La tension qui régnait dans la pièce était à son paroxysme. Sarah avait l'impression qu'il était devenu plus difficile de respirer. Elle regardait les membres de l'équipe 1. Ceux-ci manipulaient avec précaution le matériel d'enregistrement passé à travers la trappe.

-Pour l'instant, tout va bien. disait une voix d'homme dans la pièce du dessus. Tous les incendies ont nécessité plus d'une semaine pour être éteints par les pompiers. Certains les ont même occupés un mois. Il n'y a qu'un incendie, en France, qui n'a pas bien pris. Evidemment, certains centres d'accueil ont été vidés à cause de ce léger contretemps sur la fabrication des explosifs. Cependant, l'idée de déclencher toutes les explosions en simultanée et d'assumer qu'il s'agit de l'action d'une organisation justicière reste bonne.

Sarah faillit s'étouffer en entendant le mot "justicière". Heureusement, elle se retint de faire le moindre bruit.

-Mais nous ne devons pas perdre plus de temps. continua la voix. László, tu me confirmes qu'on peut enclencher les explosions d'ici avant 18h ?

-Oui, répondit une autre voix d'homme, on peut même les programmer si vous le désirez.

-Parfait, alors fais en sorte que les centres disparaissent à 17h, cet après-midi.

Les Stackjans se regardèrent, il n'y avait pas de temps à perdre. L'information fut immédiatement envoyée à la base.

-Vous avez terminé le programme de publication des tweets et des vidéos sur Facebook ?

-Oui, et on espère que des rendez-vous médiatiques vont s'ajouter à ce programme. fit une voix masculine.

-Les élections se rapprochent dans de nombreux pays. jubila celui qui semblait être le chef. Les gouvernements vont tomber les uns après les autres !

Un rire démoniaque aurait été parfait pour compléter cette tirade mais Sarah savait qu'elle n'avait pas à faire aux fous qui peuplaient les films.

Vers midi, le chef déclara :

-Bon, je crois qu'on a tout vu ensemble, il est temps de mettre fin à cette réunion. J'attends vos chèques.

Sarah tressaillit, leur tour d'entrer en scène arrivait. L'équipe 1 retira son matériel d'enregistrement tandis que Benoît montait sur la table. Il attendit que le concert de raclement de chaises provoqué par les pyromanes qui sortaient leur carnet de chèques se termine, puis se hissa par la trappe. Jules le suivit puis ce fut le tour de Sarah. La jeune fille s'assit silencieusement sur le sol, les yeux fixés sur les jambes qui se balançaient à quelques centimètres d'elles. Il suffisait que l'un d'entre eux fasse tomber son crayon... Evan la rejoignit. Ils essayèrent chacun de puiser du courage dans le regard de l'autre puis se mirent en position, le visage tourné vers Benoît. Il ne tarda pas à leur montrer ses deux mains ouvertes.

"Dix secondes" pensa Sarah en commençant le décompte dans sa tête. A cinq secondes, elle saisit délicatement les sacs des malfaiteurs proches d'elle et les fit passer par la trappe. Les membres de l'équipe 1 se chargèrent de les récupérer sans bruit. A trois secondes, Sarah s'était repositionnée sous la table, prête à surgir. Une seconde plus tard, elle sortait ses mains et sa tête et commençait à rafler les papiers et accessoires numériques à sa portée. Son apparition et celles de ses camarades déclenchèrent des cris mais l'attention des dérangés fut rapidement détournée car la porte explosa au moment précis où Sarah terminait son décompte.

Finalement le huitième de la table qui lui était attribué fut vite vidé d'éventuelles preuves. Sarah fit glisser ce qu'elle avait amassé par la trappe. Evan se retrouva rapidement à côté d'elle, lui aussi ayant réuni tous les documents qu'il devait récupérer. A travers le trou dans le sol, il fit signe à l'autre équipe de partir mettre les preuves déjà collectées en sécurité. Sarah et lui décidèrent d'attendre leurs coéquipiers. Sarah tourna la tête pour voir comment s'en sortaient les autres. Avec stupeur, elle constata que Charlie et Kyllian se trouvaient allongés sur le ventre, maîtrisés par un homme et une femme qui tentaient de leur mettre des menottes. Sarah tira sur le bras d'Evan, car il s'apprêtait à rejoindre la pièce inférieure. Sarah se précipita vers ses amis. Elle comptait profiter de l'effet de surprise pour libérer Charlie et Kyllian.

