Chapitre 36 : Mini Troll
Malgré ma soirée avec Saddie, je n'ai pas pu fermer l'œil de la nuit. À la place, j'ai regardé ma femme dormir paisiblement dans mes bras, tout en essayant de trouver du réconfort dans les battements de son cœur. J'ai attendu qu'elle se réveille, qu'elle parte pour sa course matinale et que le courage me vienne, avant de me lever à mon tour. Mais assis sur le rebord du lit, avec la couverture encore à moitié posée sur mes genoux, je ne peux me résoudre à aller plus loin...
Donc, je m'écrase à nouveau.
Mes bras étendus de chaque côté, j'expire lourdement en pensant aux récentes conversations que j'ai pu avoir avec ma famille.
Et si celle que j'ai eu avec ma mère a eu le don de ruiner la journée d'hier, celle avec Carla était bien pire encore.
Réaliser que tous ces problèmes retombent encore une fois sur mon dos me fait grincer des dents, au point où je peux presque goûter des fragments osseux lorsque je déglutis. Je passe une main dans mes cheveux et roule sur le côté pour attraper mon téléphone.
Ça ne s'arrangera pas si je leur dis tous d'aller se faire foutre...
Il faut que je remonte à la source.
J'efface d'abord les messages que Carver a envoyé, ceux de mes clients, d'Allen et même de Carla, avant de rentrer dans mes contacts.
Je ferme un instant les yeux et appuie sur l'un des profils en appel vidéo.
Le temps que ça sonne, je referme les yeux.
Le courage est une sacrée connerie, je trouve...
— Holden !
... Une sacrée connerie qui se ravive toujours par le sourire de la seule personne encore sensée de cette famille.
— Salut Mini-Troll.
Face à son surnom, ma petite sœur plaque sa main contre sa bouche et plisse ses yeux noirs en riant avec douceur. Debout sur ce qui me semble être un ponton, des lunettes de soleil maintenant ses cheveux en place pour qu'ils ne volent pas à travers son visage, Macey se met à raconter en long et en large à quel point je lui ai manqué.
Mon cœur se serre dans ma poitrine. Je ne lui ai pas parlé depuis que Saddie a reçu sa foutue lettre d'invitation. Trop occupé à être hanté par peu importe quels secrets ma femme cache, sans parler du travail, je n'ai pas cherché à savoir comment la benjamine de notre famille se porte.
Merveilleusement, à en juger l'éclat de son sourire.
— Oh bon sang Holden, tu ne t'imagines pas à quel point j'ai envie que tu sois là ! Carla t'a prévenu ? J'ai trop hâte que tu débarques !
Le mien se dissipe et j'enfonce mes dents dans ma lèvre inférieure. Je regarde Macey faire tourner son téléphone sur l'endroit où elle se trouve dans un silence si assourdissant que je peux entendre mon propre cœur fracasser mes côtes.
La mer bleu turquoise. La côte luxueuse au loin. Le yacht qui s'étend sur des centaines de mètres... Et la jeune femme en bikini que Carla m'avait montré au bureau qui agite la main, au bout du ponton.
En voilà une façon de rencontrer sa future belle-mère.
Irrité, je me redresse sur mes coudes et grogne :
— Macey, tu peux prêter attention, s'il te plaît ?
— Oh ! Pardon !
Je retrouve enfin son visage, alors qu'elle croque dans une tranche de pomme qu'elle cueille sur la grande table extérieure, encore couverte des plats du petit déjeuner.
— Je suis juste super heureuse que tu donnes enfin de tes nouvelles. S'il y a bien quelque chose qui manque sur ce yacht, c'est ton humeur !
— Je suis sûr que tu dois t'amuser.
— Tu dois te dépêcher de te préparer ! J'espère que Saddie vient aussi ? Parce que partir pour...
— Macey, je t'appelle pour tes nouvelles, pas pour celles à venir.
Je la vois rentrer à l'intérieur et s'asseoir sur un canapé en cuir blanc, les genoux ramenés à sa poitrine et le front plissé.
