Chapitre 35 : le prix d'une confession

On continue à rouler jusqu'à ce qu'on quitte les rues bondées pour longer toute la côte houleuse. Un regard à travers la fenêtre de Holden m'arrache un sourire. Tous les Ferrys sont revenus au port et leurs lumières semblent défier l'obscurité de la nuit tombante.

Seattle se voit depuis l'espace... J'en suis sûre.

Penchée sur l'épaule de Holden, j'essaye de lui voler un baiser, mais il repousse ma bouche en plaquant son index sur mes lèvres.

— Tu ne veux quand même pas qu'on retrouve nos corps dans l'océan, pas vrai ?

Je grogne. Plus encore lorsque sa main se décroche de ma cuisse et qu'il la porte à ma nuque où est noué mon foulard.

— Qu'est-ce que tu fais ?

— Je t'enlèves ça.

— Et tu vas faire quoi avec ?

— Je veux que tu te bandes les yeux.

Mes sourcils s'arquent sous son ordre, mais il persiste en approfondissant sa voix qui ne tardera pas à rejoindre les abysses, s'il continue.

— Tu m'as demandé de te surprendre... Pour ça, tu ne dois pas voir où nous nous rendons.

Je reprends mon propre foulard et hésite, ce qui a le don de faire soupirer mon mari.

— Fais-moi confiance.

Fais-lui confiance.

Je prends une rapide inspiration avant de m'exécuter.

C'est ce qu'il m'a dit dans la première lettre qu'il m'avait écrite, lorsque j'ai débarqué au restaurant où il m'avait invité et où je m'apprêtais à lui dire de me foutre la paix.

C'est ce qu'il m'a dit dans toutes les autres qui ont suivi.

Et ce sont des mots qu'il n'a plus prononcé depuis longtemps.

S'il y a un homme au monde qui sait quand employer cette phrase sans briser une parole qui vaut son poids en or...

C'est bien Holden.

Lentement, je noue mon foulard sur mes propres yeux et me rassieds normalement dans mon siège. Je sens qu'on quitte la côte, parce que le vent marin arrête de s'écraser contre les portières. La pluie persiste toujours et j'entends la tonnerre gronder de plus en plus fort...

En même temps que mon cœur.

— Est-ce que je peux deviner où nous allons ?

— Tu peux essayer, résonne sa voix, en même temps que le bruit de son clignotant, mais je ne te répondrai que par "oui" ou "non".

— D'accord. Est-ce que c'est un endroit où je devrais remettre ma culotte ?

Il rit.

Il rit.

Je pense que je peux compter sur les doigts d'une seule main, toutes les fois où j'ai pu entendre Holden Nathaniel Parsons rire. Et je ne sais pas si c'est parce que mes yeux sont bandés et que mes autres sens sont plus aiguisés, mais c'est un bruit auquel je m'accroche comme à une bouée de sauvetage.

— Surtout pas.

Je manque de sursauter lorsque sa main de libre rentre en contact avec ma cuisse.

— En réalité, je pense même garder cette culotte. Et cacher toutes les autres, par la même occasion. Je te trouve nettement plus sublime, sans sous-vêtements.

— C'est donc un endroit où il n'y aura que toi et moi ? minaudé-je en essayant d'ignorer ce qu'il vient de dire.

— Oui.

Ça sonne paradisiaque.

— Est-ce que nous y sommes déjà allés ?

— Non.

Sa main remonte plus profondément entre mes cuisses et je retiens mon souffle quand la pulpe de ses doigts commence à aller et venir le long de ma vulve.

— D'autres questions ?

— Je déteste les surprises... marmonné-je en écartant mes jambes un peu plus.

— Tu les adores.

Je déteste qu'il a raison. Même si ça n'a jamais été le cas, avant que je ne le rencontre.

J'ai appris à aimer beaucoup de choses avec lui...

Y compris sa propre personne.

— On est arrivés.

Il retire sa main, un peu trop brutalement, d'ailleurs, me laissant avec le goût amer de la déception. Je me redresse quand je sens la voiture rebondir sous l'impact de l'entrée d'un garage souterrain.

Où est-ce qu'on est, merde ?

Je tente une dernière question, le cœur battant la chamade :

— Est-ce que je vais avoir peur ?

La voiture s'arrête, un bruit de clef retentit et les lèvres de Holden effleurent doucement les miennes.

— Ça n'arrivera jamais, tant que tu es avec moi.

Sa porte s'ouvre et se referme et je me mords la lèvre. J'ai douté dans cette phrase pendant des mois.

Fais-lui confiance.

Fais-lui confiance.

Fais-lui confiance.

Allez.

***

— On y est.

Les portes de l'ascenseur s'ouvrent enfin, comme le font mes poumons pour happer de l'air. En dix longues minutes, je n'ai pas entendu un seul mot de la bouche de Holden. Pendant un instant, j'ai même cru qu'il n'était pas monté avec moi.

