Chapitre 25 : double date

À peine sommes-nous sortis de la voiture, que Holden me tend sa main pour que je la prenne.

Sentir nos doigts s'entremêler, ainsi que le contact de son alliance, m'arrache un petit sourire que je dissimile tout juste derrière la longueur de mes cheveux relâchés sur mes épaules.

La chaleur de sa paume me fait même oublier la fraicheur automnale qui souffle dans un vent agaçant.

Enfin presque.

Heureusement, nous parvenons enfin à l'intérieur du restaurant préféré de Yumee. Un magnifique endroit dans le centre-ville de Seattle où je peux être certaine de toujours la retrouver.

C'est notre petit coin de bonheur... Surtout parce qu'ils servent les meilleurs linguini alle vongole que j'ai gouté hors les mains expertes de mes souches italiennes.

Un vrai bonheur.

D'ailleurs, Holden a à peine le temps de citer nos noms au serveur à l'accueil, que je repère vite la chevelure blonde peroxydée de mon éditrice et amie. Assise à une table quatre places, elle agite la main pour qu'on vienne la retrouver.

Je sens la main de mon mari se glisser dans le creux de mes reins alors qu'on descend le long des escaliers qui nous mènent à la salle de service, déjà bien ensevelie de clients. Sous le jet d'émotions qui m'envahit et qui se propage de mon estomac jusqu'à ma gorge, je m'en mords la lèvre.

Offrir des fleurs en papier à mon homme semble avoir porté ses fruits.

— Une semaine sans tes nouvelles. C'est traumatisant, Saddie.

Yumee se serre contre moi, avant que je ne puisse trouver les mots pour m'expliquer, mais je ris contre son épaule.

Elle sent le jasmin. Yumee ne sort ce parfum que pour une seule raison...

Le front plissé, je l'attrape par les épaules et marmonne, tandis que Holden s'installe à table :

— Quelqu'un d'autre doit venir ?

— Oui. Comment tu sais ?

— Est-ce que ça a quelque chose à avoir avec la fameuse lingerie que tu as acheté avec moi et Nora ?

En guise de réponse, elle frappe dans mon bras et m'incite à venir m'asseoir à mon tour.

— Grimes viendra nous rejoindre. Il est en retard, mais...

— Grimes ? coupe Holden en cessant un instant de poser sa serviette sur ses genoux.

Garçon bien élevé.

— Bonsoir aussi, Holden. Tu daignes parfois sortir de ton bureau, donc ? Quel phénomène.

— Attends, attends, Grimes va venir ? Grimes Paulsen ?

— Je peux savoir qui c'est ? Et pourquoi tu te mets dans tous ses états pour lui ?

— J'ai l'habitude.

On fait tous volte-face quand une voix profondément masculine, mais pourtant suave, coupe court à notre discussion.

Mon cœur s'immobilise dans ma poitrine, lorsque mon regard se pose sur l'homme en question. Je ne sais pas si c'est parce que je suis assise, qu'il me parait énorme, mais je me sens tout de suite minuscule.

Les mains glissées dans les poches d'un costume bleu foncé, son sourire n'est formé que par une seule commissure de lèvres.

Il impose ce qu'il transmet par son regard mentholé...

Le virtuose.

Dans un bon, je me lève et tends la main dans sa direction.

— Oh mon Dieu, monsieur Paulsen, je ne... Jamais je n'aurais cru dîner un jour avec vous... Je suis enchantée de vous connaître. Saddie Parsons.

Il me prend la main, mais pas pour la serrer. À la place, il glisse l'autre dans son dos, se penche légèrement et dépose un fin baiser dessus, avant de remonter ses yeux brillants vers moi.

— Appelle-moi Grimes.

Yumee se décale sur son siège pour lui laisser la place pour s'installer et je ne me rends compte que maintenant que la mâchoire de Holden manque d'imploser. J'essaye de le rassurer en pressant mon bras contre le sien, quand Grimes lui demande, la voix aussi mielleuse que le serait probablement le fruit défendu :

— À en juger cette sublime bague sur son doigt, je présume que tu es le mari ?

