Chapitre 20
Sarah ne s'habituait pas à la majesté de la grande salle. Assise autour d'une table avec son équipe, elle ne pouvait s'empêcher de jeter des coups d'œil vers les deux immenses bibliothèques ou vers les surveillants qui tapaient frénétiquement sur des ordinateurs.
Lors du déjeuner, Benoît avait reçu de nouvelles informations sur leur mission et l'équipe se trouvait désormais réunie dans la grande salle afin d'ébaucher un plan d'action. Le chef d'équipe déploya une carte au milieu de la table.
-Voici l'endroit où aura lieu la réunion. C'est un équipement de la ville qui s'étend sur trois étages. Il accueille des associations sportives et culturelles et il y a des salles de réunion au deuxième étage. Le maire de la ville appartient au collectif des pyromanes. Nous devons trouver le moyen d'entrer dans la salle et de voler les preuves avant qu'ils n'aient le temps de les détruire.
-Dès que des inconnus vont interrompre la réunion, ils détruiront les preuves. Ce ne sont pas des gens qui prennent des risques. fit remarquer Evan.
-Comment veux-tu qu'ils détruisent tout instantanément ? opposa Charlie.
-Il leur suffit d'un briquet. répondit Kyllian en claquant des doigts.
-Vous avez raison. approuva Benoît. Nous ne devons donc pas nous présenter comme des inconnus qui interrompent la réunion.
-Tu suggères un déguisement ? questionna Kyllian. Ça me paraît une bonne idée. On pourrait peut-être se faire passer pour des agents de la ville ou alors venir leur servir un café.
Evan émit un grognement réprobateur qui attira l'attention de Sarah. Elle lui jeta un coup d'œil et constata qu'il était penché sur la carte.
-Ils auront sûrement demandé expressément à ce qu'on ne les dérange pas. fit remarquer Charlie. Elle inclina à son tour son buste sur la carte.
-Et même si ce n'était pas le cas, je ne vois pas comment on pourrait voler discrètement des documents, déguisés comme ça. ajouta Evan.
-La question n'est pas de voler discrètement les documents. Notre but est simplement de pouvoir entrer et s'approcher d'eux sans éveiller leur méfiance. expliqua Kyllian. Ensuite, on vole et on s'enfuie.
Sarah suivait la discussion à la manière d'un personnage extérieur. Ses yeux volaient d'un interlocuteur à l'autre. La jeune fille admirait la capacité de ses coéquipiers à proposer des idées et à en trouver les défauts la seconde qui suivait. Sa vitesse de réflexion, bien inférieure à celle des Stackjans expérimentés, l'empêchait de se mêler au débat.
-Ce plan présente pas mal de failles. releva Benoît, les yeux dans le vague. Il semblait s'imaginer la scène.
-Bien sûr, ce n'est qu'une ébauche à travailler.
-Même en le retravaillant, ça ne marchera pas. soutint Evan. On ne peut pas voler tous les documents qui sont autour de la table en même temps. Ils en détruiront forcément. Et on ne peut pas s'enfuir aussi facilement. Ils auront bloqué la porte avant qu'on l'ait atteinte. En plus, il n'y a qu'une seule issue.
Sarah continuait de suivre passivement le débat. Les arguments de son ami lui semblaient bons mais quelque chose la frappa :
-Mais qu'est-ce qu'on doit récupérer au juste ? Il y a beaucoup de documents ?
-Très bonne question. approuva Benoît. Je n'ai pas eu le temps de vous le dire. Tout d'abord, nous pensons qu'il va y avoir des transactions d'argent pour le remboursement des explosifs, des déplacements,... Celles-ci s'effectueront en chèques...
-En chèques ? interrompit Kyllian, très étonné.
-Oui, c'est pour une histoire de blanchiment d'argent ou je ne sais pas trop quoi. Toujours est-il que ça nous arrange puisque ces chèques seront signés de la main de nos terroristes, ce qui va nous permettre d'avoir des preuves incontestables de leur implication. Il suffira d'une simple analyse graphologique de la police.
-C'est vraiment étrange. insista Kyllian. Ca ne ressemble pas aux techniques habituelles des malfaiteurs. Utiliser des chèques, ce n'est pas prudent.
Charlie et Evan hochèrent vigoureusement la tête. Sarah haussa les épaules. Elle n'y connaissait rien aux "techniques habituelles des malfaiteurs".
-Je sais bien mais qu'est-ce que vous voulez que je vous dise ? Si cette histoire vous inquiète ou vous intrigue vraiment, je vous invite à aller voir les surveillants qui ont fournis cette info ou nos spécialistes des transactions d'argent entre criminels.
