Chapitre 19 : la discussion
J'ai compté les secondes. Les minutes. Les heures. Assis sur le rebord du lit, passant en revue le moindre ongle qui recouvre mes doigts avec mes dents acharnés, je n'ai pas cessé d'attendre que la nuit se finisse.
Retrouver ma femme, peu importe ce qu'elle aura à dire là-dessus.
Et surtout : peu importe de quelle façon.
Tout ça pour finir par faire le tour de l'hôtel, de la ville, de revenir...
Et de la retrouver.
Plantée, devant moi, toujours habillée de la même tenue que la veille, à défaut d'une paire de bottines qui lui donnent un air faussement rebelle, elle semble dépourvue de forces...
Et en même temps plus déterminée que jamais.
— Ça te dirais qu'on aille manger quelque chose ?
J'ai envie de hurler. De la prendre par les épaules, de la secouer, de lui demander ses comptes...
Marque mes mots, Saddie Esmeralda Belucci-Parsons... Tu ne m'abandonnera plus jamais.
Mais à la place je déglutis péniblement, desserre mes poings et hoche la tête.
— Tu me laisses une minute, alors ? Histoire de... De me préparer ?
Non.
— Oui.
Je ferme les yeux quand son bras effleure le mien, lorsqu'elle me contourne pour passer et les rouvre, que lorsque les portes de l'ascenseur se referment sur elle.
Je resterai là. En profitant ce qui me reste de toi ; le vague souvenir que ta peau a un jour voulu de la mienne.
***
Je laisse mes lèvres brûler au contact du café que je ne cesse de siroter, alors que mon regard est rivé sur Saddie. Les yeux plissés par le soleil de onze heures de Phoenix, ses cheveux chocolatés voletant sur des épaules qui, à présent, sont recouverts d'un chemisier blanc, elle reste silencieuse.
Je peux deviner son soutien-gorge sous le tissu fin de son vêtement... Tout comme sa petite culotte sous sa jupe crayon. Même si ça, je ne peux que me l'imaginer... Et pas le voir.
Calme-toi, Holden. Elle est là, maintenant. Elle ne partira plus...
Pas vrai ?
Saddie joue avec sa fourchette sur le morceau de beurre qui est en train de fondre sur son pancake et je vide ma tasse en scrutant ce qui est resté enroulé autour de son annulaire...
Ces bagues qui nous lient.
Néanmoins, l'impatience me gagne et je finis par me redresser sur mon siège en croisant les bras sur la table.
— Tu étais passée où ?
Elle se pince un instant les lèvres, faisant apparaître des morceaux de chair déchiquetés par la nervosité, avant de me répondre :
— J'avais besoin de réfléchir.
— Ça ne répond pas à ma question.
Saddie dépose sa fourchette avec une délicatesse presque prudente.
— Elle n'a pas d'importance. L'essentiel, c'est que je suis ici, non ?
Pas vraiment. Tu aurais dû être avec moi.
— Je croyais que tu allais partir. annoncé-je à la place.
— Non. J'y avais pensé mais...
— Mais ?
— Mais ça n'aurait rien arrangé.
— En effet.
Même si la sévérité prône dans ma voix, je ne peux m'empêcher d'être rassuré.
J'ai envie de lui prendre la main et de la garder dans la mienne, à tout jamais.
— Holden, je pense qu'il faudrait qu'on discute à propos de ce qui s'est passé hier.
— Je suis d'accord.
— Mais aussi de... De bien plus.
Je m'avance sur mon siège et elle poursuit.
— Sauf que pour ça... J'ai besoin que tu me laisses parler.
— C'est tout ce que je t'ai demandé depuis des mois, Saddie. Que tu me parles.
Un petit sourire amer vient étirer ses lèvres et elle claque ses mains sur ses jambes.
— Je crois que toi et moi, on devrait commencer par des excuses.
— J'écoute les tiennes.
— Holden...
Mon nez se plisse et je pointe vers elle un doigt accusateur.
— Tu as prononcé un mot dangereux hier.
— Un mot qui résulte de gestes encore plus dangereux. réplique-t-elle sur le même ton.
— J'ai fait ça uniquement parce que...
— Comme je te l'ai dit hier, il ne devrait pas avoir de raisons. Tu as fait quelque chose qu'aucune femme devrait un jour accepter.
— Des conneries, tout ça !
Je croise mes mains derrière ma nuque, mais ma femme persiste :
— Écoute, on peut à nouveau se lancer sur une discussion qui résultera en cris et en accusations. On peut chercher qui a le plus tort, dans cette histoire ou...
— Toi. C'est toi qui a le plus de tort.
C'est enfantin, et je le sais.
Mais bordel, ça me grattait la langue.
Saddie lève les yeux au ciel bleu qui nous surplombe et s'accorde ironiquement vaincue.
