Chapitre 9
Je m'écrase de tout mon soul sur mon canapé et regarde, d'un œil vide, la table basse déjà bien remplie devant moi. Ça fait maintenant plus de trois semaines que j'ai commencé cette espèce d'enquête en solitaire. Trois semaines que je les observe minutieusement sans rien dire, que j'épie chacun de leurs faits et gestes en essayant tant bien que mal de trouver un indice.
Mais rien n'avance.
Quand, parfois, je pense avoir de sérieux doutes quand à l'identité de mon stalker parmi les quatre, il y en a un autre, un que je ne soupçonnais plus, qui me fait de nouveau douter. Et les questions reviennent. Et je me retrouve, encore une fois, au point de départ à me demander qui est le putain de dérangé qui me fait ça.
Les photos ne se sont pas arrêtées pendant ce laps de temps. Chaque jour, une nouvelle arrivait, posée minutieusement sur mon palier, complètement différente de celle de la veille, avec une nouvelle phrase aussi, de nouveaux mots, de nouvelles expressions.
Mais il n'y a aucun lien entre ses phrases. Du moins je n'en vois pas. C'est comme s'il décrivait juste son impression du moment, son ressenti. Comme s'il me parlait juste pour me dire son état d'esprit ou son humeur actuelle. Comme une discussion banale du genre « comment tu vas ? Moi je vais bien j'ai vu ça aujourd'hui. ».
En ce qui concerne son ça à lui, il parle de moi, bien évidement.
Il a réussit à me prendre en photo à plein d'endroits différents. L'université, la bibliothèque, dans la rue, à mon boulot à m temps et même au supermarché, pendant que je faisais mes courses.
Je ne sais pas comment il fait pour réussir à me suivre comme ça sans que je ne remarque rien. Pourtant je suis toujours à l'affût de ce bruit, de cette présence familière que j'arrivais parfaitement à déceler et reconnaître avant. Mais maintenant, je ne la sens plus. Hormis le soir, quand il vient devant ma porte et qu'il me dépose la photo avant de partir.
Parfois, il reste dix minutes, parfois, il reste une heure ou deux. Un soir, il est même resté toute la nuit. J'avoue que le lendemain matin, malgré ma tête de déterré, j'étais plutôt content. Tout simplement parce qu'il n'avais sûrement pas dormi, comme moi d'ailleurs. Et de ce fait, les marques de fatigue se verraient sur son visage. Pourtant, quand je suis arrivé en cours, j'étais le seul complètement crevé. Ils étaient tous en parfait état, leurs parfaits visages ne laissaient rien paraître.
En vérité, je n'en peux plus de m'inquiéter pour ça, de ne penser qu'à ça. Cette histoire remplie mon esprit et je n'arrive à penser à rien d'autre. C'est comme si j'avais développé une véritable obsession pour lui.
C'est même sûr, il m'obsède.
C'est devenu presque un besoin vital pour moi de savoir qu'il est. Je dois connaître son identité. J'en ai besoin. Il le faut.
Mon portable vibre et je le sors de ma poche. C'est Hoseok. On doit se retrouver pour bosser à la bibliothèque dans trente minutes. Il m'envoie un message au cas où j'aurai oublié parce que, selon lui, je suis dans un autre monde ces temps ci.
Bah ouais Hopie t'as bien raison, je suis à trois mille lieux d'ici et le projet de groupe pour l'instant je me le carre où je pense.
Pourtant, à la base, j'avais pourtant pensé que ça serait une bonne idée de travailler avec eux, parce qu'on serait allé chez tout le monde et j'aurai pu farfouiller dans leurs appartements aussi discrètement que possible. Mais au final, après être allé chez Yoongi, on est allé une fois chez moi, et après les garçons ont « bizarrement » décidé que l'on serait plus efficace à la bibliothèque.
Donc en gros, le seul intérêt que j'avais de faire le projet avec eux à été réduit à néant par une décision à la con.
Je me lève finalement et attrape mon sac avant de quitter l'appartement. Je prends soin de bien remettre toutes les photos droites avant de partir. Mon regard s'arrête sur l'écriture au marqueur d'une des photos piochées au hasard et je souris. Ce n'est même pas sa véritable écriture finalement.
Bien sûr, j'ai pensé à vérifier leurs écritures, mais aucunes d'entre elles ne ressemblent à celle qui se trouve sur les photos. Finalement, il fait écrire ses phrases par une autre personne, ou alors les trouver sur Internet.
C'est dommage.
J'aimais vraiment son écriture.
- Putain Kook, tu pourrais foutre quelque chose un peu.
