9. Pain.
"L'âme se teinte de la couleur de ses pensées."
Marcus Aurelius.
Azalea
Le retour sur Paris a sonné comme un retour à la dure réalité et aux responsabilités qui pèsent sur mes épaules.
Nous sommes rentrés depuis deux jours, et je n'ai pas mis un pied chez moi. Trop de travail à rattraper, de papiers à remplir, d'ordres à donner...
Avec Cassandra qui a trouvé un nouveau hobby, celui de me surcharger de tâches en tout genre, j'ai passé ma première nuit sur la surface en bois de mon bureau. Au petit matin, j'ai eu la trace de mes feuilles sur la joue.
Le jour d'après, Neya m'a presque kidnappée pour que je la suive chez elle pour continuer mon travail dans un lieu confortable. Nous avons passé la soirée à bosser. Liam, son mari, nous a fait à manger et malgré toute la paperasse, je dois avouer que j'ai passé une bonne soirée. Son aide a été un remontant en acier.
Je bois quelques gorgées d'eau pour avaler mon cachet avant de me taper les joues pour faire apparaître des couleurs sur celles-ci. Je vérifie mon maquillage et sors de la voiture sans oublier la caisse de bouteilles d'alcool que j'ai ramené et qui fera des heureux.
Rosalie Perez Petit, ma tante, a presque déclaré une guerre quand elle a apprit que je n'était pas chez moi pour mon anniversaire. Résultat des courses, elle a invité toute ma famille chez ma mère pour le fêter aujourd'hui.
Quand Ezra m'a annoncé que la voiture était en panne, j'ai cru mourir. Je me voyais déjà souffler mes bougies sur un gâteau que j'aurais dessiné dans la poussière d'un vieux hôtel miteux.
Mais contrairement à ce que je pensais, mon anniversaire n'avait pas été une catastrophe monumentale. Ezra s'était montré gentil et gentlemen pendant le dîner. La soirée se passait à merveille, mais j'ai eu le malheur d'ouvrir la bouche. J'ai creusé encore plus profondément le fossé entre nous.
Je suis remonté dans notre chambre et j'ai appelé la seule personne qui pourrait me comprendre : Ayden.
Il m'a écouté malgré l'heure tardive et m'a conseillé. Il m'a dit de lui laisser du temps, qu'il y a des choses qui mettent des années à être avouées. Que les blessures peuvent être encore ouvertes même si le temps a filé. Il m'a raconté le première fois qu'il a parlé à ma mère de son passé douloureux. En prenant son temps, en essayant de ne pas pleurer et d'être là pour elle.
"Mais je l'ai décidé de mon propre chef, personne ne m'a forcé. Raconter ces cauchemars, même à notre âme-soeur, peut être une épreuve insurmontable, pire que le cauchemar en lui-même."
Alors j'ai décidé de l'écouter, je vais attendre qu'Ezra soit assez à l'aise avec moi, qu'il veuille bien me le raconter de lui-même.
Je vais essayer malgré ma patience qui s'échappe au fil des secondes.
Je me suis couché dans le lit et la minute suivante, la porte s'ouvrait sur lui. J'ai fait semblant de dormir alors qu'il s'allongeait à mes côtés. Je le détestais de mettre de la distance entre nous, alors j'ai laissé mes yeux fermés quand il a déposé ses lèvres sur mon front avant de se retourner.
Sans voir l'unique larme qui coulait le long de ma tempe.
Depuis, j'ai eu le temps de le revoir en coup de vent au bureau. Je suis revenu vers lui, en m'excusant pour la fin de soirée, il m'a sourit et m'a caressé la joue avant de me dire que ce n'était pas grave tant que j'avais passé un bon anniversaire.
Mettant Ezra de côté, j'entre dans la maison de ma tante. L'intérieur est comme ses propriétaires, rangé et propre avec un grain de folie. J'entends déjà les discussions houleuses de ma famille et cela me redonne le sourire.
Ma famille est soudée, plus faite par les liens du cœur que par les liens du sang. Ils sont toujours là l'un pour les autres malgré les disputes incessantes qui me faisaient rire étant plus jeune. Maintenant j'ai juste envie de leur crier de la fermer mais je reste silencieuse car je les aime.
J'ai à peine eu le temps d'enlever mon manteau trempé par la pluie et mes talons que des bras fins entoure ma taille, la tête posée sur mon ventre.
Je caresse ces cheveux qui sentent la rose avant de poser les bouteilles pour la prendre dans mes bras.
