Chapitre 20 : mon futur avec toi

Malheureusement, la fatigue a fini par m'emporter. De retour à l'hôtel, après le brunch, je me suis à peine assise deux secondes sur le lit pour déposer mon sac, que mes yeux s'étaient fermés.

Je ne sais pas comment, ni pourquoi, mais quand je me suis enfin extirpé de ce qui me semble être un coma, le soleil était déjà en train de se coucher sur la ville...

Et Holden était là.

Enfin. Il l'est toujours.

Assis à côté du lit, genoux ramenés contre son torse, il garde ma main précieusement dans la sienne. Il a dû finir par s'endormir près de moi...

Front contre front.

Son contact est doux. Presque chaleureux. C'est suffisamment tendre pour que je me rends compte à quel point ça m'a manqué. C'est donc sans le lâcher que je jette un coup d'œil autour de moi et remarque que notre chambre ne garde plus aucune trace de notre dispute.

Les vêtements sont proprement rangés dans nos valises, les fragments de verre ont été évacués...

Peut-être était-ce qu'un cauchemar ?

Non.

Et c'est d'ailleurs un picotement dans l'épiderme de ma gorge qui me le rappelle...

Le début des bleus que Holden a laissé a peut-être disparu...

Mais le souvenir est toujours bien présent.

Je parviens à me déloger finement de ses doigts et m'apprête à glisser les miens le long de sa joue... Jusqu'à ce que je me fige et qu'à la place, j'énonce son prénom.

— Hey... Holden...

Ses paupières se plissent, mais il ne les ouvre pas pour autant. À la place, il plaque sa tête contre mes genoux dans une position plus confortable.

Je n'ai soudainement, plus jamais envie de bouger.

Sa joue barbue me picote la cuisse et me rappelle ma tentative de fausse séduction, quelques jours plus tôt, quand je me suis invité à son bureau.

Quand le contact de ses lèvres sur ma peau nue se rapprochait de l'incendie...

Et à quel point, aujourd'hui encore, je suis consumée jusqu'à la dernière cendre.

Le cœur battant la chamade, je parviens tout de même à poser ma main sur son front et à déblayer ses cheveux obscurs de sa peau, afin d'essayer de le réveiller.

— Holden.

Il ouvre un peu trop brusquement ses yeux noirs et se frotte la joue où est imprimée une trace sacrément inconfortable.

— Désolé. Tu... Tu t'étais endormie.

— Toi aussi. lancé-je en le regardant dérouler nerveusement sa chemise sur ses bras.

— Il est quelle heure ?

Il répond à sa propre question en scrutant le cadran de sa montre et se redresse dans un petit saut.

— Dans cinq heures, on reprend l'avion, Saddie. Il faut qu'on se prépare.

J'étouffe un bâillement dans le creux de mon épaule et tandis que je regarde Holden se diriger vers la salle de bains pour finaliser nos affaires, je me glisse sur le rebord du lit en me penchant dans sa direction :

— Attends, Holden...

— Quoi ?

— Je t'avais dit que je te devais une vérité.

Mon mari réapparait dans mon champ de vision et je déglutis sous le coup. Accoudé contre la porte, il hausse les épaules.

— Dis-moi.

— Ce n'est pas quelque chose que je peux te dire... Plus te montrer.

Incompris, il me scrute et c'est à mon tour de me lever.

— Tu viens avec moi ?

***

— Fais attention.

La mise en garde d'Holden me fait sourire. Plus encore, lorsque je le vois lui-même galérer à trouver une place sur le sentier de graviers. Habituée, je m'arrête et me retourne vers lui. Il a presque l'air perdu... Au point où il plisse sauvagement ses paupières, tant les derniers rayons du soleil l'aveuglent.

— Où est-ce qu'on est ?

— Tu sauras bien assez tôt. Allez, viens.

