Chapitre 8 : un nœud de plus

Saddie est debout avant moi.

Ce n'est jamais arrivé.

En général, elle s'endort, son ordinateur sur les genoux, à des heures impossibles. Tout ça pour que je finis par le déposer en charge sur la table de chevet avant de me laisser bercer par ses respirations...

Mais pas cette nuit.

Si elle est debout, c'est qu'elle n'a pas dormi.

Et je déteste voir les cernes creuser ses yeux déjà si sombres.

Je me redresse sur mes coudes et la regarde se pencher au-dessus du lavabo de la salle de bains, les bras tremblants et un halo de cheveux auburn qui vient cacher son visage. Ses doigts ripent sur la pierre noire et un crissement d'ongles me fait grimacer. À moitié caché par mon oreiller, je l'observe luter contre l'envie de se recroqueviller.

Elle y arrive, mais c'est sans séquelles. La lumière éclaire les marques gravées dans la douce chair de ses cuisses et renforce mon frisson.

Je ne connais pas leur origine.

En deux ans, j'ai pourtant essayé de savoir... D'y enfoncer mes doigts, de l'entendre geindre, de me repousser face à mes questions...

Mais tout ça, ça s'arrête maintenant.

Je repousse donc mes draps, déterminé et me lève. Mon reflet dans le miroir manque de la faire sursauter et elle se tourne vers moi.

— Holden...

— Saddie.

— J'étais en train de...

— De pleurer ? complété-je en fronçant les sourcils face aux perles de détresse qui maculent se joues.

Elle s'empresse néanmoins de les essuyer du revers de son bras et me pousse pour retourner dans la chambre.

— C'est juste le matin. Tu n'as jamais eu de larmes, au matin ?

Appuyé dans l'embrasure de la porte, je la regarde s'agenouiller devant ses valises. Elle fuit mon regard, tout comme mon étreinte.

Si mes doigts l'effleurent...

Mes dents s'enfoncent dans mes lèvres et la colère s'empare impétueusement de mes veines. Mais elles ne sont pas seules à saillir sous ma peau.

— J'espère que tu es prête. Parce que...

— Parce que quoi, Holden ? Hein ? Dis-moi un peu. Qu'est-ce que tu veux que je fasse de plus ? Oui, je suis prête. Oui, mes affaires le sont. Oui et un million de fois oui. Alors tu peux juste la fermer ?!

Dans un soupir las, elle ferme l'éclair de sa valise sur son ordinateur et plus de croquis encore que de vêtements et se redresse sur des jambes qui se veulent certains.

Mais elle tremble.

Encore et encore.

Elle ne fait pas face aux secondes qui passent. Elle les inhale alors qu'ils la détruisent. Une auto-destruction avec la puissance d'une arme nucléaire.

Mais c'est moi qui le lui impose... Moi et seulement moi.

Pourtant, quand elle repasse devant moi, je ne peux m'empêcher de l'attraper par la nuque et de la tirer à moi, grognant dans le creux de son oreille comme pour lui intimider de ravaler très vide sa fougue matinale.

— Tout va bien se passer, Saddie.

— Combien de fois je vais devoir te demander de me lâcher ?

— Autant de fois que moi, je vais devoir te dire que tu n'as qu'à m'expliquer pourquoi tu te mets dans de tels états.

— Ça ne marche pas comme ça.

— Ah non ?

J'attrape une cravate dans la penderie et avant qu'elle ne se débatte, je l'enroule autour de ses poignets que je bloque derrière son dos.

— Holden...

— Dis-moi comment ça marche, alors.

Je presse sur ses liens et la force à venir se presser contre mon bassin qui semble se réveiller en même temps qu'un soupir dans sa bouche.

Celui-là, en revanche, n'a rien de las.

— Dis-moi... Ce que je peux faire.

C'est tout ce dont j'ai envie.

Si mes gestes sont acharnés, c'est parce que j'ai envie d'occuper son corps comme son esprit. Une totale emprise sur les marques qui creusent ses hanches. Ses blessures, sont miennes. Son sang a coulé de mes veines. Un gaspillage que je ne peux tolérer et qui me rend dingue. J'enfonce donc mes dents dans le lobe de son oreille, mais sa voix retentit à nouveau alors que sa main emprisonnée parvient à glisser le long de ma cuisse.

— Ce que tu peux faire, c'est de me lâcher. Parce que sinon, tu ne viendras pas entier, à ma réunion.

Elle tord littéralement son poignet, rien que pour enfoncer ses doigts dans ma queue gorgée de désir pour elle. La douleur est si brutale qu'elle me force à reculer, lâchant son lien au passage.

Et quand elle se retourne...

Il n'y a plus de tremblements.

Plus de larmes.

Que sa détermination.

D'une main certaine, elle noue ses longs cheveux dans une queue de cheval qui s'écrase quand même sur ses épaules graciles.

— Notre avion part dans une heure, non ? On va être en retard.

