Chapitre 40 : faux procès et prétentions

La prochaine fois que tu veux baiser dans mon appartement, par pitié, ramasse tes affaires.

Je me prends un emballage de préservatif déchiré dans le visage, au moment même où je redresse la tête vers Carver. Maverick, qui était en train de vérifier le contenu de mes poches dans la petite boîte, comme à son habitude, me regarde avec un sourire si large que ses fossettes se creusent.

— Déjà mariés depuis un an et vous n'arrêtez pas ! Vous devriez donner votre secret à des thérapeutes de couples, ça règlera quelques problèmes !

— Surtout pas, tance Carver alors que je jette l'emballage à la poubelle. Il les mettrai au chômage. Et nous aussi, par la même occasion !

Je soupire violemment. J'aimerais répliquer, mais je n'ai pas cette force. En réalité, mon corps entier manque de puissance pour affronter les blagues tordues de Carver ou encore les questions envahissantes de Maverick.

Alors travailler en dehors de mes heures de bureau...

— Ne vous en faites pas, mon client vous paye à tous vos honoraires ! lance soudainement la voix d'Allen, tandis qu'il nous dépasse en vitesse.

— Il lit dans nos pensées ?

— Qu'est-ce qu'il veut de nous exactement ? On a passé des jours à essayer de le déloger de sa situation épineuse... Alors qu'est-ce qu'on fait ici, maintenant ?

— On va bientôt le savoir, je suppose...

Je continue de monter les escaliers jusqu'aux bureaux, mais arrivé à la dernière marche, le contact froid des doigts de Carver sur ma joue me fait gronder. Je me dégage d'un unique coup de coude et il sourit.

— Range ton flingue, Lucky Luke. Tu avais juste un peu de peinture sur le visage. À croire qu'à chaque fois que tu rentres ici, tu te ramènes avec quelque chose. Ce sera quoi, la prochaine fois ?

Merde.

Toujours grimaçant, j'attrape un mouchoir dans ma poche et me frotte la peau du bout de ma paume. Et si cette soirée se serait passée autrement, peut-être que je ne mettrai pas autant de force dans mon geste...

Sauf que ce n'est pas le cas.

Je ne suis pas certain d'être en colère envers Saddie, mais j'ai envie de l'être.

C'est nettement plus facile que d'accepter le fait qu'elle a raison.

— Personne n'est de bonne humeur pour être ici et maintenant, Holden... Mais toi... On dirait que tu vas brûler l'immeuble.

— Avec toi dedans ? La pensée m'effleure.

Je dérive sur la droite pour rentrer dans mon bureau, balance mes affaires sur le petit canapé gris, mais c'est Carver qui allume la lumière.

— Je vais bien. m'hérissé-je, sans même relever la tête vers lui. Tu peux arrêter de me coller et aller voir ce qu'Allen attend de nous. Je te rejoindrai.

Je l'entends soupirer et fermer la porte, mais ce n'est que lorsque son ombre tombe sur un dossier que je sors des tiroirs d'une armoire métallique que nos regards se croisent.

Ce n'est pas pour rien que c'est l'un des meilleurs avocats de ce cabinet. Peut-être même de cette ville. Déjà à Harvard, il arrivait à persuader n'importe qui de craquer sous la pression.

C'est un putain de négociateur.

Et une vraie plaie.

Ses iris s'agitent comme le cœur d'une flamme et il lâche un éternel soupir, qui m'indique qu'une menace va proliférer.

Ou une connerie du genre.

Il pose sa mallette sur les feuilles éparpillées sur mon bureau et lâche, d'une voix pensive :

— Tu sais que tu peux me dire ce qui t'arrives, n'est-ce pas ?

— Je viens de te le dire. Rien de spécial.

— Donc l'autre jour, quand tu t'es barré après avoir crié je-ne-sais-quoi à ta sœur et brisé ton téléphone, c'était un évènement... banal à ton quotidien ?

— Exactement.

— Holden, à partir du moment où tu utilises mon appartement comme baisodrome, j'estime avoir le droit d'un peu d'honnêteté de ta part.

Je secoue la tête, sans répondre, sauf que ses pupilles s'écarquillent.

— À moins que ce n'est pas avec Saddie que tu y étais ?

— Quoi ? Mais qu'est-ce que tu racontes, Carver ! Ça va pas ?!

— Hey, permets-moi de douter ! Ta relation avec elle change d'un jour à l'autre.

— C'est pour ça que je serai en train de la tromper ?

Soudain, une silhouette s'affine dans la lumière du couloir et on se redresse tous les deux vers Jill qui passe à ce moment précis. Habillée d'un manteau cobalt, le menton enfoncé dans un pashmina nacré, elle nous gratifie d'un clin d'œil, avant de poursuivre son chemin jusqu'à la salle de conférence. Je profite du silence de mon meilleur ami, causé par son passage, pour attraper ce dont j'ai besoin et de m'éclipser de son interrogatoire.

— Il est tard, Carver, et il sera encore plus tard quand on sortira d'ici, probablement... Ni toi, ni moi, avons envie d'avoir plus de migraines que nécessaire.

