Chapitre 31 : madame Parsons
Une étrange boule noue mon ventre, au point où je me tortille dans les draps, quand je sens Holden se lever.
En fin de compte, hier soir, la seule promesse qui a été tenue, c'était celle de Yumee... Parce que ni celles de Holden, ni les miennes ont eu de l'importance, quand il est venu me retrouver dans le grenier.
Cependant, cette même boule disparaît aussitôt lorsque les lèvres de Holden se pressent contre ma tempe et que son souffle me caresse le front.
Je souris. C'est stupide, parce que j'ai l'impression d'être une enfant à qui le premier petit copain lui a offert un bisou sur la joue dans la cour de récréation.
— Je dois aller au travail, Saddie.
Sa voix lourde me fait enfin ouvrir les yeux et je tombe nez à nez avec les siens.
Il y a une minuscule tache brune dans la noirceur naturelle de ses iris. Infime, elle forme néanmoins une pointe d'écorce à l'aube de sa pupille.
C'est beau. Non, je rectifie, il est beau.
Quand je disais que j'étais redevenue gamine.
— D'accord. murmuré-je en portant mes mains à ses joues mal rasées.
— D'accord.
Pourtant, ni lui, ni moi, nous ne bougeons.
— Tu es sûr que tu dois partir ?
Ma question perce à peine mes lèvres, avant de mourir instantanément lorsqu'il m'embrasse. Ses mains se glissent dans mon dos et me soulèvent un peu pour approfondir notre baiser que je parviens tout juste à rendre, tant je souris.
— Non. Pas du tout, même.
Même le temps est devenu plus agréable. Les rayons de soleil de ce début d'hiver percent la fenêtre et saupoudrent sa peau déjà chaude par le sang qui bouille à l'intérieur de ses veines. Je peux le sentir sous mes doigts qui glissent le long de ses muscles ; cette chaleur qui lui est propre.
C'est ce qu'il y a de plus rassurant chez-lui.
La première fois que nous nous sommes tenus la main, j'ai été surprise de cette incohérence face à ses yeux si glaciaux.
Holden a toujours été un paradoxe.
Mes genoux fléchissent d'eux-mêmes lorsque sa carrure vient se nicher dans le creux de mes jambes et un frisson parcourt ma peau face à son chuchotement.
— Tu es parfaite.
Ses doigts tirent les draps qui recouvraient jusqu'à présent ma poitrine et il s'arrête pour m'observer. Ses cheveux débraillés retombent sur son front, quand il se redresse à demi.
Ce serait plutôt lui.
Les veines saillantes de ses mains, serrant ma taille, remontent le long de ses bras jusqu'à disparaître dans ses muscles tendus. Et avec ce demi-jour, il ne perd pas de son obscurité... Sans forcément paraître menaçant.
Un sourire charmant pour englober le tout et mon dos se plie sous le plaisir.
J'approche mes doigts de ses abdominaux et les laisse glisser le long de chacune d'entre eux jusqu'aux lacets noués de son jogging.
Je n'oublie pas ce qu'il m'a fait ressentir, hier. Toute la puissance qu'il a mis pour ce qui me semble être une reconquête nocturne.
Ça fait trop longtemps que nous ne nous sommes pas retrouvés comme ça...
Et je ne sais pas si je vais un jour pouvoir m'en passer.
Je me mords la lèvre quand je sens sa queue gonfler sous ma paume et déformer son vêtement et murmure :
— Combien de retard, tu peux te permettre ?
Il s'apprête à répondre, quand soudain, le bruit d'une porte de placard qui se ferme nous fait redresser tous les deux.
— C'était quoi ça ?
— Il y a quelqu'un dans la maison...
La panique me force à repousser Holden, à me rhabiller et aussi à me maudire de ne pas avoir une batte de baseball dans le coin de la chambre...
Il n'y en a pas une, pour des raisons évidentes.
À la place, j'attrape le couteau sur l'assiette d'un reste de gâteau que je me suis servie la veille, chose qui fait grimacer Holden.
— Tu vas faire quoi avec un couteau à beurre, Saddie ?
