8. Someone like you.
"Nous sommes tous dans le caniveau, mais certains d'entre nous regardent les étoiles."
Oscar Wilde.
Ezra.
Nous avions attendu une trentaine de minutes dans la voiture, mais j'ai tout fait pour détourner la conversation vers un autre sujet que mes années de disparition.
J'ai appris qu'elle avait fait des études en mode avant de se faire repérer par Frank Brown en personne durant son stage chez lui. Je lui ai parlé de ma sœur, et de Clyde qu'elle a très envie de rencontrer pour son côté un peu fou, d'après elle.
Nous avons atterri dans une auberge, au beau milieu de la campagne. Le dépanneur était sympa et nous a proposé de nous déposer dans la ville où la voiture sera en réparation.
J'observe le bâtiment qu'il semble vieux de plusieurs années sans aucune modification. Je grimace à l'idée de dormir dans un lit miteux mais j'ai connu pire, alors je fais le premier pas et me présente directement à l'accueil.
La jeune femme m'adresse un sourir timide et génée quand elle m'nanonce qu'il ne reste plus qu'une seule chambre de libre en raison de plusieurs travaux dans l'hotel.
- Alors on prendra la dernière, répondis-je tandis qu'elle me tend la clé.
- Le petit déjeuner est compris et le dîner sera servi à dix-neuf heures, m'explique-t-elle en me donnant une carte et des prospectus.
Je les prends en souriant, sachant pertinemment que je les jetterais dans la poubelle de la chambre.
Sérieusement, qui lit ces trucs débiles ?
Je n'ai pas le temps de monter dans l'ascenseur qu'Azalea me les arrache des mains pour les lire.
Comment vous dire que j'ai une soudaine envie de me fracasser le crâne contre le métal de l'ascenseur ?
Je la regarde de travers alors qu'elle a le nez plongé dans les papiers et j'appuie sur le bouton qui mène à notre étage. J'ouvre la porte et dépose mon sac de sport sur le lit en me bénissant d'avoir prévu des rechanges malgré son "aller-retour".
Mon cul, oui !
La chambre est basique, un lit deux places meuble presque toute la pièce alors qu'une armoire en bois décore un pan du mur. Il y a une coiffeuse, des rideaux qui méritent un renouveau et une deuxième porte qui doit être la salle de bain.
Je la préviens que je vais prendre une douche et cinq minutes plus tard, le jet d'eau brûlante coule sur mon corps et apaise mes muscles endoloris. Les murs doivent être en carton ici car j'entends Aza fredonner un air de chanson.
Je me demande bien ce qu'elle peut trouver à ce connard sur pattes. C'est un fils pourri gâté qui ne cherche qu'une seule chose : l'argent. Avec ses costumes de Louis XIV et son sourire qui pue l'hypocrisie à plein nez.
Mon corps se tend et mon cœur cogne lourdement contre ma poitrine alors que je me repasse leur baiser dans son bureau. Ce connard a osé l'embrasser, et pire, elle y a répondu !
Je sais que c'est moi la fautif, et ça serait débile de ma part de penser qu'elle m'aurait attendu tout ce temps. Malgré tout, une part de moi, sûrement la plus sombre, ne rêve que de tuer ce mec pour avoir posé ses mains sur ma Star.
Elle aurait pu me prévenir avant qu'elle était couple avec un mollusque, avant que je ne me ridiculise en lui avouant vouloir la récupérer.
Je ferme les yeux et pose mon front contre la faïence, essayant de me contrôler. Je prends plusieurs grandes respirations et commence à me savonner, même si l'imaginer dans les bras d'un autre me rend malade.
J'enroule une serviette propre autour de mes hanches et me lave les dents en grognant. Cette scène ne veut pas quitter mes esprits et ça me fait chier.
Azalea est, certe, avec ce connard, je compte bien lui prouver que je vaux mieux que cette merde.
Mon portable vibre, me faisant sortir de mes pensées. La brosse à dents coincée entre les dents, je jette un coup d'œil et souris en voyant une notification d'Amanda.
"Aujourd'hui on est le 16 octobre, tu sais ce qu'il te reste à faire."
Comment oublier cette date, je secoue la tête en lui disant que je gère, même si je n'ai rien prévu. Des coups sont frappés à la porte et Aza hurle :
- Tu te grouilles ! Y'en a d'autres qui voudraient prendre leur douche !
