17. Demons.

"Vivre est la chose la plus rare au monde. La plupart des gens existent, c'est tout."

Oscar Wilde.


Ezra


Allongé sur mon canapé, la tête reposant sur l'accoudoir, je fixe le plafond. Un verre de whisky dans une main et une clope bien entamée dans l'autre, je fais peine à voir. Atlas est à mes pieds, endormi, il ronfle alors que je tire une taffe pour oublier la fin de cette soirée. La nicotine entre dans mes poumons, les agressant, avant de ressortir en fumée blanche qui s'échappe par la baie vitrée entrouverte du salon. Ce dernier est plongé dans le noir, n'ayant pas la force de me brûler les rétines en allumant les lumières.

Mon esprit continue de ressasser les moments de ce soir. Son stress à l'idée de ne pas être belle alors qu'à mes yeux elle est magnifique, peu importe ce qu'elle porte. La sensation de sa cuisse pendant que je roulais, je sentais son coeur battre dans mon dos. Son regard d'incompréhension quand on est entré dans notre ancien collège et son rire lorsqu'on a rejoué notre rencontre. Ses yeux pétillants de bonheur, son sourire qui laissait apparaître ses fossettes. Tout en elle me fait tomber encore plus qu'il y a dix ans. Et plus les jours passent, plus j'ai l'impression de me casser la gueule encore plus dès que je la vois.

Puis, son regard a changé, alourdi par mon passé que je n'ose pas lui dévoiler. Je ne veux pas qu'elle change à cause de ça, en lui confiant mes dix dernières années, je lui montre mon côté le plus sombre de ma personnalité, celui qui est cassé et désireux de vengeance. Comme tous ceux qui entrent dans les rangs de The KillerBlood. Chaque personne à un traumatisme, une enfance difficile, un événement qui l'a chamboulé ou une folie que personne ne comprend. On a tous besoin de cette violence, de ce sang sur nos mains pour se prouver qu'on n'est pas les seuls à souffrir.

Je ne voulais pas affronter ses iris humides de tristesse. La culpabilité m'a assaillie de nouveau, serrant mon cœur dans un étau de fer brûlant.

Me verrait-elle comme un criminel si je lui dévoilais cette partie de ma vie ? Me rayera-t-elle définitivement de sa vie ? Pensera-t-elle que je mérite de finir derrière les barreaux pour le restant de mes jours ? Acceptera-t-elle de me regarder à nouveau dans les yeux ?

Tant de questions et pas du tout de réponses.

Comment construire une relation sur un tissu de non-dits ? Peut-on réparer notre cœur en n'ayant aucune confiance pour l'un envers l'autre ? Elle aussi me cache un secret. Dois-je lui révéler le mien pour qu'elle ait pleinement confiance en moi et qu'elle se confie sur son addiction ?

Tant de secrets tournent autour de nous.

Elle est l'étoile qui brille dans mes ténèbres, si elle me lâche, je ne sais pas ce que je ferai. Si je serais capable de tourner la page. Je deviendrais ce que mon oncle a toujours voulu, l'héritier de The KillerBlood.

Un assassin assoiffé de pouvoir et de sang sans cœur.

Mes parents, Ethan et Diana Marshall, étaient un couple comme les autres à mes yeux d'enfant. J'ignorais tout de leur quotidien dans les armes et la drogue. C'est surtout ma mère qui voulait nous préserver de leur monde sanglant, nous cachant les yeux quand une balle se perdait au milieu du front d'un adversaire, nous ordonnant de monter dans notre chambre quand il y avait des invités. Elle essayait toujours de trouver une excuse pour nous mettre à l'écart alors que mon père souhaitait nous éduquer à la dure, il disait que c'était pour qu'on survive dans ce monde cruel. Cela menait souvent à des disputes mais mes parents s'aimaient profondément.

Je n'ai pas beaucoup de souvenirs d'eux, je me rappelle du parfum floral de ma mère, du stylo-plume avec lequel mon père écrivait tout le temps et de l'amour qui les unissaient. Mais rien de plus. Des souvenirs reviennent de temps en temps où je revois difficilement leurs visages.

C'est mon oncle, Easton Marshall, qui nous a fait rentrer dans cet univers rempli de vices, d'envieux, de menteurs et d'apparence. Un homme dont la compassion est étrangère chez lui. Il nous formait comme des guerriers, sans repos. Si on obéissait pas, il nous frappait avec son bâton en bambou. Easton trouvé toujours une façon ingénieuse mais horrible pour que nous comprenions la leçon. N'ayant rien à faire que Daya soit une fille.

J'étais en retard ? Il la pendait par les pieds jusqu'à ce qu'elle perde connaissance.

Elle n'effectué pas correctement un mouvement de combat ? Je finissais dans le cellier, où régnait rats et cafards, jusqu'à ce qu'elle le réussisse.

Je tombais d'épuisement ? Elle n'avait pas le droit de dormir à la maison, passant la nuit dehors.

Chaque punition brisait notre innocence d'enfant et forgeait de vrais monstres. Il avait détecté que notre amour fraternel était celui qui faisait notre force, alors il en a profité.

