Chapitre 8

Sarah se sentait vraiment débile. Elle n'était plus une gamine tout de même ! Rien que d'y repenser, elle souhaitait disparaître. Pourquoi pleurnicher comme une enfant ? Elle avait même ressorti son doudou ! Son doudou censé rester au fond de son tiroir. Et tout ça pour quoi ? Une réaction bête car son frère ne lui manquait pas tant que ça. Quelle conne ! Heureusement, personne ne l'avait vu, mais cela ne l'empêchait pas d'éprouver de la honte.

Sarah secoua la tête pour chasser ses pensées. Depuis son réveil, elle ne cessait de se critiquer elle-même. Une seule explication s'imposait : la fatigue l'avait poussé à une réaction excessive.

Encore une fois, l'exécution des gestes mécaniques du matin vinrent lui porter secours. Ne pas penser permettait d'oublier.

Elle continua de nier ses sentiments jusque dans le car. Louane s'assit à côté d'elle. Elle la salua machinalement et elles partagèrent les dernières nouvelles : Manon sortait avec Tim et Léo parlait de plus en plus à Léana alors qu'il sortait avec Alison. Elle émettaient leurs avis sur la vie et les choix de ces personnes qu'elles connaissaient. Sarah ignora la voix à l'intérieur de sa tête lui indiquant qu'il ne fallait pas juger ou critiquer les gens ainsi.

La journée se passa, mécanique. Les cours s'enchaînaient, Sarah prenaient des notes sans s'autoriser des temps de réflexion. Elle ne profita pas du texte de français sur la force des sentiments pour questionner son cœur, ni du cours d'histoire pour réfléchir aux leçons du passé, moins encore de la découverte des Amish en anglais pour s'interroger sur la société moderne et les chaînes de la possession. Elle rit avec ses amis mais cela ne libéra ni ses pensées ni ses émotions. En SVT, elle ignora les messages qui lui disaient que son être ne se résumait pas à un corps rempli d'organes.

Elle finit par penser que sa vie reprenait à peu près la bonne voie et que les derniers jours ne constituaient qu'un cauchemar brumeux. Cependant, à la récré de l'après-midi, elle eut la surprise de se retrouver seule avec Thomas. Elle ne s'était pas aperçue que ses amis s'éloignaient pendant qu'elle jetait son chewing-gum à la poubelle. Thomas se trouvait désormais seul, assis sur la fenêtre derrière le bâtiment des secondes. Une bouffée de panique saisit la jeune fille. Elle embrassa les lieux du regard mais elle n'apercevait pas son groupe d'amis. En réalité, il n'y avait personne autour d'eux puisque peu de gens faisaient le tour du bâtiment. Les élèves préféraient rester sous le préau tandis que Sarah et son groupe appréciaient la tranquillité de cet endroit.

-Tu es satisfaite de ta journée ? demanda Thomas.

Sarah reposa ses yeux sur lui. Que voulait-il dire ?

-Euh, oui, pourquoi ? répondit-elle hésitante.

-Tu as vraiment passé une bonne journée ? Ne penser à rien, s'interdire de ressentir quoi que ce soit juste pour fuir ce qui t'effraie, ça te va ?

La jeune fille garda le silence. Avec n'importe qui, elle aurait pu être cinglante mais Thomas lui faisait peur. De plus, il montrait des signes de colère.

-Maintenant, Sarah tu vas m'écouter. continua t'il.

Son visage fermé, son ton autoritaire et sa mâchoire crispée donnaient des frissons.

-Puisque tu ne veux rien entendre quand on t'envoie des messages, je vais te parler en face à face, seul à seul et cette fois tu ne t'enfuiras pas.

Sarah était presque collée contre le mur. Si elle tentait un mouvement, il la rattraperait aisément.

-Oui, je te rattraperais aisément. confirma le garçon comme s'il lisait dans ses pensées.

Les paupières de Sarah se dilatèrent sous l'effet du stress. Ses mains trouvèrent la texture irrégulière du mur derrière elle.

-Et oui, je connais tes pensées.

-Laisse-moi tranquille. réussit à prononcer la jeune fille.