— Tu sais que je ne te lâcherai pas, hein ?

Malheureusement... Oui.

***

— Maître Parsons !

Je ferme les yeux, quand j'entends mon prénom dans la bouche d'Allen. Jusque-là figés devant l'écran de mon téléphone où mes messages à Saddie sont marqués comme lus, sans réponse, retrouver l'obscurité derrière mes paupières ne me fait pas de mal.

J'en ai marre.

Je suis déjà débarrassé de ma veste. De ma cravate. De trois boutons de chemise et de mes manches. Mes cheveux restent debout sur mon front, hirsutes sous le taux de fois que je les touche. Épuisé, je ne peux m'empêcher de serrer mes poings sur la balustrade qui donne sur le hall d'accueil du cabinet.

Je n'avais vraiment pas besoin de ça.

Mes pensées ne vont qu'à Saddie. Qu'à ce qu'elle m'a dit.

Qu'à ce que je lui ai imposé.

Je ne veux qu'une chose, c'est essayer de la retrouver et l'avoir à côté de moi.

Peut-être dans un monde où notre danse parmi les éclairs ne se serait jamais arrêtée.

À la place, notre patron à tous, nous fait travailler en plein milieu de la nuit pour une simulation de procès... Celui qu'il devra gérer seul, sans aucun gain de cause pour notre part.

Des honoraires payés ne couvrent pas les frais que cause autant de dommage.

Et ce fumier le sait.

Pour la énième fois depuis que je suis arrivé ce soir, je me frotte les yeux et me tourne vers Allen qui se rapproche de moi, le regard sévère.

À son passage, les murmures des autres membres de notre cabinet se muent avant de reprendre, plus discrètement encore.

— Oui ? parviens-je à formuler entre mes dents serrées.

— Il faut que je te parle, Holden.

— À quel propos ?

Sa main attrape mon avant-bras et de ses doigts glacés, il m'entraîne dans le premier bureau sur notre chemin. Il ferme la porte derrière nous avant de se tourner vers moi, un large rictus barrant ses lèvres d'habitude inhabités par l'émotion.

— Tu es un génie.

— Pardon ?

— Je ne sais pas ce qui t'arrives ce soir, mais je veux que ça continue.

Il me contourne pour se rapprocher de la baie vitrée qui donne sur Seattle, me laissant en pleine consternation.

De quoi est-ce qu'il parle ?

— Cette rage que tu utilises pour mener ce faux procès ? C'est exactement celui dont j'ai besoin chez tout le monde, ici. Tu ne prends pas cette situation à la légère, et ce, malgré les conditions. C'est excellent. Brillant !

Aucun mot ne traverse la barrière de mes lèvres scellées, tant je n'arrive pas à y croire un seul instant. Les prunelles avides de pouvoir de mon patron s'allument à la manière d'un brasier, et pendant un instant, je jurerai l'entendre haleter.

Cette soirée est pourtant sans pitié. Outre le fait que la pendule accrochée au mur indique qu'il est près de minuit ; je viens de passer un sale moment dans un faux procès qui ne me regarde aucunement, à balancer plus d'objections que Bess, une collègue avocate transformée en juge improvisée, ne peut rejeter.

— Je le pense, Parsons. J'ai besoin de quelqu'un comme toi, dans mon équipe. Ce procès, je le gagnerai qu'avec toi, à mes côtés.

— Merci, Allen, mais tu sais que...

— Tu peux déléguer tes autres affaires, s'impatiente-t-il néanmoins en agitant les mains. Tu pourras toujours y revenir une fois que j'aurais fini avec les Kent.

D'un pas précipité, il se rapproche et m'assène un coup dans le bras.

— Je veux ton sens de combat durant le verdict final. Et je ne prendrai pas "non" pour une réponse...

C'est évident.

Allen Thatcher est un tyran et ça, tout le monde le sait. Il n'a pas besoin de menaces, moins encore d'élever sa voix. Il donne le choix, d'ailleurs. Quand il a envoyé le message, ce soir, il a simplement écrit "à tous ceux qui veulent m'aider dans une simulation de mon procès à venir, peuvent venir me rejoindre au bureau d'ici à une heure."

Il est qui il est. Et tous ceux qui ont passé au moins dix minutes en sa présence, savent que que notre vie entière n'a aucune importance, face à un tel ordre.

Peu importe s'il n'y a plus de baby-sitter de libre à cette heure de la journée...

Peu importe si tu es encore en intermittence dans le cabinet et que le lendemain, tu dois passer l'examen du barreau...

Peu importe si tu n'arrêtes pas de penser à la lassitude dans les yeux de ta femme à ton égard.

Si tu ne viens pas... Tu peux dire adieu à cette place d'élite aux côtés du plus grand avocat spécialisé dans le divorce, de tout ce putain de pays.

Bordel, ressaisis-toi, Holden !

Alors même si ma gorge est nouée, je déglutis et hoche la tête, faisant élargir son rictus sur ses lèvres.

— Bien. Bien ! Ravales un café, on reprend dans dix minutes.

