Chapitre 11 : les retrouvailles à Crimson High

J'arrive à échapper à Holden ainsi qu'à la foule, à temps...

Avant que son regard ne se pose sur moi...

Avant que tout ne remonte.

Parce que je ne suis pas encore prête pour ça.

Essoufflée, je fraye mon passage à travers tout le monde, jusqu'à arriver dans ce qui est maintenant le gymnase.

C'est propre.

C'est neuf.

Comme pour un bal de promo, des spots font tourner un kaléidoscope de couleurs éclectiques autour de nous, reflétant une grande bannière au design hivernal qui nous accueille tous, pour nos dix ans.

Dix ans.

Soudain, ce laps de temps se matérialise. Tout ce que j'ai dû surmonter. Tous les jours, les semaines et les mois de douleur et de peine qui ont suivi ce qui s'est passé ici.

Ce qui nous est arrivé.

Ce qui m'est arrivée en prime.

D'un revers de main, j'essaie d'essuyer mes yeux qui se voilent d'une brume dolente, mais malheureusement, cela ne fait que perler les larmes qui y résidaient.

Les autres sont trop occupés à regarder autour d'eux, pour me remarquer, cependant, alors j'en profite pour me glisser dans le couloir qui mène aux salles de classes. À bout de souffle, je retire mes talons et pieds nus, je m'avance dans la pénombre, délaissant la musique qui s'affaiblit dans mon dos.

Et c'est étrange, mais... J'y retrouve mon chemin.

Pourtant, tout a changé.

Les casiers ne sont plus les mêmes. Plus grands et moins cabossés, ils ne sont plus rien de ce qu'on avait, il y a dix ans. Les couloirs semblent plus larges, aussi.

Ou est-ce que c'est mon imagination ?

Une fraiche odeur de peinture remplace l'odeur que j'avais jusqu'à présent dans les narines...

Celle d'Holden.

Son parfum ambré.

Et si avant, c'était tout ce que je voulais sentir, dans nos draps, dans notre maison...

Maintenant, je préfère la peinture.

Seule, je renifle. Jusqu'à ce qu'un début de sanglot m'étrangle et que mes genoux se mettent à trembler.

Par peur de m'écrouler sur moi-même, je me dirige vers la première porte venue, l'ouvre et m'agenouille au sol en la refermant derrière moi.

Respire, Saddie.

Respire.

Respire.

Tu ne mourras pas ce soir.

— Dure soirée pour toi aussi ?

Je manque de me retrouver sur les fesses quand une voix enraillée déchire l'obscurité de la salle de classe et plus encore lorsque je distingue une silhouette fumante dans ses tréfonds.

Mais lorsqu'elle allume la lumière du bureau sur lequel elle est assise, je comprends tout de suite que ce n'est pas une énième menace.

Une cigarette à la main, une flasque dans l'autre, une rouquine à la coupe garçonne et aux sourcils tirés en éventail m'adresse un sourire compréhensif. Et quand je parviens à me redresser...

Je la reconnais enfin.

— Evy ?

— Bingo.

Elle écrase sa cigarette sur la coupole de la lampe et souffle sa fumée avant de se lever pour se diriger vers moi.

— Tu veux te joindre à mon club de solitude pour ce soir ?

— Tu recrutes ? m'étonné-je avec un sourire amer.

— Exceptionnellement. Les nanas avec qui j'ai partagé une chambre d'hôpital y auront toujours leur place.

Même si les tables sont proprement rangées, Evy ne se dérange pas pour les pousser afin d'attraper une chaise au hasard et de la tirer bruyamment jusqu'au bureau.

Elle n'a pas changé... À défaut d'une grande cicatrice aveuglant un œil qui avait jadis été ambré et d'une rangée de tatouages colorés sur la moitié de son bras droit, elle est restée la même.

Dans son comportement, du moins.

Evy a toujours été la plus rebelle d'entre nous tous. Du métal dans les oreilles, des Doc Martins aux pieds... Elle partageait son temps libre entre la salle de retenue et celle de la musique.