Je termine de m'habiller et sort cinq minutes plus tard en écarquillant les yeux.
Le lit est rempli de vêtements en tout genre alors qu'elle n'avait strictement rien apporté, à part son sac.
Je me masse la nuque quand elle m'explique qu'elle a eu le temps d'aller acheter des affaires dans la boutique d'à côté. Ne l'écoutant qu'à moitié, je sors sur le balcon avec mon paquet de cigarette.
J'allume une cigarette et me détends devant la vue de ce petit village en repensant au message d'Amanda.
C'est son anniversaire aujourd'hui et elle se retrouve bloquée dans une ville qu'elle ne connaît pas, éloignée de sa famille et en compagnie de son ex.
Génial comme anniversaire.
Je termine ma clope et m'apprête à sortir quand j'aperçois une petite boîte rangée à la va-vite dans son sac posé sur le lit. Je fronce des sourcils en lisant le nom du médicament.
Modafinil, c'est quoi cette merde ?
J'entend le jet d'eau dans la salle de bain et en profite pour m'informer sur Internet. Apparemment c'est un médicament utilisé contre l'apnée du sommeil. J'ignorais qu'elle en faisait, pourtant, elle semblait dormir comme un bébé avant.
Je secoue la tête et sort de la chambre après lui avoir laissé un mot comme quoi je sortais.
Je descends les escaliers, n'ayant pas le temps d'attendre vingt minutes devant l'ascenseur et me dirige vers l'accueil.
- Pourriez-vous décorer votre table la plus reculée du resto ? Demandé-je directement.
- Désolé monsieur, mais on ne peut...
Je souffle et dépose un billet de deux cent euros sur le comptoir. Je la vois loucher dessus avant qu'elle ne le mette dans sa poche en hochant la tête. C'est dingue ce que vous pouvez faire quand vous avez de l'argent.
- Préparez votre meilleure carte ainsi que de la musique, ordonnais-je. Pour dix-neuf heures pétante.
Je sors de l'hôtel et loue une voiture pour me rendre dans le centre commercial le plus proche.
Petit, je détestais les magasins, et ça n'a pas changé avec le temps.
On se croirait dans une fourmilière, ça grouille de monde, d'enfants qui pleurent et de vigiles qui sont là pour la déco.
Je repère une boutique de vêtements mais me rétracte. Elle a déjà n'importe quelle affaire à sa disposition vu son métier.
Je me creuse les méninges en passant devant une animalerie avant de me souvenir qu'elle ne passe clairement pas assez de temps chez elle pour s'occuper soigneusement d'une de ses bêtes.
Le problème, c'est qu'à part son travail, on dirait que rien ne l'intéresse. Qu'elle s'est complètement éteinte de son entourage pour se consacrer à sa carrière.
Avant, Aza aimait les balades en forêt, les après-midi cuisine même si elle ne savait pas cuisiner.
Les ragots du lycée, la musique de Rihanna, les croissants au beurre sortis du four...
Aujourd'hui, j'ai l'impression que tout ce qu'elle aimait à été remplacé par des tissus et des mannequins.
J'envoie un message à ma sœur pour qu'elle m'aide mais forcé de constater qu'elle doit être encore sur le terrain car elle ne répond pas. Et je me vois mal appeler à l'aide Amanda alors que je lui ai dis que je gérais.
Je suis à deux doigts de retourner sans cadeau à l'hôtel quand je vois un centre culturel et qu'une ampoule s'allume dans mon cerveau.
Qu'est-ce que je suis con, Azalea Millet sans livre n'est rien.
Je suppose qu'elle doit avoir abandonné les romans, mais j'entre quand même à l'intérieur, mais décidé à lui faire revivre une de ses passions.
***
Pourquoi je me fourre tout le temps dans une galère ?
Je repose un énième livre en me questionnant sur son résumé bizarre. En même temps vu la couverture qui représente une simple femme presque nue, fallait s'y attendre.
En ayant marre d'être comme un écureuil au milieu de la rue, j'interpelle une employée qui passe à côté de moi.
- Bonjour, je cherche un livre pour ma femme.
Oui, vous pouvez me traiter de tous les noms, je compte bien faire de ma Star, ma femme, un jour ou l'autre, peu importe le temps que ça prendra.
Elle me sourit et me guide dans un rayon qui frôle la sensualité et le sexe. Chaque couverture est faite de rouge, de torse nu et de cœur sanglant.
