Chapitre 13
Jimin vient enfin de disparaître et je m'empresse de claquer la porte, avant de m'affaler sur le sol en respirant bruyamment. La main sur la poitrine, je repense à ce qu'il vient de se passer. À l'idée qui m'a traversé l'esprit pendant que l'on parlait. Et aussi à sa phrase de fin.
Mais, pour l'instant, je n'arrive pas à réfléchir correctement. La montée de sang, cette espèce de colère qui m'a envahie en entendant Jimin déblatéré, elle est encore présente. Je la sens, partout dans mon corps. C'est à cause d'elle que mes muscles sont raides. C'est à cause d'elle que je tremble. C'est à cause d'elle que je me mords les lèvres jusqu'au sang.
C'est la première fois que ça m'arrive. C'était bizarre, ça l'est encore d'ailleurs. C'est comme si une voix dans ma tête me hurlait de tout faire péter, de tout détruire autour de moi, de ne plus être la victime de ce jeu obscène qui m'a été imposé de force.
J'ai réussi à me contenir devant Jimin. Mais heureusement qu'il est parti. J'aurais pu lui faire du mal. Vraiment. Je ne suis pas violent à la base. Mais là, c'était plus fort que moi. Je repensais à ses réflexions, à ses remarques, à ses mains qui me frôlaient beaucoup trop souvent, et j'avais envie de lui faire du mal. De me venger. De lui faire comprendre qu'il n'avait plus intérêt à s'approcher de moi. Mais je l'ai finalement laissé partir.
Et c'est peut être mieux comme ça.
Après quelques minutes sur le sol et enfin un peu plus serein, je me relève finalement et retourne sur le canapé, mes yeux dérivant naturellement vers les photos.
Il faut que je fasse le point, calmement, méthodiquement, et rationnellement. C'est ce que m'aurait dit mon père j'en suis sûr. Il m'a toujours d'analyser les choses calmement. D'ailleurs, en parlant d'eux, il faudrait que je les appelle. Je ne me souviens plus de la dernière fois que je leur ai parlé.
Enfin, je pense que ça peut attendre pour le moment.
D'abord, Jimin vient de venir chez moi. Il est venu pour me parler de ce qu'il s'est passé tout à l'heure. Il m'a dit que je n'aurais pas dû voir ce qu'il s'est passé entre lui et Yoongi. Mais c'était une excuse j'ai l'impression. Il n'est pas venu pour me dire ça.
Il est venu pour prendre la défense de Taehyung. Que soit disant, il ne voulait pas faire ça, qu'il n'est pas comme ça. Je ne comprends pas pourquoi est ce que ça lui tenait à cœur à ce point. C'est comme s'il essayait de lui trouver une excuse.
Puis, à ce moment où il n'a pas fini sa phrase, qu'il a laissé en suspend le « Tae est... ». Comme Jimin, j'ai cherché ce que Tae était. Ce que Tae était pour lui. Ce que Tae était pour moi.
Tae est mon stalker. Tout ce qu'il a fait jusqu'ici l'accable. Pourtant le rouquin était là, planté devant ma porte, cherchant une excuse, cherchant à le défendre, à le protéger, sans rien savoir.
Ou pas.
Et là, une supposition m'a sauté à la gueule. Elle a gangrené mon cerveau d'un seul coup et y a répandu la crainte.
Je n'avais jamais envisagé la possibilité que mon stalker puisse avoir un complice, une autre personne cachée dans l'ombre. Pourquoi ? Sûrement parce que le principe même d'avoir une personne à mes trousses me foutait déjà assez les boules, alors deux, je ne voulais même pas l'entrevoir.
Pourtant, c'est plus que possible. Surtout qu'il y a le comportement trop amical et tactile de Jimin que je n'ai jamais réussi à expliquer. Il y a ce qu'il s'est passé chez Yoongi quand j'essayais de trouver des informations. Il y a ses réflexions bizarres. Et il y a ce soir.
En plus, ils ont l'air proches vraiment. Cependant, Jimin a l'air plus proche de Yoongi que de Taehyung d'après ce que j'ai pu voir ce soir. Beaucoup plus proche même.