Je me relève presque en sursaut de mon assise et fait fasse à Taehyung qui me regarde en fronçant les sourcils. Yoongi à sa gauche fait de même.
C'est vrai je n'ai, encore, pas fait ma part du travail. En fait, je n'ai rien branlé depuis le début. J'arrive pas à travailler. Et ça me fait peur. Les partiels sont dans pas longtemps et si je continue comme ça, je vais clairement les rater.
- Désolé.
C'est tout ce que je trouve à dire. Je n'ai aucune excuse en même temps. Enfin aucune excuse que je peux dire devant eux.
Je baisse la tête et soupire.
- T'as des problèmes Kook ?
Hoseok pose sa main sur mon épaule et me regarde, inquiet. Il s'inquiète vraiment pour moi depuis quelques jours, je le vois bien dans son regard. Il me voit rechuter, et il ne peut rien faire. Parce que je le repousse. Parce que j'ai peur que ce soit lui. J'ai peur que ce soit mon stalker. Il me connaît par cœur, il sait où je travaille, où je vais faire mes courses, il connaît mes horaires. Il connaît tout de moi.
Ça pourrait être lui.
Vraiment.
Je repousse sa main et me frotte le visage.
- Non, non. Je vais essayer de travailler. Désolé.
Je m'excuse. Encore. À croire que je n'ai que ça à dire.
- C'est ce que tu dis à chaque fois Kook. Pourtant tu fous jamais rien.
- C'est bon les gars arrêtez de le faire chier.
Jimin qui vient de prendre ma défense vient se placer derrière moi et pose ses mains sur mes épaules.
- Il est stressé pour les examens et il doit avoir plein de trucs en tête.
Sa tête se rapproche de mon oreille et son souffle vient s'y écraser.
- T'inquiète pas Jungkookie, moi je te soutiens. Ça ne me dérange pas de faire ta part du travail. Si c'est pour que tu sois en bonne santé. Il faut que tu te reposes hein je te l'ai déjà dit.
Ses doigts massent légèrement ma peau et je grimace. Je déteste quand il me touche. Je lui ai déjà dit de me foutre la paix. Plusieurs fois. Mais rien n'y fait, il continue.
- Bon c'est bon Jimin lâche le. T'as l'air de le faire chier plus qu'autre chose. On s'y remet.
Sous les paroles autoritaires de Yoongi, le rouquin me lâche, à mon plus grand bonheur, et retourne à sa place en boudant.
Finalement, nous continuons de travailler pendant une bonne heure avant que tout le monde se décide à partir. Je reste assis sur ma chaise pendant que les autres se lèvent.
- Je vais travailler un peu encore ici. Histoire de rattraper mon retard.
Ils acquiescent sans rien et quittent la pièce en souriant. Je soupire et pose mon regard sur la feuille.
Je commence à vivre mal le fait de les soupçonner. Vraiment. Pour Hoseok, à la base, j'ai eu du mal. Parce que c'est un ami de longue date tout simplement.
Mais pour les trois autres, c'est une autre affaire.
Je n'avais aucun scrupule au début. Mais maintenant c'est différent. Je crois tout simplement que je commence à les apprécier. Sincèrement. Et ça même si je sais que l'un d'entre eux est sûrement mon stalker.
Mais c'est plus fort que moi. Ils sont gentils, vraiment. Quand je les regarde, quand je parle avec eux, je n'arrive pas à voir une once de méchanceté ou de dérangement mental. C'est juste quatre jeunes hommes parfaitement normaux.
Pourtant, c'est l'un d'eux. Et je commence à redouter le moment où je découvrirais finalement lequel est mon stalker. Parce que je ne saurais pas quoi faire. Parce que je sais que je vais être blessé. Parce que je sais que je vais de nouveau me retrouver au fond du gouffre.
Je sais que ça va faire mal.
Je sais que je vais de nouveau être terrifié.
La terreur.
En parlant de ça. Je n'ai plus peur en ce moment. Même le soir, quand mon stalker est devant ma porte. Je n'ai plus peur. Plus du tout.
Pour être franc, je suis même excité. J'attends avec impatience son arrivée, son message. J'attends un indice.
Même quand je suis avec eux, je n'ai pas peur.
Il m'arrive même parfois de faire abstraction de mes problèmes et de juste profiter des instants avec eux. Même s'ils ne le voient sûrement pas comme ça vu que je fais la tronche presque H vingt quatre. Pourtant moi, je le ressens comme ça.
Je me suis attaché à eux. C'est aussi simple que ça.
Pourtant même si c'est simple, je sens que cet attachement est une énorme erreur de ma part.
