Chapitre 23
Benoît siffla la fin des combats. Sarah se releva, fière d'avoir envoyé Jules au tapis. Elle lui tendit la main :
-Ca va, je t'ai pas fait trop mal ?
-Non, aucun problème. répondit le garçon en attrapant la main tendue. Mis à part à mon honneur, j'ai mal nulle part.
-Ca va, tu t'es bien battu. dit Sarah. Elle le releva d'un geste vigoureux.
-Tu m'as quand même écrasé trois fois de suite.
-Etant donné que je lis dans tes pensées, c'est normal que je gagne. remarqua Sarah.
-On change ! Sarah et Evan, Jules et Charlie, Kyllian et moi.
-Ça va être moins drôle. grimaça Sarah.
En effet, même quand elle était la seule à avoir le droit de lire dans les pensées, Evan gagnait le combat. Cette fois ne fit pas exception puisqu'après une minute de lutte, Sarah se retrouva au sol, les bras coincés derrière le dos, incapable d'esquisser un mouvement.
-Tu tiens vachement plus longtemps qu'avant ! la complimenta tout de même le garçon. J'ai eu du mal à te mettre par terre.
-Je ne vois pas trop la différence, perso. La fin est toujours la même. fit remarquer Sarah en se relevant. Comment tu fais pour gagner à chaque fois alors que je peux lire dans tes pensées ?
-Tu es trop lente. expliqua son ami. Quand tu comprends ce que je vais faire, j'ai déjà commencé et il est trop tard pour te défendre. Heureusement que tu peux entrer à l'intérieur de mon esprit, sinon ce serait encore pire. Il faut que tu diminues ton temps de réaction, que tu augmentes ta vitesse de lecture dans les pensées et que tu rendes ta défense réflexe plus efficace. Tout ça s'acquière avec des mois d'entraînements.
-Je n'ai qu'un jour devant moi.
-Alors améliore tes réflexes ! lança le garçon. Il tenta de lui porter un coup qu'elle esquiva de justesse.
Manifestement, il ne s'attendait pas à ce qu'elle l'évite car il se retrouva désemparé. Sarah en profita pour lui saisir le bras et tenter de l'immobiliser. Cependant, Evan reprit rapidement ses esprits et il parvint à se dégager. La jeune fille ne se laissa pas démonter. Pour la première fois, elle réussit à le mettre à genoux et dans l'incapacité d'utiliser ses membres supérieurs.
-Ouaw, je suis impressionné. dit Evan.
Sarah relâcha la pression sur ses bras et son dos, un grand sourire aux lèvres. Elle sentit Evan lui saisir les poignets et avant qu'elle ne comprenne ce qui lui arrivait, son dos s'écrasa sur le sol et sa tête se posa sur les genoux d'Evan.
-Ne jamais relâcher son attention tant que l'adversaire n'est pas totalement incapable de répliquer. rappela ce dernier en terminant de neutraliser la jeune fille grâce à une posture de judo.
-C'est pas juste, le combat était terminée. protesta Sarah. Ses cris étaient étouffés par le tee-shirt d'Evan, penché au-dessus d'elle.
-Qui a dit ça ?
Sarah grogna.
-Cette fois, moi je le dis, le combat est terminé alors lâche-moi.
-Pas tout à fait. dit Evan.
Il fit mine de la frapper à la tempe avec la paume de sa main.
-Maintenant que tu es inconsciente, le combat est terminé.
-Tu as fait exprès de me laisser t'immobiliser ? questionna Sarah, une fois libérée.
-Je pourrais dire oui et m'attribuer tout le mérite mais je suis honnête : tu as bel et bien réussi à m'avoir.
Sarah sourit franchement : là, on pouvait dire qu'elle avait progressé. Elle se fit tout de même écraser trois fois de suite quand ce fut au tour d'Evan de lire dans ses pensées mais cela n'entacha même pas sa bonne humeur.
-Allez-vous changer. On se retrouve au milieu du couloir entre la salle info, la salle parquet et le jardin.
Aussitôt, le plan de la base se dessina dans la tête de Sarah pour comprendre de quel passage parlait Benoît.
***
-Pourquoi on fait tout le tour ? râla Sarah qui marchait aux côtés de Charlie dans le couloir des salles de réunion. Il suffisait de traverser la salle informatique.
-On n'allait pas déranger les gens qui y travaillent, quand même. répéta Kyllian pour la troisième fois.
-On aurait fait que passer. protesta de nouveau Sarah. Vous vous rendez compte de la rallonge ?
-Oui, on sait mais ça ne te tue pas de marcher 200 mètres de plus. On est arrivé de toute façon. conclut Jules, après un virage à droite.
Benoît les attendait, assis sur un pouf face au jardin.
-C'est le meilleur endroit de disponible que j'ai trouvé pour faire de la lecture dans les pensées.
