1. Vie Tranquille Cherche Problèmes

Une journée parfaitement normale se profile à l'horizon. Mon droïde, 55-MC, qui est un petit robot en forme de boule et à la tête carrée, recouvert de peinture noire et rouge, me suit en émettant des bips joyeux tandis que je traverse la ville à la recherche de deux de mes amis, Goll et Mily. Ils ne devraient pas être loin... Ah. J'aperçois les boucles rousses de Mily et la tignasse sombre de mon deuxième ami. Goll et Mily ont tous deux rejoint la Résistance il y a de ça une année, envieux de défendre ce qui compte le plus pour eux : la liberté et la justice. J'aurais bien aimé faire de même, mais c'est trop dangereux pour ma famille qui ne peut se mettre hors de portée du Second Empire.

Mily m'aperçoit enfin et me prend dans ses bras. Tout en discutant et en souriant, nous nous dirigeons ensuite tous les trois vers une grande place bondée à cette heure-ci. À mon plus grand désespoir, Goll entreprend de me raconter le déroulement d'une des nouvelles actions de la Résistance.

« Tu aurais vu ça ! On a neutralisé au moins une centaine de stormtroopers ! dit-il avec enthousiasme.

— Ils sont des milliers, je réponds alors.

— Oui, eh bah même un million moins cent ça fait neuf cent quatre-vingt-dix-neuf mille neuf cent !

— Qu'est-ce que vous attendez pour neutraliser les neuf cent quatre-vingt-dix-neuf mille neuf cent autres ? Allez-y, vous serez peut-être de retour pour le dîner, je vous attendrai.

— Gem... commence Mily. Je sais que tu as peur pour ta famille.

— Et pour vous.

— Et pour nous. Mais il y a beaucoup de monde dans la Résistance. Alors le pourcentage de risques qu'il nous arrive quelque chose est moindre. Il y a beaucoup d'opérations menées en même temps, et nous ne sommes jamais seuls.

— En plus, il n'y a que les stormtroopers dont nous devons nous méfier, et ils sont très repérables en noir et en blanc, renchérit Goll. On a toujours le temps de les voir venir et donc de nous enfuir si on est trop peu nombreux. »

Je ne prends pas la peine de répondre, pas tout à fait convaincue. De plus, nous sommes presque arrivés à destination.

« On y est ! » lâche ma meilleure amie, ses yeux noirs brillants d'excitation.

Nous nous entraînons à nous battre toutes les semaines depuis pratiquement un an, au cas où le Second Empire s'intéresse un jour à notre planète.

Après une heure d'entraînement intensif où nous perfectionnons nos techniques, nous sommes à bout de forces et décidons d'aller boire quelque chose. Nous l'avons tous bien mérité, même 55-MC qui comptait les points lors de nos combats. Nous nous installons donc à une terrasse à l'abri du sable en suspension dans l'air et commandons à boire.

« Vous venez à la course de modules de demain matin ? nous interroge Goll.

— Je ne voudrais rater ça pour rien dans la galaxie ! je m'exclame en retour.

— Ah, là on est d'accord ! » répond-il avec un petit rire.

Nous rions de bon cœur et commençons à boire, pendant que je donne à 55-MC un peu d'huile que nous avons également commandée. La nuit va bientôt tomber, et mieux vaut ne pas trop traîner après le coucher des soleils dans les parages. La planète est peuplée de contrebandiers venus de toute la bordure extérieure, et ils sont souvent peu recommandables. Nous nous souhaitons donc bonne nuit et nous séparons. De toute façon, nous devons nous lever tôt pour avoir de bonnes places à la course de demain.

Sur le chemin du retour, 55-MC ne cesse de tourner autour de moi à toute vitesse, manquant de me faire tomber plusieurs fois. Il fait toujours ça les veilles de courses, comme si il était aussi excité que les pilotes. Un sourire attendri prend place sur mon visage face à ce droïde attachant qui n'en fait qu'à sa tête. Je l'ai trouvé il y a deux ans près d'une décharge, il était en bien mauvais état. Je l'ai recueilli, et Goll l'a réparé. Maintenant il tourne on ne peut mieux et m'est très utile. Pour rien dans la galaxie je ne me séparerais de lui.

J'arrive enfin chez moi et referme derrière moi ce qui me sert de porte d'entrée. Pendant que mon repas chauffe, je décide de contacter mon frère, parti sur une autre planète pour apprendre la politique. J'ai toujours dit que nous ne vivions pas sur la même planète, tous les deux. À présent, c'est officiel.

Je m'assieds donc à la table de la cuisine et appelle Toluak.

« Salut Gem ! commence alors un hologramme grésillant.

— Salut Tol' ! Comment se passent tes études ?

— Super ! Je rencontre plein de monde, même si le fait de ne parler que trois langues est handicapant au quotidien...

— Je comprends ça... Dis, tu as réfléchi à ce que je t'ai demandé ?

— ... Je ne peux pas, lâche-t-il après une hésitation.

— Tu ne peux pas ?! je répète en fixant l'image des yeux de mon frère, semblables aux miens.

— Je risque ma place d'étudiant.

— Mais... c'est notre famille ! Et eux risquent leur place aussi, mais celle au sein du monde des vivants !

— Oh, ne t'en fais pas ! Je suis sûr qu'ils vont bien, dédramatise-t-il.

— Tu as eu de leurs nouvelles ?

— Je... Je prépare un concours, alors...

— Comment peux-tu faire passer la vie de ta famille après tes études ?! Tu vaux vraiment rien. »

Hors de moi, je mets brutalement fin à la communication et fixe le bol posé sur la table avec toute la haine qui m'envahit. Il pourrait sauver la famille qu'il lui reste, mais il préfère ne pas faire de vagues... Il me dégoûte.

Le bol quitte soudainement la surface abîmée par le temps et vole jusqu'au mur le plus proche, où il se brise en une multitude de morceaux.

Je me relève alors d'un bond et fixe les morceaux du récipient éparpillés un peu partout.

« 55-MC ? Tu... tu comprends quelque chose à... à ça ? » je demande, en état de choc.

Pas de réponse. Le robot fixe lui aussi les débris du bol puis oriente la tête vers moi, à la recherche d'une explication.

Le visage de Goll apparaît en hologramme sur la table de ma cuisine, m'obligeant à détourner le regard des restes du bol.

« Hey Gem, j'ai trouvé la pièce que tu... Tout va bien ? Tu fais une drôle de tête... enfin je veux dire encore plus que d'habitude...

— Euh oui tout va bien... j'ai laissé tombé un bol... et je suis fatiguée.

— Ah euh... bon... bah repose-toi bien alors, on se voit demain ! » répond Goll un peu précipitamment.

L'hologramme disparaît et je reste silencieuse un moment avant de me décider à nettoyer les débris.

« C'est rien, je mange et je vais me coucher, dis-je à mon droïde en remarquant qu'il m'observe toujours. Tu ferais mieux d'aller recharger ta batterie 55-MC. »

Le robot me regarde pendant quelques dernières secondes et sort de la pièce sans un bruit de plus. Je m'empresse de manger – dans une assiette, je tiens à le préciser – , de débarrasser, et je vais me coucher. Je ne suis pas folle, je ne suis pas folle, je ne suis pas...

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