Chapitre 28 : chambre à part

Holden sourit rarement. En fait, je suis fermement convaincue que personne ne lui a appris comment faire. Ses lèvres ne sont pas faites pour un tel geste. Et même s'il le fait, on sent l'effort qu'il met à l'exécuter.

Il le perd vite.

Et son regard redevient obscur.

La noirceur qu'il y a dans le pigment de ses iris et de ses cheveux a déteint sur son humeur, en général.

Pourtant, ça lui est arrivé quelques fois de vraiment sourire du fond du cœur... Et c'est une expérience à ne pas louper avec un clignement d'yeux.

Un peu comme une aurore boréale.

Oui.

Le sourire de Holden est aussi énigmatique que ça.

Quand je lui ai offert des fleurs en papier, il a souri.

Et maintenant, il ne sourit plus.

Quand on est arrivés, il m'a tenu la main.

Maintenant, il ne le fait plus.

On sort du restaurant et je m'arrête sur le pallier, près de Yumee qui en est à la fin de sa cigarette, tandis que mon mari traverse le parking pour regagner la voiture.

— Qu'est-ce qu'il lui prend ?

J'en ai aucune idée.

Si c'est mon amie qui a posé la question, c'est Grimes qui pose sa main sur son torse dans un geste d'excuse.

— Si j'ai fait quelque chose pour...

— Non. Non, ce n'est rien. Tout va très bien. On est simplement...

Le visage de Yumee se transforme de l'inquiétude à la malice.

Je sais à quoi elle pense.

Mais elle le dit quand même en soufflant sa fumée dans la direction de la Mercedes.

— Ah... Je vois... Vite, vite, alors, tant que c'est encore chaud !

Quelle super copine.

Grimes se détend aussi et je lui serre la main en lui assurant que ça a été un réel honneur d'avoir eu de ses conseils.

— C'est normal. Et si jamais tu continues à bloquer... Préviens-moi.

— Merci. Oh, au fait Yum', on a laissé notre part du dîner au serveur.

— C'est stupide, je t'avais dit que...

Je coupe sa protestation en l'embrassant sur la joue et les salue en m'éloignant à grands pas.

Parce qu'il fait toujours aussi froid.

Quand je m'enferme dans la voiture, Holden démarre presque aussitôt. Et même s'il voit que je grelotte et qu'il me tend son trench-coat pour que je puisse me couvrir avec...

Il est redevenu clos comme une porte.

— J'en ai marre, Holden.

***

Je ne décroche pas un seul autre mot de tout le trajet. Il en va ainsi de Holden, même s'il a essayé, à de nombreuses occasions.

À chaque fois qu'on se retrouvait dans un bouchon de la ville.

À chaque feu rouge.

Même devant la porte du garage qui mettait trop de temps à s'ouvrir.

Mais non.

Il reste, lui aussi, silencieux, jusqu'à ce que la porte d'entrée se ferme derrière nous et qu'il allume la lumière.

Sauf que ça s'arrête ici.

Je me tourne. Talons en main. Bloquant le couloir, l'accès aux chambres, à la fuite, avec mon corps. Ça semble marcher, car Holden se fige. Sa veste est encore sur mes épaules et sa chemise est saupoudrée de gouttes de pluie, tout comme le sont ses cheveux dans lesquels il passe une main. Un geste inutile, puisqu'ils retombent sur son front.

— On va se disputer ?

Je continue de le toiser.

Il pince les lèvres et range ses clefs dans sa poche.

— On va se disputer.

— J'en ai marre de le faire.

— Alors ne le faisons pas.

— D'accord. Donc, on continue de se taire. De faire semblant jusqu'à ce que l'un de nous craque. C'est ça, ton plan ? Parce qu'il a si bien marché jusque-là ?

Holden bascule légèrement sa tête en arrière et tente d'avancer d'un pas.

Je ne bouge toujours pas.

— Dans la même journée, j'ai dû faire face à un client qui ne veut pas signer un contrat. Ma sœur. L'idée que mon père va se marier avec une voleuse d'héritage. Et même un gars pas net qui t'embrasse la main. Pardonne-moi, Saddie, si je ne peux pas te faire face aussi.

— Ce n'est pas ce que je te demande.