D'ailleurs je ne savais même pas qu'ils étaient ensemble ces deux là. Ils n'ont jamais rien montré devant nous. Est ce qu'ils avaient honte ?
Non, ils ne sont pas comme ça. Du moins je ne pense pas.
La scène de leurs ébats se repassent dans ma tête et je grimace. Je n'aime pas ça. Il y a quelque chose, qui m'a dérangé, autant que ça m'a excité dans ce que j'ai vu. Mais je ne sais pas quoi. Je repense à Jimin, à ses cris. Je repense aux expressions de plaisir se formant sur le visage de Yoongi, à ses mains sur la peau du rouquin, à ses grognements rauques de plaisir qui résonnent encore dans un coin de mon crâne.
Ils étaient à l'aise tous les deux. Ce n'était sûrement pas la première fois qu'ils le faisaient. Ils doivent être vraiment proche.
Alors peut être que Yoongi pourrait être dans le coup aussi ?
Je grogne en rejetant ma tête en arrière et en passant mes mains dans mes cheveux. Quelques mèches se mêlent entre mes doigts, et je les tire légèrement.
Au final, ça revient à soupçonner presque tout le monde encore une fois. Mais le pire c'est que ça pourrait être possible. Pourquoi ils ne seraient finalement pas plusieurs à jouer à ce jeu sadique ? Ça fait trois ans que je n'ai eu aucun contact avec eux. Je ne les connais plus si bien que ça.
Peut être qu'ils ont mal tourné tous les trois, qu'ils sont devenus cinglés, mauvais, à moitié psychopathe sur les bords. Mais je n'arrive toujours pas à m'expliquer pourquoi moi. Qu'est ce que j'ai bien pu leur faire ? Enfin, s'il y a une raison à tout ça. Ils sont peut être juste cinglés. Tout simplement.
Ou pas.
Ou pas, parce que Jimin a de nouveau tout chamboulé avec sa dernière phrase.
« Ouvre les yeux Jungkook. »
Ouvrir les yeux sur quoi ?
Là j'avoue que sa question va rester avec un énorme point d'interrogation parce que j'ai beau me creuser le crâne comme un fou, je n'arrive pas à avoir l'ombre d'une idée. Je ne vois pas du tout ce qu'il voulait par ouvrir les yeux. Parce que plus je les ouvre, plus je vois des incohérences dans toutes mes hypothèses.
Alors je préfère les fermer.
C'est lâche sûrement, mais c'est la solution de facilité pour l'instant. Je ne veux surtout pas me rendre plus à cran que je ne le suis déjà en ce moment.
Et puis, peut être qu'il a dit ça juste pour m'embrouiller encore plus, finalement. C'est tordu c'est sûr. Mais à la base, ma vie depuis pas mal de temps est tordue alors un truc dans ce genre de plus ou de moins. Je ne suis plus vraiment à ça près.
En fait, je suis blasé. J'en ai marre. J'en ai marre d'avoir peur. Marre de m'inquiéter. Marre d'attendre un putain de papier codé tous les soirs. Marre d'essayer de comprendre quelque chose que je n'arriverais sûrement jamais à comprendre.
Je suis sur le point de tout abandonner.
Peut être que je devrais le laisser faire. L'attendre. Attendre le moment où il me fera enfin face, et aviser sur le fait. Ça me faciliterait sûrement la tâche. Je n'aurai plus à me prendre la tête pour tout ça. Je pourrais être un peu mieux, un peu plus serein, et au moins retrouver un minimum d'hygiène de vie.
Ouais, parce que mon appartement est un capharnaüm, mon alimentation est un désastre, mes relations sociales sont quasi inexistante et mon crâne est un champ de bataille. J'ai maigri, j'ai des cernes immenses, je n'ai plus de force. Je vais finir par me tuer tout seul à ce rythme. Et clairement ça serait la chose la plus stupide que je puisse faire.
Ma main passe sur les photos étalées sur la table, les mélangeant sous son passage, puis je me relève. Laissant le désordre en plan pour aller dormir, puisque c'est la chose dont j'ai le plus besoin maintenant.
