1. Rise.
"Le succès n'est pas une question de résultat final,
mais de ce que vous apprenez en cours de route."
Vera Wang.
Azalea
Ma mère me dit souvent que le talent ne s'apprend pas, il est inné. Qu'il est comme un don du ciel, un pouvoir que peu d'entre nous ont la chance d'utiliser.
Et j'en fais partie.
Mon cœur bat la chamade, mes mains moites indiquent mon niveau de stress et j'essaye de calmer ma respiration.
Cachée par le lourd rideau rouge, je passe une main sur mon ventre pour me détendre. Cela pouvait être la énième fois que je monte sur scène, j'ai toujours un coup de stress. Peur de trébucher, de se faire huer ou de ne pas être à la hauteur.
J'entend le public acclamer les mannequins qui défilent sur le catwalk, les flashs des photographes et la musique qu'on a choisie pour la collection automne-hiver de Brown Luxury, l'entreprise où je travaille.
Ayant suivi les conseils de ma mère, j'avais décidé de faire des études dans la mode, suivant des formations et des stages dans certaines maisons de mode. Puis, à mes 23 ans, Bown Luxury, la plus luxueuse maison de mode de Paris, m'avait recrutée, disant que j'avais les qualités pour faire partie de l'élite de la mode.
Avec mes doigts de fée pour transformer un simple bout de tissu en une magnifique robe, j'avais grimpé les échelons à une vitesse fulgurante. Devenant la perle rare de la maison, j'avais sur mon dos la responsabilité de chaque défilé, de chaque problème et des ennemis qui voulaient me faire virer.
Du haut de mes 25 ans, je suis la plus grande styliste de Paris. Et ce n'est pas pour me vanter, mais personne ne m'arrive à la cheville.
Je manis mon métier d'une main de maître, certains auraient sûrement abandonné, mais pas moi, même si j'avoue qu'il me faut des remontants de temps en temps.
Ma famille dit que je travaille trop, mais était-ce un problème d'aimer son métier au point d'oublier les aspects les plus importants de la vie ?
Sûrement.
Mais je ne suis pas une jeune femme parfaite qui sais se remettre dans le droit chemin. Je suis justement celle qui vous fait basculer dans vos travers.
Une voix se fit entendre dans mon oreillette, m'informant que c'est mon tour de monter sur le podium. Je place un masque impassible sur mon visage et je commence à défiler devant les regards baveux du public.
Je suis vêtue d'une robe voilée. Je sens les voiles de ma robe virevolter autour de moi telle une brume dorée et pailletée. Un décolleté arrivant à la moitié de mon ventre cache ma poitrine et une fente qui traverse toute ma jambe, laissant celle-ci faire scandale aux plus coincés. Ma démarche est assurée et déterminée comme si je voulais conquérir le monde, le regard restant sur un point fixe en face de moi et la tête restant haute en toute circonstance. Mes cheveux châtains sont attachés en un chignon perlé et quelques mèches encadrent mon visage ovale.
Je fis la pose au bout du catwalk et pris le micro qu'une des mannequins me tendait. Puis, je souris à la foule avant de prendre la parole.
- Bonsoir mesdames et messieurs, J'ai été ravie de vous offrir en avant-première les tenues qui égayeront votre garde-robe. La collection spéciale Brown d'Éternel Luxury vous offre une promotion sur un des articles phares de celle-ci. Et comme on dit chez nous : Le luxe n'est rien sans une robe de qualité !
Qui a dit que j'étais douée en discours ? Sûrement pas moi !
Les applaudissements terminent mon entrée en scène et je fis demi-tour en tournant sur moi-même pour regagner les coulisses.
Sur le chemin de ma loge, je règle quelques détails pour les mannequins ainsi que les équipes. Je passe la porte de ma loge en soufflant d'épuisement, je m'assis en face de ma coiffeuse et me détache les cheveux avant de me démaquiller. Le coton passe sur ma peau et quand je remet du démaquillant, mes mains commencent à trembler, j'ai soudainement chaud et mon cerveau crie au remède.
Comme si je n'avais pas une minute à perdre, je fouille dans mon sac à la recherche de mon antidote. Je souris en voyant la boîte de Modafinil avant d'engloutir un cachet à l'aide d'eau.
