4. I knew you were trouble.
"Les âmes ont tendance à retourner à qui se sent chez elles."
N.R. Hart.
Azalea
Faites-moi penser à remercier Ezra Marshall.
Grâce à lui, j'ai réfléchi toute la nuit. Sur notre ancienne relation, partant dans des souvenirs douloureux, sur la raison de son retour en France et sur les prochains repas de famille.
La bonne nouvelle est que je n'aurais pas à le voir souvent, étant plongé 24 heures sur 24 dans mon bureau ou dans mon appartement. Je ne risque pas de le retrouver dans une maison de mode, aussi luxueuse soit-elle.
Après avoir imaginé tous les scénarios possibles à son sujet, j'ai cogité sur la Fashion week. Il nous reste quatre mois pour tout planifier jusqu'au moindre détail. C'est pire que la préparation d'un mariage.
Pour tenir le coup, j'ai dû faire la recharge de Modafinil.
J'allais monter dans l'ascenseur quand Cassandra me rattrapa pour le placer à côté de moi. Je l'observe du coin de l'œil et le petit diable sur mon épaule gauche me susurre de lui renverser son café brûlant sur ses cheveux soyeux.
À elle seule Cassandra représente le cliché féminin que je regardais dans les films américains plus jeune. Poitrine bien en avant, un fessier musclé et son maquillage léger sauf au niveau de sa bouche.
Ses yeux marrons vous analysent de la tête aux pieds avant de vous sourire hypocritement et son poireau à côté du nez faisait tâche sur son visage. À 30 ans, cette grande blonde aux formes parfaites faisait tourner la tête de tous les hommes et elle le savait. Jupe courte et décolletée vulgaire faisait office d'uniforme pour son job de secrétaire, bijoux ainsi que dix pressions de parfum suffisait pour parfaire son look.
Horrible.
Nous nous haissons, mais comme toute femme de notre monde, nous faisant semblant de nous apprécier, pour notre image. Seulement et uniquement pour notre image, sinon son air de peste aurait déjà disparu à coups de poings.
- J'ai appris que Frank t'avais légué la Fashion week, débuta-t-elle de son timbre perçant.
Je souris en remarquant son agacement.
- Et oui, disons que le directeur sait choisir la perle qui sort du lot.
Elle pouffe de rire, mettant sa main décorée de faux ongles sur sa bouche.
- Tu crois que Frank t'a choisie pour tes talents ? Voyons Azalea, on sait toutes les deux que tu n'as qu'une grande gueule et aucune corde à ton arc.
Je hausse les sourcils en croisant des bras. Je rêve où elle vient de m'insulter de bonne à rien ?
L'ascenseur s'ouvre et je passe devant elle en lui adressant un dernier sourire accompagné de quelques paroles.
- C'est grâce à ma grande gueule, comme tu dis, que mon nom sera sur toutes les lèvres pendant que tu seras toujours à répondre au téléphone parce que tout le monde a la flemme de le faire.
Je souris en marchant dans le couloir, fière de ma réplique qui la fera réfléchir à deux fois avant de me parler. Mais c'était mal connaître CAT, qui comme moi, ne sait pas accepter la défaite. Et elle sait appuyer là où ça fait mal.
- Au moins, moi, je ne me drogue pas ! Cria-t-elle alors que je lui réponds par un geste de main vulgaire.
Une flèche dans mon égo, voilà ce que vient de créer Cassandra en seulement une phrase. J'ai commencé à travailler ici en étant toute aussi innocente qu'un papillon qui ne sait pas qui va mourir dans quelques heures.
Puis, du jour au lendemain, j'ai craqué.
6 ans plus tôt.
La pression était de trop.
Ma tête n'arrivait plus à aligner deux mots, mes pensées se bousculaient entre chaque critique et tenues. Mes sens se jouaient de moi comme si je n'étais qu'une stupide marionette. Je sentais la chaleur grimper dans ma nuque alors qu'il appelait de partout.
Je courais à en perdre haleine, de loge en loge pour que tout soit parfait. C'était mon dixième défilé, il fallait qu'il soit aussi époustouflant que les précédents. Le stress s'empara de mon corps alors que Natalie, une mannequin, se plaignait de son bouton décousu. Elle montait sur scène dans trente secondes et je m'empresserais de le réparer à temps.
