Chapitre 24 : les hommes aussi aiment les fleurs
Quand j'étais petite, mon père me parlait des grandes choses. Il me parlait de la vie et aussi de la mort. Il me parlait de l'importance de l'amour et des batailles qu'il fallait mener pour le garder près de soi.
Quand le monde allait mal, mon père me parlait de l'importance des couchers du soleil, à l'aube de l'automne.
Seulement six ans dans ma vie, et pourtant, je nous vois encore discuter, tandis qu'il nouait mes cheveux dans des tresses, au gré de quelques poèmes italiens.
Aujourd'hui, ce qu'il me reste de lui, c'est l'odeur du pesto qui se préparait en arrière-plan.
J'ai toujours cru que ma volonté de pourchasser l'amour s'arrêterait avec son divorce avec ma mère. Pire encore, avec sa mort, un an plus tard.
J'avais essayé de le raviver avec Cole, mais mon idylle avec lui était loin d'être celle de Roméo et Juliette.
Puis...
Il y a eu Holden.
Enfin. Il y a toujours Holden.
Assise sur l'îlot de la cuisine, en train de mordiller la branche de mes lunettes, je l'entends rentrer, figée devant la page blanche qui s'affiche sur l'écran de mon PC.
Rien.
Cela fait déjà trois jours que nous sommes rentrés de Phoenix, et il n'y a pas un mot qui me saute à l'esprit... Désespérée, j'ai appelé Yumee et je suis supposée la retrouver au restaurant...
Mais quand mon regard se pose sur Holden qui apparaît dans le couloir...
Les mots de Mia me reviennent en tête.
Je lui ai parlé de Jill. Du fait que mon mari avait enlevé sa bague quand il était avec elle. Et je sais que si on continue tous les deux à se venger l'un de l'autre...
Peut-être qu'il ne fera pas qu'enlever son alliance.
Je dépose donc mes lunettes, quand il accroche son trench-coat au porte-manteau, et saute du comptoir pour venir l'accueillir. Mains croisées derrière le dos, trépignant sur la pointe de mes chaussettes, je jette un coup d'œil rapide sur son annulaire gauche et sourit.
Ouf. C'est encore là.
Ou bien l'a-t-il remis avant de rentrer ?
Trop occupée à me poser la question, je remarque à peine qu'il s'approche de moi et qu'il tend la nuque pour effleurer mes lèvres du bout des siennes.
Mon menton figé entre son pouce et son index, il s'attarde un instant avant de sourire avec malice.
- Non. Je ne l'ai pas enlevé.
Ses doigts passent sur ma nuque alors qu'il me contourne pour enfoncer sa tête dans le frigo et en ressort pour s'écraser un pack de glace sur la tête.
- Une mauvaise journée ? m'inquiété-je en arquant un sourcil, ignorant ainsi le baiser qui m'enflamme la bouche.
- Hm hm. Carla s'est invitée au cabinet, aujourd'hui.
Oh non. Il me faudra aussi un pack de glace.
Pour une raison que j'ignore, du moins je soupçonne la mère de Holden, Carla Parsons me déteste incroyablement.
Pourtant, ce n'est pas faute d'avoir essayé.
Au début de notre rencontre, quand j'ai appris qu'elle était fan de romance, je l'ai emmené avec moi à Paris pour faire la tournée des librairies. Hormis Mia, j'ai cru que j'allais me faire une sœur...
Jusqu'à ce que je découvre le lendemain de notre arrivée qu'elle s'est tirée avec mon sac, mes papiers, mon portefeuille, la voiture de location et quelques-unes de mes affaires de marque.
Même si elle a réapparu trois mois plus tard et que Holden avait tellement hurlé que Seattle entière était au courant de ce qui s'était passé, la forçant à s'excuser auprès de moi...
Je sais que quand une conversation commence par son nom...
Ça n'annonce rien de bon.