Une fois arrivée en haut de la colline, je prends une grande inspiration. Ce n'est pas le flanc montagneux que moi, Lucas, Beau, Evy et Olivia avions squatté la veille, mais c'est plus encore. Jonché d'un immense chêne, sûrement le seul de tout Phoenix, il est le point que tous les jeunes de la ville se doivent d'accéder, au moins une fois.

Avec Evy, on croyait que cette ascension était la plus grande qu'on pouvait un jour faire dans la vie...

Et elle s'en est souvenue... Malgré le désespoir.

Cependant, alors que je piétine son feuillage tombé au sol, je relève le bout de mon nez vers l'écorce, taillé par nos doigts prépubères, à travers les années...

À ces amours qu'on croyait éternels...

Ces amitiés...

Ces si insolites secrets qu'on écrivait dans l'éternité, à défaut de pouvoir les énoncer à voix haute.

D'ici, nous ne voyons peut-être pas tout Phoenix...

Mais Phoenix nous voit.

Alors que j'attarde la pulpe de mon index dans ce qui avait jadis été un cœur griffonné au compas, Holden glisse une main dans ses cheveux, légèrement plaqués à son front par l'effort de l'ascension.

— Pourquoi est-ce qu'on est ici, Saddie ?

Je prends mon courage à deux mains et quitte l'immense arbre pour me diriger vers le flanc de la colline et l'invite à me rejoindre.

— Je voulais te montrer ça.

Il enfonce sa poigne dans le creux de ses hanches et scrute les environs avant de se fixer sur un point, près de l'horizon sanguinolent.

— C'est ton lycée ?

J'hoche la tête et lui indique d'autres bâtisses. Non loin de Crimson High question vue, elles paraissent presque inoffensives, vues d'ici.

Presque.

— Tu vois là-bas ? C'est Ceolia.

Holden porte sa main à son front pour essayer de les voir, sans que le soleil le gêne, et j'en profite pour poursuivre.

— La direction que tu as vu hier, avec le gouverneur... Ils viennent de là.

— Et qu'est-ce que c'est ?

— Une compagnie d'extraction de gaz de schiste.

Il grimace et grogne :

— C'est près.

— Exactement. couiné-je.

Ses yeux s'écarquillent sous le coup et il me toise, comme s'il comprenait soudain.

Mais personne ne le peut.

Personne ne s'imagine un instant que son monde s'écroule du jour au lendemain, en croyant que la sécurité est de son côté.

Le vent du soir balaye mes cheveux de mes épaules et dans un petit frisson, qui n'a surement rien à voir avec le jet de froid qu'offre une nuit en Arizona, je glisse mes mains dans les poches de mon gilet.

— On nous disait de ne pas nous inquiéter, à l'époque. Que... Que les sols étaient stables. Que toutes les fondations étaient en normes. On faisait des exercices, si jamais le cas contraire se produisait. On s'entraînait au moins une fois par mois à des évacuations. Mais personne ne prenait les risques d'effondrement au sérieux.

Ni les cris qui ont suivi.

Ni les pertes.

Ni la mort.

Holden tourne le dos au soleil et me permet d'ouvrir le yeux.

Son ombre, pour une fois, est ma sécurité.

Je croise mes bras sur ma poitrine, dans le vain espoir qu'ainsi, j'arriverai à me consolider et poursuis :

— Puis un jour... Les murs et le sol ont commencé à trembler et...

L'obscurité.

Le néant.

Les fissures lézardant les plafonds.

Le bruit incessant de la métallurgie qui cédait.

Ma vision s'embrume sur un voile de larmes et mes lèvres énoncent machinalement la suite :

— Je suis restée trois jours dans une crevasse. Et... J'ai été la dernière, à avoir été sortie de là... Vivante.

Holden passe sa main sur ses mâchoires où saillent des veines plus tendues encore que celles qui déforment l'épiderme de ses doigts cramponnés.

— Putain, Saddie...

Il s'éloigne légèrement et mon regard se porte à nouveau sur Ceolia, au loin.