Si Carla et moi, on s'emporte sous la colère, Macey c'est l'exact contraire. En réalité, il n'y a pas une personne au monde qui déteste plus être énervée.
Elle est le rayon de soleil de cette famille, mais c'est dur d'illuminer tant de ténèbres.
Ma petite sœur baisse les yeux en grignotant l'ongle de son petit doigt et se met à bougonner :
— D'accord, d'accord. C'est bon, je voulais simplement savoir si tu venais pour le mariage de papa.
— J'appelle pour ça, justement.
— Laisse-moi deviner. Tu as la même réponse que Carla ?
Je soupire en frottant mon front avec ma paume et hausse les épaules :
— Pourquoi, qu'est-ce que Carla a encore dit ?
— Elle dit qu'elle ne sait pas encore si elle va venir.
Macey ne relève toujours pas les yeux. À la place, elle enfonce les manches de son sweat dans le creux de ses mains et laisse son genou dénudé tressauter au rythme d'un battement nerveux.
Je ne peux pas la décevoir aussi.
— C'est compliqué, en ce moment.
— Ça ne devrait pas l'être, marmonne-t-elle un peu trop bas.
— Quoi ?
— J'ai dit que ça ne devrait pas l'être ! vitupère-t-elle plus fort. Ça vous tuerai de faire une effort, tous les deux ? Papa prévoit tout. Vous n'avez qu'à venir.
— On a maman sur le dos.
— Incroyable... Tu donnes les mêmes réponses que Carla. On dirait que vous répétez avant de m'appeler.
— Macey, je t'appelles pour savoir comment tu vas. Pas pour parler de Carla ou de maman ou même de papa, en l'occurrence... Mais de toi.
Elle relève enfin la tête vers moi et hausse les épaules.
— Qu'est-ce que tu veux dire par là ? Ça va très bien. Enfin, ça allait très bien jusqu'à ce que tu appelles pour me sermonner.
— Je ne te sermonnes pas... maugréé-je en enfonçant mes ongles dans ma nuque. Je m'inquiète, c'est tout.
— Arrête alors. Je suppose que tu veux parler de Becky et de comment ça se passe avec elle ? Ce n'est pas maman, ça, c'est sûr. En réalité, elle ne me parle pas beaucoup, mais c'est pour le meilleur. Elle n'a rien dans le crâne. Je ne comprends pas ce que papa lui trouve...
Moi, si. Il a même payé pour.
— ... Mais ça se passe bien, ici. J'ai peut-être dit ça pour rire tout à l'heure, mais j'aimerais vraiment que tu viennes. Promets-moi d'y réfléchir.
— Je te promets tout, Macey.
— Y compris d'arrêter de mentir ?
— Je ne t'ai pas menti, me défendis-je en pressant ma main contre mon torse.
— Ah non ? Pourtant, il me semble que la seule raison pourquoi tu te caches derrière les excuses de "c'est compliqué" ou "il y a maman" c'est parce que tu refuses d'assister à ce mariage tout court.
Je me redresse dans le lit et lève les yeux en l'air.
Macey n'est pas du genre à lâcher, quand il s'agit de l'union de cette famille. Trop jeune pour avoir dû assister aux drames, en partie parce que j'avais tout fait pour éviter ça, elle a toujours cru que ce n'était pas aussi grave que ça en avait l'air.
C'est par innocence qu'elle demande à tout le monde de ne pas se fâcher...
Mais mettez-nous tous ensemble dans une seule pièce et peu importe ce que Macey dit, tout ce qu'on entendra, ce sont des cris.
On fait des efforts avec elle. En réalité, on les fait plutôt pour elle.
Parfois, c'est juste fatiguant.
— Macey... tenté-je, sévère.
— Si j'entends encore une fois "tu es trop jeune pour comprendre" je te préviens, je raccroche. Et arrête de tirer cette tête.
— Quelle tête ?
— Celle qui dit "Macey, si tu ne la fermes pas maintenant, je vais t'éventrer".