- Qu'est-ce qu'elle voulait ? parviens-je à articuler, malgré mes dents grinçantes.
Comme si ma question ravivait à nouveau le souvenir de cette rencontre, Holden se masse le front avec la glace d'une main, et dénoue sa cravate de l'autre.
- Apparemment, mon père s'est trouvé une nouvelle copine.
- Carla n'était pas venue te le dire en face, la dernière fois sur ça s'est produit, à ce que je sache... Alors pourquoi maintenant ?
Mon mari ricane en se pliant en deux sur le comptoir et grommelle :
- Elle est venue, parce que cette fois, ils vont se marier.
J'ouvre plusieurs fois la bouche, mais rien ne me vient.
Et pour cause...
On est tous les deux des enfants de divorce. La différence avec moi, c'est que Holden a bâti sa carrière dessus et qu'il entend ce mot une centaine de fois par jour.
Ironique, non ?
- Ça met ma mère dans tous ses états. Ça se répercute sur Carla. Ensuite moi. Alors... Nous voilà.
Je me frotte les bras et secoue la tête.
- Je suis désolée, Holden. Vraiment.
- Ce n'est rien. Avec un peu de chance, ce sera fini dans deux semaines.
- Qui sait ? Peut-être que c'est une fille bien ?
Mon mari se redresse pour me toiser et je devine que ce n'est pas le cas. Néanmoins, il persiste en sifflant :
- Elle a un an de moins que toi, Saddie.
Ew.
Tandis que j'essaye de me débarrasser du frisson d'horreur qui m'assaille, Holden se tourne à nouveau vers le frigo et remet en place le pack de glace.
Parler famille restera un sujet tabou pour lui. Je ne sais pas exactement ce qui s'est passée avec sa mère, quand on s'est rencontrés, mais une chose est sûre : nous ne l'avons plus revu après une certaine conversation qu'ils ont eu.
C'est à peine si Macey parle avec son frère. Et pourtant, je sais qu'il aimerait la voir davantage.
Le divorce a tué la famille Parsons.
Et son métier est le seul contrôle qu'il a dessus.
Je mets donc ma rancœur de côté et me place dans son dos pour glisser mes mains sur son torse et me serrer contre lui.
Je ferme même les yeux, quand sa douce odeur ambrée s'infiltre dans mes narines.
Tant pis pour mon appréhension. Pour mes réserves. Pour cette connasse de Jill que je n'ai rencontré qu'une fois.
Parce que comme mon père le disait si bien...
La vie est trop courte pour détester quelqu'un trop longtemps.
Je sens la carrure de mon mari se détendre dans mon étreinte et il me prend les mains pour les embrasser.
On ne se fait pas encore face. On ne se prend peut-être pas encore officiellement dans les bras... Mais on est là.
Et c'est déjà ça.
Il se tourne, mais son regard se porte sur l'écran de mon ordinateur où apparait... Strictement rien. Ce qui le fait bien rire.
- Dure journée aussi ?
- Ah ça... Je vais laisser. Je sors dîner, d'ailleurs.
Le front d'Holden se fronce et il demande en saisissant une bouteille d'eau posée près du robinet :
- Avec qui ?
Je souris malicieuse, en repliant mes lunettes pour les ranger.
J'ai toujours adoré le faire réagir, quand je lui annonce ça.
- Avec Mia ?
- Non.
- Avec qui alors ?
- Tu crois que je n'ai que ma sœur avec qui dîner ? m'offusqué-je, légèrement vexée.
- Saddie...
J'enfonce mes mains dans mes hanches et répète ce qu'il m'a dit, il y a trois jours :
- La jalousie ne te va pas bien... Mon amour.
Ses narines se dilatent. Et si ses iris n'étaient pas faits d'obsidienne, je pourrais dire que ses prunelles le feraient aussi. Pas besoin, néanmoins, car lorsqu'il remonte les manches de sa chemise sur ses coudes, ses veines le font bien à leur place.