Les lectrices sont vraiment dans un monde à part.
Ma conseillère du jour me regarde et j'avoue être perdu devant tous ces livres. Je ne savais pas que les filles de maintenant préféraient les livres érotiques aux bonnes histoires de Roméo et Juliette.
- Puis-je vous embêter encore un peu ?
- Vous ne savez pas lequel prendre ? Questionne-t-elle en m'offrant un sourire rassurant. Ne vous inquiétez pas, vous n'êtes pas le premier homme qui semble perdu dans un labyrinthe.
Dieu soit loué, je ne suis pas le seul canard à m'agenouiller devant ses fans de livres.
Elle prend un livre et me le tend quand l'idée du siècle vient de me traverser l'esprit.
- Vous avez d'autres livres à me conseiller ?
***
Je regarde l'écran de mon portable qui indique bientôt dix-neuf heures. Je recommence ma série de marche à travers la chambre, attendant qu'Azalea veuille bien sortir ses fesses de la salle de bain.
Après m'avoir pris des insultes dans la gueule car je l'avais "laissé livrer à elle-même dans un village de merde". Je lui ai ordonné d'aller se préparer en lui tendant une robe que je suis partie acheter.
Ayant envie de faire bonne figure, j'ai mis une chemise noire et un pantalon cargo à poches multiples. Une touche de parfum, un coup de peigne qui n'a servi à rien et me voilà prêt.
J'allais frapper à la porte quand celle-ci s'ouvrit dans la volée, me faisant baisser la tête pour l'admirer.
Si la robe était belle en vitrine, rien n'est comparable à la merveille qu'elle représente dans son corps de rêve.
Sa robe sirène rouge vif épouse ses formes, mettant l'accent sur ses hanches et sa poitrine. Elle descend jusqu'aux genoux et termine en évasé. Sa taille est marquée par une ceinture noire en cuire qui s'harmonise avec son sac et ses talons. Le tissu de satin est replié à quelques endroits et travaillé pour séduire n'importe quel homme. Elle a choisi un maquillage plutôt sombre en mettant du fard à paupière noire et une rouge à lèvre de la couleur de sa robe me donne envie de le ruiner. Elle a laissée ses cheveux châtains descendre le long de son dos
Sexy sans être vulgaire.
- Ezra ?
Je cligne des yeux et reste focus sur l'objectif de la soirée : La faire oublier ses problèmes.
Je lui souris avant de lui tendre la main, la chaleur de sa main se faufile jusqu'à mon coeur et je la fais tourner sur elle-même pour finir par la rapprocher de moi sous son sourire nostalgique.
- Tu es resplendissante ma Star, soufflé-je en lui caressant la joue.
Elle se recule avant que je n'ai pu rajouter autre chose.
- Et toi, tu n'as pas le droit d'utiliser notre tradition contre moi, riposte-t-elle.
J'esquisse un sourire en coin, sachant parfaitement de quoi elle parle.
- Pourquoi ? C'est la nôtre, non ?
Elle quitte la chambre, faisant bouger ses hanches sensuellement et claquant talons contre le parquet de la chambre en m'offrant un beau geste de sa part.
Je ferme la porte derrière moi et la suis jusqu'à l'ascenseur, laissant mes yeux se balader sur son fessier moulé à la perfection.
- Dégage tes yeux de mon cul Ezra, me grille-t-elle, toujours dos à moi.
Arrivés en bas, elle prend mon bras et je la guide jusqu'au restaurant de l'hôtel. L'employée à qui j'ai donné deux cent euros cette l'après-midi me désigne la table du doigt et je hoche la tête pour la remercier.
Les couverts sont dréssés sur une nappe blanc nacrée, un chandelier allumé posé au centre et des pétales de roses parsèment la table.
Je lui tient sa chaise pour qu'elle s'assoit alors qu'un air de Beethoven parvient à mes oreilles.
- C'est magnifique, souffle-t-elle en observant les alentours.
- Tout comme toi.
Elle secoue la tête face à ma disquette de sixième et ouvre la carte et j'en fais de même. Je choisis un rosbif saignant avec des légumes et quand je relève la tête, les sourcils d'Azalea sont déjà froncés.
- Pourquoi il n'y a pas les prix ?
Sa bouille rempli de questionnement me fait pouffer de rire alors que son regard noir me tue sur place. Même énervée, elle arrive à me faire tomber encore plus pour elle.