Je soupire un coup, fixant mon reflet dans le miroir. Je suis pâle, très pâle et le maquillage retiré fait apparaître mes cernes. Mes joues creuses indiquent mon manque d'appétit et mes yeux ne pétillent plus comme avant.
On croit que le monde de la mode est rempli de paillettes et de strass, que les gens ont de la chance de travailler dans le luxe, étant riches et populaires dans le monde entier. Mais personne ne parle de l'envers du décor, celui qui m'oblige à me lever tôt le matin pour effectuer un travail qui me stresse toute la journée, des heures sans fin à débattre sur telle ou telle chose. À vérifier chaque tenue, chaque événement, à répondre aux moindres désirs du patron. Celui qui me détruit la santé en prenant des pilules sans limite pour survivre dans ce monde qui n'est fait que d'apparence et d'hypocrisie.
Des coups sont portés à la porte, me faisant sursauter, et une chevelure rousse rentre dans ma loge, s'étalant sur mon sofa, le sourire aux lèvres.
- T'as été parfaite, mon macaron, me félicite-t-elle alors que je levais les yeux au ciel face à son surnom que je déteste.
Depuis qu'elle s'est découverte une passion pour la pâtisserie et pour les macarons, j'ai eu le droit à ce surnom.
Neya Hartley est la meilleure amie que tout le monde rêverait d'avoir. Ses seuls défauts sont ses cheveux qui se perdent partout et son travail qui lui prend trop de temps. Étant en pleine étude pour être cuisinière, elle a trouvé un job chez Brown Luxury en parallèle qui l'aide à payer ses factures.
- Tu n'étais pas censé passer la soirée avec Liam ? Demandais-je en voyant qu'elle est habillée d'une robe bleu nuit qui souligne son corps de poupée.
Ses yeux pers me fixent et un voile de tristesse les traverse. Sa relation avec son mari n'est pas au beau fixe. Il l'accuse d'être tout le temps au travail et Neya se plaint de sa négligence envers elle. De nombreuses disputes ont eu lieu, mais ils n'ont jamais divorcé. Malgré leurs efforts, je peux voir la douleur sur le visage de ma meilleure amie. Ils s'aiment, mais ne savaient plus comment.
- Liam n'était pas disponible, une soirée entre potes prévue au dernier moment, m'avoue-t-elle en se grattant le cou, laissant apercevoir son grain de beauté.
Elle souffle de désespoir et je l'invite à aller boire un coup dans le bar d'en face, histoire de lui changer les idées.
- Après la journée merdique que je viens de passer, ça me fera le plus grand bien.
Je termine de m'habiller d'un jean troué aux genoux et d'un pull gris alors qu'elle énumère toutes les catastrophes de sa journée.
- J'ai renversé mon café ce matin alors que j'étais déjà en retard, puis Spotify a cru que mon tapis de salon était sa litière. J'ai dû encore arranger le moteur de ma voiture avant de me rendre dans le bureau du chef pour apprendre que je ferais équipe avec un chef commis.
Je grimace face à tous ces soucis, c'est comme si l'univers entier avait décidé de faire de sa journée l'une des pires de sa vie.
Je la regarde se plaindre à travers le miroir quand mon téléphone vibre sur la coiffeuse. Jetant un coup d'œil, j'aperçois un message de Cassandra que j'avais rebâti « CAT», diminutif de connasse à talons, dans mes contacts.
« Le directeur veut te voir dans son bureau demain matin, à la première heure. »
L'envie de lui dire d'aller se faire foutre me démange fortement avant qu'une petite voix dans ma tête me rappelle que le directeur n'apprécierait peut-être pas. Ne se repose-t-il donc jamais pour ne pas savoir que le samedi fait partie du week-end ?
Je tapote un simple « OK » avant d'éteindre mon portable. Petite, cet objet m'était indispensable, je l'emportais partout avec moi, il était, comme tous les adolescents pourraient le comprendre, une partie de moi. Mais plus le temps passe, plus j'ai envie de le jeter contre le mur.
Trop d'appels.
Trop d'ordres.
Trop de responsabilités.
Je souffle en le rangeant dans la poche de mon jean avant de prendre mes affaires et de sortir de cet antre que même le diable ne tenterait pas d'y entrer.
Je m'installe confortablement dans le siège de ma voiture, que Neya m'a encore piqué, avant de soupirer d'aise. C'est bien le seul moment où je me sens bien depuis que le soleil s'est levé. La musique ambiance Neya qui est ravie de conduire un bolide et non sa vieille voiture qu'elle devrait emmener à la casse selon mon avis.