Mon cerveau fonctionne au ralenti. Toutefois, j'ai quand même réussi à travailler pendant deux bonnes heures. Je regarde fièrement mes nombreuses notes et recherches. Pour une fois, j'aurai quelque chose à leur montrer la prochaine fois, et je pourrais dire que j'ai, un tant soit peu, participé au projet.
Le responsable de la bibliothèque s'avance vers moi en souriant avant de me dire que l'heure de fermeture est arrivée. Je le remercie en rangeant mon sac et sors de la pièce.
Les couloirs sont vides et assombris par la nuit naissante. Seules les fenêtres donnant sur l'extérieur laissent filtrer un peu la lumière blanche de la lune. L'ambiance est étrange et je n'aime pas ça. Je déglutis en commençant à avancer sans bruit. La sortie se trouve à l'autre bout de l'université. Il faut donc que je la traverse entièrement.
Le silence règne dans les lieux, je crois que seuls les battements de mon cœur, qui commencent à devenir irrégulier, le brise.
Cette situation, ce silence, cette ambiance. Elle me rappelle tellement, ce soir, où j'ai aperçu mon poursuivant pour la première fois.
Je crois que je n'ai jamais eu aussi peur de toute ma vie.
Parce que ce soir là, j'ai vraiment cru qu'il allait m'avoir.
Je réprime un douloureux frisson me traversant l'échine en repensant à ça et j'accélère inconsciemment le pas. Il faut que je sorte à l'extérieur, j'ai besoin d'air frais dans mes poumons. Pour l'instant l'oxygène que je respire me semble moite et me fout la gerbe.
Ma tête se met à tourner et je me sens tituber à chaque pas. Je me retiens légèrement au mur et continue de marcher. Je ne veux pas m'arrêter. Parce que j'ai peur.
J'ai peur de me stopper. J'ai peur d'avancer. Mais j'ai peur de me retourner aussi.
Pourquoi j'ai peur de me retourner ?
Il n'y a rien derrière moi hein ?
Un sursaut me prend et je me crispe l'instant d'une seconde. L'écho d'un bruit de pas se fait entendre. Du moins, moi je viens de l'entendre. Et ce n'est définitivement pas moi qui ai fait ce bruit.
Ce qui veut dire que...
Qu'il y a de nouveau quelqu'un derrière moi.
Que la situation de la ruelle, en ce moment, elle est en train de se reproduire.
Les légers claquements de pas, la respiration irrégulière se mêlant à la mienne, le froissement du tissu de son pantalon lors de son avancée.
Il y a une personne. Il y a quelqu'un. Dans le tournant du couloir précédent. Celui que je viens de quitter, il y a quelques instants.
Cette fois ci, j'accélère immédiatement le pas et essaye de faire abstraction de ce que mes sens me disent. Si je commence à paniquer, je sens que je pourrais m'évanouir.
Les jambes flageolantes, je passe en courant devant les salles de cours vides et sombres. Le bruit de mes enjambées rapides résonnent dans le couloir, et font écho sur les murs. Je tourne deux fois à gauche, une fois à droite.
Je ne sais pas où je vais.
Je ne sais même plus où est la sortie.
Pendant ma course, mes doigts s'accrochent à des pans ou des coins de murs, essayant de prendre un peu de leurs fraîcheurs, parce que je suis en train de bouillir intérieurement. Les sueurs froides me reprennent et j'ai l'impression de mourir sur place.
En vérité, je n'entends plus rien dans mon dos depuis une bonne vingtaine de mètres, mais je préfère ne pas prendre le risque de m'arrêter.
« Prudence est mère de sûreté »
J'écoute son conseil, encore une fois. C'est ce qu'il m'a dit.
Ma course continue mais je ralentis instantanément en voyant une salle allumée, puis je soupire de soulagement. Je ne suis pas seul dans l'obscurité. Je ne suis plus seul. S'il y a quelqu'un encore dans l'enceinte de l'université, il ne tentera rien. C'est sûr.
La pièce éclairée se trouve à quelques mètres de moi et d'étranges bruits me parviennent aux oreilles. Je m'avance discrètement.
Les bruits sont bizarres, je ne crois pas qu'un prof corrigeant des copies ou un élève travaillant puisse faire ce genre de sons.
Je marche sur la pointe des pieds jusqu'au seuil. Le pan de bois est entrouvert. Poussé par la curiosité qui m'anime, je penche la tête à travers l'espace vide.
Mon corps se raidit immédiatement à la vue de cette situation spéciale mettant en scène deux personnes que je connais maintenant assez bien.
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