— Tu as une meilleure idée ?
Il lève les yeux au plafond, attrape un sweat qui traînait sur la banquette en face du lit et grommelle en s'éloignant.
Je le suis, toujours armée.
— Il faut qu'on appelle la police, Holden...
Pressée contre son dos, protégée par un bras qu'il étend, je sens son cœur rebondir dans sa poitrine alors qu'on traverse silencieusement le couloir pour rejoindre le salon...
Où il n'y a personne.
Je me hisse sur la pointe des pieds pour jeter un coup d'œil par moi-même, mais alors qu'on s'apprête à se détendre, une silhouette élégante se dessine dans l'ouverture qui mène à la cuisine.
— Vous n'avez pas de vin blanc ?
Oh non...
Les épaules d'Holden s'affaissent et ses poings se serrent contre ses cuisses.
— Qu'est-ce que tu fais ici, maman ?
Au lieu de répondre, la concernée se penche sur le côté et m'adresse un faux sourire en tendant un verre de vin vide dans ma direction.
— Bonjour à toi aussi, mon chéri. Pourquoi ton épouse se cache-t-elle derrière toi ?
Et merde.
Un mètre cinquante d'amertume et de venin de serpent ; voilà ce qu'est Alice Parsons. À défaut d'avoir un jour compris pourquoi elle ne m'aimait pas dès la seconde qu'elle m'avait vu, je lui adresse plus de politesse quand je dépose le couteau sur la table à manger.
— On croyait que vous étiez une intruse.
— Ce que tu es. rétorque Holden sans bouger. Parce que je ne t'ai jamais donné les clefs d'ici.
— Toi, non. Carla, oui.
— Qu'est-ce que tu racontes ? Carla n'a pas les clefs non plus.
— Elle m'a dit où les trouver. répond sa mère en faisant tournoyer l'objet en question dans les airs.
Le front de mon mari se plisse sous la colère et il réprime un petit rire nerveux en passant sa main sur sa joue.
— Je vais tuer cette gamine.
— Pourquoi ? Parce que c'est la seule qui ait eu la gentillesse de me dire comment enfin communiquer avec mon garçon ?
— Exactement. Et ce n'est pas de la gentillesse. Elle a clairement...
Je pose ma main sur son bras pour le faire taire et secoue la tête.
— Excusez-moi, mais pourquoi vous êtes ici ?
— À défaut d'avoir un vrai travail, elle a la tête sur les épaules, celle-là.
Elle tourne les talons et disparaît à nouveau dans la cuisine en quête de ce vin blanc qui s'accorde parfaitement avec cette heure si matinale. Mais alors que je m'apprête à soupirer, elle explique, d'une voix à demi étouffée par la distance, que c'est par rapport au père de Holden. Celui-ci se penche sur la table et ferme les yeux pour essayer de se calmer.
— Je suis désolé, Saddie.
Je lui caresse le dos et lui fait signe que ce n'est rien, quand sa mère réapparaît à nouveau, cette fois-ci, avec un verre rempli.
— ... Aux Bahamas ! Il se marie avec une escorte aux Bahamas, tu te rends compte ?
— Si tu as un problème avec papa, parle-lui-en personnellement. Je ne vois pas ce que vos drames ont encore quelque chose à voir avec moi !
— Je pense à ta sœur, Holden.
— Carla est une gra...
— Je ne parle pas de cette bonne à rien, enfin, mais de Macey !
Pas de doutes. En plus de ces cheveux et yeux noirs caractéristiques, les Parsons héritent tous d'un don pathologique d'être aigri.
Moi aussi, je vais avoir besoin d'un verre de vin à huit heures du matin, si ça continue comme ça.
— Ça fait deux semaines qu'elle est chez ton père et son nouveau jouet !
— Je sais, Carla m'a dit.
— ... Apparemment, c'est suffisant pour retourner son cerveau et la faire rester plus longtemps ! continue-t-elle sans prendre en compte ce que son fils vient de dire.