— Comment va ma cousine préférée ? Lui demandé-je en lui parsemant sa joue de baisers.
Rosana rigole me laissant voir sa dentition parfaite, qu'elle tient de son père, et ses fossettes qui creusent son visage.
— C'est normal que je sois ta préférée Aza, je suis la seule et l'unique ! Me répondit-elle en balançant ses cheveux roux en arrière.
Pas du tout narcissique, si vous voulez mon avis.
Je la dépose au sol avant qu'elle ne se mette à parler de tout et de rien, comme le font les enfants de neuf ans. Ses petites mains bougent dans tous les sens alors qu'elle m'explique comment elle a frappé un garçon qui tirait les cheveux d'une fille.
Nous rejoignons le salon où tout le monde se lève pour me souhaiter un bon anniversaire collectif qui me fait rougir.
Ma tante se jette sur moi en m'embrassant sur les deux joues. Toujours vêtue de sa parure de bijoux et de son maquillage foncé qui cache ses rides, elle respire autant la joie de vivre qu'il y a dix ans. Elle me tend un énorme bouquet de fleurs composé d'hortensias, de roses, de tulipes, de jonquilles et de certaines dont je ne suis pas sûre de connaître le nom.
Je cherche mon oncle du regard, étant à 100 pour 100 sûre qu'il la confectionné lui-même. Il est le meilleur quand il s'agit de fleurs.
Je le vois qui discute avec Marc, l'ancien manager de ma mère. Il est maintenant à la retraite et accompagne sa fille dans ses voyages d'affaires. Je suis heureuse qu'il ait pu se libérer pour moi. Il est comme mon grand-père, me gâtant et me conseillant sur la vie depuis toute petite.
Il me fait un câlin qui sent le chocolat avant que je reçoive un raisin en plein front.
Je fronce des sourcils et me tourne vers les coupables qui n'en ratent pas une pour me mettre sur les nerfs. Je vois Margot, la deuxième meilleure amie de ma mère, pouffer de rire en pointant discrètement Clément, le meilleur ami d'Ayden, et Adam, le mari de cette dernière, du doigt.
J'affiche un sourire de garce en croisant les bras, bien décidé à leur payer cet affront.
— Maman, Clément et Adam ont sali ton sol, balançais-je alors qu'ils commencent à devenir blanc.
— Les gars, si vous commencez, vous nettoierez le salon à la brosse à dents ! S'écria ma mère, ne supportant pas la saleté.
Ils marmonnent une réponse en détournant le regard alors que je leur tire la langue. Je vais faire la bise à Margot qui m'adresse un clin d'œil complice.
— Vous êtes vraiment des mauviettes, surtout toi, grain de poussière, se moqua Rosalie en prenant place sur les genoux de son mari qui l'enserre immédiatement.
Ayden m'ébouriffe les cheveux avant de me prendre dans ses bras. Il plante son regard dans le mien et j'y devine parfaitement sa question.
Doit-il aller casser une dent à Ezra ?
Je lui fais un sourire rassurant et le remercie silencieusement d'être toujours là pour moi.
— Joyeux anniversaire chipie, me souhaite-t-il avant que ma mère me serre contre elle.
— Comment tu vas ma chérie ? Tu as passé un bon anniversaire quand même ? Ton père t'as souhaité un bon anniversaire au moins ?
J'incline la tête face à son ton de reproche. Elle a accepté que je le recontacte mais Amanda Millet n'hésitera pas à se rendre jusqu'à Lyon car il n'a pas pris soin de moi ou à oublier un événement important.
— Je vais bien. Et oui, il m'en a envoyée à minuit pile.
— Pff, ce n'est même pas à cette heure là que tu es née, marmonne-t-elle.
Après toutes ces années, je sais que mes parents ne se détestent plus autant. Il y a juste une fierté mal placée et des habitudes qui ont la vie dure.
Je ricane face à son comportement et me rend en cuisine pour mettre les bouteilles d'alcool dans le frigo. Je le referme avant de sursauter de peur face à Carrie.
Cette jeune adolescente a le pouvoir de se faufiler partout sans qu'on n'y fasse attention. La discrétion est son point fort, ça, ainsi que son don pour analyser les gens. Elle a l'allure de sa mère et a hérité de son vitiligo. Ces cheveux auburns carré lui donnent une allure stricte et sa robe en plein automne me fait frissonner de froid.