Certes, nous en sommes ressortis plus fort, mais à quel prix ?

Je haïs cet homme autant que ma sœur, du plus profond de nos âmes, et je l'aurai déjà tué s'il n'était pas un Marshall. Rien que d'y penser mon cœur bat plus vite dans ma cage thoracique et mon sang bouillonne dans mes veines.

Il faut que je me détende.

Je me lève du sofa avant de prendre une grande bouffée d'air, roulant des épaules pour chasser tous ces mauvais souvenirs de ma mémoire. Je ne prends pas la peine de mettre mes gants pour frapper dans mon punching-ball qui se situe dans ma salle de sport. J'enchaîne les coups, mettant toute ma rage dans mes poings. Latéral, gauche, direct, droite. Et je continue, m'arrêtant juste pour enlever mon t-shirt.

Toute ma colère se déverse dans mes frappes alors que mon esprit n'est plus avec moi. Non. Il est à ses côtés, comme à chaque fois que je m'octroie un moment de répit. Cette étoile qui m'a fait sortir de mon enfer personnel dans lequel je me noyais. Cette joie de vivre qui me faisait sentir normal, étant juste un adolescent rebelle, pas un futur héritier d'un gang à New-York.

J'étais juste son ciel.

Flashback.

Capuche sur la tête, je déambule dans les rues. La nuit tombe et la rue est seulement éclairée par les réverbères. J'essaye d'oublier mon quotidien barbant et ennuyeux à souhait en décompressant.

La nuit est mon refuge, elle me permet de penser à autre chose qu'aux punitions de mon oncle et des lignes de cocaïne que se tape ma soeur pour survivre.

Je marche dans les ruelles, passant pour le danger qui rôde la nuit. Je me hais, les choses que je fais m'ont changé, ma vie n'est plus la même depuis qu'ils sont morts et mon avenir semble aussi long qu'un grain de riz.

Je m'arrête dans ma lancée quand je remarque que mes pas m'ont menés là où je me sens le mieux. Devant chez elle. Un sourire naît sur mes lèvres alors que je fais le tour de la maison sans un bruit pour arriver en dessous de sa fenêtre. J'attrape quelques cailloux et un jette un sur son carreaux.

J'espère qu'elle ne dort pas.

Une partie de moi, celle qui est égoïste voudrait qu'elle soit réveiller pour qu'elle m'accompagne dans mon moment de plénitude que m'accorde la nuit. L'autre, celle raisonnable, souhaiterait la laisser se reposer pour qu'elle s'éloigne du danger que je représente pour elle.

Mais cette fois, c'est le diable qui le remporte.

Elle ouvre sa fenêtre et se penche. Je vois d'ici ses sourcils se froncer d'incompréhension, ses cheveux châtains encadrent son visage fin et tout endormi.

Rien que de la voir apaise mes problèmes. Je me sens comme si j'étais à ma place. Mon cœur bat plus rapidement et mes yeux ne la quitte pas.

— Qu'est-ce que tu fais ici ? Me chuchote-t-elle assez fort pour que je l'entende.

— Je passe te prendre, tu veux venir ?

Elle semble réfléchir un instant, sûrement à la punition que sa mère lui accordera si elle ose faire le mur.

— Où ? Demande-t-elle.

— Là où les étoiles sont les plus proches, ma Star, répondis-je en haussant les épaules.

J'espérais avoir une réponse positive mais elle disparaît subitement me faisant cligner des paupières. Je reste là, comme un con, planté dans son jardin, la tête levée vers sa fenêtre, ne sachant pas quoi faire. Après avoir attendu un peu, je me résout à faire demi-tour et recule d'un pas. La déception entoure mon âme alors qu'elle ne me doit rien, nous sommes juste amis, et encore, même ce mot ne nous correspond pas. Je ne sais pas qui nous sommes.

Ezra et Azalea ? Star et Connard ? Ou je m'invente tout ça ?

J'entends un bruit briser le silence et me retourne pour la voir de l'autre côté du rebord de sa fenêtre, prête à sauter. Elle a changé son pyjama contre un de ses jeans avec un sweat à capuche pour contrer le froid de la soirée.

— Tu me rattrapes ? Me questionne-t-elle en ouvrant les bras.

— Toujours.

J'écarte mes bras et plie mes jambes pour ne pas qu'on se casse la figure tous les deux. Je vois ses lèvres bouger et me dis qu'elle doit probablement compter jusqu'à trois avant de se jeter dans le vide.

Cette fille est folle. Mais je crois que c'est ce qu'il me plait chez elle. Elle accompagne ma folie dans sa confiance en moi. Et je ferais tout pour qu'elle puisse sauter dans mes bras à chaque fois, sans hésitation.

Elle ose se jeter dans le vide et je me concentre sur elle. Un petit cri sort de sa bouche avant que son corps percute le mien et nous fasse tomber dans l'herbe.

Rattrapage : zéro.

Mes bras encerclent son petit corps, nos jambes sont entremêlées et je la sens rigoler dans mon cou et je ne peux m'empêcher de rire aussi.

