Chapitre 1

What's that in the mirror?

(Qu'y a-t-il dans le miroir?)

Or the corner of your eye?

(Ou au coin de ton œil ?)

What's that footstep following,

(Quel est ce bruit de pas qui nous suit)

But never passing by?

(Mais ne nous dépasse jamais)


La rue dans laquelle je marche est complètement assombrie. Les ampoules des lampadaires oscillent et éclairent une fois sur deux le trottoir, je ne vois presque rien. La nuit est tombée depuis une bonne heure au moins.

Je déteste vraiment ces jours où je finis les cours tard et où je dois rentrer chez moi à cette heure là. Je les hais du plus profond de mon être. Tout simplement, parce que la route est encore plus difficile à faire que d'habitude.

Seul, le léger souffle du vent parvient à mes oreilles et résonne dans mon crâne. Pourtant, je sais pertinemment qu'il y a un autre bruit derrière moi. Un son que je ne peux pas entendre mais que je peux presque imperceptiblement sentir. Un son qui me suit à la trace, qui va partout où je vais.

Je m'engouffre dans une énième ruelle baignant dans les ténèbres les plus profonds. Mon sentiment de malaise déjà légèrement présent s'empare de tout mon être. Mon cœur tambourine dans ma poitrine pendant que mon sang bouille dans mon cerveau et le noie au passage. Mes mains commencent à trembler et mes yeux font des allers retours entre les recoins obscurs de la rue et la douce lumière qui m'attend au bout.

Le quartier est vide et muet à cette heure là. Si ce bruit me rattrapait finalement, personne ne m'entendrait crier, personne ne viendrait me sauver.

Mais ce bruit ne me rattrapera pas ce soir, il ne m'a pas rattrapé hier, il ne me rattrapera pas demain non plus. Il ne me rattrapera jamais, je le sais bien.

C'est la même chose depuis trois mois maintenant. Je me sens suivi, observé, épié dans chacun de mes faits et gestes. Il y a une présence qui ne me quitte plus depuis trois mois, qui me suit partout où je vais, sur la route de l'université, de mon travail à mi-temps, au parc, au supermarché, au cinéma, et même chez moi. Même dans mon appartement d'étudiant de trente mètres carrés, je sens une présence.

Là encore, ce soir, je la sens. Elle est là, derrière moi. C'est cette présence, cette personne, qui produit ce bruit presque insonore que je perçois. Ses pas imitent les miens. Quand j'avance, elle avance, quand je m'arrête, elle s'arrête, quand j'accélère, elle accélère. Toutefois, elle garde une sorte de distance de sécurité entre nous. Elle est assez près pour que je sente sa présence mais assez éloignée pour me faire douter de moi et de mes sens.

J'ai l'impression de devenir complètement cinglé.

Au début, en grand courageux que j'étais, je me retournais, j'avançais vers l'origine du bruit, de la présence, mais à chaque fois, il n'y avait rien, personne. Aucune trace, aucun indice. Je pestais quelque fois, criant à mon poursuivant d'arrêter ça tout de suite, et que j'allais m'énerver. Mais rien ne se stoppait, tout continuait, comme si mes menaces avaient juste été lancé dans le vide intersidéral.

Et puis, au fur et à mesure que le temps passait, j'avais pris l'habitude de ne plus le faire. De ne plus me retourner, de ne plus crier, mais de seulement avancer droit devant en essayant de dissiper cette sensation de mon esprit. Tout simplement, parce que j'étais terrifié. Une foutue peur insidieuse avait commencé à s'emparer de moi et à siéger dans mon esprit. Elle me bouffait, littéralement.

Ce n'est plus une supposition pour moi, je sais qu'il y a quelque chose.

Un véritable paranoïaque. Voilà ce que je suis devenu. N'étant plus sûr de mes sens, ou de ma capacité à analyser le monde extérieur. Je ressemble à un fou qui vient juste de s'échapper de son asile, entendant des voix, des bruits. Je ne dors presque plus la nuit, je ne mange que très peu, je n'ai plus d'activité extérieure, plus d'amis, plus aucune vie sociale hormis mes cours et mon travail.

Je me suis cloîtré dans une forteresse de solitude, parce que je n'ai plus confiance en rien, ni en personne.

Le bout de la ruelle n'est plus qu'à quelques mètres devant moi. Inconsciemment, j'accélère le pas, mais me ravise aussitôt en sentant mon poursuivant faire la même chose. Je ne dois surtout pas lui faire comprendre que j'ai conscience sa présence, et surtout, jamais au grand jamais, il ne doit savoir à quel point il m'effraie. Parce que, peut être qu'il utiliserait ma peur contre moi, et je refuse catégoriquement d'affronter pire que ce que je vis en ce moment.

J'entre enfin dans la lumière, mes sueurs froides commencent à se raviser. Je respire presque trop bruyamment en continuant d'avancer aussi tranquillement que possible. Mon appartement n'est plus qu'à une centaine de mètres devant moi. Je glisse ma main dans ma poche et sers mes clés entre mes doigts, prêt à les dégainer rapidement une fois devant la porte et à m'engouffrer dans l'immeuble.