Je jurerai presque sentir à nouveau la terre trembler sous mes pieds.

— Alors pourquoi est-ce qu'ils sont encore là ? finit-il par demander.

— Pour la même raison que nous, nous sommes encore là. Ils ont payé nos frais d'hôpitaux et... Et offert bien plus encore.

— Personne a porté plainte et leur a dit d'aller se la mettre bien profonde ? C'est des conneries.

Je souris, malgré moi.

Parce que Holden ne peut pas comprendre. Né avec tous les avantages qu'il fallait, la justice en poche, tout semble à portée de main.

Mais pas ici.

— Holden, regarde où l'école a été construite. Regarde bien et dis-moi quel parent, non désespéré, enverrai son enfant là-dedans, dans un premier lieu. Personne n'a eu le choix.

— On a toujours le choix. réfute-t-il, les dents grinçantes.

— Oui. Oui, tu as raison. Et mon beau-père a d'abord refusé, d'ailleurs...

— Mais ?

J'hausse les épaules.

— Je lui ai dit de prendre le deal. Il en avait besoin. Pour moi. Pour Mia. Pour maman. On passait tous par la case hôpital au moins une fois par mois... Et je ne voulais plus le voir pleurer quand il ramassait les factures.

Il reste silencieux, jusqu'à ce qu'une étincelle de colère embrase ses iris et qu'il pointe sur moi un doigt accusateur.

— Ce n'est pas tout. Je sais que ce n'est pas tout. Tu continues à cacher quelque chose.

— Holden...

— Cole ?

Quand il voit qu'il a touché le point sensible qu'il fallait, il se rapproche, menaçant.

— Tu ne m'as toujours pas parlé de lui... Qu'est-ce que ce connard t'as fait pour que tu as eu aussi peur de lui, hier ?

— Je n'ai pas peur de Cole. me défendis-je.

— S'il t'avais touché, tu te serais écroulée.

Je peux encore sentir sa main s'enrouler autour de mon poignet, quand je l'avais revu à l'aéroport.

Néanmoins, je secoue légèrement la tête et lui adresse un sévère regard.

— Il raconte cette histoire mieux que moi.

— Dommage. Je n'ai que toi, en face de moi, pour me la raconter.

Son ton cruel me rappelle que je le trouve sur le banc des accusés. Je suis toutefois trop épuisée pour continuer à ériger des murs autour de moi, à chaque fois qu'il mentionne le nom de mon ex.

— Cole n'a été que légèrement blessé. Mais comme nous tous, il venait pas d'un bon milieu. Alors l'argent...

— Il t'as abandonné ? coupe brusquement Holden, un brin de malice illuminant son regard pourtant sombre, comme s'il était heureux qu'une telle chose ait pu se produire.

— Oui. Il a pris l'offre de Ceolia et s'est tiré.

Sans un regard en arrière.

— Il t'as abandonné.

Son sourire se transforme en ricanement. Puis, en rire.

Blessé, je fronce les sourcils et me rapproche du chêne pour essayer de comprendre ce qu'il trouve de si amusant.

— Ça devait être dur... De voir qu'il devienne quelqu'un grâce à cet argent, qu'il accède à tout et qu'il utilise ce qui s'est passé comme une façon de se promouvoir aux yeux de tous. Non ?

— Et qu'est-ce qu'il y a de drôle ?

Son sourire s'efface de ses lèvres et il redevient sérieux.

— Rien. Ça me surprend simplement que tu arrives à t'attirer les pires cons autour de toi... Moi, y compris...

Ses mots font décrocher mes bras de ma poitrine, tant ils me surprennent.

J'ai compris depuis longtemps que Holden n'est pas du genre à s'excuser. Peu importe ce qui peut se passer, il arrivera toujours à se démener... Exactement comme ce qu'il s'est passé, lors du brunch, ce matin.

Mais ça... C'est ce qu'il se rapproche de plus d'une excuse sincère.