— j'ai une tête qui te dis que je vais te faire un truc pareil ? À toi ? Ma petite sœur ?
Elle retrouve son sourire et se regarde les ongles dont le vernis est écaillé.
— C'est vrai que je suis ta petite sœur préférée.
— Ce n'est pas ce que j'ai dit.
— Ah bon ? C'est ce que j'ai entendu, pourtant.
— Tu te situes dans les deux premières.
Pendant un instant, on se regarde sans rien dire. Ce n'est pas un silence gênant qu'on aurait envie de combler avec des propos qui tournent en rond, mais le genre qui nous fait du bien. Une absence de notes fracassées sur une portée vide qui nous permet de se comprendre.
Le silence qu'on partageait pendant des heures quand je la tenais dans mes bras, la nuit, pour éviter qu'on pleure.
Malgré l'effet de baume qui enrobe mon cœur, je finis par prendre une grande inspiration.
— Je suis désolé.
— Pourquoi ?
— Pour ne pas t'avoir appelé avant. D'avoir cherché à savoir comment tu allais et... Pour maintenant.
— La prochaine fois que je serais à Seattle, je dirais à tout le monde, que Holden Nathaniel Parsons, s'est excusé.
Ça m'arrache un rire, mais je redeviens vite sérieux.
— J'ai une réputation à tenir.
— Laisse-moi la briser.
Elle accompagne sa pique avec un doigt d'honneur que j'ignore lorsque je vois une silhouette connue passer derrière elle.
— Hey, tu peux me rendre un service ? File-moi papa. Il faut que je lui parle.
— T'es sûr ?
— Oui. Oh et pendant que j'y suis, ajouté-je alors qu'elle se lève pour se diriger à nouveau vers l'extérieur, appelle ta mère. Elle s'inquiète pour toi. Crois-le ou non, mais Carla et moi, on dit la vérité, tout ce bordel retombe vraiment sur nos épaules.
— D'accord, d'accord, je le ferai. Tu me rappelleras ?
J'hoche la tête et son visage disparaît un instant. J'entends une conversation à moitié étouffé pendant une petite minute avant que l'écran se stabilise sur le visage de mon père.
Il n'a pas les yeux noirs, comme nous. Ni les cheveux qui vont avec. Non. J'ai hérité de mon père que la taille et les épaules. Alors quand il sourit et que ses iris bleus se plissent, ou qu'il passe sa main dans des mèches blond foncé, on pourrait croire que lui et moi n'avons rien à faire ensemble.
Ce n'est pas complètement un mensonge, en soi.
Du moins pour ma part.
— Salut fiston ! Comment tu v...
— Tu m'envoies Carla pour m'inviter à ton mariage ? coupé-je aussitôt, quittant la voix doucereuse que j'adopte toujours avec ma petite sœur. Quoi, tu n'avais aucun courage pour venir te ramener par toi-même ? Ou est-ce que tu avais trop honte pour ça ?
Un rire nerveux lui échappe alors qu'il porte une tasse de café à ses lèvres.
— Tu as la délicatesse de ta mère.
— On passera pour les remarques. riposté-je.
De ma main de libre, j'attrape la boule de stress de Saddie sur sa table de chevet qu'elle utilise toujours lorsqu'elle bloque dans l'écriture et la serre de toutes mes forces.
Mon père plisse ses lèvres, regarde au loin et répond :
— Qu'est-ce que tu veux que je te dise, Holden ? Oui, je veux que tu viennes à mon mariage. J'aime Rebekah et j'aime mes enfants. Je veux donc que vous soyez là. Toi, Carla, M...
— Tu as parlé à maman ?
— Pourquoi j'irai parler à ta mère ? ricane-t-il avec ironie.
— Pour lui dire que tu comptes foutre en l'air, une fois de plus, notre famille entière ?
Mes doigts craquent sous mon poing serré, mais il grogne :
— Et en quoi je fous en l'air la famille, en me mariant avec la femme que j'aime ?