J'avais beau lui dire que je lui en achèterais une, elle avait été très claire là-dessus. Il est hors de question que je lui paye un cadeau aussi cher, même si l'argent n'était pas un problème pour moi.
***
Lunettes de soleil sur le nez, la tête haute et accompagnée d'une humeur massacrante, je fais grincer les dents de mes collègues avec mes talons qui claquent le sol en damiers du hall d'entrée.
Avec Neya, nous avons passé la soirée à danser et à boire, si bien que j'ai dû appeler mon oncle David. Il a rouspété comme d'habitude, mais il nous ramenait chez moi une dizaine de minutes après.
Après avoir dormi moins de quatre heures, je suis obligé de faire appel à mon ami Modafinil pour tenir la journée. Nous sommes dimanche et je n'ai absolument rien à faire ici. Si CAT ne m'aurait pas envoyé un putain de messages, j'aurais pu être dans mon lit à l'heure qu'il est.
Je décide de prendre l'ascenseur et marche vivement jusqu'à la porte où une plaque indiquait « Bureau du directeur Frank Brown ».
Je ne prends pas la peine de frapper avant d'entrer. Traversant la pièce, je fusille mon directeur derrière mes lunettes avant de m'asseoir sur un des fauteuils disponibles. La posture droite, les jambes croisées et mon sac dans mon dos. J'ai opté pour une combinaison grise et des bijoux en argent, un maquillage composé d'un mascara et d'une grosse couche de gloss pour compléter le tout.
Tout dans l'élégance, me répète ma mère.
Les coudes sur la surface de son bureau, les mains jointes comme s'il priait, Frank Brown en personne. Les boutons de sa chemise noire semblent vouloir me sauter dessus, son ventre rebondi laisse une bonne distance entre le fauteuil et son bureau.
J'attends quelques minutes, comme on me l'avait appris.
Règle numéro une : toujours attendre que le directeur prononce le premier mot.
Il me fixe de ses yeux globuleux ; ses sourcils se froncent, faisant plisser ses rides et son crâne dégarni. Âgé d'une soixantaine d'années, je me demande comment il fait pour être encore à la tête de cette entreprise. Selon moi, il aurait dû donner la charge à son incompétant fils.
- Azalea, nous avons un problème, m'annonce-t-il enfin de sa voix rocailleuse.
J'allais répliquer comme d'habitude, mais il me coupe l'herbe sous le pied.
- Un problème de taille, répète-t-il en ne quittant pas sa position.
J'incline la tête, me posant sérieusement une question : vient-il vraiment de me faire lever un dimanche matin pour m'informer de cela ?
Frank dépend de moi. Il ne peut pas se passer un événement sans que je ne sois conviée, un défilé sans ma présence, une robe qui se vendrait sans mon accord. Il m'appelle sa perle rare, me complimentant tout le temps sur mon talent de styliste. Je suis devenue sa protégée.
Une collection partait ? Il fallait que je vérifie. Un mannequin tombait malade ? Je prenais sa place. Une commande annulée ? Je les appelais pour régler les différents.
Je fais tout dans cette agence, sans moi, Brown Luxury ne tiendrait pas un an.
Je suis la créatrice irremplaçable que tout le monde veut s'arracher.
D'un côté, c'est plaisant d'être aimée et choyée par le public, d'avoir des interviews avec des journalistes connus, d'habiller des célébrités...
Mais d'un autre côté, je me suis perdue moi-même. Ma famille me le dit, je prends trop mon travail à cœur. Elle a raison, mais maintenant que je suis tombée, pourquoi faire tant d'efforts pour remonter la pente alors que je perdrais tout ?
Je souffle de lassitude en l'informant qu'il aurait pu attendre lundi pour me faire venir, ce à quoi il secoue la tête et remonte ses lunettes rectangles.
- Ma perle rare, j'ai besoin de toi sur ce coup. Confie-t-il en baissant le regard. Je nous ai inscrits à la Fashion Week.
Ma bouche s'ouvre en grand et mes muscles se tendent sous l'effet de l'annonce. Je cligne plusieurs fois des paupières pour être sûre de ne pas être en plein rêve. Je me pince même le bras, mais rien ne fonctionne.