Kyllian approuva. Sarah sut instantanément ce qu'il ferait dès que leur petite réunion se terminerait.
-Ce serait cool aussi si on pouvait choper le recensement des dates et lieux passés et futurs des incendies. continua Benoît en énumérant sur ses doigts les documents à récupérer. Nous ne savons pas si ce document existe mais c'est une possibilité et ce serait un sérieux avantage pour nous. Et dernière chose, nous devons trouver tout ce qui concerne la campagne contre le gouvernement. Les discours, les vidéos de propagande, les post prévus sur les réseaux sociaux, toutes ces choses qui peuvent influencer une population, déclencher des manifestations et faire basculer une campagne présidentielle. Il est fort possible que certains de ces documents soient stockés sur des clés USB ou sur des disques durs externes. De manière générale il est conseillé de prendre tout ce qu'on trouvera, que ce soit des documents papiers ou des ordinateurs peu importe.
Sarah griffonna sur une feuille les informations de Benoît.
-Ok, parfait. Cela signifie qu'ils seront sans doute éparpillés autour de la table. dit Charlie. On peut peut-être attendre que les chèques soient regroupés pour agir mais je vois pas trop comment on pourrait réduire les points d'intervention à part ça.
-Et pourquoi on vole pas tout avant que la réunion commence ? demanda Jules, l'air peu sûr de lui. On pourrait leur subtiliser leur sac avant qu'il ne sorte les documents, non ?
-C'est vrai que c'est une bonne idée. admit Benoît avec un sourire pour rassurer le jeune homme. On peut en étudier la viabilité. Je pense, néanmoins que ça demande une logistique conséquente.
-Si on récupère les documents avant la réunion, ils s'en rendront compte et la réunion ne pourra pas être enregistrée. Ca risque aussi de compliquer l'arrestation des malfaiteurs. releva Kyllian.
-Tout dépend comment on s'y prend. argumenta Charlie. On peut faire en sorte qu'ils ne s'en rendent pas compte.
-Qu'est-ce que tu suggères ? lança l'australien, septique.
-Je n'en sais rien. On pourrait peut-être remplacer par de faux documents, ou alors des copies des vrais.
Sarah voyait bien que Charlie n'avait pas réfléchi à la question. Elle lançait ses idées tout en parlant.
-Comment veux-tu subtiliser un document, le copier et placer la copie dans le sac sans que la personne s'en aperçoive. C'est impossible. fit remarquer Benoît.
La jeune fille fut forcée d'admettre qu'il avait raison.
-Est-ce que c'est vraiment nécessaire que la réunion ait lieu ? réfléchit Evan à haute voix.
Sarah haussa les épaules comme s'il s'adressait à elle, mais évidemment tout le monde savait qu'elle était incapable de répondre à la question.
-Ecoute, va voir à la table 14. L'équipe qui m'a fourni la majeure partie de mes infos est en train d'y travailler. Je te suggère d'aller leur poser toi-même la question. proposa le chef d'équipe.
Evan hocha la tête et se leva pour rejoindre une table située près d'un mur-bibliothèque. Sarah se sentait un peu moins confiante sans lui. Elle se trouvait entourée d'inconnus qui maitrisaient bien mieux qu'elle toutes les subtilités de la mission. Pourtant, être entourée d'inconnus ne l'avait jamais dérangée avant d'atterrir au cœur de cette base secrète.
"Je n'ai pas besoin d'Evan pour être moi-même." songea la jeune fille. Sarah se reconcentra sur la conversation, bien décidée à s'affirmer. Ses coéquipiers discutaient du meilleur moment pour intervenir.
-Il faut absolument intervenir en même temps que l'équipe qui vient les arrêter. affirmait Kyllian, à grand renforts de gestes. C'est à partir de là qu'ils vont tenter de détruire les documents.
-Si on entre en même temps qu'eux, ils auront déjà détruits la moitié des pièces compromettantes avant qu'on atteigne la table. releva Charlie.
-On pourrait être là avant la réunion et surgir au moment où l'autre équipe arrive. proposa Jules, toujours enfoncé au fond de son siège, prêt à disparaitre.
-Ils auront forcément fouiller la salle. contredit Kyllian sans même regarder son coéquipier.
Jules se pinça les lèvres.
-Il faudrait qu'on puisse se matérialiser sur la table au moment où l'équipe d'action entre dans la pièce. lança Sarah.
C'était sa spécialité, proposer des solutions invraisemblables dans le but de détendre l'atmosphère.
