Chapitre 6 : ce que je suis prêt à te faire

Pourquoi est-ce qu'il a fallu que ça en arrive à là ?

Saddie est mon monde.

Pas ma faute, si on est arrivé à l'Apocalypse...

Ce qu'elle ne sait pas, c'est que je la regarde dormir, quand elle s'y risque enfin. Je contemple ses muscles perdre la guerre fatidique face à Morphée, ses paupières fines, son nez fluet, ses lèvres pleines... Chaque trait de beauté qui la compose avec autant de douleur.

Le petit battement rythmé qui fait frémir sa gorge, malgré les profondeurs de sa torpeur, est ce qui me happe le plus.

Saddie sert toujours ses doigts sur les couvertures qui la recouvrent... Tandis que j'ai la folle envie de serrer les miens autour de son cou. De l'étouffer. De la briser.

J'ai besoin de sentir sa vie m'appartenir.

J'ai besoin d'elle.

J'ai besoin de la voir s'agenouiller à ma merci.

C'est pathologique. Incarné. C'est un souffle de vie qui n'appartient qu'à moi.

Un pacte malsain entre mon esprit et mes poumons sur lequel je n'effectue aucun contrôle.

Saddie est mienne.

Elle n'appartient ni au passé, ni au futur. Elle sera à jamais enfermé dans le cocon que je lui construit. Et même si elle ne voit en moi que cet atroce araignée qui jonche les plafonds de ces méandres cotonneux...

Je préfère ça, plutôt que de risquer de la voir s'envoler.

Mais qu'est-ce qu'un papillon dépourvu d'ailes ?

Tandis que cette question fuse dans mon esprit, mes doigts se cramponnent un peu plus sur mon volant. La brume est si épaisse que son voile immaculée m'aveugle le chemin du retour. Après que Saddie m'ait giflé et qu'elle s'était enfui de mon bureau, je n'ai pas pu la suivre...

Ni partir.

Tout ce, à quoi je pensais, c'était cette envie embrasée qui pétillait dans ses yeux. Une faim charnelle qui alimentait la mienne, un battement de cœur à la fois.

J'avais envie de la ravager. De serrer ses poignets jusqu'à ce que je les sente briser sous mon étreinte.

À la place, j'ai fourré le nez dans les dossiers de nouveaux clients et me voilà sur le chemin de retour au petit matin.

D'un œil d'aigle, je regarde les bas côtés, guettant la présence de Saddie, car je sais très bien qu'elle adore les joggings matinaux.

Pas parce qu'elle tient particulièrement à son image, ça non. La raison même pourquoi Saddie m'a autant plu, la première fois, c'était parce qu'elle avait cette liberté d'esprit presque divine.

Non, Saddie court, parce qu'elle ne crie pas en public.

Les jambes allongées, la queue-de-cheval haute, elle file se réfugier dans le bois qui entourent les quartiers où l'on habite où elle se tue les mollets à franchir des chemins inaccessibles.

Parfois, elle s'attarde autour d'un petit étang, lorsqu'il est givré. Le regard perdu dans la glace, elle note ses prochains scénarios sur un calepin différent à chaque fois.

Après la regarder dormir, j'aime la regarder vivre. S'épanouir dans une nature qui n'est pas sienne, dans une incarcération faite d'or et de glace...

La voir exister est presque aussi lascif que de sentir le battement de son cœur s'emballer sous mes doigts.

C'était notre vie...

Puis est venue cette maudite lettre qui m'a esquivé de l'équation...

Alors, c'était sa vie.

Dans une douleur que je ne lui aurais jamais attribué, elle s'est ouvertement noyé m'accusant de ne plus être celui qu'elle aurait voulu.

Toi non plus, putain.

Soudain, elle rentre dans mon champ de vision.

La réponse à mes prières pécheresses.

Saddie Esmeralda Belucci-Parsons.

Mes doigts ripent de plus belle sur le cuir de mon volant, au gré de ses cheveux qui chutent en cascade sur ses épaules. Des écouteurs enfoncés dans les oreilles, elle allonge les foulées de plus en plus acharnées, n'ayant aucune conscience que je la suis.

Bordel.

Le pied toujours enfoncé sur l'accélérateur, mon cœur se met à palpiter dans mes veines, au point où elles saillent sous ma peau contractée.

Un mètre.

Deux mètres.

Trois mètres.

C'est tout ce qui me sépare d'elle, jusqu'à quelques centimètres...

Et puis elle se retourne.

Son geste est si brusque, que j'appuie enfin sur le frein.

Figée en face du capot, ses écouteurs à la main, elle halète et je ne sais pas exactement si c'est sous le choc ou l'effort de sa course. Cependant, elle ne bouge pas, lorsqu'elle me reconnait. La sueur perle le long de sa nuque jusqu'à sa poitrine, moulée dans un haut fluo, malgré le froid.

Et on se regarde.

Ses yeux rivés dans les miens, je peux y voir la défiance. Celle qu'elle n'adresse que depuis quelque temps. Toute douceur l'a quitté et ne reste que cette barrière que je tente tant de détruire.

Je ne le tolérerais pas.

Lentement, Saddie se penche sur le capot de ma voiture, accentuant son décolletée suintant et retrousse ses lèvres sur ses dents serrées.

Fais-le, si tu l'oses.

Jamais.

