3. Confident.

"La mode n'est pas quelque chose qui existe uniquement dans les robes. 

La mode est dans le ciel, dans la rue, la mode a à voir avec les idées, 

la façon dont nous vivons, ce qui se passe."

Coco Chanel.


Azalea.


Ayant une vie assez mouvementée, surtout avec les courtes nuits que je passe, je me dois d'avoir le visage splendide. Je suis l'image de Brown Luxury et je ne peux pas me permette d'avoir l'air négligée. Chaque mois, je dévalise les magasins de beauté pour être au top, cela me rend belle et cache mon teint blafard et mes cernes.

Je dois me rendre chez ma mère, et même en me baladant dans la rue, je dois être irréprochable à cause des journalistes ou des paparazzis.

J'applique une dernière couche de mascara quand mon téléphone vibre sur la machine à laver. Je m'empresse de lire le message en me demandant ce que cela fera si je le mettrais en mode avion, juste le temps d'une journée.

Impossible.

Comment tu vas mon soleil ? J'espère que ton défilé s'est bien passé, j'aurais aimé le voir. Pas trop épuisée ?

Un sourire franchit la barrière de mes lèvres et je réponds que tout s'est bien déroulé. Je lui demande dans combien de temps elle compte me rendre visite.

Bientôt mon soleil, je te le promets. Mais j'ai beaucoup de choses à régler de mon côté. Je t'appelle vite.

Je la menace de la ramener par la peau des fesses si elle tarde et verrouille mon portable avant de prendre mes affaires et de filer avant d'être en retard et de me faire engueuler comme une enfant de dix ans.

Arrivé à destination, je fronce des sourcils en voyant une voiture inconnue garée en face de la maison. Le coffre est ouvert et un homme en manteau, capuche rabattue sur la tête, essaye de faire tenir trois cartons l'un au-dessus de l'autre sans les faire tomber.

En bonne âme charitable que je suis, je descend rapidement de mon véhicule pour aller l'aider.

— Attendez, laissez-moi vous aider, annonçais-je en lui prenant le dernier carton de la pile qui relève son visage.

Je me fige sur place en retrouvant cet océan bleu qui parsème son regard. Ces traits se sont endurcis avec le temps, son nez aquilin n'a pas changé, il a toujours ses cheveux blonds et une odeur de tabac froid me parvient au nez que je fronce. Ces épaules sont plus carrés qu'il y a dix ans et une cicatrice barre l'entièreté de son visage en évitant son œil droit de justesse.

Mon cœur loupe un battement face à son retour inattendu et j'ai soudainement du mal à respirer. Comme si sa présence m'enfermait dans mes années de souffrance où j'ai nagé dans les profondeurs de mon enfer. Des souvenirs aussi douloureux les uns que les autres refont surface et je dois me faire violence pour rester impassible.

Enfermer ses émotions. N'en faire resurgir qu'une. La colère.

Avec un sourire cruel, je lâche le carton qui retombe lourdement dans ses bras et je me dépêche de mettre de la distance entre nous en me dirigeant vers la porte d'entrée.

Qu'est-ce qu'il vient faire ici ? N'a-t-il pas assez causé de problème en partant ? Considère-t-il que mon âme ne s'est pas suffisamment brisée à son départ ?

Profitant qu'il n'y est personne, je ferme la porte à clé, ma satisfaction à son comble. J'enlève mes talons et dépose mon manteau sur le dos du canapé avant de me diriger vers les discussions qui animent la cuisine.

J'y retrouve mes parents. Ma mère à le sourire aux lèvres et taquine Ayden en lui jetant du thym au visage pendant que celui-ci essaye de couper les courgettes.

Je les admire, appuyée contre l'embrasure de la porte. Leur regard ne trompe personne, ils s'aiment à en mourir. Ma mère brille de plus en plus avec son mari à ses côtés, même si leur a fallu un sacré moment avant qu'ils se soient ensemble.

Mais la présence du bracelet au poignet d'Ayden que lui a offert ma mère à leur onze ans et le collier qu'elle porte autour du cou avec leur citation préférée prouve l'amour qu'ils se portent.

Ils vivent la vie parfaite de couple malgré les disputes quotidiennes avec leurs caractères de feu souvent en rapport avec leurs métiers respectifs. Ma mère est la célèbre Amanda Millet Johnson, romancière de plus d'une cinquantaine de romans. Ayden, lui, est le propriétaire de plusieurs bibliothèques dans toute la France, dont une qui la relayé à Margot, son assistante et amie de la famille.

J'embrasse ma mère qui laisse tomber le thym pour me prendre dans ses bras. Son gel douche à la coco, ses caresses dans mon dos et les chatouilles de ses cheveux bruns me ramènent à la maison et je souffle de bonheur.

