de poubelles. 

— Je me positionnerais...entre dix et vingt. Non pas que je sois particulièrement un génie, mais j'ai envie d'espérer. 

Nous rions à cela et arrivons devant le fameux panneau d'affichage. Une demi-douzaine de documents sont contenus dans un cadre en marbre. Mes yeux glissent sur tous les noms. Je n'en reconnais aucun. Puis, je me concentre à partir du cinquantième et cherche, et cherche, mais je ne me trouve pas. L'espace d'un instant, mon cœur loupe un battement et je scrute en dessous des cinquante, priant pour qu'il n'y ait pas eu d'erreur et que je bénéficie bel et bien d'une bourse. Mes parents ne pourront jamais payer la Starborn Academy. Rosa s'est écartée de moi et d'un coup, pousse un cri, mains sur sa bouche.

— Quoi ? Quoi ?

Je bégaie sous la pression et elle me montre une feuille accrochée à côté de la liste, avant de m'attirer contre elle et de tapoter le papier avec frénésie.

 Les cinq meilleurs étudiants aux tests de pré-rentrée sont :

1 - Xavier Crimson

2 - Misty Latimer

3 - Conrad Lovelace

4 - Rosalind Crowe

5 - Evelyn Dupree

Le classement du cinquième au dixième meilleur étudiant : 

6 - Derrick Le Torneau

7 - Azura Wood 

8 - Vivianne Jones

9 - Innis Zayne

10 - Devi Crimson

Rosa s'agite à côté de moi, se désintéressant de la feuille pour taper mon bras à la place, sautant d'excitation. Dès que la stupéfaction s'évapore un peu, je suis engloutie par le même frisson d'effervescence. Je vois flou un moment, fiévreuse. Bon sang... Il s'avère que je ne me connais pas autant que je le prétends. Cinquième ? Nous sommes dans les cinq meilleurs ! Nos couinements et nos rires résonnent dans tout le hall. Jusqu'à ce qu'une fille applaudisse derrière nous. 

Notre joie ne retombe pas ; en revanche, nous nous calmons assez pour que je puisse détailler cette fille. Elle est sublime. Cheveux noirs en coupe carrée sur ses épaules, une peau caramel, un chemisier blanc semble-t-il onéreux et classe, et un pantalon sombre serré sur ses courbes irréprochables. Elle porte un maquillage discret mais qui vient souligner la beauté de ses yeux anthracite. Sur le coup, je suis frappée par sa ressemblance avec la directrice et son sourire d'habitude prouve mon intuition.

— J'attendais justement de vous rencontrer, déclare-t-elle. Je suis Misty Latimer, deuxième au classement. Conrad et Xavier étant des amis, je souhaitais voir nos deux autres concurrentes. Laquelle est Rosalind et laquelle est Evelyn ?

Nous levons la main en rythme à l'énonciation de nos noms et son sourire s'élargit. 

— Nous sommes concurrents, répète Rosa, un sourcil arqué. C'est vrai... Eh bien, bonne chance à vous trois, je présume. 

— Profitez bien de ce premier mois.

Sur cette touche cryptique, elle nous étreint à tour de rôle, tourne les talons et s'éclipse dans un couloir en roulant des hanches. 

— D'accord... Note pour plus tard. Se remémorer régulièrement cette histoire de concurrence. Elle m'a fait froid dans le dos.

J'acquiesce avec vigueur. Parce que personne ne nous autorisera la moindre erreur. Ni les professeurs et leurs notes menaçantes, ni les étudiants au-dessous qui se battront pour s'accaparer une place dans le haut du classement.