-Non, je ne te laisse pas tranquille ! s'énerva Thomas. Je suis ton gardien, je ne peux pas te laisser tranquille ! Alors maintenant tu vas bien réfléchir et te rendre à l'évidence. Tout ce qu'on t'a dit l'autre jour est vrai ! Je veux que tu t'en rendes compte.

Le son de sa voix montait petit à petit. Il criait. Pourtant, personne ne l'entendait, personne ne venait au secours de la jeune fille. Il se rapprocha, son visage désormais à quelques centimètres de celui de Sarah. Les yeux de l'adolescente descendirent vers ses points serrés. Incapable de bouger, elle sentait son regard rempli de fureur sur elle avant qu'il ne se remette à hurler :

-Maintenant, tu vas me dire ce qu'il s'est passé mardi dans la classe ! Je ne te laisserais pas partir avant que tu me répètes tout ce qu'on t'a expliqué.

-Tout est faux. affirma Sarah.

-TOUT EST VRAI ! hurla Thomas faisant sursauter la jeune fille.

Elle recula d'un pas et se retrouva complètement collée au mur.

-Qu'est-ce qu'il s'est passé ? reprit le garçon. Ses mains trouvèrent leur place de chaque côté du visage de l'adolescente.

La respiration de Sarah se faisait plus irrégulière. Elle sentait son cœur accélérer dangereusement.

-QU'EST-CE QU'IL S'EST PASSE ? répéta Thomas en hurlant.

-Je... haleta Sarah, j'ai sauté par la fenêtre.

-Avant, avant, qu'est-ce qu'on t'a dit ?!

Sarah planta son regard dans celui du garçon. Ce n'était que Thomas.

-Laisse-moi maintenant ! ordonna t'elle en le repoussant, les mains sur ses épaules.

-NON ! Je ne te laisses pas !

Il lui donna un violent coup d'épaule qui la plaqua de nouveau contre le mur. Elle grimaça quand la douleur irradia dans son dos.

-Maintenant, arrêtes de faire ta gamine et réponds-moi ! Qui je suis pour toi ? Qu'est-ce que Mme Henry et moi, on est pour toi ? Dis-moi ce qu'on t'a dit !

Sarah secoua la tête, elle ne pouvait répéter pareille bêtise.

-REPONDS !!

La jeune fille se recroquevilla. Thomas venait d'hurler trop près de son oreille.

-Tu... tu es mon gardien. gémit Sarah.

-Bien. Et qu'est-ce que ça signifie ?

La jeune fille lui lança un regard suppliant mais elle ne reçut que de la colère en retour.

-QU'EST-CE QUE CA SIGNIFIE ?!

Sarah glissait petit à petit le long du mur.

-Tu me protèges et tu m'envoies des messages pour me dire ce qu'il est bien de faire. dit-elle, surprise de se rappeler d'autant de choses.

-Et pourquoi tu as deux gardiens ?

Sarah continuait de secouer la tête et de gémir. Recroquevillée, elle paraissait apeurée par l'extérieur et tourmentée de l'intérieur, au bord de la crise de nerfs.

-Je... je sais pas ! pleurnicha la jeune fille.

-Si tu sais ! Pourquoi tu as deux gardiens ?! Qu'est-ce que tu es ?!

Sarah était presque assise sur le goudron désormais.

-REPONDS !!

-Je... c'est... parce que je suis... une Stackjan.

Elle laissa couler ses larmes à l'entente de ses mots. Les dire leur donnait une autre réalité.

-Bien, c'est bien. se radoucit Thomas. Et c'est génial d'être une Stackjan, dis-moi ce que ça signifie.

La jeune fille secoua la tête, les larmes inondaient ses joues. Son corps se déposa sur le sol, une expression de profonde détresse sur le visage. Pourtant, Thomas ne se laissa pas attendrir.

-Qu'est-ce qu'une Stackjan ?!

Sarah céda à un sanglot. Ses épaules commencèrent à se secouer à un rythme régulier.