Evan et Sarah sautèrent simultanément sur le dos de l'homme et de la femme. En effet, ils furent surpris. Cependant, ils ne se laissèrent pas perturber et terminèrent de menotter les deux autres Stackjans. Le combat qui s'en suivit fut archaïque. Evan se débrouillait bien mais ses tentatives pour neutraliser son adversaire étaient rendues très difficile par la forte stature de celui-ci. Sarah, elle, semblait en passe de maîtriser la femme qui ne paraissait avoir aucune notion des sports de combat, lorsqu'une troisième personne se jeta sous la table et se mêla à la bataille. L'homme tira d'abord Charlie et Kyllian par la trappe. Ensuite, il réussit à faire lâcher prise à Sarah par quelques coups bien placés. La femme qu'elle combattait en profita pour se faufiler par la trappe. Evan se déconcentra alors de son combat, donnant l'avantage à son adversaire. Le deuxième homme sauta lui aussi à travers le trou, la cheville de Sarah à la main. La jeune fille eut beau se débattre, elle fut violemment tirée et s'assomma sur la table. Du sang commença à ruisseler dans ses cheveux.

Evan venait de voir trois de ses coéquipiers disparaître par la trappe et il se trouvait en mauvaise posture. Même s'il estimait qu'il lui restait une chance de remporter le combat, il réfléchit à la vitesse de la lumière et décida que la meilleure façon de protéger son binôme était de se laisser prendre par les trois malfaiteurs. Quelques secondes plus tard, il se retrouva menotté et poussé le long d'un escalier de secours.

-Quelle merveilleuse idée d'emporter des menottes avec toi, Oscar ! déclara la femme.

-J'ai appris au cours de mes nombreuses missions qu'il fallait toujours en avoir sur soi. répondit l'homme qui était arrivé en renfort. Et j'ai partagé cette astuce avec László.

Il désigna le deuxième homme. Celui-ci portait Sarah, inconsciente.

-Nous allons pouvoir interroger ces prisonniers pour connaître leur source. dit László, on a peut-être un traitre dans nos rangs.

Le groupe arriva sur le trottoir et ils s'engouffrèrent à l'intérieur d'une camionnette. Sarah, Evan, Charlie et Kyllian furent jetés sans ménagement à l'arrière du fourgon, mais au moins, ils se retrouvaient seuls.

-Sarah, Sarah. s'inquiéta aussitôt Evan.

Il tenta de secouer son amie mais, avec les mains liées dans le dos, ce n'était pas chose facile. Après une petite claque la jeune fille finit par entrouvrir les yeux. Elle voulut chasser une mèche de cheveux de son visage mais paniqua en constatant qu'elle avait les mains entravées. Le combat sous la table sembla lui revenir quand elle prit conscience que ses coéquipiers se tenaient à ses côtés, en aussi mauvaise posture. Sarah parvint difficilement à s'asseoir. Evan en profita pour inspecter sa blessure à la tête. Le sang avait déjà coagulé et tous en conclurent qu'il ne fallait pas s'inquiéter pour le moment. Soudain, une vitre s'ouvrit entre les geôliers et leurs prisonniers. Les quatre Stackjans décidèrent de communiquer par télépathie. Sarah fut soulagée de constater que son assommement n'avait pas endommagé ses capacités cérébrales.

-Je peux retirer les menottes. annonça Kyllian.

-Moi aussi. fit Evan. Mais pour l'instant, on est trop surveillés.

-Où sont les documents que vous deviez récupérer ? questionna Sarah, à la recherche d'une position confortable.

-La femme me les a arrachés des mains et jetés par terre. répondit Charlie. Ils ont dû rester sur le sol de la salle de réunion.

-Il faut qu'on trouve un moyen de s'échapper d'ici. dit Evan. J'espère que Benoît et Jules s'en sont bien sortis, ils pourront peut-être venir nous aider.

Les autres n'eurent pas le temps de répondre car le fourgon s'arrêta. A travers la fenêtre, ils virent László et la femme descendre alors qu'Oscar continuait de les observer. Des voix leur parvinrent de l'extérieur :

-C'est moi qui ai eu l'idée de faire des prisonniers. expliquait la femme. Oscar va pouvoir les interroger pour connaître leurs complices et retrouver les documents que nous avons perdu.