— Ça fait du bien de te revoir ma chérie, m'avoua-t-elle de sa voix mélodieuse en prenant mon visage entre ses mains douces.

Elle m'embrasse mes deux joues avant que la sonnerie ne retentit. Elle part ouvrir alors que je me fais ébouriffer les cheveux par Ayden.

Ses cheveux sont coupés courts laissant apparaître sa cicatrice à l'arcade. Il a délaissé ses costumes de directeur pour un jean délavé et un pull au col roulé noir. À quarante-cinq ans, il maintient toujours sa carrure de sportif qui pourrait en faire trembler plus d'un, mais je sais que son cœur est une guimauve reste trop longtemps près du feu. Surtout quand ça concerne ma mère et moi.

— Tu savais qu'il reviendrait ? Questionnais-je bêtement, sachant déjà la réponse.

Ses yeux whisky me scrutent avant de se remplir de compassion.

— Amanda ne l'a annoncé ce matin, je suis désolé. J'aurais dû te dire de ne pas venir...

— Non, le coupais-je en posant ma main sur son bras. Cela aurait paru suspect si je n'étais pas venue.

J'attrape un couteau et l'aide avec les carottes. Il faut que je m'occupe sinon je ne vais pas tenir.

— Je ne m'attendais pas à la revoir après dix ans d'absence, grimaçais-je, le regard fixé sur mes légumes que je coupe comme une pro tellement que je suis concentrée dessus.

C'est Neya qui serait fière de moi.

— Aza, si tu n'es pas prête, je peux trouver un prétexte pour que tu t'enfuies, me réconforta-t-il.

Je secoue la tête en esquissant un sourire plus fragile que du cristal. S'il est revenu, c'est qu'il compte rester un peu et je ne peux pas l'éviter à chaque fois. Connaissant ma mère, elle va l'inviter à tous les repas de famille.

Il n'y a qu'Ayden qui connaisse la vérité sur son départ. Plus jeune, je n'avais pas la force d'annoncer à ma mère que celui qu'elle considérait comme son fils m'avait arraché le cœur avant de s'en aller sur un autre continent. J'ai dû inventer un mensonge comme quoi, il serait parti pour les études.

J'étais mal en point et je le cachais comme je pouvais, sauf qu'Ayden m'a retrouvé endormi contre le meuble de la salle de bain, des larmes sur mes joues. Il m'a réveillé, a séché mes larmes avant de me conseiller de prendre une douche avant que ma mère ne rentre. Je l'ai écouté et quelques jours après, je lui ai tout raconté, une boîte de mouchoirs et sa présence comme soutien.

Il m'avait comprise, lui aussi sachant ce que cela fait de retrouver une personne qu'on aimait.

Depuis toutes ses années, j'avais cru avoir enfin tirer un trait sur cette histoire, j'avais rêvé de prendre l'avion pour le retrouver, puis je lui arracher la tête pour m'avoir abandonner. Mais plus le temps passait plus mon esprit l'avait retiré sans que je n'y fasse attention.

Je pensais que c'était derrière moi, mais j'avais tort et je l'ai su quand mon coeur, ce traître, a réagit à son apparition un peu trop brutalement.

Je les entends rentrer dans la cuisine, plonger dans leurs conversations. Mes phalanges se resserrent sur le manche du couteau alors qu'Ayden se rapproche de moi pour me soutenir.

Je l'entends déposer les cartons sur la table à manger pendant que ma mère lui propose une boisson. Je n'ose pas lever les yeux, j'ai trop peur que l'armure de mes émotions ne soit trop faible pour son aura dangereuse. Mon cœur bat comme un dératé alors que je peine à régler ma respiration.

Heureusement ma mère l'emmène au salon pour lui montrer sa bibliothèque, me laissant souffler de soulagement. Certes, la cuisine est ouverte sur le séjour mais cela me détend de le savoir loin de moi.

Je termine de couper les carottes et les met dans un saladier propre avant de m'attaquer aux tomates. Ayden est près de la gazinière, surveillant la cuisson de la viande.

Allez savoir pourquoi, peut-être par curiosité, je lève la tête de ma tâche et mon regard se dirige tout droit sur lui.

Il a retiré son manteau, son t-shirt lui colle aux muscles, qui se sont développés et il est maintenant bâti comme un Dieu. Ses tatouages représentant des oiseaux me submergent comme dix ans auparavant, où je rêvais de caresser.

***

Les pieds sous la table, je joue avec plutôt que je mange mes légumes. La tête baissée, j'essaye de ne pas faire attention à son coude qui frôle le mien à chaque fois qu'il coupe sa viande. Ma mère lui raconte tout ce qu'il a raté en dix ans, Ayden reste silencieux, le regard froid quand il est obligé de le regarder pour hocher la tête face à une question de son épouse.