Carrie Delaney ferait une très grande policière... Ou une grande joueuse de poker, au vu de sa passion.
— Joyeux anniversaire Aza, me dit-elle en m'enlaçant.
Elle a beau avoir seulement quatorze ans, elle est presque aussi grande que moi.
—Merci, alors tu t'en sors à l'école ?
— M'en parle pas, souffle-t-elle en prenant une poignée de cacahuètes du bol posé sur le comptoir. Les cours ça va, mais les gens sont tout aussi ennuyeux les uns les autres.
Je rigole alors qu'elle me raconte comment son plateau à atterrit sur la tête d'une garce.
Oui, vous pouvez le dire, notre famille est totalement déjantée. Les filles sont de vraies guerrières et les hommes les protègent quand elles s'enfoncent trop dans les emmerdes.
Mon portable vibre dans ma poche et je m'empresse de regarder le message.
"Bon anniversaire mon soleil, j'espère que tu as passé une belle journée."
Un emoji termine son SMS et je lui réponds avant de me concentrer sur Carrie.
Après une heure d'apéro, nous nous sommes mis à table pour manger et prendre des nouvelles de chacun. Avec nos métiers et nos vies débordantes, c'est devenu rare les repas en famille, alors on profite un maximum quand on est ensemble.
— Tu peux me passer le sel couillon à deux balles ? Demande Rosalie à Ayden.
— Rosa, ton language. Pas devant Rosana, intervient David.
— Oh ça va mon sucre d'orge. Tu ne disais pas cela quand tu me...
— Rosalie ! Interrompt Marc de sa voix gutturale. Don't finish your sentence.
Ma tante lève les yeux au ciel avant de mimer un zip avec ses doigts et de jeter une clé invisible sous le soupire de ma mère et le rire de Margot.
— Dis-moi David, commença Clément d'un air taquin. Tu l'aimeras encore longtemps, car se sera bien de s'en débarrasser un jour ou l'autre.
Adam s'esclaffe avec Carrie pendant qu'Ayden le cachait derrière son poing et je ne peux m'empêcher de l'imiter
— Pour toujours, répondit David en regardant amoureusement son épouse qui lui embrasse la joue.
Un sourire nostalgique naît sur mes lèvres et mon cœur se serre face aux mots de mon oncle. Inconsciemment, il vient de fissurer mon âme que j'essaye de faire cicatriser tant bien que mal. Ignorant les discussions de ma famille, mon esprit me replonge dans un souvenir que j'aurais aimé effacer de ma mémoire.
Flashback.
Le froid de février avait fini par s'installer dans Paris alors qu'Ezra passait la majorité de son temps chez moi. Depuis notre premier baiser, il me traitait comme une princesse, il était attentionné, gentil et à l'écoute. Très loin du mec bad boy pour qui il se faisait passer au lycée.
On s'amusait à faire des recettes que même le chien du voisin ne mangerait pas, à regarder des séries jusqu'à pas d'heure. Des fois, il m'apprenait à jouer au foot dans le jardin et aidait ma mère au ménage.
Aujourd'hui, c'était différent. Il pleuvait et je n'avais rien envie de faire. On était installés sur mon lit, à regarder le plafond blanc de ma chambre comme s'il s'agissait d'une galaxie infinie.
D'un coup, Ezra changea de position pour venir mettre sa tête sur mon ventre, il aimait bien faire quand on était seuls. Je lui caressait distraitement ses cheveux blonds.
— Dis ma Star, est-ce que tu m'aimeras toujours ?
Je rigole à sa question stupide quand il tourne sa tête vers moi pour que j'y lis tout le sérieux dans ses yeux océan.
— La question est plutôt, pourquoi je ne t'aimerais plus ? Rétorqué-je.
Il se redresse avant d'encadrer mon visage de ses mains, il frôle ma mâchoire de son nez avant de me regarder.
— Moi, je t'aimerais toute ma vie, Azalea Millet, m'avoua-t-il avant de m'embrasser.
Une bouffée de chaleur monta en moi alors que je passais mes doigts dans ses cheveux pour le rapprocher de moi. Sa langue rencontra la mienne et elles commencèrent une danse endiablée et synchronisée. Ma respiration se fait haletante alors qu'il quitte ma bouche pour glisser sa langue dans mon cou avant de passer sur ma mâchoire pour revenir sur mes lèvres qu'il dévore.