"Quelqu'un qui œuvre sur Terre pour le bien" disait ses pensées. "Allez, tu n'as qu'à dire ça, vas y, c'est pas compliqué : Quelqu'un qui œuvre sur Terre pour le bien".

Alors, la jeune fille répéta la phrase qui tournait en boucle à l'intérieur de sa tête puis elle explosa en sanglots. Elle gémissait, haletait, elle ne pouvait croire à ce qu'elle disait. Pourtant, son bourreau ne semblait pas se soucier de son état. Il restait encore une dernière chose qu'il voulait entendre.

-Qu'est-ce qu'on a fait pour te prouver que tout est vrai ?

Non, pas ça ! Sarah ne voulait pas s'en rappeler, ça ne pouvait pas être la vérité. Elle secoua la tête mais Thomas releva son menton d'autorité. Les yeux pleins de larmes, la bouche tordue dans un rictus traduisant sa douleur morale, Sarah finit par lâcher :

-Vous avez lu mes pensées...

-Et ? insista le garçon.

-Envoyé des messages.

Elle ne pouvait plus s'arrêter, les mots sortaient tous seuls.

-Et qu'est-ce qu'on sait sur toi ?

Sarah lança un dernier regard suppliant avant de répondre :

-Tout. Vous savez tout de moi.

Et Thomas la lâcha.

A l'intérieur de la jeune fille ce fut une explosion de sentiment. Elle croyait se briser, son cœur se déchirait en deux, elle ne contrôlait plus rien. Gémissant, pleurant, suffoquant presque, elle resta là de longues minutes, les bras resserrés autour de ses jambes et la tête enfouie au cœur de ses genoux.

Soudain, une main se posa sur son épaule. Sarah releva la tête vers sa meilleure amie. Elle avait vaguement conscience d'être dans un sale état mais elle ne savait même plus comment éprouver de la honte.

Thomas était parti, satisfait d'avoir réussi à la libérer bien qu'un peu embêté de l'abandonner là, toute seule, avec ses doutes et ses larmes. Pourtant, il voyait que c'était la bonne décision... puisque sa nature l'empêchait de prendre de mauvaise décision.

Louane fronça les sourcils en découvrant son amie recroquevillée au sol, le visage ravagé par les larmes. Elle passa ses bras dans son dos et commença à lui caresser les cheveux. Les gouttes salées qui coulaient des yeux de Sarah se déposaient sur son épaule.

-Tu vas trouver une solution. chuchota Louane en continuant de bercer son amie. Tous les problèmes ont des solutions.

Sarah renifla, peu à peu sa respiration se fit plus régulière et elle finit par se détacher de l'étreinte de sa meilleure amie.

-Parle-moi. l'encouragea cette dernière.

Sarah essuya ses joues en reniflant.

-Je suis vraiment conne à pleurer comme ça... commença la jeune fille. Je sais même pas pourquoi je...

Visiblement, elle retrouvait comment avoir honte. Cependant, Louane n'était pas dupe. Elle secoua la tête avec un sourire.

-Sarah, n'essaie pas de te cacher. Je vois bien que quelque chose ne va pas... mais ce n'est pas une fatalité. Les problèmes existent, tout le monde en a, toi y compris. Ce n'est pas grave, il faut juste que tu y réfléchisse au lieu de les ignorer.

Pour la première fois ,Louane osait sortir tout ça à son amie. Depuis longtemps, elle avait remarqué la tendance de Sarah à changer de sujet ou à s'éloigner quand on évoquait des difficultés rencontrées par les uns ou les autres. Elle se bouchait presque les oreilles comme une enfant. Pourtant, par peur de la blesser, Louane ne se permettait jamais de remarques. Elle sentait qu'il était temps désormais.

-Tu dois regarder les problèmes sous tous les angles et tu trouveras une solution, j'en suis sûre. Je suis là pour t'aider.

***
Hey !
Alors qu'avez-vous pensé de ce chapitre ? On avance petit à petit... Que pensez-vous de la technique de Thomas pour forcer Sarah à se confronter à la réalité ? Et de la réaction de Sarah ?
J'attends vos avis !
A la semaine prochaine pour un nouveau chapitre.

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