— Alors quoi ? Hein ? Dis-moi un peu quel est le problème que tu veux qu'on règle tout de suite avec une dispute !

Tous. Comme ça, on pourra réapprendre à s'aimer dès ce soir.

Je laisse tomber mes bras le long de mon corps et fulmine, mi-peinée, mi-amère :

— Phoenix a été dur. Je comprends petit à petit que ça ne l'a pas été que pour moi. J'ai aussi appris que ce que je pouvais cacher sur moi te faisais plus de peine que ce que je pensais. Je sais que c'était stupide de ma part. Je sais que c'est beaucoup à avaler. Mais par pitié, Holden, j'essaye d'avancer. Plus encore, j'essaye d'avancer avec toi !

Un soupir dolent coupe ma phrase dans ma gorge et c'est malheureusement plus brisé que le reste suit :

— Tu ne peux pas me tenir la main... Et la rejeter juste après. Tu ne peux pas me faire ça.

Je ne peux plus avoir mal.

Je ne peux plus être malheureuse.

Je ne supporterai plus d'être collatérale.

La main de Holden reste figée dans ses cheveux. Ses doigts s'arquent au point où je m'inquiète sincèrement de l'état de son épiderme. À tout moment, une coulée de rouge empreindra ses tempes.

— Tu penses que je suis cruel.

Ce n'est pas une question.

Mais je réponds quand même.

— Non, ce n'est pas ça, je...

— Tu ne vois de moi plus rien d'autre que l'enflure qui t'a forcé à revenir dans ce foutoir de l'horreur.

Il avance encore.

Cette fois-ci, je recule.

— Tu repenses encore à ce que tu m'as dit. À la décision que tu as prise, ce soir, à l'hôtel. Redis-le, Saddie. Vas-y. Je sais que tu en crèves d'envie.

— Non, enfin ! Bon sang, Holden, si je choisis de me disputer avec toi, c'est pour essayer de nous sauver !

Ses veines saillent sur sa gorge et il devient impossible de calculer combien de battements son cœur est capable de produire.

— Sauve-toi, d'abord. Ensuite, on pourra parler de nous.

— Je n'ai jamais été la seule qui ait des problèmes, me défendis-je. Tu as simplement choisi de noyer les tiens dans les miens. Et maintenant que tu m'as exposé, ils reviennent, c'est ça ?

Cette fois-ci, c'est lui qui s'arrête.

Je regrette immédiatement et secoue la tête.

— Je t'aime, Holden. C'est dur à te le faire comprendre. C'est dur à te le montrer. Tout est compliqué quand il s'agit de toi. Pourquoi est-ce que ça ne peut pas être simple ?

— Parce que tu m'as menti depuis le début. lâche-t-il enfin.

La voilà. La vérité toute nue. Celle qui lui démangeait la langue, depuis que nous sommes passés par Phoenix.

Holden a plus de rancœur que de sourires. À défaut d'avoir des cicatrices physiques, quelles qu'elles soient...

Son âme entière est une blessure béante, condamnée à l'hémorragie perpétuelle.

— Tu t'attends à ce que je te pardonne ça, dans un claquement de doigts ?

Cette fois-ci, je le laisse me dépasser.

— Non.

Je l'entends s'arrêter derrière moi.

— Tout comme je ne peux pas te pardonner tout de suite d'avoir été rien d'autre qu'un cauchemar ces derniers mois.

Je me retourne à demi et grince :

— La différence, c'est que lorsque tu m'as tendu la main, je l'ai tenu. Toi... Non.

Holden baisse la tête. Des petites gouttes tombent du bout de ses doigts sur le sol et c'est le seul bruit qui déchire le silence qui pèse entre nous.

Mais au moins, celui-ci suit une véritable discussion.

Cette fois-ci... Je n'ai pas hésité à être honnête.

Alors pourquoi est-ce que j'ai encore plus mal ?

Je frissonne. Je referme ma poitrine avec mes bras et essaye de ne pas croiser mon reflet dans le miroir du hall... Parce que je sais ce que j'y verrai.

Une femme dont les épaules sont couvertes de la veste d'un mari qui passe de généreux et aimant à renfermé et distant, en moins d'une heure.