Holden part s'asseoir sur le canapé pendant qu'Alice prend une grande gorgée de son vin. Elle vide d'abord son verre avant de le rejoindre, tout en se servant d'une deuxième rasade.
— Qu'est-ce que tu veux que j'y fasse ? Elle est majeure. Elle fait ce qu'elle veut.
— Tu dois faire quelque chose, Holden.
Il relève un regard fatigué. Quelque chose qui me serre suffisamment le cœur pour que je vienne le rassurer en l'embrassant sur la joue.
— Je serai à côté, d'accord ? murmuré-je.
Il me remercie d'un coup de tête et je pars dans la cuisine où tous les placards sont ouverts.
Holden n'aime pas quand je suis là durant les disputes de famille. Personne n'aime ça, en réalité. Alors, j'essaye de ne pas trop l'envahir, même si j'ai tenté plusieurs fois en pensant que ça lui ferait peut-être du bien.
Ce n'est pas le cas.
À notre rencontre, nous avions fait l'erreur d'inviter son père et sa mère, au restaurant.
La soirée s'était finie en dispute, au point où un verre avait été cassé et un serveur avait demandé à ce que nous quittions l'établissement.
Holden n'a jamais été aussi silencieux. J'avais essayé de lui faire du bien, en rentrant, mais même une fellation n'avait pas fonctionné.
Et puis je me suis rappelée des disputes entre mon père et ma mère, quand j'étais petite... Et à quel point je n'aurais jamais voulu que quelqu'un à qui je tenais autant, voyait cette honte en public.
Alors à la place, je nous prépare le petit déjeuner.
Même si je tends l'oreille.
C'est étrange à dire, mais Holden n'aime pas se disputer. Si on le fait trop longtemps, il croise ses bras derrière sa nuque en essayant de se couvrir les oreilles par la même occasion, avant de partir dans une autre pièce. Mais quand il le fait, toute la haine du monde reflète sur son visage.
Chose que je peux voir d'ici, en prétendant de mettre le café dans la machine.
Et merde.
Je me suis pourtant réveillée il y a à peine quelques minutes, quand il avait cette expression de laquelle je suis tombée amoureuse.
La tendresse dans ses traits. La passion dans sa mâchoire. La douceur de son sourire qu'il utilise pour relâcher ses baisers.
Pourquoi est-ce qu'il a fallu qu'on l'empoisonne à nouveau ?
— ... Pourquoi c'est toujours à moi de faire ça ?
— Parce que tu dois prendre soin de tes sœurs, Holden !
— Et toi, tu devrais apprendre à en faire autant de tes gamins, bordel !
— Ne jure pas !
Je devrais intervenir.
Je relâche les filtres à café et me rapproche doucement de la sortie de la cuisine, sans me faire voir, plaquant mes mains contre le mur, tant mon cœur se met à s'emballer.
— ... J'ai toujours tout fait pour Macey et Carla, pendant que toi et papa, vous tourniez cette famille au cauchemar ! Alors pour qui tu te prends de venir te pointer ici en me disant que je te dois encore quelque chose ?!
— Baisse le ton avec moi, mon garçon...
— Qu'est-ce que tu attends encore de moi alors que j'ai fait ton boulot pendant des années ?!
— Que ce qui s'est passé avec Genesis ne se reproduise pas !
Mon sang ne fait qu'un tour quand j'entends ce nom et je bondis presque dans le salon en me prosternant devant Holden.
— D'accord. Ça suffit maintenant. Je pense que vous devriez partir.
Les yeux noirs de ma belle-mère me fusillent, mais elle ne sourcille pas. Abandonnant son verre de vin, elle enfonce ses mains dans sa taille, froissant au passage son chemisier couleur crème.
— Ce ne sont pas tes affaires. Retourne dans ta cuisine !
J'ouvre la bouche pour protester, mais Holden me balaye de son chemin pour pointer un doigt sévère dans la direction d'Alice.
— Parle encore une fois comme ça à ma femme...
Ils se toisent en haletant presque. La tension devient si palpable que pendant un instant, j'ai sincèrement l'impression que quelqu'un va se recevoir une gifle.