Et la voilà qui fume une cigarette dans une salle de cours.

Comme autrefois, je suis emportée par sa spontanéité et accepte avec un soupir la chaise tirée ainsi que la flasque.

Evy vaut mieux qu'un million de thérapeutes.

Car elle respecte tout.

Y compris le silence.

J'étends mes jambes devant moi, tandis qu'elle ouvre la fenêtres qui donne sur le parking. J'engloutis une rasade de ce qui me semble être de la vodka avant de demander :

— Qu'est-ce qui a été le plus dur pour toi ? Rentrer ? Ou revoir tout le monde ?

Evy soupire et sors une autre cigarette de sa boîte, la glissant entre ses lèvres comme si elle avait passé sa vie entière à le faire... Ce qui n'est pas totalement loin d'être la vérité.

— Aucun des deux. C'était de recevoir la lettre.

En guise de réponse, je porte à nouveau la flasque de vodka à mes lèvres. Elle revient s'asseoir sur le bureau en contournant mes talons et arque un sourcil dans ma direction.

— Tu en as fait quoi, toi, quand tu l'as reçu ?

— Je l'ai chiffonné. Jeté. Puis, je l'ai recueilli et enfoncé dans un tiroir.

— Tu es encore plus stupide que la dernière fois ou je rêve ?

Son franc-parler nous arrache un rire commun.

En effet... C'est encore plus débile, maintenant que je l'énonce à voix haute.

Evy récupère néanmoins sa flasque et sans retirer sa cigarette fumante de sa bouche, avale le fond qui y restait.

— J'ai brûlé la mienne.

— Ah oui ? Alors qu'est-ce que tu fais ici ?

— Je suis venue réaliser mon rêve.

— Rappelle-le-moi. Ceux que j'ai retenu, c'est : embrasser Ozzy Osbourne, mener une manifestation anarchiste, sauter au parachute et... Goûter à tous les alcools du monde, non ?

Je tente de sourire, mais elle baisse la tête... Et son œil aveugle n'est plus le seul à être voilé.

— Non. C'est d'un jour pouvoir revenir ici et pisser sur la foutue statue d'hommage qu'ils ont érigé.

Je me pince les lèvres, me redresse pour me pencher sur la fenêtre qui donne sur le parking et remarque enfin la statue.

Trop occupée par une certaine arrivée, je n'ai pas eu le temps de la voir.

Mais elle est bien là.

Je devine les mots qui sont gravés dans la plaque, sans même la lire, et cette unique idée suffit de remonter toute ma bile dans la gorge.

— Il nous faudra plus d'alcool. Je viendrai pisser avec toi.

Evy me tend sa cigarette et après une seconde d'hésitation, j'accepte de laisser la nicotine embraser mes poumons.

Mais alors que je tousse, sous le manque d'habitude, mon amie d'enfance se penche sur moi et me demande :

— Pourquoi tu es revenue, toi ?

— Disons que j'avais envie de...

— Sans mensonges, s'il te plaît, coupe-t-elle en brandissant sa main, c'est interdit dans le club.

— Je n'allais pas mentir, me défendis-je.

— Tu viens de le faire à nouveau, pourtant.

Evy est omnisciente. Elle l'a toujours été. Personne n'aimait ça, d'ailleurs. Elle avait peu d'amies, mais elle s'en moquait, tout simplement parce qu'elle voyait comment les gens étaient vraiment. Leur crasse. Leurs mensonges. Leurs facettes faites de strass et de paillettes la répugnaient assez pour qu'elle ait le luxe de choisir à qui elle adressait la parole.

Et faire partie de cette infime catégorie de personnes ?

C'est un privilège qu'on n'oublie pas de sitôt.

Je laisse donc doucement tomber mes barrières et avoue :

— Je suis mariée à un homme qui a voulu découvrir ce que je n'ai pas voulu lui faire connaître.

— Cole ?

Ma grimace la fait réagir et tandis que je lui tends à nouveau sa cigarette, elle fronce les sourcils.