— Je te demande une dernière chose... marmonne-t-il après un court moment de silence.

— Quoi ?

— Maintenant que tu m'as tout dit... Comment est-ce que tu as pu croire une seule fois en presque deux ans... Que je n'étais pas digne de tes secrets.

Je le regarde, silencieuse.

Son souffle saccadé fait gonfler son torse dans des sursauts qu'il contrôle à peine.

Brisé, il essaye de s'assembler.

Et recueilli, il essaye de comprendre.

Il s'avance vers moi, jusqu'à ce que mon dos percute le tronc du chêne et que son front se presse presque contre le mien.

Et quand nos souffles s'entremêlent... Je parviens enfin à soupirer, comme s'il redonnait à mon cœur, l'énergie suffisante pour réapprendre à battre :

— Je te l'ai dit, Holden... Tu n'étais jamais censé être mon passé.

Il décroche sa main de sa taille et d'un geste quasiment tortueux, la porte à mon visage. Sans que ses doigts touchent mon épiderme, il parvient à me hausser le menton afin de fixer son regard fait d'obsidienne dans le mien.

C'est une magie noire à laquelle on n'échappe pas.

Un sort maudit qu'on n'énonce pas.

Un démon qui nous possède et à qui on sacrifie une âme qu'il nous a déjà volé.

— Rappelle-moi ce que je suis maintenant ?

— Mon futur. parviens-je à articuler, à bout de lèvres.

— Répète-le-moi.

— Mon futur, Holden.

— C'est beau. Mais qu'en est-il de ton présent ?

Ses lèvres frôlent les miennes. Assez pour me donner envie de les conquérir, mais pas pour y implanter ma marque.

— Regarde-moi dans les yeux, tesoro prezioso, et redemande-moi le divorce.

Je te demande la lune. Le soleil. Je te demande le sourire et le bonheur.

Amore mio.

Mais en guise de réponse, la plante de mes pieds retrouve le sol et ce faisant, Holden recule d'un pas. Sauf que je réalise que dix centimètres entre nos deux corps sont trop à supporter. Un manque sauvage ravage mon âme, presque instantanément.

C'est une destruction à laquelle je ne survivrai pas.

Alors quand il tente de reculer à nouveau, je le rattrape désespérément par le poignet. Je crochète nos doigts et me délecte de la sensation que me procure nos annulaires enroulés et le froid de nos alliances.

— J'ai besoin de rentrer. De partir d'ici. D'aller à la maison. Chez nous. precisé-je en insistant sur chaque syllabe.

Il hoche la tête et chuchote près de mon oreille.

— Si mon trésor veut Seattle... Seattle, je lui offrirai.

J'aime Holden.

Voilà, c'est un fait. Ça peut paraître SUPER prétentieux parce que c'est moi qui écrit ce livre MAIS OMG, j'en veux un tout pile comme ça 😂😂😂

Enfin bref, revenons à ce qui importe !

Saddie raconte enfin en détails ce qui s'est passé. Ceolia, les sols instables, l'effondrement, Cole, l'hôpital... Les blessures sont profondes mais notre belle italienne réalise petit à petit que ce n'est peut être pas plus mal de guérir...

Enfin.

Si elle a bien dit toute la vérité 👀

Les mauvaises habitudes sont compliquées à supprimer... Et ça vaut pour tout le monde 😏

Qu'en avez vous pensé ? Comment sentez vous le retour à Seattle ? Le retour a la vie active ? Le boulot va t il encore une fois se mettre entre Saddie et Holden ?

D'autres mensonges ?

D'autres vérités ?

Réapprendre à s'aimer n'est jamais simple 🤭

N'hésitez pas à lâcher un vote ainsi que votre avis ! Et en attendant, je vous embrasse fort et vous dit à mercredi 🥰

PS : désolée d'avoir posté le chapitre qu'aujourd'hui, je me suis endormie hier soir en le corrigeant 😂

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