***
Après une heure de conversation non verbale, les esprits des six membres de l'équipe étaient épuisés. Ils avaient mis au point les derniers détails du plan et peaufiner leur stratégie en cas de séparation inattendue.
-Tu as intérêt à faire en sorte qu'on ne soit pas séparés ! reçut Evan.
Malgré la fatigue mentale, Sarah arrivait désormais à produire des messages parfaits à chaque fois. Elle parvenait même à transmettre son ton autoritaire. Autre amélioration majeure : elle commençait à maîtriser l'art de la conversation télépathique à plusieurs.
-Il est 19h30. reçut Sarah. C'était un message de Jules, manifestement envoyé à toute l'équipe. Le garçon parvenait à s'adresser à plusieurs destinataires seulement depuis une demi-heure. Pour le reste, ses communications étaient parfaitement fluides.
-La séance est finie, vous pouvez aller manger. envoya Benoît.
-Une dernière chose. dit la chef d'équipe à voix haute. D'abord félicitations à tous pour votre progression. Ensuite, ne verrouillez pas votre esprit pendant la mission car vous allez parfois avoir besoin d'envoyer des messages à vos coéquipiers voire de lire dans leurs pensées. De plus, cela diminuerait votre concentration. Faîtes-vous confiance, et bien sûr, n'en profitez pas pour lire les pensées profondes de vos coéquipiers.
Tous acquiescèrent, concentrés, puis ils s'engouffrèrent dans le couloir, Benoît sur leurs talons.
-Tout va bien se passer. les rassura le jeune homme.
-Oui de toute façon, s'il y a un problème, on s'aide les uns les autres. renchérit Charlie.
De vifs hochements de tête lui répondirent.
-On est parfaitement entraînés et nous n'avons pas une tache si difficile. La liste des choses qui pourraient mal se passer n'est pas si longue. dit Sarah, le bras sur l'épaule de Jules.
-J'ai confiance en nous. répondit le garçon.
Les paumes des six équipiers souriants s'entrechoquèrent en guise de geste d'encouragement.
***
Assise à une table de la grande salle, Sarah songeait que la liste des choses qui pourrait mal se passer lui paraissait beaucoup plus longue que la veille. Elle croisa le regard d'Evan qui, pour une fois, ne la rassura pas du tout. Il semblait lui aussi extrêmement stressé. Le garçon saisit la main de son amie sous la table et la pressa. Ce geste les apaisa légèrement tous les deux.
Sarah embrassa la salle du regard et constata qu'elle dégageait une impression bien différente de la première fois où elle y avait vu tous les Stackjans rassemblés. En effet, les chemises, les pantalons droits, les jupes et les couleurs vives avaient disparu au profit d'une déprimante monotonie : pantalons élastiques et sweat aux couleurs neutres, conformément aux consignes vestimentaires données la veille. Le noir, le gris et le bleu marine dominaient en masse si bien que, quel que soit l'âge ou le sexe, tout le monde se ressemblaient. Chacun avait respecté les recommendations et arboraient des baskets aux pieds et des cheveux attachés en chignon pour ceux qui les avaient longs.
-Bonjour à tous ! J'espère que vous allez bien en cette heure matinale ! retentit la voix du coordinateur berlinois. Nous sommes très fiers de ce que nous avons réussi à mettre en place en une semaine. Aujourd'hui, vous savez tous ce que vous avez à faire. Les véhicules pour le complexe partiront dans dix et dans trente minutes et ceux pour le commissariat dans une heure.
Sarah tressaillit sur sa chaise.
-Surtout, rappelez-vous qu'il est très important de COMMUNIQUER. Il ne nous reste plus qu'à vous souhaiter bonne chance à tous !
Un grand brouhaha envahit la grande salle alors que les Stackjans se levaient en commentant ce petit discours. Benoît entraina ses équipiers vers le garage. Des minibus et des voitures ornés d'étiquettes y attendaient sagement le départ.
Benoît trouva rapidement le monospace où il était inscrit "Récupération des preuves 1".
-C'est notre véhicule. Repérez bien sa forme, sa marque, sa couleur et sa plaque d'immatriculation car on va évidemment enlever cette étiquette avant de quitter la base.
Sarah inscrit l'image du véhicule dans sa tête en se répétant "Monospace, Renault, Blanc, AM-456-CD, Monospace, Renault, Blanc, AM-456-CD, ...".
-Il y a deux places devant, deux places dans la deuxième rangée et trois places dans le coffre. Les vitres sont renforcées et les portes arrière sont coulissantes et peuvent s'ouvrir et se fermer depuis le poste de conduite en cas de besoin. détailla Benoît, la poignée d'une portière à la main.
-Vous êtes l'équipe de récupération des preuves 1 ? demanda un homme qui arrivait au niveau du véhicule.
Tous hochèrent la tête.
-Sébastien, votre chauffeur. Je faisais partie de la quatrième équipe d'enquête. Je suis expert en conduite en situation de fuite et de course-poursuite. se présenta le Stackjan.