— Merde. Après tout ce qui s'est passé, j'aurais cru que vous alliez sortir main dans la main de l'hôpital. Que vous alliez vous marier, avoir quatre gosses, un chien et un chalet à Aspen.

— Premièrement... Moi ? Des enfants ? Tu peux toujours courir, peu importe avec quel partenaire...

Evy manque de s'étouffer sur son mégot, mais je poursuis, plus acerbe :

— Deuxièmement, si j'étais mariée avec Cole, pourquoi est-ce qu'on reviendrait ici pour qu'on découvre ce qui s'est déjà passé ?

— Donc... tu n'es pas avec monsieur Maserati ?

— Non. Non. Non.

Je me répète chaque fois un peu plus hargneusement sous les moqueries de mon amie, mais celle-ci continue :

— Comment ça se fait ? Il était trop excellent pour toi ? Tu l'as laissé pour pouvoir épouser un simple fabricant de chaises ?

— Cole n'est pas...

Un frisson parcourt mon échine et je retrouve ma chaise. Je plonge mon visage dans mes mains et secoue la tête.

— On n'est pas obligés de parler de lui.

— Tu veux que ce soit une nouvelle règle du club ?

— Une règle d'or, murmuré-je en tournant vers elle un sourire plus misérable que je n'aurais voulu lui adresser.

Evy se met au garde à vous et gronde avec la ferveur d'un militaire :

— Chef, oui, chef. Ai-je la permission de vous demander quel est l'homme qui a donc réussi à détrôner Cole et pourquoi est-ce qu'il n'est pas là pour vous secourir, grâce à son cheval blanc ?

— Oh, il est ici.

La rouquine hausse les épaules et fait mine de chercher dans la salle de cours.

— Désolée, Saddie, mais... Je ne vois personne... À moins que tu es mariée avec un fantôme ? Remarque, au moins il ferme sa gueule... Mais c'est triste, au pieu. Une bonne bite, ça se déguste dans la réalité.

Je roule les yeux au plafond et indique la porte fermée.

— Je l'ai laissé sur le palier quand... "Monsieur Maserati", comme tu l'appelles si bien, est arrivé.

— T'as fait fort. Tu as laissé ton mari avec ton ex ? Finalement, j'abandonne mon plan de pisser devant l'école, je la regarderais brûler avec du pop-corn à la place !

— Holden n'ira pas parler avec Cole.

Evy sourit, espiègle et s'assoit sur le bureau en portant ses pieds lourdement bottés à sa poitrine.

— Ah... "Holden"... Il a l'air sexy. Mais tu sembles être un peu trop sûre du comportement d'un homme qui te forces à venir à un évènement que tu aurais préféré éviter.

— Justement. C'est pour cette raison que je sais qu'il ne le fera pas. Il attendra que je sois là pour...

— Se montrer en spectacle ? Faire le coq ? Montrer qu'il a une plus grosse queue que lui ? complète-t-elle en sortant de son sac en forme de cercueil, une lime à ongles.

J'hoche la tête et Evy ricane.

— Et alors ? C'est le cas ?

— De quoi donc ?

— Holden ? Plus grosse queue ? Plus longue ? Les deux en même temps ? Il te donne plus d'orgasmes ?

— Evy...

— Je demande simplement. Non, parce que c'est important.

Je balaye la conversation d'un revers de mains et tends le bout de mon menton dans sa direction.

— Et toi ? Tu as trouvé celui qui te combles tous ces si grands désirs ? Un Ozzy, peut-être ?

La rouquine s'esclaffe en passant sa lime sur son index déjà bien arrangé et me répond en soupirant :

— Pas d'Ozzy. Malheureusement... Mais j'ai eu un quelqu'un pendant un temps. Puis un autre. Finalement, j'ai fini par me caser avec ce type que j'ai rencontré à un concert... On a même emménagé ensemble et... Bref. Nous ne sommes plus ensemble, maintenant.

Elle s'arrête lentement et baisse la tête, soudainement défaite.

— Les cauchemars n'ont jamais disparu... Et... je suppose qu'il en a eu marre de mes cris.