Elle me fit un sourire avant de dépasser le rideau rouge qui nous cachait des journalistes.
- Azalea ! Hurla une autre personne, responsable du maquillage alors que je courais dans sa direction.
Une heure que je courais avec mes talons.
Un jour que je n'avais rien avaler de consistant.
Un mois que je ne dormais que deux heures par nuit.
Un an que chaque venu au travail rimait avec souffrance mentale.
J'entendais mon nom tout le temps si bien que j'avais fini par le détester. Je voulais que le temps s'arrête, qu'on m'oublie rien qu'une petite seconde pour que je puisse souffler.
Je ne trouvais plus mes repères, me perdant dans un monde coloré aux couleurs d'un enfer, mon enfer.
Ne tenant plus, j'ouvris la première porte qui donnait sur une loge vide. Je m'écroula contre celle-ci, mes genoux ramenaient près de moi et la tête contre le bois de la porte.
Je souhaitais partir, rien qu'un instant. Les larmes coulaient sur mes joues et une rage inconnue rugit en moi. Je balançai mes talons à l'autre bout de la pièce et commença à casser tout ce qui trouvait mon chemin. Table, miroir, sofa, robe, maquillage...
Mes mains tremblaient, j'avais froid et j'étais épuisée. Mon cœur cognait contre ma poitrine et ma respiration se hachait. Je regardais le désordre que j'ai fait, croisant mon reflet dans un bout de miroir brisé.
J'étais comme lui, brisée de l'intérieur, sans échappatoire. On m'avait jeté contre un mur et mes espoirs n'avaient fait que ralentir ma chute. J'étais tombé, me noyant dans ma peine et personne ne pouvait m'aider.
On m'avait prévenu, on m'avait conseillé, on m'avait tendu la main.
Mais j'étais trop bornée, pensant que j'y arriverais, seule.
Mon âme ne pouvait plus ressentir autre chose que la douleur que je m'infligeais. Il fallait que je sorte de là, que j'émerge de cet océan de souffrance, que je reprenne mon souffle, sinon j'allais mourir.
J'étais prête à laisser tomber quand je vis une boîte de Modafinil au sol, le propriétaire de la loge devait sans doute en prendre pour apaiser ses troubles du sommeil ou autre. J'avais lu quelque part que c'était devenu le remède de beaucoup de personnes, qu'ils arrivaient à surmonter leurs peurs et leurs doutes, qu'ils sortaient les gens de leurs dépression.
J'incline la tête et ne réfléchis plus longtemps avant de prendre la boîte et d'en avaler trois d'un coup sans eau pour l'accompagner. Peu de temps après, j'étais enfin en paix. Dans le noir certes, mais je me sentais enfin bien.
Aujourd'hui.
La paix se trouvait être le coma. J'étais resté endormi trois mois complets. Et en me réveillant, j'avais l'impression de planer. Frank m'avait donné un mois en plus pour me reprendre et je comptais en profiter.
J'avais fait une petite dépression, rien de grave. Mes parents s'étaient inquiétés pour moi, Ayden m'avait même ordonné de rester couché dans mon lit. J'avais reprit une vie normale. Mais en revenant, j'avais vite compris que la paix ne reviendrait plus vers moi, tant que je n'allais pas vers elle.
Alors j'ai commencé à en prendre, un par un cette fois. Et plus j'en prenais, plus je me sentais détendue et productive. Tout le monde à eu vent de mon malaise. Puis des rumeurs ont circulées et tout Brown Luxury sait que la célèbre Azalea Millet se drogue pour rester debout.
Malgré les ennemis que je me suis fais dans ce milieu, personne n'a rien dit à la presse sous peine d'être virée la seconde suivante. La menace de Frank était sans appel, si quelqu'un dévoilait mon secret, Brown Luxury s'effondrerait.
Mon addiction, c'est la seule chose dont je ne suis pas fière. J'avais essayé de m'en défaire mais impossible avec la vie que je menais, je ne pouvais pas abandonner cette pilule sans limite. Mais c'était peine perdue, je n'arrivais pas à tenir plus de deux jours, alors j'avais baissé les bras.