— Les présomptions sont correctes. Je te donne ma main aussi ? Ou les échanges de salive seront suffisants, pour ce soir ?

— J'avais bien raison. Le mari.

Yumee arrange un instant son chemisier qui, ouvert jusqu'au rebord de sa longue jupe moulante, donne sur quelques rangées de bijoux de corps, avant d'expliquer avec légèreté :

— Holden, si tu suivais un peu les actualités livresques de ta femme, tu saurais que Grimes, ici, est auteur.

— Je me rappelle bien, maintenant. Tu es celui qui envahit ma maison, sans que je puisse faire quoi que ce soit.

— J'ai écrit un livre ou deux, c'est vrai. se vante le nouveau venu en passant le bout de son index sur son verre de vin encore vide.

— Dis plutôt cinquante...

— Rien de tout ça n'a d'importance, de toute façon. Je travaille chez Ashes Publishing, désormais. L'écriture, je la réserve à nos auteurs.

Son regard se repose sur moi et son sourire s'accroît.

Grimes Paulsen.

Grimes foutu Paulsen.

Le flambeur de culottes.

Pourtant, ce ne sont pas ses yeux que je scrute. Ni sa prestance.

Mais plutôt l'élastique rouge à son poignet, qu'il ne cesse de tirer, nerveusement.

Je reporte néanmoins mon attention sur Holden, quand Yumee nous demande comment s'est passé notre séjour à Phoenix et mens ouvertement :

— Ça s'est très bien passé. N'est-ce pas, mon amour ?

— Excellent.

— Tu en as eu de la chance... Je suis bien allée à ma réunion d'anciens élèves, quand j'avais reçu l'invitation, mais c'était un fiasco total. Mon ex-copain est maintenant marié avec ma pire ennemie de l'époque, alors qu'il m'avait juré qu'il ne s'était rien passé entre eux à ce moment-là... La maison où j'habitais avant a été détruite pour y construire un MacDo... Et j'ai fini la soirée à sept heures sur le capot de ma voiture avec des sushis que j'avais trouvé en promotion dans une station essence.

Ça sonne bien pire que mes retrouvailles avec Ceolia.

Agacée, la balinaise souffle et jette de ses épaules ses cheveux aussi blancs que le sourire amusé de Grimes qui la regarde attentivement.

— C'est pourtant le moment parfait pour faire comprendre à tout le monde qu'on est pas un échec.

— C'est drôle, Holden partage avec toi exactement la même idée arrogante. m'esclaffé-je en tapotant l'épaule de mon mari.

— Pour sa défense, Grimes, il est allé à Harvard.

L'explication de Yumee le force à se redresser sur sa chaise et il arque un sourcil, l'expression départagée entre l'admiration et le dédain.

— Ceci explique cela. Une éducation à un million de dollars mérite qu'elle soit exposée devant le visage de tous. N'ai-je pas raison ?

Au lieu de répondre, Holden se débarrasse de mon étreinte d'un petit coup d'épaule et penche sa tête sur le côté.

— Qu'est-ce qui t'emmènes ici ce soir, Grimes ? Saddie m'a dit qu'elle voulait une soirée entre fille.

— Je suppose donc que tu en es une aussi, puisque te voilà, autant que moi ?

Oh non.

Mais avant que la moquerie ne puisse atteindre l'égo d'Holden, qui semble bouillir telle une cocotte-minute, Yumee intervient gracieusement :

— C'est moi qui l'ai invité. Puisqu'il vient d'arriver en ville, il m'a demandé si je connaissais des endroits sympa et d'un autre côté, Saddie avait un blocage d'écriture. Alors, je me suis dit que c'était parfait d'inviter un autre auteur autour de ce dîner.

— Un blocage d'écriture ?