Allen s'éloigne, sa veste de costume grise piégée dans son aisselle alors qu'il réajuste son col de chemise et me laisse revenir seul face à la balustrade. L'air frais qui s'engouffre depuis l'une des portes ouvertes donnant sur le parking rallume une vitalité incendiée dans mes poumons et je prends une inspiration qui aurait pu être éternelle.

Mais quand il y a un Thatcher dans les parages, un autre n'est pas très loin.

— Mon père compte beaucoup sur toi.

Les lèvres pincées, je m'essuie la barbe d'un revers de bras et me racle la gorge en me tournant lentement vers Jill. Le manteau et le pashmina en moins, elle reste dans les tonalités sobres qu'offre sa position. Ses doigts fins pressés sur son ventre, elle fait rouler une petite bague diamantée sur son indexe, tandis que ses pas félins la mènent jusqu'à mon hauteur.

— Ce n'est pas rien.

Si elle s'arrête, son sourire ne le fait pas. Creusant une petite fossette dans ses joues, je distingue nettement la pointe de sa langue rosée parsemer sa dentition jusqu'à se figer dans un coin de sa joue.

Strass et paillettes. À minuit. Quelle motivation...

— J'en prends conscience, dis-je, non sans prudence. Ton père est un homme qu'on n'aime pas fâcher.

— Et c'est uniquement pour ça que es ici, la veille d'un weekend, en train de faire craquer une fausse cliente sous le parjure ?

— Il n'y a pas que moi.

— Tu as raison, oui... Mais il n'y a pas tout le monde, non plus...

Elle croise ses mains sur le rebord de l'escalier et ses prunelles divaguent jusqu'à-moi... Ce qui m'arrache une vérité.

— Quand est-ce que passer en revue une affaire qui ne nous est pas destinée, est devenu plus intéressant qu'avoir un weekend de libre ?

— Ce n'est pas tout à fait vrai, maintenant... Cette affaire est la tienne aussi.

— Je suppose que oui.

— Il n'y a peut-être pas que les honoraires qui t'intéressent...

Elle pointe le bout de son nez parsemé de taches de rousseur maquillées vers le panneau qui indique le nom des deux partenaires seniors que composent le cabinet et j'en ris.

Parce que c'est ridicule, pas vrai ?

Tout le monde bande à l'idée d'avoir son nom sur ce foutu panneau...

Mentir serait un blasphème.

— Tu t'en rapproches. insiste Jill en replaçant une mèche chocolatée derrière son oreille.

— J'ai encore beaucoup à prouver avant de ne serait-ce qu'envisager cette possibilité.

Comme si ma réponse l'avait mise au défi, la fille de mon patron se redresse de la balustrade et place ses mains sur mes épaules, que pour me forcer à me mettre face aux deux noms déjà présents.

— Harvard est derrière toi, Holden. C'est fini les bancs d'école où la seule ambition que tu peux avoir est de ne pas rater ton année... ou la partie de golf avec le doyen pour espérer un A à un examen que tu sais d'avance que tu vas foirer. Tu es suffisamment loin, si tu veux mon avis... Et ton nom peut très bien se retrouver là, un jour. Peut-être même plus tôt que prévu.

L'ambition.

Le pouvoir.

Le Maître du jeu.

Un frisson parcourt mon épiderme, jusqu'à ce qu'il se bloque dans ma nuque et que j'en grogne sous la douleur.

Ou la fatigue.

Les mains de Jill sont toujours sur mes bras et je fronce les sourcils. Je ne prends conscience de notre proximité que lorsque la finesse de ses doigts dégringole le long de mes poignets.

Je me retourne, pour lui demander de reculer, mais ses mains remontent sur mes joues.

Et ses lèvres se pressent contre les miennes.

Ce qui est bien avec ce retard monumental, c'est que vous aurez la suite dans à peine quelques heures 😎😎

C'est un BON RETARD qui plus est, car, pour ceux qui n'ont pas suivi l'actu sur mon Instagram, j'ai privilégié la finalisation d'une surprise que je vous prépare pour fêter les 666 abonnés Wattpad ! Mais bon, on y est pas encore tout à fait alors, on va se concentrer sur le chapitre d'aujourd'hui pour l'instant.

Vous sentez la meuf qui esquive complètement le sujet principal ?

JILL A EMBRASSÉ HOLDEN.

JILL A EMBRASSÉ HOLDEN.

JILL A EMBRASSÉ HOLDEN.

et à votre avis, l'heure s'accorde-t-elle aussi sur une autre pendule ?

Aïe aïe aïe.

Bref.

• En plus de la peinture noire, pour Holden, le meilleur moyen de se débarrasser de la pression, c'est le travail... Et c'est ce que Allen lui offre sur un plateau d'argent. L'affaire du siècle !

• Carver n'est pas dupe et voit clair dans le jeu de Holden.

• ce weekend, j'ai appris ce qu'était un pashmina, je crois que ça se remarque 😂 j'aime apprendre de nouveaux mots 😂

On se retrouve tout à l'heure pour le PDV de Saddie, les enfants ? En attendant, vous connaissez la routine, petite étoile, petit commentaire, petit bisou...

Je vous en donne des centaines, en tout cas 😎

À TOUT A L'HEEEURRRRRE 😊

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