Chapitre 8

« Parce que ce n'est pas prudent de rester seul dans le noir »

Les doigts entremêlés, la photo d'hier, la photo d'aujourd'hui, les deux phrases qui ont un sens ensemble.

Alors c'est bien lui qui m'a tenu la main.

Il était là, à côté de moi. Nos mains se touchaient. Son corps n'était qu'à quelques centimètres du mien. Je pouvais même entendre sa respiration à côté de moi.

On était sûrement seuls. Pourtant, il n'a rien fait, il n'a rien tenté. Il s'est contenté de prendre une photo. D'ailleurs, je ne sais pas comment il a pu la prendre. Je n'ai pas entendu de déclencheur, ni vu de flash.

Mais ce n'est pas le plus important.

Le plus important dans tout ça, c'est que je ne l'ai pas senti. Je n'ai pas senti sa présence comme avant. Je n'ai ressenti aucun malaise.

En fait quand j'y pense, il y a encore pire.

Il m'a touché, et je n'ai pas été dégoûté. Au contraire. Sa présence m'a apaisée. Sa présence m'a apaisée alors que c'est en grande partie à cause de lui que je ne laisse plus les gens me toucher. Pourtant, je l'ai laissé avoir un contact avec moi, et je l'ai apprécié.

Ouais, je l'ai apprécié. J'ai apprécié ses doigts entremêlés dans les miens, j'ai apprécié le toucher de sa peau, qui était plus douce que je ne l'aurais cru, j'ai apprécié ses caresses sur ma paume pour me rassurer.

Je range la photo rapidement dans mon sac avant de poser mes deux mains sur l'étalage de casiers et de respirer bruyamment. L'air ne rentre plus dans mes poumons. J'ai chaud et froid en même temps. Ma tête tourne. Mon corps se crispe.

Il a osé. Il a osé s'approcher encore plus près. Il a osé me toucher, et après ça, il me montre que je n'ai même pas été capable de le reconnaître.

C'est un jeu pour lui de me rendre fou. Il doit vouloir savoir jusqu'à quel point je peux tenir.

Et bien, je ne le sais pas moi même en fait.

Je cours maintenant entre les étudiants, en les évitant comme je peux. La porte des toilettes n'est plus qu'à quelques mètres. Je la pousse brutalement et m'engouffre dans la première cabine. Puis le peu de solide, ou liquide qui se trouvait dans mon bide, se rejette dans le trou devant mon visage. Je tousse bruyamment en m'accrochant à la cuvette et crache une dernière fois avant de me relever. Un élève en train de se laver les mains me regarde complètement choqué par le biais du miroir.

- Quoi t'as jamais vu quelqu'un de malade ?

Je lui lance un dernier regard qui se veut noir avant de faire une sortie plus calme que mon entrée.

Malade. La blague. Malade dans ma tête ouais. Il est en train de me rendre cinglé.

Je regarde la main qu'il a touchée et un rictus de dégoût se dessine sur mon visage. Si j'avais encore quelque chose à vomir je crois que j'aurai déjà tourné les talons. Mais maintenant à part des semblants de relans qui arrivent dans ma gorge avant de redescendre plus rien ne pourra sortir.

Je me sens mal.

Pourquoi je n'arrive plus à sentir sa présence ? Je le pouvais avant ? Pourquoi est ce que je ne l'ai pas senti là ?

Il y a quelque chose qui m'échappe encore. Quelque chose d'important, et quelque chose de tellement évident que je suis sûr que je ne le vois pas.

Je retourne immédiatement dans la salle de cours. Je n'ai pas envie de manger, surtout si c'est pour me rebrûler l'œsophage juste après. Je m'assois à ma place et m'affale sur le bureau avant de fermer les yeux.

J'essaye de faire le tri dans ma tête. De comprendre ce que je rate encore. Ma main plonge dans mon sac et mes doigts effleurent le morceau de papier lisse.

Il était dans cette pièce noire avec moi, il a pris une photo, je n'ai pas senti sa présence. Je n'ai rien senti du tout. Puis il est parti, et je suis sorti ensuite, et il n'y avait personne derrière moi. Devant moi, il n'y avait que les garçons.

Que les garçons.

Que les garçons.

- Qu'est ce que tu fais là Kook, t'es pressé de reprendre les cours ?

Je relève ma tête.