— D'accord. Si tu veux que quelqu'un de mature commence cette conversation, ce sera moi. Je suis désolée. Tu es content ?
— Extrêmement.
— Holden, je suis sérieuse. Je viens de passer la pire des semaines et si tu ne veux pas qu'on discute comme deux personnes civilisées, alors on peut...
— Non.
Elle referme la bouche un peu trop brutalement et je soupire.
Merde, j'ai déjà envie de clôturer cette satanée séquence sur notre vie.
— Non, on le fait maintenant. Si tu veux entendre des excuses de ma part... D'accord. Je suis désolé.
Dubitative, elle arque un sourcil et siffle :
— Pour quoi ?
— Pour avoir voulu te faire ouvrir les yeux sur ton état. Sur qui tu étais en train de devenir. Je n'en sais rien, peut-être que je suis désolé de ne pas être la personne que tu aurais voulu que je sois !
— Je sais très bien qui tu es, et ce, depuis le début. Crois-moi, sinon j'aurais appelé les flics, quand tu n'arrêtais pas de m'envoyer des messages, après que je t'avais pourtant dit que je ne souhaitais pas avoir une relation avec toi !
On regarde autour de nous, soudainement conscients qu'on a tous les deux élevés la voix dans un espace public. Heureusement que les clients du café sont, eux aussi, trop occupés avec leur brunch pour faire attention à nous.
Saddie reprend donc en douceur :
— Je suis désolée de t'avoir cachée cette partie de moi. Plus encore, si ça t'as blessé et si ça t'as fait croire que tu n'étais pas digne de ma confiance. Ce n'était pas ce que je voulais te faire subir.
— Alors pourquoi ?
Elle reste silencieuse pendant un instant. Me fixant avec son regard dont je suis tombé amoureux jusqu'à me faire éviscérer le cœur, dès la première fois qu'il s'est posé sur moi, dans ce bar.
— Parce que Holden... Tu n'étais jamais supposé être mon passé. Tu étais mon futur. J'ai accepté de te revoir parce que tu étais différent. Tu... Tu avais toutes les meilleures choses à m'apporter, celles dans lesquelles j'ai oublié de croire pendant tant d'années. Tu m'as donné envie d'être vivante, humaine. J'ai appris à sourire à nouveau, comme si me réveiller à tes côtés était une potion magique. Comment est-ce que j'aurais pu possiblement t'empoisonner ?
Nerveux, je me gratte la barbe et tends les mains vers les siennes... Mais il est visiblement encore trop tôt pour ça, car elle recule dans sa chaise, au moment où nos doigts allaient se crocheter.
— Je t'aurais aidé, Saddie.
— Non. Tu aurais démoli ce que j'essayais de construire.
— Quoi ? Un mur de béton entre toi et les horreurs que tu as dû vivre ? La vie ne marche pas comme ça. La preuve, puisqu'on en est là.
C'est le retour du silence. Comme si elle essayait de fermement croire en ce que je lui dit, mais que quelque chose en elle lutte contre cette idée.
Parce que ce serait trop simple de s'en sortir aussi facilement.
Saddie finit néanmoins par pousser son assiette sur le côté et murmure :
— Tu as raison.
Elle le dit par dépit. Je fronce les sourcils, sous le coup, en m'avançant.
— Tu m'as demandé de m'excuser. Mais je vais te dire une chose... Pour atteindre les plus éclatants des diamants, il faut se servir d'une pioche et se débarrasser des cailloux qui l'entourent. Pardonne-moi, Saddie, pour avoir été prêt à la prendre. cette foutue pioche et de t'avoir brisé pour atteindre ton cœur. Mais je le vois maintenant et je reste persuadé que ça en a valu la peine.
Elle ouvre la bouche pour répondre, mais je lève ma main pour lui faire comprendre que je n'ai pas fini.
— Alors dis-moi ce que je peux faire. Tu veux qu'on s'en aille d'ici ? Viens, on s'en va. On retourne à la maison. Je ferai ça, pour toi.
Elle hoche la tête.
— Je veux rentrer.
— Alors rentrons.
Mais ni elle, ni moi, ne bougeons de nos places.
Enfin...
Jusqu'à ce qu'elle se penche sur la table et qu'elle ne murmure :
— Je te dois une vérité, d'abord.
Ils sont toujours pas d'accord... Mais au moins, il y a de la communication !
Et Saddie qui va enfin tout avouer...
Vous êtes prêts pour une dernière nuit à Phoenix ? Comment vous le sentez ? 🤔
En tout cas, dans ce chapitre, Holden passe par toutes ses émotions. On peut dire qu'il est du moins... Acharné ! La question demeure en suspens... Qu'en est-il du fait que Saddie ait demandé le divorce ? Ça va aboutir comment, à votre avis ? 🤔
N'hésitez pas à me laisser vos votes et avis ! En attendant, je vous dis à vendredi 🥰
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