Je n'ai pas réussi à savoir où il était alors que le corps humain est disposé d'un radar. Dans l'obscurité la plus complète, on est censé savoir où se trouve l'autre.

Ou au moins avec une marge.

Mais pas Holden.

Jusqu'à ce que ses doigts se glissent dans les miens et qu'il m'entraîne à l'intérieur d'une pièce.

— Fais attention, il y a une boîte à côté de toi.

— Une...

Je cogne dans quelque chose et retiens à peine un cri de surprise lorsqu'il tombe au sol avec un fracas assourdissant.

— Ce n'est pas grave.

— Holden, où est-ce qu'on est, bon sang ?

L'irritation dans ma voix le fait sourire. Je le sais, parce qu'il attrape mes mains et les presse contre son visage où je sens ses lèvres s'arquer.

— D'accord, calme-toi. Je t'enlève ton bandeau.

J'en suis peut-être débarrassé, mais je ne vois toujours rien pour autant. On est dans une pièce où la seule source de lumière, un fin faisceau bleu, provient des portes closes de l'ascenseur.

Je me retourne vers Holden et marmonne :

— Pourquoi faut-il toujours qu'on se retrouve dans le noir, avec toi ?

— C'est là où je te vois le mieux. murmure-t-il en retour, tout en replaçant une mèche de cheveux derrière mon oreille.

Il reprend mes mains et me guide, tout en reculant, vers ce qui semble être un canapé.

— Je rêve ou on est dans un appartement ?

— Tu ne rêves pas, non.

— C'est celui de qui ?

L'inquiétude monte quand je comprends que les boîtes qui nous entourent sont en réalité des cartons d'emménagement. En plissant les yeux, je peux même distinguer quelques meubles à moitié montés.

— Holden ?

— Attends.

Il s'éloigne jusqu'aux fenêtres et appui sur un bouton qui fait lentement glisser le grand rideau principal sur toutes les baies vitrées...

Révélant toute la côte orageuse de Seattle.

Holden a enlevé son veston, mais remis sa veste de costume. Sa chemise blanche est ouverte sur un autre bouton, dévoilant son torse qui gonfle à chacune de ses inspirations.

Il ne sourit pas, mais il y a de la douceur dans ses yeux fatigués, quand je me rapproche de lui.

— C'est le nouveau penthouse de Carver. Il n'y a pas encore emménagé officiellement, mais j'ai le code d'entrée.

Je réprime un petit rire et croise mes bras sur ma poitrine.

— Et qu'est-ce qu'on fait ici ?

— La vue.

Il se place derrière mon dos, pose ses mains sur mes épaules et me positionne face à la baie vitrée qui donne sur la ville. Les Ferrys que j'ai vu tout à l'heure sont encore illuminés, les vagues s'écrasent sur les pontons...

Et puis soudain, les éclairs.

— Je n'ai pas oublié à quel point tu aimes les orages. D'ici, on peut les voir d'encore plus près. Je me suis dit que ça allait te plaire.

Les éclats se succèdent. Ils sont si précis qu'on distingue nettement chaque branche. L'éclat de la lumière remonte jusqu'à des boules blanches qui résident dans le cœur des immenses nuages orageux qui nous subjuguent... Et on est en plein dedans.

Mon épiderme se parsème de frissons sous l'effet que cette vue me procure.

— On devrait reculer, on... on va finir aveugle. balbutié-je alors que les mains d'Holden longent mes bras jusqu'au bout de mes doigts.

En guise de réponse, il m'embrasse dans la nuque. Je me tourne à demi vers lui et scrute son regard où se répercutent les éclairs.

Je ne sais pas si c'est le moment où si ce sont ces éclairs et cette pluie qui me mettent en confiance, mais je pivote à demi vers Holden et cueille son visage dans mes mains.

— Merci pour cette vue. Même si Carver ne serait pas heureux s'il savait qu'on était ici... Pas vrai ?

Il presse le bout de son nez contre le mien et chuchote :

— Je l'emmerde.

Ça m'arrache un rire et j'enroule mes bras autour de sa taille. On entame une petite danse avec comme seule musique, le bruit fracassant de la tonnerre qui gronde.

Ça nous va.

Et c'est agréable.

Ma joue pressée contre son torse, j'écoute son cœur battre en souriant. Sa douce odeur ambrée me caresse les narines et j'embrasse son sternum dénudé, juste avant qu'il ne me fasse tourner sur mes talons et qu'il me recueille à nouveau dans ses bras.

Il a passé une sale journée et je le sais. C'est inscrit dans son regard qui m'adresse pourtant tout l'amour du monde.

Je ramasse donc mon courage à deux mains et demande, sans arrêter de danser avec lui :

— Je peux t'avouer quelque chose ?

— Aucune de tes vérités ne m'effraie. Alors vas-y.