Ce ne sont que les garçons.

Que les garçons.

Pourtant, même si ce ne sont qu'eux, je crois que je viens de comprendre.

Un. Deux. Trois. Quatre.

Je suis stupide. Complètement stupide, et aveugle par la même occasion.

Un sur quatre.

Il est là.

Mon stalker est parmi eux.

Je les regarde fixement mais ne réponds rien. Aucun son ne pourrait sortir de ma bouche de toute façon. Je suis tétanisé. Je ne comprends pas pourquoi je n'ai pas fait le rapprochement avant. Pourquoi est ce que je n'ai pas compris cette chose pourtant évidente, qui se trouvait sous mon nez ?

Ils s'assoient près de moi et me regardent, inquiets. L'un d'eux doit porter un masque en ce moment. Il n'est pas vraiment inquiet. Il doit jubiler de me voir dans cet état. Est ce qu'il vient de se rendre compte que j'ai compris son manège ? Où alors, il pense sûrement que c'est la photo du casier qui m'a foutu dans cet état presque végétatif.

Ce qui n'est pas totalement faux quand on y pense.

Mais là, le problème est pire, et il vient de s'écraser en plein milieu de mon visage. Ce mec m'observe de près et je viens juste de le remarquer. Pourquoi est ce que j'ai été incapable de m'en rendre compte avant ? Je suis si aveugle que ça.

Je remonte une nouvelle fois ma tête vers eux et les détaille un par un. Ils ont tous la même expression. À l'heure actuelle, je crois que je serais dans l'incapacité de deviner lequel est celui qui me stalk.

À l'heure actuelle. Parce que j'y arriverai. Je dois y arriver. Mais quelque chose me bloque

J'ai peur. Cette foutue peur insidieuse est en train de revenir me hanter au galop. Ça faisait longtemps que je n'avais pas été dans cet état de panique. Pourtant, je ne laisse rien paraître. Je ne dois pas. Il faut que je le laisse croire que je n'ai toujours rien compris. Il faut que je le laisse croire qu'il a toujours l'avantage.

Je replonge ma tête sur mon bureau. C'est bizarre. Bizarre parce que j'ai peur. Mais bizarre aussi parce que je crois que je suis encore plus obsédé par la fait de découvrir son identité que par la peur qui m'habite. J'ai besoin de savoir qui il est. Comme un besoin vital. Je dois le découvrir.

Mon cœur bat à tout rompre, mais je ne sais pas pourquoi il bat à cette vitesse là. Est ce qu'est ce parce que je suis terrifié ou est ce que c'est parce que je suis excité ?

Je reste les yeux rivés sur mes fiches que je viens rapidement sortir de mon sac. Aucun d'entre eux ne pose de question. Et c'est tant mieux. Je dois réfléchir. Réfléchir et comprendre comment le doubler. Comment l'avoir à son propre jeu.

Leurs regards se détournent enfin de moi. Je respire plus sereinement. Je laisse ma tête baissée jusqu'à l'arrivée du prof. Le cours commence. Mon stylo ne quitte pas la feuille devant moi. Je dessine des ronds en réfléchissant.

Le cours se termine, ma feuille est complètement noire de gribouillis. Hoseok se retourne vers moi et pouffe en voyant mon chef d'œuvre. Je lève la tête vers lui et souris.

Ça ne peut quand même pas être Hoseok. Je suis ami avec lui depuis presque trois ans. C'est impossible. Ça ne peut pas être lui.

C'est un des trois. Ils arrivent, et les photos commencent. Ça me paraît plutôt logique. Mais lequel.

- Bon on va chez toi pour travailler Yoongi ?

J'ai enfin lâché mes premiers mots. Ma voix était plus assurée que je ne le pensais. Les quatre me regardent et acquiescent.

Je les suis sans un mot sur la route. Chez le poireau. Si c'est lui, je vais peut être pouvoir trouver quelque chose dans son appartement.

- Bon c'est un peu le bordel vous m'excuserez.

Le studio de Yoongi, est un simple deux pièces d'étudiant. Rien d'anormal à première vu. Je franchis le seuil de la porte et m'engouffre dans la pièce, puis nous nous dirigeons vers sa chambre avant de s'affaler par terre ou sur le lit.

- Alors, on commence par quoi ? Demande Jimin en sortant ses documents.