Ses cris.

Les miens.

Il y a dix ans, notre chambre d'hôpital résonnait d'une détresse qui retentit encore aujourd'hui...

Alors que les plaies se sont refermées...

Alors que le temps s'est écoulé.

Je me redresse doucement de ma chaise et vient m'appuyer sur le bureau, à ses côtés, lui prenant la lime de ses mains alors qu'elle l'acharne sur un doigt, au point de saigner.

— Tu sais ce que je me dis, quand la douleur monte un peu trop ?

— Non ? renifle-t-elle sans relever la tête.

— Je me dis toujours... Merde. Evy n'avait pas lâché. Alors moi, je ne peux pas le faire non plus.

— Mais j'ai lâché, Saddie. Regarde-moi.

Elle indique son visage balafré, mais je frotte vivement ses épaules pour la rassurer.

— Les cicatrices du passé n'ont rien à voir avec ce que endure ton corps aujourd'hui... Au contraire, elles sont un souvenir de ton combat. Qui plus est, tu es ici. Entière. Et tu vas pisser fièrement sur cette maudite plaque d'excuses.

Elle ne peut s'empêcher de rire et je ris avec elle...

Malgré la douleur.

Malgré toutes mes côtes brisées qui poignardent mon cœur déjà émietté.

— On devrait retrouver tous les autres enculés qui ont osé remettre un pied, ici... Non ?

— Tu as raison.

Même si je n'en ai pas envie.

On prend toutes les deux une inspiration et après s'être câlinées, on sort silencieusement de la pièce...

Malgré le fait que nous savons toutes les deux qu'affronter cette soirée sera peut-être un plus grand combat encore que ce que nous avions subi, il y a dix ans.

Hellooooo ! Gros chapitre aujourd'hui avec déjà plus d'indices ! On rencontre Evy, une ancienne copine et... Camarade de chambre d'hôpital, apparemment !

Comme je l'ai dit : il est arrivé quelque chose à eux tous, mais quelque chose en plus à Saddie que très peu de personnes savent... Mais vendredi vous allez connaître l'un sur les deux 😎

Qu'en avez vous pensé ? 🥰

Aussi, j'aimerais vous parler d'un incident plutôt désagréable qui m'zst arrivé cet après-midi... Une petite maligne s'est amusée à signaler l'un de mes post Instagram avec une citation du chapitre précédent de SNF (celui où Holden stresse un peu beaucoup en fin de chapitre) car selon cette personne, c'était violent et n'avait pas du tout sa place sur un post public ! Je vais passer outre le fait que c'est complètement incensé puisque il n'y avait ABSOLUMENT rien de violent dans le post, et passer directement au plus important à retenir...

STAINS NEVER FADE EST UNE DARK ROMANCE ! je ne sais pas si la petite maligne est en train de lire actuellement mais si c'est le cas, ça veut dire qu'elle a lu le preface dans lequel je l'ai DÉJÀ stipulé !

Je suis quelqu'un qui ne pousse pas des coups de gueule souvent, je suis gentille (je crois du moins ?) je ne prends pas part aux dramas qui se deroulent en machine à laver publique moins encore de cracher sur les gens derrière leur dos. Je vous respecte, j'ai tout expliqué au début mais je ne comprends pas pourquoi il y a des signalements !

Alors je vais me répéter : STAINS NEVER FADE est une DARK ROMANCE avec des scènes explicites de VIOLENCES, d'HUMILIATION et de TORTURE PSYCHOLOGIQUE ! Et encore, je trouve que ce n'est pas très dark par rapport à certaines œuvres ! Donc si ça vous heurte comme TW's, passez votre chemin !

Voilà. Désolée d'avoir poussé ce coup de gueule mais j'ai trouvé ça gonflé ! Je vous donne à tous un gros bisou (à ceux qui ne me signalent pas et qui continuez à me suivre comme vous le faites si gentiment du moins 🥰) et vous dit à vendredi pour un nouveau chapitre ! 🥰🥰

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