Je souris et plisse légèrement les lèvres avant de poursuivre :

— Je n'aime pas quand on est séparés. Ça me rappelle le moment où tu as arrêté de m'organiser des rendez-vous à l'aveugle, me laissant avec rien d'autre que tes lettres auxquelles je ne pouvais répondre.

Holden prend une grande inspiration et retire ses doigts des miens, seulement pour les porter à mon visage qu'il cueille pour figer son regard dans le miens.

— À moi d'avouer quelque chose, alors...

Il se penche pour m'embrasser, mais avant que nos bouches se scellent, il murmure :

— J'avais arrêté parce que je ne voulais plus danser avec ton ombre. Quitte à te perdre pour toujours... Je tenais à prendre le risque pour tout miser sur l'espoir qu'un jour, on serait vraiment ensemble... Et pas que dans mes rêves les plus fous.

Je souris et glisse mes mains sous sa veste de costume pour mieux serrer sa taille.

Son corps tout entier se dévoue à moi tandis qu'il m'embrasse le front, amplifiant ce qu'il vient de dire comme une preuve concrète de ses paroles.

Comment suis-je censée survivre à ça ?

Mais avant que je ne me plonge dans cette proximité sans failles en fermant les yeux, il prend une grande inspiration et déclare presque froidement :

— Je crois que toi et moi, avions eu la pire lancée dans le mariage qu'il soit.

Ses paroles me bouleversent, même s'il a raison. Je l'ai haï pour ce qu'il m'a forcé à affronter. De la manière dont il a été obsédé par ce que je lui ai caché. Tout comme il a dû me détester pour ne pas avoir cru qu'il était digne de porter ma souffrance comme la sienne.

Je suppose qu'il a le droit de le penser.

Je suppose qu'il a toujours aussi mal de ces vérités.

Je suppose que ses regrets le fragilisent dans ses décisions...

Et j'en ravale ma protestation. À la place, je divague ma main dans ses cheveux et presse la pulpe de mes doigts sur sa peau en y dessinant des arabesques d'amour. Je souris, seulement parce que ce sont les seuls muscles de mon visage qui fonctionnent encore, et murmure :

— On y travaille, Holden. Ce ne sera pas en un jour.

— Je sais. Parfois, j'ai juste l'impression qu'on est redevenus des étrangers l'un pour l'autre, pour qu'on ait besoin de s'assurer des choses qu'on devrait déjà savoir.

Ma main se glisse dans ses cheveux, tandis que la sienne l'imite... Jusqu'à ce que nos fronts se touchent et qu'il clos ses paupières.

— Ce n'est pas plus mal. Beaucoup aimeraient avoir une seconde séduction.

— Pas une seconde souffrance. persiste-t-il, la voix toujours froide.

À nous deux, on forme un reflet dans un miroir... Mais je suis prête à briser la glace pour qu'on soit à jamais unis.

— Peut-être. Mais tu es ma plus belle leçon de vie, Holden. Non seulement je t'aime du fond du cœur... Mais je t'aime assez pour que ce soit pour cette vie, et celle d'après.

Je le pousse à rouvrir les yeux en redressant son menton et passe mes doigts sur ses lèvres sans lesquelles je ne peux pas vivre.

— On ne doit simplement pas abandonner.

Ses mains retombent sur mes hanches qu'il serre un peu plus contre lui et il porte sa bouche à mon oreille où il chuchote :

— Toi et moi, on sait très bien que ce n'est pas quelque chose que j'envisage un jour de faire...

Il me lève dans ses bras et m'embrasse avec ferveur avant de souffler :

— Comment est-ce que je peux lâcher une femme qui n'a pas peur de l'orage, après tout ?

Mon dos rencontre la vitre de la baie vitrée au moment où la pièce s'illumine sous un autre éclair fracassant et que mes genoux encerclent sa taille. Il plaque une main à côté de ma tête et relève mon menton de l'autre...

Je n'ai jamais vu autant de passion, de douleur, de rage et d'amour dans les yeux de quelqu'un avant...

Mon cœur, mes poumons, mon estomac, absolument tout se retourne quand mon esprit tombe sous l'anesthésie de ses baisers.

Et voilà que je suis à jamais esclave de ce poison si doux-amer...

On se retrouve aujourd'hui pour ce nouveau chapitre !

• Beaucoup de confession 🖤

• Beaucoup de tentation 🔥

• Beaucoup d'éclairs ⚡

Holden et Saddie ont plus que jamais besoin l'un de l'autre alors que les blessures s'ouvrent à nouveau et demandent ce qui aurait dû être depuis longtemps le cas : la cicatrisation.

Le mariage doit tenir à tout prix, maintenant, pas vrai ?

Vous pensez qu'ils sont suffisamment forts pour supporter tout ce qui s'annonce ? 😎

Dites-moi en commentaire ce que vous en avez pensé ! Et n'oubliez pas la petite étoile !

En attendant : à vendredi pour le PDV de Holden !

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