Sans même un regard en arrière, elle claque la porte de la chambre et me laisse haletant.

Encore une putain de fois.

Emporté, je me tourne vers l'un des petits placards boisés et y abat mon poing qui s'écrase violemment, jusqu'à ce qu'elle se brise.

Mais la douleur n'est rien. Elle n'est nullement comparable à celle que Saddie a laissé derrière elle...

Bien, madame Parsons... À votre guise.

***

Je fais souvent ce rêve où je me retrouve dans l'ère des peintres. Que je me tiens devant une fenêtre ouverte sur une rue nocturne de Londres, la chemise ouverte, un recueil de poèmes dans une main et une cigarette dans l'autre.

Ah, et une bouche indécente enroulée autour de ma queue.

Un rêve profane dont je suis maître et qui m'apaise lorsque la colère paralyse mon corps entier.

Comme maintenant.

Le regard rivé sur les marques violacées qui ornent mes phalanges, j'essaye de me plonger dans ces pensées enivrantes afin d'éviter la nonchalance qui brille dans le regard de Saddie. Le nez enfoncé dans un livre, elle mâchouille bruyamment un chewing-gum à mes côtés. Je profite qu'il n'y ait pas encore beaucoup de personnes présentes dans l'avion pour étaler mes jambes devant moi.

— Pour tous les horizons du monde, mon amour.

Ma pique est accompagnée d'un sourire que Saddie supporte mal. Au point de me décocher un regard sévère.

— Tu sais que tu vas plus le payer que moi ?

— C'est ce qu'on verra. Pas vrai ?

Ses mâchoires se mettent à grincer sur son chewing-gum, mais elle poursuit.

— Tu n'as pas envie d'ouvrir cette boîte. Peu importe ce que tu as bien pu me dire, ou me faire, Holden... Tu t'occupes plus des menaces que tu portes, que de tes barrières.

— Oh, mon cœur... Ne t'en fais pas pour mes barrières... Ils t'enferment bien.

Je l'embrasse sur la joue, à l'aurore de ses lèvres et ricane face à sa grimace.

Parce qu'il y a quelques jours, ses ongles ripèrent sur mon bureau, pendant que ma langue s'aventurait dans son intimité.

Et je sais qu'elle en veut plus.

Plus sa colère monte et plus son cœur palpite sous sa peau dorée.

Saddie est un jeu auquel j'adore jouer. Une dangereuse carte que j'allonge sur la table sans réfléchir aux conséquences. Encore moins aux miennes.

Et peut-être que je vais finir par me brûler, comme elle aime tant le prétendre... Mais j'ai hâte de voir ça.

Je me languis de brûler dans ce feu si ardent.

Pourtant, quand je suis encore occupé à attacher les sangles de ma ceinture, Saddie change d'air et se penche à nouveau sur moi.

— On peut encore retourner à la maison.

— Pourquoi, tu as oublié quelque chose ?

— Holden.

Ses doigts s'enfoncent dans le col de mon pull, au point où ses ongles ripent sur ma jugulaire. Son regard se liquéfie dans de petites perles dolentes qui se mettent à étinceler le long de ses joues.

— Je veux rentrer à la maison.

Mon sourire s'efface immédiatement de mes lèvres. Les larmes de Saddie restent des choses que je ne vois que dans le clair-obscur. Une légende que j'ai toujours préféré ignorer sous peine de découvrir en moi-même ce que ça peut provoquer.

Entendre ses sanglots dans la nuit ou derrière des portes me révolte déjà bien assez...

Mais les voir naître sous mes yeux...

Dans un geste que je peine à rendre tendre, j'essuie ses larmes d'un revers de pouce, essuyant sa joue doucereuse pour qu'elles disparaissent et murmure à l'aube de ses lèvres gorgées.

— Dis-moi qui t'as fait du mal. Dis-moi et on retourne à la maison.

— Qu'est-ce que ça changerait ?

— Que je rencontre cette personne.

— Ah... Rien, alors, peste-t-elle en me relâchant pour se remettre dans son siège. J'essaye d'ouvrir la bouche pour répliquer, mais le steward commence déjà à faire les signes de sécurité en rythme avec la voix du capitaine.

Et merde.

Holden a une seule idée en tête quant à régler ses problèmes... Et c'est par le sexe. À votre avis, ça cache un trouble ? Je veux dire, encore un ? Quelque chose de son propre passé peut-être ?

Mais bon. Peu importe parce que Saddie a des griffes et ça ne marche pas comme ca avec elle... 😎

Il y a un autre indice : des cicatrices ! Vous avez une idée de leur provenance ? Est-ce lié au fameux "il" qui l'attendra probablement à Phoenix ?

Comment Holden se comportera par la suite ?

Et ma dernière question pour aujourd'hui : qu'avez vous pensé de ce chapitre ? N'hésitez pas à lâcher un vote ou même votre avis en commentaire ! 🥰

Je vous dis à mercredi pour la suite ! 🥰🥰

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