— Oui, mais c'est trois fois rien. Je suis sûre que ça va passer.

La honte me submerge. Grimes Paulsen est surtout connu pour avoir publié cinq romans en une seule année.

Il écrit plus vite que son ombre.

Alors le simple fait que je n'arrive plus à aligner une seule ligne, à côté d'un tel exploit, me paraît absolument ridicule.

— Peut-être que ce n'est pas la bonne histoire, alors. finit-il par annoncer, tout en continuant à tirer sur son élastique.

— Si seulement c'était aussi facile à dire...

— Mais ça l'est. On a tous tendance à croire que c'est difficile, mais ça ne l'est pas tant que ça. Si une histoire devient complexe à être racontée, cela ne peut vouloir dire que deux choses. Primo : elle vient du cœur. Chaque mot est trop difficile à exprimer. Dans ce cas, il vaut mieux être entouré et rester en sécurité. Ça doit rester avant tout un safe space.

— Et secundo ?

Le sourire de Grimes s'élargit et il bascule dans les tréfonds de son siège dans une posture nonchalante, sous les yeux attentifs de tout le monde :

— Comme je l'ai dit. C'est que ce n'est pas la bonne histoire. C'est une question d'esthétique. Soit, tu vois le monde que tu construis, fais d'arbres, de vie et de terre, soit tu ne vois que de l'encre ondulant sur du papier.

— Alors, Saddie ? demande Yumee en s'emparant de son verre. Encre ou vie ?

L'encre.

Le réaliser me fait pincer le cœur. J'ai passé des mois sur ce roman...

Tout ça pour que je sois obligée de l'abandonner ?

Sous la frustration, je fais un geste trop brusque et en fait tomber ma fourchette. Mais alors que je me redresse après l'avoir ramassé, je me retrouve bloquée par le bras d'Holden qui recouvre le coin de la table avec sa paume.

— Merci. murmuré-je à bout de souffle.

Où est passé le restant de ma voix ?

Mais il ne l'enlève qu'une fois que je me sois complètement rassise.

Un serveur intervient avant que mes idées ne puissent se former et nous adresse à tous un sourire poli.

— Bonsoir, est-ce que vous serez prêts à commander ? Un apéritif d'abord ?

— Personnellement, j'ai trop faim pour ça ! Saddie ?

— Je suis d'accord avec Yumee.

Holden soupire en scrutant un bref instant le menu et commande, tout comme moi, les linguinis alle vengole.

Yumee profite que Grimes passe en revue les plats pour se lever et me fait signe de venir l'accompagner aux toilettes.

Code de fille pour : il faut qu'on cause à propos de mecs.

Je jette un rapide coup d'œil sur Holden pour savoir si ça va aller, même si je sais qu'au fond de moi, c'est une plutôt mauvaise idée...

Sauf que Yumee, impatiente, me tire déjà par le poignet dans la direction des toilettes.

Trop tard pour dire quoi que ce soit.

Hellooooo !

Nouveau chapitre : nouveau personnage ! Grimes Paulsen, mesdames, attention, ça va etre un sacré énergumène !

Beau gosse. Auteur à succès. Écrit des romances spicy comme personne.

De quoi être fermement jaloux ! Holden saura-t-il se contentenir ? Là est la question !

Mais vous commencez à me connaitre non ? Il n'y pas de fumée sans feu, comme on dit 😎 et Grimes va en réserver des surprises 🤭

• à votre avis, à quoi sert l'élastique rouge à son poignet ? 👀

• Même si Holden laisse la jalousie le refroidir, il n'oublie pas d'être galant avec sa femme... Et recouvre même le coin de la table pour qu'elle ne se blesse pas. Mignon, hein ? C'est les petites attentions qui comptent, comme on dit 🤭

Je vous dit à vendredi pour la suite... Une petite discussion aux toilettes s'impose 😂😂😂

N'oubliez pas de lâcher un vote et de me dire ce que vous en avez pensé en commentaires !

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