Je fais un pas de plus dans la rue maintenant éclairée quand un frisson me traverse l'échine. Une chose inhabituelle, à laquelle je n'avais pas fait attention, puisque j'étais trop concentré à ne pas penser à la présence derrière moi.

Alors que je me croyais à peu près calmé, je me rends compte que je me suis trompé. La peur revient.

Non, ce n'est plus de la peur cette fois, c'est de la terreur, primitive, pure, froide, dure, et insoutenable. Cette présence derrière moi, elle n'a pas ralenti le rythme quand je l'ai fait, elle a accéléré.

Elle n'a jamais été aussi proche de moi. Elle ne s'est jamais approchée, elle est toujours restée à distance, et c'est ce qui me faisait tenir. Mais là. Je le sentais. Ce frisson dans ma nuque, comme le souffle haletant d'une personne venant s'écraser contre ma peau et faisant hérisser mes poils.

Elle est proche, trop proche. Je la sens encore dans le noir de la ruelle, s'approcher toujours un peu plus de moi. Le bruit devient maintenant perceptible à mes oreilles. Des bruits de pas, des craquements de graviers sous des semelles, des feuilles mortes froissées et balayés d'un coup de pied. Tout ça, je l'entends clairement maintenant.

Je marche comme un robot. L'angoisse grandissante dans mon esprit pétrifit mes muscles et me tiraille. Mon corps me fait un mal de chien. Une goutte de sueur perle sur mon front et coule le long de mon menton avant de s'écraser au sol. Alors ce soir, c'est la bonne ? Cette nuit marque ma fin ? La présence va finalement m'avoir ?

Mes jambes se mettent soudainement à réagir toutes seules. L'instinct de défense, presque animal, reprend le dessus.

Malgré la douleur, je commence à courir vers mon appartement, omettant, les bruits de pas qui s'amplifient derrière moi. Il faut que j'avance, j'ai le pressentiment que c'est presque une question de vie ou de mort. Je fonce tout droit sans m'arrêter, à en perdre haleine. La porte n'est plus qu'à quelques mètres devant moi. Je sors les clés de ma poche.

Plus que dix mètres, cinq, quatre, trois, deux, un.

Le morceau de plastique se plaque contre le récepteur et le pan de verre et de métal s'ouvre brutalement poussé par mon corps complètement collé contre. Une fois à l'intérieur, je le repousse aussitôt, et m'écroule au sol en entendant le verrou se refermer.

Ma respiration retrouve son calme au fur et à mesure que les secondes passent, la peur diminue peu à peu, sans pour autant me quitter complètement. Je me relève difficilement, la main sur la poitrine, toujours dos à la porte. Une question traverse alors mon esprit.

Et si elle était encore là ?

La présence. Juste derrière la vitre, en train de me fixer depuis tout à l'heure. Et si je n'étais séparé d'elle que par une simple plaque de verre. À quoi ressemblait cette personne qui me suivait depuis des mois, qui avait essayé de m'avoir ce soir ?

Je voudrais me retourner, mais j'ai peur. Peur de voir ses yeux me fixer, un sourire sadique sur le coin des lèvres, une expression faciale voulant me faire comprendre que ce n'était pas la dernière fois et que la prochaine serait la bonne. Je ne voulais surtout pas voir ça, pourtant la curiosité fut trop forte.

Mes pieds se retournent d'eux même contre la porte, toutefois, mes paupières sont closes. Puis une fois stable, je les ouvre, lentement, les membres tremblants.

Je souffle finalement d'aise. Rien devant la vitre, rien à part le portail et les buissons frémissant légèrement au rythme du vent.

À ce moment là, j'aurai dû rentrer chez moi, et me coucher, je le sais. Pourtant, je ne l'ai pas fait. J'ai tourné mon regard vers cette ruelle que je venais de fuir, et mon sang se glaça.

Une silhouette se trouve dans l'encadrement de la ruelle sombre. Je ne peux pas voir plus que la forme de son corps mais, à voir sa carrure, ce n'est définitivement pas un elle, c'est un il. Un il qui m'observe dans le tournant des ténèbres et qui semble m'attendre patiemment.

Comme d'habitude, il attend que je fasse un mouvement, pour en faire un à nouveau, lui aussi.


Perhaps they're all just waiting,

(Peut-être qu'ils attendent)

Perhaps when we're all dead

(Peut-être serons nous tous morts)

Out they'll come a-slithering

(Alors ils se glisseront)

From underneath the bed.

(Hors du dessous du lit)



Je ne suis finalement pas fou, pas paranoïaque, pas cinglé. Je peux enfin le dire clairement et ne plus le supposer.

Je m'appelle Jeon Jungkook et depuis trois mois, j'ai un stalker à mes trousses.

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