Néanmoins, elle finit par pousser un cri de frustration, rattrape son sac et alors qu'elle se dirige vers la porte d'entrée, elle hurle une dernière fois :
— Tu es comme ton père, Holden... Tu préfères le confort d'un vagin ambulant plutôt que d'affronter les dangers qui menacent notre famille !
Et sur ce, la porte claque, jusqu'à en faire trembler les murs.
Mes yeux se reportent immédiatement sur Holden qui a déjà noué ses bras derrière sa nuque, comme il le fait toujours. Je tends la main dans sa direction pour le prendre dans mes bras, mais m'arrête à la dernière seconde.
Il remarque ma peur et secoue la tête en venant m'étreindre, plaquant mon front contre son torse.
— Tu n'as rien ?
— C'est à toi que je dois demander ça...
— Je n'ai rien.
Il se répète quelques fois et je lui assure que tout va bien.
Sauf que lorsque je m'apprête à le relâcher, je constate qu'il n'est pas encore prêt.
Je jurerai sentir une larme sur mon front.
Il ne se détachera pas tant qu'elle aura séché... Je le sais.
J'écarte un peu plus les bras et le serre plus fort.
Les câlins ne sont jamais trop puissants, retenons le bien.
Sans se lâcher, on s'assoit dans le canapé et je l'embrasse sur la joue.
— Je n'ai rien. marmonne-t-il encore.
— Tu n'as rien.
Je glisse mes doigts dans ses cheveux et les replace tendrement en guettant sa respiration qui essaye de ralentir. Je ramène mes genoux à moi et laisse les mains de mon mari se raccrocher à eux, comme à une bouée.
Ce n'est pas comme ça que j'avais prévu de commencer cette journée... Et pourtant, cette détresse que nous avons évacué à la sueur de nos ébats cette nuit-même revient en galopant.
Ça ne s'arrêtera donc jamais ?
— Hey. parviens-je à articuler, au bout d'une longue minute de silence.
Il renifle pour me faire comprendre qu'il m'écoute et je rassemble mon courage pour chuchoter :
— Tu sais pourquoi on dit toujours "du fond du cœur" quand on veut être sincère ?
Il secoue la tête et je dépose un petit baiser sur son front avant de poursuivre :
— Parce que toutes les émotions passent par le cœur. Elles viennent... Et repartent. C'est éphémère. Il n'y a que ce qui est important qui réside dans les coins les plus sombres du cœur. Tout ce qui est tenace et qui refuse de s'en aller avec le courant.
Holden rouvre ses yeux noirs et je glisse ma main sous son menton pour l'élever et murmure à l'aube de ses lèvres :
— Alors, je t'aime du fond du cœur.
Il ne dit rien. À la place, je vois un sourire naître sur son visage. Il retire sa main de mon genou et la porte à ma nuque pour me rapprocher de sa bouche où il me donne l'un de ses baisers qui peuvent construire des empires.
Il m'embrasse et sourit de nouveau.
— Du fond du cœur, hein ?
— Du fond du cœur.
— Dans ce cas... Est-ce qu'on peut rester encore un peu comme ça ?
J'hoche la tête et me blottis contre son torse en fermant les yeux, bercée par le rythme de son cœur qui revient à la normale.
Ça fait du bien.
Carla n'a pas hésité à jeter son frère sous le train 😅 aie aie aie, ça sent mauvais du coté des Parsons, hein ? 🥺
On a un nom aussi : Genesis. À votre avis, qui est-elle et qu'est-ce qui a bien pu se passer pour autant déchirer une famille ?
Le divorce est quelque chose qui traumatise les enfants, parfois, et c'est quelque chose qui lie aussi bien Saddie que Holden... Le traumatisme est profond. Mais profond comment ?
Hormis cette dispute, on dirait bien que Saddie et Holden commencent petit à petit à se renouer, non ? Ne sont-ils pas mignons ? 🥲🥰
Dites moi ce que vous en avez pensé et n'oubliez pas de lâcher un vote si ce chapitre vous a plu !
En attendant, je vous dis à vendredi pour la suite !
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top