-Vous avez intérêt à leur soutirer rapidement des informations ! gronda une voix d'homme que Sarah crut identifier comme celle du chef. J'ai perdu une grande partie des discours de la campagne ainsi que la programmation des posts sur les réseaux sociaux. Des semaines de travail ! Et cet imbécile d'Eric a été capturé ! Nous devions tourner le clip de campagne aujourd'hui et c'est lui qui a le script. J'ai aussi perdu ma future ministre de l'intérieur qui devait apparaître au milieu du clip. Tout cela constitue des preuves accablantes susceptibles de nous envoyer en prison. Cette réunion est une vraie catastrophe !

-Je peux remplacer cette fille si vous voulez, Mr Barry. proposa la femme.

-Vous, Claudia ? Certainement pas ! Il me faut une femme fraîche et jolie qui donne envie aux électeurs et qui fasse tout ce que je lui dis. Vous n'avez qu'à rester dans la maison et diriger l'interrogatoire des prisonniers puisque c'était votre idée.

Les Stackjans ne la voyaient pas mais ils imaginaient très bien la frustration de Claudia.

-Je vais réunir tous ceux qui s'en sont sortis dans la deuxième maison pour essayer de se réorganiser. László retrouvez moi quand les prisonniers seront enfermés.

Les Stackjans entendirent une voiture s'éloigner puis la porte du fourgon s'ouvrit sur Claudia et László. Ils furent tirés sans ménagement à l'intérieur d'une habitation puis descendirent quelques marches qui les menèrent au seuil d'une cave vide. Une odeur d'humidité et de pourriture imprégnait la pièce. Sarah frissonna. Elle tenta de croiser le regard d'Evan mais László lui bouchait la vue.

-Ne vous inquiétez pas, on revient très bientôt. lança Oscar qui les avait rejoint.

Les trois malfaiteurs fermèrent la porte à clé puis s'éloignèrent.

-C'est bon, on peut retirer les menottes, maintenant. dit Sarah. Elle angoissait de plus en plus devant son incapacité à se servir de ses bras. Le métal contre ses poignets lui lacérait la peau.

-Pas encore. répondit Evan. Ils peuvent revenir d'un instant à l'autre et s'ils nous voient sans menottes, ils renforceront leur surveillance. On doit d'abord être sûr de notre plan pour sortir.

-Il faut qu'on essaye de leur soutirer des informations quand ils reviendront nous interroger. affirma Charlie.

-Du genre ? questionna Sarah.

-Du genre, combien de personnes sont dans la maison, comment on fait pour en sortir, est-ce que la porte est fermée à clé, est-ce qu'il y a une voiture avec laquelle on pourrait s'enfuir...

-On peut pas simplement appeler la base pour qu'ils envoient une équipe nous chercher ?

-Bonne idée. approuva Evan en s'asseyant sur le sol. Mais tu as un téléphone sur toi ?

-J'avais le mien avant de passer par la trappe. Il doit encore être dans ma poche.

Sarah se rappelait avoir consulté l'heure quelques secondes avant de se glisser sous la table des malfaiteurs.

-Non, tu ne l'as plus. contredit Evan sans prendre la peine de vérifier. Ils nous ont fouillé au moment de nous mettre dans le fourgon.

Sarah frissonna. Un rictus de dégoût s'afficha sur son visage à la pensée des mains de László fouillant ses poches. Une vague de colère l'envahit car elle tenait beaucoup à son téléphone. Heureusement, elle avait pris le temps de le sécuriser la veille. Toutes ses données se trouvaient enregistrées sur une clé USB et supprimées de l'appareil. Aucune personne malveillante ne pourrait remonter jusqu'à sa famille ou ses amis. Sarah bénit Christophe pour ce conseil.

-Je peux dessiner un plan de la maison si vous voulez, j'ai un papier, un crayon et une bonne mémoire. proposa Kyllian.

Tous s'accordèrent pour dire que c'était un bon début et Kyllian se contorsionna afin de retirer ses menottes. Cependant, avant même qu'il n'ait pu faire le moindre geste, la porte de la cave s'ouvrit.

***

Un chapitre un peu moins long que d'habitude, j'espère qu'il vous a plu !

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