Je franchis la porte du bureau de mon patron, m'installant sur la même fauteuil qu'hier.
- Ma perle rare, comment tu vas ? Tu as réfléchi à notre problème ?
J'avais pesé le pour et le contre et cogité comme une malade depuis qu'il me l'avait annoncé. J'étais arrivé à la conclusion que ce défi était perdu d'avance et surtout merdique.
- J'accepte, déclarais-je sûre de moi en gardant ma posture droite et le regard sur sa personne.
Il hocha de la tête et s'apprêta à dire quelque chose quand je l'arrêta d'un signe de main.
- J'accepte, mais à une condition.
Il semble méfiant mais me fait comprendre de continuer d'un geste de main.
- Je veux que le défilé de la fashion week soit à moi. Qu'il est mon nom cité en premier sur tous les modèles. Brown Luxury sera, bien évidemment, en premier plan. Mais je veux en faire partie.
Il me considère un moment de son regard globuleux, hésitant sûrement à ma requête car s'il accepte cela ferait de moi la nouvelle figure de notre maison de mode. Et seul le directeur possède ce privilège. Ce serait comme si Brown Luxury me choisissait pour reprendre le flambeau à la place de Frank.
Il se gratte la barbe avant de se râcler la gorge.
- C'est une requête très spéciale et qui peut avoir des répercussions sur toute l'entreprise ce que tu me demandes Azalea.
- C'est à prendre ou à laisser, affirmais-je en souriant.
Il s'enfonce dans son siège, passant une main sur son ventre.
- Si c'est comme cela, d'accord. Je prends le risque mais ton travail à intérêt à frôler la perfection.
Je ne m'attarde pas plus et me lève pour lui serrer la main, puis je sors de la pièce non sans lui avoir certifier mon talent :
- Mon travail sera comme toujours, la perfection incarnée.
***
Installée à mon bureau privé, je prends un verre d'eau et un cachet avant d'esquisser les premières tenues qui feront le défilé du prêt-à-porter. Dans la mode, il y a trois types de défilés pour une seule maison de mode.
Le prêt-à-porter : une collection qui sera commercialisée six mois après à la Fashion Week et qui comporte trois à quatre défilés durant la soirée.
Ensuite vient la haute couture, dont nous sommes les seuls à la représenter dans le big four : des tenues crées avec des critères bien précis, qui ne seront pas en vente au grand public mais plus aux personnes riches.
Et pour finir, le prêt-à-porter masculin : exactement la même chose, sauf que c'est spécial "hommes".
Aujourd'hui je me concentre sur ce que je sais faire de mieux, les tenues élégantes. Je pourrais me servir dans ma collection personnelle que j'ai à la maison mais elle ne convient pas aux normes de l'entreprise, si bien que je n'ai jamais eu l'occasion de les voir sur des mannequins.
Ce sont mes plus belles créations, mes fiertés.
Je trace un effet voilé sur une jupe quand on frappe à ma porte. je marmonne un "entrez" avant d'apercevoir CAT.
- Deux fois en une journée, tu veux t'imprégner de mon savoir-faire ? Piquais-je méchamment.
- Frank t'offre un assistant, crache-t-elle en me déposant un dossier sur mes brouillons.
Je fronce des sourcils en prenant en compte le profil de notre nouvel arrivant.
- Pourquoi faire ? Questionnais-je quand même. Je n'en ai pas besoin.
Elle pose un bout de fesse sur mon bureau et me répond tout en mâchant son chewing-gum.
- Il a dit qu'il t'aidera dans le défilé, il a fait des études en mode et est devenu un styliste réputé à New-York. Tu as de la chance, c'est un canon.
Je soupire en prenant conscience du boulet accroché à ma cheville. Je n'ai jamais travaillé avec quelqu'un, j'étais plutôt dans ma bulle à faire mes dessins et créer mes propres robes dans le studio de mon appartement. Et puis, personne ne me supporte assez pour travailler avec moi. Et ce n'est pas ce Nate Mickelson qui sera l'exception.
Je n'ai pas le temps d'en demander plus que le principal intéressé fit son entrer par la porte, me laissant abasourdie.
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