Il s'appuie sur un avant-bras et caresse mon corps de sa main valide et je retiens un gémissement quand ses doigts passent sous mon t-shirt. Je l'imita, sentant les traits de ses abdominaux contre mes paumes alors qu'il prenait mon cœur.
— Sky... Soufflé-je quand il se retire de moi, à bout de souffle. Je veux le faire...
Ses cheveux tombent sur son front, son torse se soulève au rythme de sa respiration saccadée et ses yeux se voilent de désir.
— Tu es sûre de toi ma Star ? S'assure-t-il en inclinant la tête.
Nous ne l'avions jamais fait, on attendait le bon moment. Je sais qu'il a eu d'autres petite-amie avant moi, qu'il a déjà succomber au plaisir. Contrairement à moi qui suis parfaitement vierge. Malgré tout, il ne m'a jamais pressé ou essayé quelque chose contre mon gré. Ezra attend mon feu vert sinon, il ne fera rien.
Je lui confirma mes intentions d'un hochement de tête et alors que je croyais qu'il allait posséder ma bouche une seconde fois, il se redresse et sort du lit. Une désagréable fraîcheur s'empare de moi.
Complètement perdue, je m'appuie sur mes coudes et le voit faire les cents pas au milieu de ma chambre, se tenant les cheveux. Ne sachant pas ce qu'il se passe, je le lève et attrape ses poignets pour qu'il plonge son regard en moi. Mes iris essayent de trouver une faille mais je me confronte à un mur de vague.
— Sky, calme-toi, qu'est...
— Je pars ma Star. M'annonce-t-il soudainement.
— Où ? Questionné-je, surprise par sa réponse.
Je ne comprends pas pourquoi il me dit cela. S'il a envie de reporter notre moment intime, il n'a qu'à me le dire, je comprendrais. Je cligne des paupières alors qu'il reprend.
— Je pars à New-York.
Je lache ses poignets comme si elles étaient brûlantes et recule d'un pas, sous le choc de l'annonce.
— Écoute ma Star, je dois repartir aux État-Unis, mon oncle ne me laisse pas le choix. Je ne veux pas te faire de mal...
— Trop tard, murmuré-je en sentant les larmes me monter aux yeux.
— Ma Star, je... Essaye-t-il de dire en se rapprochant de moi.
— Non, arrête, le coupé-je d'une voix cassée. Tu pars à des milliers de kilomètres de moi, tu es en train de me larguer et tu continues d'utiliser ce surnom. Arrête ça, Ezra.
J'assimile difficilement l'annonce, me repassant tous les instants que l'on a partagés ensemble. Les fous rires, les discussions tard le soir, les mots d'amours, les baisers...
Il avance vers moi mais je recule d'un pas, ne voulant pas souffrir davantage. Mon cœur est à deux doigts de se briser à terre et une envie de vomir me prend. Mais je tiens bon.
— Combien de temps ? Interrogeais-je en serrant les dents.
Mon cœur se serre et mon sternum commence à me brûler face à son silence. Puis, il lâche ses deux mots qui me détruisent, littéralement.
— Pour toujours, souffla-t-il en détournant le regard.
Quelque chose se craque en moi, comme si venait de déchirer mon âme à mains nues. Toutes mes barrières cèdent alors qu'il m'embrasse une dernière fois sur le front avant de quitter ma chambre, quittant ma vie par la même occasion.
Fin du flashback.
Je ne l'ai plus revu après. Je n'ai même pas eu la force de lui dire au revoir à l'aéroport, préférant pleurer dans mon lit.
Ce jour-là, je suis tombée du ciel pour m'éclater sur le béton. Par miracle, je ne suis pas morte. Je me suis relevée et j'ai continué d'avancer, sans lui. Je suis condamnée à vivre avec ses blessures ancrées en moi comme des griffes qui refusent de me lâcher.
J'aurais tout donné pour Ezra, sauf ma vie.
Alors je me suis battue contre mes sentiments, les enfermant dans un coffre pour me protéger et guérir du mal qui m'a fait.
***
Hello mes stars ! 👋
On a retrouvé la famille au grand complet et je suis presque émue de les revoir ! 🌸
Toujours aussi soudée et bordelique qu'avant.
Petit flash-back qui fait mal au cœur la pauvre... 🥺
Dites-moi si je mets trop de flash-back. 😅
Vous vez découvert de nouveaux personnages, qu'est-ce que vous en pensez ?
Sur ce, à très vite pour la suite.
Kiss ! 💋💋💋
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