C'est la première fois que je vais aller me coucher sans remettre les morceaux de papier dans le bon sens, et parfaitement alignés. Je m'allonge sur le matelas et regarde le plafond blanc, fixement. Mes doigts tapotent les draps, de plus en plus vite, comme un toc qui s'emparent de mes membres. La lumière encore allumée me fait mal aux yeux, mais je ne l'éteins pas. Je mords l'intérieur de ma joue et sens de petits morceaux de peaux s'enlever sous la pression de mes dents. Et, je grimace au moment où je me fais finalement mal. Mes phalanges, s'écrasent de plus en plus vite contre les draps.
Puis, brusquement, je me relève et cours dans le salon, manquant de trébucher sur mon sac qui traînait en plein milieu de la pièce.
Mes genoux s'écrasent douloureusement contre le sol, et mes mains se plaquent contre le table basse. Le souffle court et saccadé, les yeux vitreux et empreins d'une certaine crainte, je m'empresse de remettre les photos à leur place initiale, en bredouillant des excuses.
Je ne comprends pas ce que je suis en train de faire. Pourquoi est ce que je m'excuse ? Pourquoi est ce que j'ai ressenti que c'était une nécessité d'aller remettre ces photos en place ? Pourquoi est ce que je deviens obsédé par cette histoire à ce point ? Pourquoi est ce que je n'arrive pas à me contrôler quand il s'agit de ça ?
Après avoir remis tout en place, je souffle un long soupir de soulagement, avant que mes genoux ne se rabattent contre mon torse. Je les sers fort contre moi, avant d'y plonger mon visage et de me balancer doucement, comme pour me bercer.
Je ne vais pas bien. Je deviens fou. Je le sens. Je suis en train de perdre pied, sans rien à quoi me raccrocher. Je me transforme en véritable obsessionnel, et j'ai même l'impression de me complaire dans cette situation. Parce que même si elle me rend dingue, elle me fait me sentir vivant. Important même. Je n'avais jamais intéressé personne comme ça. J'avais toujours passé inaperçu auprès des autres.
Mais là. Avec mon stalker. Je suis quelqu'un, je ne suis plus personne. J'ai de l'importance. J'existe pour lui. Que ce soit en bien ou en mal. Il s'intéresse à moi, il fait attention à moi, il me connaît. Et avec lui, je ne suis plus vraiment aussi seul que je l'étais. Je ne suis plus vide non plus, parce qu'il occupe mes pensées, et mes journées.
En vérité, je devrais sûrement même le remercier.
Mon visage se dirige vers ma porte, et je me relève dans la foulée. Comme poussé par une force invisible, mes pas me font avancer jusqu'à cette derrière, puis ma main se pose sur la poignée avant de la rabaisser. Le pan de bois s'ouvre immédiatement.
Je n'avais pas fermé à clé.
Un frisson me traverse l'échine. Heureusement que je suis retourné dans le salon finalement.
Le couloir est presque entièrement sombre. Seule une dernière ampoule résiste mais elle oscille une fois sur deux. Je sors de mon appartement, et la chaleur de ma forteresse me quitte aussitôt. Il fait froid dans le corridor. Vraiment froid. Et j'ai l'impression qu'il s'empare de moi, et je me glace aussitôt, comme le corps d'un mort.
Mes yeux parcourent la douce obscurité qui s'étend devant moi. Ça me fout les jetons de regarder du noir comme ça et en même temps ça m'excite.
C'est comme si je cherchais à voir quelque chose et dans le même temps à ne rien voir histoire de me rassurer. Comme un tiraillement mitraillant mon esprit, je veux voir sans voir, je veux un signe sans signe, je veux que ce soit réel mais que ça reste en même temps que dans ma tête.
Mon cœur s'emballe. Mes oreilles ont l'impression de percevoir des bruits au fond du couloir, mais il n'y a rien, je le sais. Mes pupilles semblent apercevoir du mouvement, derrière l'oscillement de la lumière, mais il n'y a rien, je le sais.
Il n'y a que les ténèbres et le vide dans le couloir.
Il n'y a que le reflet de ma misérable vie en face de moi.
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