- Parce que tu n'as pas besoin de savoir le prix, si tu ne payes pas, répondis-je en souriant.
Je la vois lutter intérieurement avant qu'elle ne soupire pour reposer ses yeux sur la carte. Azalea est comme ma sœur, née au monde pour le changer et pour rester telle qu'elles sont en toute circonstance. Son indépendance en prend un coup.
Le dîner se passe plutôt bien. Nous rions d'anecdotes qu'elle me relève alors que je lui parle de moments avec Daya et Clyde omettant toute la partie "gang" de notre vie. Elle me raconte pourquoi Cassandra, alias "CAT" est son ennemie jurée, comment elle a faillit se casser la figure plusieurs fois sur le tapis rouge. Nous discutons aussi des réparations de la voiture qui devront être prêts demain.
Le dessert arrive, me signalant que ce moment va bientôt prendre fin, ce que je ne souhaite pas.
Je déguste ma part de flan alors qu'elle a pris une petite tarte à la poire. Soudain, je la sens différente. Ses doigts se triturent entre eux, ses dents mordent sa lèvre du bas et elle gigote sur place en évitant mon regard.
Si elle n'a pas changé avec le temps, je dirais qu'elle s'apprête à faire exploser une bombe... Et ça ne manque pas.
- Ezra, j'ai vu ton tatouage dans le dos, tu as fabriqué un cv de toute pièce pour te rapprocher de moi et comme tu me l'as dit, tu ferais tout pour me reconquérir. Mais j'ai une question.
Je hoche gravement la tête, prêt à tout.
- Pourquoi tu n'es revenu avant si je te manquais tant ?
Je me cale contre le dossier de ma chaise en me massant la nuque.
Crois-moi ma Star, je serais venu si des barreaux ne m'en avaient pas fait obstacles.
Je tourne la langue cinq fois dans ma bouche, je ne peux définitivement pas lui dire une chose pareille. Hors de question qu'elle sache ce que je faisais vraiment à New-York pendant ses dix années.
- Star, je t'ai déjà dis que je ne pouvais pas, soufflais-je en connaissant la suite et fin de cette soirée.
- Mais qu'est-ce qui te retenais ? Tu dis vouloir me reconquérir, mais comme veux-tu y arriver si je ne peux même pas avoir ta confiance ?
Je ne dis rien, tout simplement parce qu'elle a raison. Mais malgré tous ces arguments, je ne peux pas tout lui avouer. Moi aussi j'aurais aimé savoir ce qu'elle avait fait durant ces années séparées si je ne le savais déjà pas.
- Écoute Star... Tentais-je en posant ma main sur la sienne.
- Je ne demande que ça Ezra, répliqua-t-elle en la retirant sèchement. Mais à chaque fois tu dévies, tu mens. Tu crois que je suis si aveugle pour ne pas voir la souffrance dans tes yeux.
Elle repousse son assiette et me remercie pour cette soirée avant de tourner les talons. Me laissant seul à cette table dont je n'ai qu'une envie : la retourner pour exprimer ma rage.
Je reste environ une heure de plus assis sur cette putain de chaise. L'hôtesse qui a compris la catastrophe du repas m'a ramené une bouteille de whisky que j'ai acceptée avec plaisir, j'en avais besoin.
Puis je suis remonté en priant pour qu'elle ne se soit pas aventurée dehors en pleine nuit. Mais non, elle est là. Emmitouflée dans la couette, ses talons aux pieds du lit et sa robe sur le bureau. Ses cheveux lui cachent la moitié du visage et ses traits ne sont plus déformé par la colère.
Je m'accoude à la rambarde du balcon pour fumer une dernière clope, moi qui voulait qu'elle soit heureuse le jour de son anniversaire.
Je ferme les fenêtres du balcon avant de retirer ma chemise et de m'allonger à ses côtés. J'observe sa peau blanche et douce, ses paupières qui cachent la beauté de son regard envoûtant. Ses pommettes qui se soulèvent quand elle sourit et son nez qu'elle remue quand elle réfléchit trop longtemps.
Je remets une de ses mèches qui lui barre le visage derrière son oreille avant de déposer un baiser sur son front.
Le premier contact que mes lèvres ont sur sa peau depuis une éternité.
C'est comme un nouveau souffle d'air, une inspiration de bien-être.
- Joyeux anniversaire ma Star, murmurais-je en lui tournant le dos pour essayer de m'endormir à mon tour.
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