Ce n'est pas le reflet que je me voyais avoir, quand je me regardais dans le miroir, avant de dire oui pour toujours.

— Alors qu'est-ce qu'on fait, Holden ?

Il marmonne quelque chose dans sa barbe et écrase son veston de costume sur la table de la salle à manger. Il reste silencieux, le temps qu'il s'appuie sur une chaise, avant de finir par se redresser.

— On arrête de se disputer. On va se coucher. Je te tiendrai la main la prochaine fois, et voilà.

— Le problème ne vient pas que du simple fait que tu m'as tenu la main ou non ! vitupéré-je, en haussant les bras au plafond.

— Je suis là, pour toi, Saddie ! Tout le temps ! Je suis là, quand tu te sens si seule que tu commences à douter si des gens tiennent vraiment à toi ! Je suis là, quand tu pleures la nuit ! Je suis là, quand tu as besoin de crier ! J'ai toujours été là ! Depuis le début, même quand tu n'y tenais pas ! Depuis la première seconde où mes yeux se sont posés sur toi !

— Alors arrête de me repousser à chaque fois que j'essaye de l'être pour toi !

On est tous les deux à bout de souffle.

À bout de battements de cœur.

Peut-être même de vitalité.

— D'accord.

Quoi ?

— D'accord, Saddie. Mais aujourd'hui, j'ai juste besoin de dormir.

Il défait ses boutons de manchette, retire sa chemise et fait voleter son t-shirt blanc sur son torse pour tenter de le sécher.

— Alors, on va se coucher.

Il a à peine le temps de regagner le couloir des chambres que je grogne :

— Tu as besoin de ton espace. Je le comprends. Je prends la chambre d'amis, dans ce cas. Comme ça, tu pourras dormir aussi tranquillement que tu le veux.

Sa main vient agripper la jointure des murs et il rit nerveusement, presque plié en deux.

— Je te demande pardon ?

— C'est très simple. Mes efforts s'arrêtent là où tu réfutes de faire les tiens. Alors, je dormirai dans un autre lit, ce soir.

— C'est ridicule, Saddie. Viens te coucher avec moi.

Je l'ignore en passant devant notre chambre et ouvre la porte d'une autre.

Ça fait longtemps que personne n'y a dormi et les draps ont un contact quasiment glacé sous mes doigts, quand je me penche dessus.

Le visage colérique d'Holden fait irruption dans la pièce, tandis qu'il gronde :

— Saddie, tu dormiras dans notre lit.

— Ou sinon quoi ? Tu m'y forceras ?

— Je te préviens, si tu ne viens pas tout de suite, je t'y emmènerais moi-même !

— Et comment tu ferais ça ? J'aimerais bien le voir.

J'essaye de fermer la porte derrière-moi, mais il la bloque avec son pied.

— Saddie, putain !

— D'accord. Si tu y tiens tant...

Je le pousse à l'intérieur de la pièce et me dirige vers notre chambre sans oublier de lui lancer :

— Ce sera toi, qui dormira là-dedans.

— Saddie !

— Bonne nuit, Holden.

Et je claque la porte.

Rideau.

Des disputes, des disputes toujours des disputeeeeees 😂 (j'adore les écrire) mais c'est là : les rancœurs ont été mis à plat.

Saddie blâme Holden de rejeter ses efforts... Holden blâme Saddie pour à peu près toutes les raisons du monde.

Holden quoi 😂

• ça va durer lontemps encore ?

• Combien est-ce qu'une nuit contient d'heures ?

• Combien de fois je vais crier dans mon coussin pour eviter de vous spoiler ce qui vous réserve les prochains chapitres ?

Indice : j'ai rêvé de vous poster ceux la surement depuis que j'ai commencé à publier SNF sur Wattpad 😂

Autre indice : des chapitres qui mettent le mot "dark" dans cette dark romance 😎

On accroche sa ceinture mes villageois préférés (vous êtes presque 600 à le suivre maintenant, ce qui fait à peu près le nombre d'habitants de mon ancien village en Normandie, alors vous êtes OBLIGÉES de porter ce surnom maintenant j'suis désolée 😂) !

Dites moi vos théories et pronostics en com et n'oubliez pas de voter !

À la semaine prochaine pour la suiiiiite 😎🥰

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