Et moi, je sens mon cœur se serrer à chaque seconde passé autour de cette table. Je ne peux pas m'empêcher de refouler tous les souvenirs. C'est comme s'ils étaient restés trop longtemps enfermés dans une boîte et que son retour les avaient libérés.

C'était puissant et si douloureux que je dû me masser le sternum pour la faire passer, en vain. Elle semblait accrocher à moi comme un aimant, refusant de me laisser respirer convenablement. Mon âme essaye de ne pas hurler de souffrance mais je crois que j'ai atteint ses limites.

Ma bonne étoile semble m'accorder une pause quand mon téléphone vibre contre ma jambe. Je m'excuse, faussement désolée et m'isole dans le jardin par la baie vitrée.

Je m'adosse au mur en lisant le message de mon père.

" Coucou ma Sachs, comment tu vas ? Je suis à Paris jusqu'à demain soir, ça te dirait d'aller à la bibliothèque ou de manger un bon hamburger ensemble ?

Un sourire illumine mon visage alors que je lui donne rendez-vous devant mon appartement, faisant exprès d'ignorer le surnom qu'il utilise depuis qu'il a regardé "Le diable ne s'habille plus en Prada". Il disait que je ressemblait à la protagoniste, andrea Sachs, avec mon métier débordant et mon caractère de folle.

Matthew Durand est un homme et un père qui a fait beaucoup d'erreurs dans sa vie dont certaines qui ont impactés ma vie et celle de ma mère. Elle me disait souvent qu'il était le cauchemar de son histoire même s'il avait été un mari aimant.

Personnellement, après avoir menacé ma mère d'avoir ma garde complète avec procès qu'elle a finalement remporté. Je n'étais pas prête à lui parler, même avec le cadeau qu'il m'a offert avant de repartir dans sa ville natale.

Un minuscule attrape-rêve que je garde encore au-dessus de mon lit accompagné d'un mot :

"Pour que tu saches que je ne serais jamais cauchemar, ma fille. Je t'aime plus qu'un héros pourrait le faire."

Six années se sont écoulées depuis qu'il me l'a donné et il est revenu pour essayer de rattraper ses fautes avec moi. Si au début j'étais réticente, Ayden m'a fait comprendre l'importance d'un père. Quant à ma mère, elle a d'abord voulu l'étrangler d'avoir osé revenir dans ma vie avant d'accepter avec un goût amer sur la langue.

Malgré que j'ai repris contact avec lui, je refuse de remuer le passé douloureux et commun de mes parents, alors je ne parle de ni l'un ni l'autre.

Je range mon portable avant de vouloir rejoindre la table quand une silhouette me barre la route. Celle que je fuis depuis qu'il a mis un pied dans cette maison.

Ezra Marshall en personne.

Je le toise de haut en bas de mon plus beau regard noir et ne peut m'empêcher de le passer sous tout les détails. Je croise les bras pour exprimer mon refus de parler mais il semble s'en foutre royalement car il s'appuie contre l'embrasure de la porte du jardin, les bras croisés contre son torse, tendant ses muscles plus qu'ils ne le sont déjà.

— Ça fait longtemps Star, commença-t-il en se massant la nuque.

— À qui la faute, rétorquais-je, ma haine faisant vibrer ma voix.

Des éclairs fusaient de mes orbites alors que mon sang bouillonne dans tout mon corps et que mon coeur a trouvé refuge dans mes tempes.

Je considère que cette situation a assez duré. Je souffle en passant à côté de lui pour rentrer quand il m'attrape par le bras pour me faire face.

Un frisson parcourt mon épine dorsale alors que je sens mon cœur dégringoler dans mon estomac. Son souffle heurte mon visage et je peux sentir son parfum aussi virile qu'il y a dix ans. Il essaye de me caresser la joue mais je l'évite de peu, reculant ma tête en le foudroyant de mes yeux noisettes.

J'essaye de me dégager de sa prise mais il a évidemment plus de force que je ne l'aurais sous-estimé. Il incline la tête, faisant tomber quelques mèches blondes sur son front.

— Pourquoi tu me fuis Star ?

La question me parait tellement stupide que j'éclate d'un rire froid et sans joie se qui le surprend, mais pas assez pour me lâcher. Je touche son torse de mon index d'un air menaçant en fronçant les sourcils.

— Pourquoi je te fuis ? Répétais-je abasourdie. Ma mère m'a toujours dit de ne pas parler aux inconnus.

Mon attaque semble le blesser car il desserre sa prise alors j'en profite pour me dégager. Ce connard pense qu'il peux m'amadouer avec sa simple présence mais il n'a pas encore compris que j'ai barricadé mon coeur comme un putain de chateau fort. Et je compte bien lui faire comprendre malgré que mon traître cœur n'en fasse qu'à sa tête.

— Encore une dernière chose, ordonnais-je en me retournant. Ne m'appelle plus comme ça.

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