- Je vais dîner avec Yumee, Holden, pitié, ne me fais pas un infarctus.
Je rassemble mes affaires et il se détend. Tant mieux, sinon sa bouteille d'eau allait exploser entre ses doigts cramponnés. Il porte le goulot à ses lèvres et grogne avant de prendre une gorgée :
- J'espère que parler avec elle va t'aider avec ta page blanche.
Je le regarde, sous le coup. Peut-être même que je le toise, plutôt. Il n'y a pas d'ironie dans sa phrase.
Il est sincère.
Holden n'a pourtant jamais éprouvé d'intérêt envers ce que j'écrivais. Même quand tout allait bien entre nous, bien avant la lettre de Phoenix. Il savait. Admirait.
Mais ça ne l'intéressait pas.
Mais alors qu'il se penche à nouveau sur mon écran pour voir tout ce que j'avais déjà écrit, une grande bulle fait gonfler mon cœur... Au point où je trouve le courage de murmurer :
- Tu veux venir avec moi ?
Il se redresse sur un coude et hausse les épaules.
- Je vais m'imposer.
- Non, puisque je te le propose.
Les yeux plissés, il cherche ses mots, mais je poursuis sur ma lancée.
- Attends.
J'attrape mon carnet d'écriture, près de ma tasse de thé encore fumante, arrache une feuille de mon calepin et sous les yeux curieux d'Holden, la plie soigneusement jusqu'à ce qu'elle forme une fleur. Et tandis que je lui offre l'origami, je lui souris.
- Holden Nathaniel Parsons. Veux-tu venir dîner avec moi ?
Il scrute la rose dans sa paume et en attendant sa réponse, je lui en forme une autre. Puis une autre encore. Jusqu'à ce qu'il ne me reste plus de papier à lui offrir.
La romance n'a jamais été mon point fort... C'est toujours Holden qui m'offrait des fleurs.
Et voilà que je serai prête à lui sacrifier des forêts entières.
- Je viendrai à tout ce que tu veux. Tant que c'est avec toi. chuchote-t-il enfin, sans arrêter de regarder les bouts de papier.
Et peut-être que j'en fais autant.
Peut-être que des pensées effleurent mon esprit. Celles que je ne peux qualifier avec des mots... Seulement avec l'effet qu'elles ont sur mon corps et mon esprit...
Brûlantes et incandescentes.
Une pression étrangle ma gorge tandis que j'entre-ouvre les lèvres afin de dire, la plus affirmée qu'il soit :
- Je vais me préparer.
J'avais trop envie de vous dévoiler ce chapitre du jour alors le voici en avance ! J'aurais pas le temps demain (enfin aujourd'hui, mais moi je marche autrement 😂) donc c'est maintenant !
Une discussion avec une sœur, ça remet les pendules à l'heure ! Et en plus de la rime, c'est très efficace et pour Holden et pour Saddie...
Même si Yumee sera là au dîner (et peut être quelqu'un d'autre ? Quelqu'un de crucial qui fera son entrée dans l'histoire ? 😎 vous l'avez déjà découvert dans le casting de persos au début de ce roman !) c'est un peu un petit date qui unira mari et femme ! Enfin, parce que le temps des disputes ça commence à bien faire...
• Dans ce chapitre on a pu découvrir la tendresse qui unissait malgré tout Holden et Saddie. Un câlin même 👀 et les bisous commencent à un peu trop brûler 🤭
• On apprend aussi que Carla et Saddie, ça ne marche pas à cause de soucis d'argent... Vous croyez que la petite sœur de Holden est une pourrie gâtée par nature ? Ou est ce que quelque chose de bien plus morbide se cacherait derrière le caractère bien différent de chacun des enfants Parsons ? Et aussi du mariage raté de leur parents ?
N'hésitez pas à lâcher un vote et à me dire votre avis en commentaire !
En attendant je vous dis à mardi 😎🥰
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top