— Oh pitié. Tu ne l'aimes pas, répliqué-je en grimaçant. Elle te fais simplement sentir comme quelqu'un de valeureux parce que tu montres les chèques aussitôt qu'elle se penche.
— Et tu dois tout savoir sur le mariage, pas vrai ?
— Je traite des cas comme le tien trois fois par semaine. Tu veux que je te dise ce qui t'attends dans le futur ?
— Non, mais je vois dans le tiens. Il inclus mon poing dans ta petite gueule de con !
On se tait tous les deux sous le coup.
Mon père m'a frappé trois fois, au cours de ma vie.
La première fois était complètement accidentelle. Il était énervé, je me trouvais derrière la porte et je me la suis prise dans le nez. Une marque que je garderai à vie, d'ailleurs.
La seconde, c'était lorsqu'il m'avait attrapé en train d'embrasser Pamela Barney, alors qu'elle était la fille de son patron et que ça lui avait coûté une promotion.
Et la troisième fois, c'était pendant les funérailles de Genesis.
— Écoute, Holden... reprend mon père au bout d'une minute qui me paraît éternelle. Je ne te demande pas de comprendre. Exactement comme nous, lorsque tu nous a présenté Saddie...
— N'ose pas la comparer...
— ... Mais je vais épouser Becky, que tu le veuilles ou non.
Je baisse la tête en riant, mais il poursuit :
— Tu devrais venir. Ne viens pas pour moi, viens pour tes sœurs. Viens former une nouvelle famille avec nous.
La douleur déchire ma poitrine au point où je suis obligé de plisser les yeux pour contenir cette sensation. Je vois mes propres yeux briller dans le cadre qui m'est réservé sur l'appel vidéo. Quelque chose que je chasse rapidement en prenant une grande inspiration.
— Le temps des disputes est fini, Holden. Alors s'il te plaît. Arrête de vivre dans le passé et viens. Ça te feras du bien, j'en suis sûr.
J'essaye de dire quelque chose. Sauf qu'aucun mot ne franchit la barrière de mes lèvres.
— Alors ?
Je n'ai pas la force pour ça.
— D'accord.
— Oui ?
Un flash rassurant traverse le visage de mon père et j'hoche la tête, à court d'expression.
De vitalité, aussi.
— Je... Wow. J'aurais cru que... Bon. Et bien... Je t'enverrai les informations, dans ce cas.
— C'est ça.
— Et Holden ?
J'oriente mon pouce vers le bouton pour raccrocher, mais relève une dernière fois mon menton vers lui.
Il sourit.
— Je suis vraiment heureux, tu sais ? N'est-ce pas là tout ce que tu souhaites pour moi ?
Non.
Non.
Non.
— Au revoir, papa.
Et je raccroche, au moment où il ouvre la bouche pour répliquer. Je repose mon téléphone d'une lenteur extrême sur la table de chevet alors que mon corps glisse, sans aucun contrôle, au sol. Dos au matelas, jambes étendues devant moi, mes mains enfoncées dans mes cheveux ébouriffés, j'essaye de réguler ma respiration.
Je n'y arrive pas.
Et je collapse telle une étoile mourante.
Hello tout le monde ! Chapitre du jour posté maintenant car je n'aurais pas le temps avec le travail 😎 maiiis vu que c'est en "avance" vous ne me blâmez pas, pas vrai ? 😂
• On fait la connaissance du dernier membre de la famille Parsons, aujourd'hui ! Macey, AKA Mini Troll, et surtout la chouchou de tout le monde ! Mais même avec elle, Holden a du mal à garder sa patience...
• Et on passe au père... C'est une toute autre histoire... Holden semble le blâmer pour beaucoup de choses au point de ne pas vouloir le voir heureux et de le réprimander sur ses choix de vie. À votre avis, pourquoi ? Comment vont se passer les retrouvailles, surtout ?
Je vous dit à mardi pour la suite ! N'hésitez pas à me donner votre avis en commentaire et surtout à me bombarder d'étoiles 😎
Gros bisous !
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