Voilà exactement ce dont j'avais besoin, une étincelle dans ma vie si sombre. Lâcher prise, sans avoir besoin de regarder par-dessus mon épaule, sans jouer le bad boy que tout le monde déteste. À ses côtés, je ne suis plus le danger de la nuit, ni l'héritier de The KillerBlood.

Je suis Ezra Marshall, le jeune adolescent qui profite d'une vie normale.

On se relève après quelques secondes, le sourire aux lèvres.

— Je ne refais plus jamais ça, exprime-t-elle en s'époussetant.

— Menteuse, répliqué-je en passant mon bras sur ses épaules.

Nous quittons le jardin et nous marchons dans Paris. Nous tournons autour des arbres et des lampadaires, essayons de tenir l'équilibre sur les trottoirs, jouons au chat et à la souris dans les parcs vides. Les rires, les dialogues sans prise de tête et les taquineries sont au rendez-vous et je me sens revivre.

Au bout d'une vingtaine de minutes nous arrivons enfin à destination.

Le toit de notre collège.

Nous passons par le chemin habituel de l'infirmerie avant de parcourir les couloirs et les escaliers pour atteindre la porte de service qui mène au toit. On s'est installés par terre. Moi, le dos contre le muret qui nous empêchait de tomber et Azalea était contre moi, la tête sur mon pectoraux et mon manteau sur son corps.

Nous observons le ciel qui joue avec les couleurs des ténèbres. Des nuances de noir, de bleu foncé et de gris, parsemés de petits points scintillants, des étoiles.

Je tourne la tête pour l'observer, elle et ses yeux qui pétillent devant la beauté du paysage. C'est pour cette raison que je l'ai surnommé Star, elle est la lumière au bout de mon tunnel, la raison pour laquelle je reste debout. Elle me guide dans la clarté, me sortant de la noirceur dans laquelle je baigne.

Ses cheveux se soulèvent à cause du vent, ses petites mains ont trouvé refuge sous sa tête, à l'endroit où mon cœur tape contre ma cage thoracique. Sa bouche fine, son petit corps recroquevillé sur lui-même, la forme de ses joues, son odeur de lilas...

Tout en elle me donne envie de lui appartenir. Qu'elle soit à moi comme je suis à elle.

J'enroule une de ses mèches autour de mon doigt, appréciant la douleur de ses cheveux alors qu'elle lève la tête vers moi.

Elle me fixe un certain moment et je la sens perdue dans ses pensées quand elle se relève d'un coup, prenant appuie sur mon torse pour me faire face.

— J'ai trouvé, m'annonce-t-elle.

— T'as trouvé quoi ?

— Ton surnom, tu me saoules à m'appeler Star alors j'ai décidé que t'allais en avoir un toi aussi.

J'arque un sourcil, n'étant pas sûr de son idée, car le dernier nom qu'elle me donne est "connard". Avant c'était "mouche", puis "enfoiré" et "caillou".

Et les surnoms s'enchaînent au guise de ses humeurs et des semaines, jusqu'à ce qu'elle est trouvé que connard m'allait comme un gant.

— Et quel est mon nouveau surnom ? Interrogé-je avec l'envie de savoir quand même.

Elle me regarde, ses iris scintillant de mille feux. Je plonge dans cette nuance de couleurs ambrés, attendant qu'elle me réponde.

— Sky...

Sky ? Ciel ? Pourquoi m'appelle-t-elle ciel ? Qu'avons nous de commun ?

Je dois rester un moment dans mes pensées puisqu'elle reprend.

— Ah moins que tu préfères rester "connard" ?

— Non, Sky c'est parfait. Mais, pourquoi ?

Elle passe son doigt autour de mon visage, laissant une traînée de picotement tout le long avant de terminer par mon nez, avec un sourire à faire plier le diable lui-même.

— Parce que tu es comme lui. Une infinité qu'il nous réserve aux grains de poussière que nous sommes. Celui qui fait la pluie et le soleil aux grés de ces humeurs. Cachant des secrets que peu de personnes peuvent découvrir. Il fait briller les étoiles en leur donnant une chance de vivre.

Boum.

Mon cœur loupe plusieurs battant, rien que pour elle. Mes pensées ne vont vers qu'elle et seulement elle. Plus rien ne compte à par mon étoile. Je me sens apaisée de savoir enfin qui nous sommes l'un pour l'autre.

Nous sommes Star et Sky.

Et je suis prêt à la protéger comme elle le mérite, quitte à lui offrir mon coeur malgré mon avenir dangereux.

Fin du flashback.

***

Hello mes stars ! Comment allez-vous ? 

Un autre flashback, j'espère que vous les aimés même si y'en as beaucoup ! 

Point de vue d'Ezra, il était tellement long que j'ai été obligé de le couper en deux donc la suite dans quelques jours ! 

N'hésitez pas à commenter, je kiffe recevoir votre ressenti sur mes chapitres et je réponds à tout. Cliquer sur la petite étoile pour me donner du courage. 

Kiss mes stars et n'oubliez pas que vous êtes des pépites ! 

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