- Je sais pas trop, faudrait peut être que chacun lance des idées et on fait le tri après, propose Taehyung.

Tout le monde répond positivement.

Les idées fusent, mais je ne participe pas. Je ne comprends rien en fait. J'ai pas vraiment la tête à ça. Je me lève en m'étirant.

- Yoongi, je peux aller chercher un verre d'eau ?

- Ouais, fait comme chez toi. Deuxième placard en haut à gauche.

Je le remercie avant de sortir de la chambre en prenant soin de fermer la porte. Je me dirige aussitôt vers le côté salon. J'ouvre tous les placards, mais ils sont tous quasiment vide. Il n'a rien chez lui ou quoi ? Je me rabats finalement vers la cuisine, et continue mes recherches aussi rapidement que possible.

Il y a une pile de carnet d'écriture dans un coin. J'étire le bras pour les attraper quand quelque chose se presse derrière moi.

- Je crois que Yoongi avait dit deuxième placard en haut à gauche.

Je me retourne. Jimin se trouve en face de moi, un léger sourire sur le coin des lèvres. Je crois que je suis grillé là non ?

- Ouais, j'avais oublié.

Je me dirige alors vers le placard indiqué et l'ouvre pour prendre le verre en espérant intérieurement que le rouquin se tire.

Compte y bois de l'eau Jungkook. Il rigole alors.

- Oublié ? Moi j'ai plutôt l'impression que tu cherchais quelque chose Kook.

Je n'ai pas le temps de me retourner cette fois puisqu'il vient de le faire à ma place. Ses pupilles se plantent dans les miennes et son corps se rapproche du mien. Je recule jusqu'à buter contre le plan de travail derrière moi, pendant que lui continue son avancée.

- Je croyais que je ne t'intéressais pas Jimin.

- Mais tu ne m'intéresses pas le moins du monde.

- Alors pourquoi t'es toujours dans mes pattes. Lâche moi un peu.

- T'es mignon quand tu t'énerves aussi.

- Et arrête de dire ça ou je t'en fous une.

Le rouquin m'attrape alors le poignet et le sert fort. Je commence à me débattre mais il vient plaquer son corps contre le mien. Ça me dégoûte. Ça me dégoûte quand il me touche comme ça.

Je m'apprête à répliquer quand la porte de la chambre s'ouvre une nouvelle fois.

- Qu'est ce qu'il se passe ?

On se retourne vers Taehyung qui se tient sur le pas de la porte, les bras croisés. Il fronce légèrement les sourcils en s'avançant vers nous, et Jimin se décolle de moi avant de partir.

- Rien t'inquiète mec.

Le rouquin sourit en posant sa main sur l'épaule du brun puis rentre une nouvelle fois dans la chambre, me laissant, presque traumatisé contre le plan de travail. Je reporte mes yeux sur mon poignet et le masse.

C'est qu'il m'a fait mal le con en plus.

Taehyung s'avance rapidement et prend alors ma main en regardant l'endroit où Jimin m'a serré avant de me lâcher rapidement.

- Ça va ?

- Ouais, c'est bon t'inquiète pas. Par contre, je pense que je vais rentrer.

Je le dépasse et retourne dans la pièce avec les autres avant de reprendre mes affaires sous le regard interrogateur de Yoongi et Hoseok.

- Je dois rentrer. J'ai des trucs à faire chez moi. Désolé les gars. Envoyez moi les infos par mail, j'essaierai d'avancer.

Sans leur laisser le temps de répondre, je sors en trombe de l'appartement, et me précipite jusqu'au mien. Heureusement que Yoongi n'habite qu'à quelques rues de chez moi.

Je pousse la porte et m'avance vers mon canapé. Je pose la dernière photo en date avec les autres, avant de sortir une feuille de mon sac. Je découpe trois morceaux de papier de même taille, et y inscrit un nom sur chacun d'entre eux.

Yoongi. Jimin. Taehyung.

Je les scotche sur la partie haute de la table de manière espacée et repositionne les photos correctement. Je regarde longuement ce que je suis en train de créer. Je pense qu'il manque un nom.

Ça me fait mal de marquer celui ci, mais comme l'a dit mon stalker.

Prudence est mère de sûreté.

J'écarte les trois noms pour laisser la place au quatrième, puis je murmure.

- Désolé Hoseok.

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