À la place, je lui fais signe de rentrer dans la voiture et alors qu'elle s'exécute, je passe ma main dans la barbe qui a gagné du terrain, durant ma nuit de veille. La porte claque derrière la carrure de ma femme qui me fusille directement du regard.

Tu as moins de courage que ce que tu prétends avoir.

Bonjour à toi aussi, Saddie.

Dans un plissement de nez, elle enfonce à nouveau ses écouteurs dans ses oreilles, tandis que je m'engage sur la route.

Mais même comme ça, je ne peux m'empêcher de lui jeter des œillades.

Même la route et les autres voitures ne comptent pas.

— Saddie.

Elle ne répond pas.

— Saddie.

Toujours pas.

Irrité, je tends la main vers ses oreilles et lui arrache la musique, la faisant gémir au passage.

— Pourquoi tu as fait ça ?

— Parce que je te parles.

— Tu n'as pas compris que je ne voulais pas t'écouter ?

Dans un soupir lassé, elle détache l'élastique qui nouait ses présent et les fait voleter sur ses épaules dorées. J'essaye de me reconcentrer sur la route, malgré la difficulté que m'offre la route et gronde :

— Pourquoi tu as fait ça, hier ?

— Quoi ?

— Pourquoi tu es venue ? Tu as vraiment cru que j'allais changer d'avis ?

Ses grands yeux foncés me scrutent avec une colère qui semble tapisser ses rétines, plus encore que la brume sur cette route.

— Tu pouvais simplement me demander.

— Te... Demander ?

— "Holden, s'il te plaît, je n'ai pas envie de partir pour Phoenix".

— Oh. C'était aussi simple ? Putain, je n'y avais pas pensé.

Mon nez se fronce.

Je n'aime pas quand elle jure.

Je n'aime pas quand elle se salit elle-même.

"N'épouse pas une Italienne, Holden, elles sont trop passionnées. Elle va mettre ta vie sens dessus dessous."

Les paroles de mon père prennent toujours un sens, dans les moments comme celui-ci. Autant de défiance, autant de mépris et d'émotions, réunis dans une seule personne...

Ç'en est rageant, autant que ç'en est excitant.

— J'avais essayé. Tu as la mémoire courte. fnit-elle par répondre.

Je lui caresse la joue de ma main libre, mais elle recule soigneusement.

Comme si elle n'avait pas été entre tes cuisses, il n'y a même pas quelques heures...

— En effet. Tu avais essayé. Et si tu m'avais demandé, je t'aurais répondu non. Seulement... Je t'aurais aussi donné une raison de t'expliquer avant notre départ pour Phoenix.

— M'expliquer ? Pourquoi ?

— Ce qui s'est passé là-bas. Je sais que tu détestes les surprises... Et quelque chose me dit que celle-là en sera une... Grandiose.

— Fous-moi la paix, Holden.

— Ou sinon quoi ? Tu interviendras encore en lingerie ? Je t'en prie.

Son visage s'assombrit si soudainement que ma peau se parsème de frissons.

— D'accord, ça suffit. Arrête-toi.

— Non.

— Holden, je ne rigole pas, arrête-toi, je rentre à pied à la maison.

Je m'exécute, mais garde les portes bloquées. Juste assez de temps pour que je l'attrape par le poignet et la force à s'obliquer vers moi.

— Allons, Saddie... Quel bien y a-t-il à continuer à te mettre en colère ? S'il y a bien quelqu'un qui devrait l'être, c'est moi.

Elle déglutis et murmure, mauvaise, ses pommettes frémissantes sous l'ébullition.

— Et... L'es-tu ? Montre-moi, à quel point. Montre-moi. Vas-y.

Encore cette défiance.

Un sourire vient se frayer sur ses lèvres pleines et tandis qu'elle se penche à l'aurore des miennes, elle fait glisser sa main le long de ma cuisse.

Des doigts taquins à la recherche de ce qu'elle avait oublié d'assouvir, la veille, alors qu'elle, elle avait été comblée.

Ses dents s'enfoncent dans le lobe de mon oreille où elle vient glisser un chuchotement qui se rapproche de près à une chanson de pécheresse.

J'aimerais te voir en colère, Holden...

Mes yeux sont si rivés sur sa gorge où la marque que j'ai laissée s'estompe finement, que je ne fais même plus attention à Saddie qui déverrouille les portes et se glisse à l'extérieur.

— Beaucoup de mots. Pas assez du reste.

La porte qui claque violemment derrière elle augmente la raideur dans ma queue. L'envie de la courser, de la rattraper et de la prendre à même le capot de cette voiture s'empare tellement de mes veines contractées que je manque d'y laisser ma peau...

Mais à la place, je reste figé derrière mon volant... Immobile et sans souffle, contemplant ma femme en train de courir. Non, en train de s'enfuir.

Si mon père avait raison quant à son excès de passion... Je suis content de ne pas l'avoir écouté.

Parce qu'aujourd'hui, c'est ce qui m'excite au plus haut point.

Qu'on résume les troubles mentaux de Holden : troubles obsessionnel du comportement, borderline maniaque et... Finement narcissique ?

En clair, pas vraiment le genre d'homme que Saddie aurait épousé si elle avait su... Et la lettre n'a fait que naître ce qu'il y a de plus détestable chez lui 🤭

MAIS c'est pas encore trop tard 😏 on n'est encore qu'au début 😎

Alors ? Qu'en avez vous pensé ? D'après vous, comment est-ce que les préparatifs vont se passer ? 🤭

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