Il m'a fait venir un dimanche matin et en plus, il veut que j'organise un défilé digne de la Fashion Week avec deux mois de retard ?
Sortez-moi de cet enfer.
Ma première question est :
- Pourquoi ne pas m'avoir prévenu avant ?
Mon cerveau fuse dans tous les sens alors que je le regarde, attendant une réponse qui soit à la hauteur de cette merde dans laquelle il nous emporte. Je jette mes lunettes sur le bureau avant de me prendre la tête entre les mains.
Il range un stylo qui traîne et se gratte sa barbe digne de Hagrid dans Harry Potter avant de me répondre de sa voix gutturale.
- J'ai mes raisons, Azalea, et tu n'es pas là pour discuter, mais pour obéir.
Je hausse les sourcils en me levant pour lui faire face. Le gratifiant du plus beau regard gelé.
- Faites attention, Monsieur Brown. Menacé-je. Vous savez très bien que votre entreprise s'effondrerait sans moi, alors respectez-moi comme je vous respecte.
Il hoche la tête et sort une pile de papiers de son tiroir pour me les faire glisser. Je les feuillette rapidement, survolant les invitations, le thème, les profils des mannequins, le lieu de réception...
Je recule de quelques pas et cognai mes mollets contre le fauteuil.
- Impossible, déclaré-je d'un air déterminé. Nous n'aurons jamais le temps et vous le savez plus que n'importe qui.
Je commence à faire les cent pas, m'arrachant quelques cheveux au passage. J'essaye de toutes mes forces de trouver une solution quand une ampoule s'éclaira.
- Déclarez forfait, dites qu'on n'a pas le temps, inventez une excuse, mais abandonnez la Fashion week pour cette année, expliqué-je en reprenant mon sac, contente d'avoir un problème en moins sur le dos.
Je fais demi-tour, le laissant en plan. Mais avant d'avoir pu atteindre la porte, sa voix se fait entendre.
- Azalea, on n'a pas le choix, on doit remporter ce show.
Je me retourne et lui demande pourquoi il tient tant à gagner cette année alors que ce n'est pas notre première victoire. Les gens ne vont pas arrêter d'acheter nos collections sous prétexte que nous n'avons pas fait la Fashion Week.
- Sinon, on perdra Brown Luxury.
Je me retourne lentement vers lui et l'analyse en quête d'une expression qui le trahirait dans son mensonge, mais rien. Ce n'est pas une blague, on risque vraiment de perdre l'agence. Et même si des fois, je voudrais changer de métier, je ne peux pas abandonner maintenant, pas alors que notre maison de mode est à son apogée.
- Qu'est-ce que vous avez fait ? Demandé-je, ne sachant pas très bien si je veux savoir la réponse.
Il se lève et fait le tour de son bureau avant de s'asseoir au bout, croisant ses bras contre son torse.
- Rien que tu n'es censé savoir, Azalea. Fais ton travail et tu seras dignement payée.
Voyant que je suis encore réticente à son idée et à ses vagues réponses, il s'approche pour me prendre par les épaules, me regardant avec ses billes marron.
- J'ai besoin de toi, Azalea, de ton talent inouï et de ton organisation hors pair. Brown Luxury a besoin de toi.
Je ne dis rien, gardant toutes les insultes et les répliques cinglantes en moi. Éternel Luxury ne peut pas mettre la clé sous la porte. Ce serait tout son empire qui s'effondrait et mon monde avec.
Je recule avant d'ouvrir la porte et la claque quand je suis dehors.
Ce n'est qu'en montant dans ma voiture que je suis prise dans une fureur sans nom. Je tape sur le volant pour m'en faire mal aux mains et insulter de tous les noms ce directeur incompétant et qui se croit mystérieux.
Et dire qu'hier, je pensais prendre des vacances, j'ai même prévu de passer une semaine avec ma famille. Il faudra que je leur annonce que je ne peux pas me joindre à eux dans leurs journées remplies d'activité en plein air par cette période où les feuilles tombent des arbres.
***
Coucou mes stars !
Comment allez-vous ?
Trop contente de vous présenter mon nouveau projet.
Pour ceux et celles qui ont lu Tourner la page, vous avez pu retrouver Azalea, dix ans plus tard.
Si ça vous as plus dites-le moi, et n'hésitez pas mettre une étoile, même vous, les lecteurs fantômes !
Kiss ! 💋💋💋
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