-On ne devrait pas avoir besoin d'en arriver là. Je suis Benoît, le chef de l'équipe.
Le chauffeur regarda sa montre avant d'ouvrir la portière.
-Je crois qu'il va être temps d'y aller. Les autres commencent à embarquer. annonça-t-il, le menton pointé vers deux équipes qui grimpaient à bord de plusieurs voitures.
Kyllian alla s'installer au fond, suivi de Charlie et Evan. Sarah et Jules se retrouvèrent assis de chaque côté du couloir central où Charlie étendait ses jambes.
Le trajet dura près d'une heure mais il parut ridiculement court à Sarah. Tendue, elle se repassait mentalement chaque détail du plan. Le chauffeur et Benoît avaient échangé quelques banalités au début de la route mais depuis, la voiture restait plongée dans un silence tendu que personne ne savait comment briser. Chacun ruminait ses pensées, accompagné par le fond musical de l'autoradio.
Sébastien se gara sur un parking à quelques centaines de mètres du lieu de la réunion.
-Je vais vous attendre ici. dit le chauffeur. Je me garerais devant le complexe un peu avant midi, c'est l'heure à laquelle vous êtes censés sortir. Pour ne pas perdre de temps, j'ouvrirais les portes de la voiture quand vous arriverez dans le hall. Prévenez-moi quand c'est le cas. Je vous conseille d'enregistrer mon numéro dans vos appels d'urgence. Appelez-moi si vous avez besoin de moi avant. Aller, à tout à l'heure et bonne chance !
Les membres de l'équipe sourirent. Quand Sarah posa les pieds sur le bitume à la sortie de la voiture, elle n'arrivait toujours pas à réaliser que la mission commençait réellement.
-En route ! annonça joyeusement Benoît.
Les six Stackjans pénétrèrent à l'intérieur du complexe deux minutes plus tard et se dirigèrent directement vers l'escalier, comme des habitués. Au premier étage, ils trouvèrent vite la "salle d'expression n°1", réservée par l'équipe de neutralisation de la sécurité pour un "atelier théâtre". Sept personnes se trouvaient déjà dans la pièce.
-Vous êtes l'équipe 2 de récupération des preuves ? questionna Benoît.
-Euh, nous sommes la troupe de théâtre qui doit faire ses preuves, oui. répondit une femme d'une trentaine d'année.
-Ah oui, le code, j'avais oublié, excusez-moi. se reprit le chef de l'équipe 1.
-Il n'est même pas neuf heures, je pense qu'on a le temps de tester la trappe. annonça Kyllian, déjà concentré sur la mission.
Tous approuvèrent et levèrent les yeux vers le plafond. Ils fermèrent la porte à clé et déplacèrent une table sous la trappe. Benoît monta le premier. Il grimpa sur la table et déverrouilla le passage avant de l'entrouvrir très légèrement. Tous restèrent silencieux pendant une longue minute afin de s'assurer que personne n'était présent dans la pièce du dessus. Benoît ouvrit ensuite délicatement la trappe, puis, dans le plus grand des silences, il se hissa à la force des bras à l'intérieur de la salle de réunion. Ses coéquipiers le suivirent un à un.
Les huit personnes chargées de voler les documents se retrouvaient désormais sous la table censée accueillir le collectif des pyromanes. Un quart de la table fut attribué à chacun des quatre binômes : Charlie et Kyllian, Benoît et Jules, Evan et Sarah et pour finir, deux membres de l'équipe 2 dont Sarah ne connaissait pas les prénoms. Les huit Stackjans prirent dix minutes pour améliorer leur façon de sortir de leur cachette, récupérer les preuves et retourner sous le meuble avant de redescendre par la trappe.
-C'est impossible de ne pas faire de bruit. dit Jules en atterrissant lourdement sur la table.
-Ce n'est pas grave. répondit quelqu'un de l'équipe 2. Ce sera le bordel en haut quand vous redescendrez.
Quand tout le monde se retrouva dans la salle d'expression, Benoît verrouilla la trappe et s'assit sur la table. Les treize Stackjans chargés de la récupération des preuves répétèrent ensuite le plan qu'ils connaissaient déjà tous par cœur. Vers 10h ils se plongèrent dans un profond silence jusqu'à ce que des bruits de pas résonnent au-dessus de leurs têtes une demi-heure plus tard. Tous retinrent leur respiration.
-Ils vérifient s'il n'y a pas d'espions ou de micros. articula silencieusement un homme d'une quarantaine d'année qui tenait un micro perche à la main.
Manifestement, leurs cibles se montraient très méticuleuses car ce n'est que vingt minutes plus tard qu'ils entendirent une voix déclarer que la salle était sûre. La trappe n'avait pas été repérée, ce qui représentait déjà un soulagement.
-C'est parti ! chuchota Evan lorsqu'il croisa le regard de Sarah.
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