-C'est une excellente idée. approuva Benoît.
Pas si invraisemblable que ça, manifestement...
-On peut se télétransporter ? questionna Sarah, pleine d'espoir.
-Non, nous ne sommes pas des gardiens mais...
-On peut utiliser mes gardiens. proposa Sarah en jetant un coup d'œil derrière elle où se tenait les deux "personnes" en question.
-Tu ne peux pas partir en mission si tu as toujours tes gardiens. rejeta Thomas. Sarah sursauta quand les mains du "garçon" se posèrent sur ses épaules.
-C'est quoi cette règle débile ? s'emporta la jeune fille. On peut bien faire une exception si ça sert nos intérêts.
-Non, mais ce n'est pas le moment de parler de ça. coupa Benoît. Et puis, on n'a pas besoin de gardiens. On peut arriver sous la table au milieu de la réunion, c'est-à-dire après la fouille et avant le chaos.
-Et comment on fait ça ? répliqua Charlie.
-On fait construire une trappe par l'équipe chargée de la neutralisation de la sécurité du bâtiment. répondit Benoît, fier de son idée.
-Ca se tient. approuva Kyllian mais il y a beaucoup d'éléments à prendre en compte.
-Admettons que ce soit possible. dit la jeune anglaise. Quand et comment prend-on les documents ?
-Au moment exact où l'équipe d'arrestation entre. affirma Benoît. Il y aura une seconde de flottement qu'on pourra exploiter en étant directement près des criminels.
-On ne récupérera pas tout en une seconde. releva Kyllian.
-On peut peut-être en choper quelques-uns un peu avant. proposa Sarah.
-C'est un plan qui se tient mais il faudra être très vigilants afin de ne pas se faire repérer une fois sous la table. mit en garde Charlie.
Tous hochèrent la tête, conscients du danger.
-Apparemment, on ne peut pas agir avant la réunion car des informations capitales dont nous ne disposons pas risque d'être délivrées. annonça Evan en s'asseyant à la place quittée quelques minutes plus tôt. Personne ne l'avait vu revenir.
-Ce n'est pas très grave, nous avons eu une autre idée grâce à Sarah. déclara Benoît.
Un immense sourire illumina le visage d'Evan quand il se tourna vers sa coéquipière. Le garçon semblait fier de son amie. Il pensait sûrement que la jeune fille s'investissait pour résoudre le problème. Cela arrangeait Sarah car la réalité était un peu différente.
Le chef de l'équipe expliqua rapidement l'idée à Evan.
-Pas mal. approuva celui-ci. Et comment on repart de la salle de réunion ?
-Euh, par la porte. fit Charlie.
-On pourrait gêner les équipes d'arrestations en allant à contre-sens d'eux. remarqua Evan.
-Dans ce cas, on prend la trappe. conclut la jeune fille.
-Si on prend la trappe, on leur indique comment on est entré et on leur donne une chance de sortie. dit son coéquipier.
-Alors tu suggères qu'on saute par la fenêtre ? railla Charlie.
-Non, je propose juste qu'on réfléchisse à laquelle des deux solutions est la moins nulle.
Cette formulation fit sourire Sarah. Voulant se rendre utile, elle tenta, elle aussi, de soupeser les deux propositions.
-S'ils nous voient surgir de sous la table ils vont de toute façon se rendre compte qu'il y avait une trappe. remarqua Kyllian. On peut installer un système de fermeture de l'autre côté pour bloquer la trappe une fois qu'on a fait demi-tour, ça les retiendra le temps qu'ils se fassent arrêter.
-Bonne idée. approuva Benoît. Les propositions de ses équipiers se couchaient sur le papier au rythme de ses coups de crayon.
-Je suis d'accord, la trappe me semble la meilleure idée. appuya Evan après quelques secondes de réflexion.
-En plus, on sera déjà sous la table donc c'est plus facile d'y rester que d'en sortir en pleine pagaille. ajouta Sarah.
Evan lui sourit malgré sa maigre contribution.
-Et comment on sort sans se faire repérer ? questionna Jules, toujours timidement.
-Bonne remarque. Vu votre âge, on risque d'attirer l'attention avec des tas de documents et d'ordinateurs. Il paraît improbable que tous les agents de sécurité disparaissent même si l'équipe de neutralisation fait un boulot formidable.
-On a qu'à se faire passer pour des ados qui sortent du sport et tout mettre dans un sac de sport. suggéra Charlie. Elle avait repéré des salles de sport sur le plan.
-S'ils nous fouillent, on est mal. contredit Kyllian.
-Les ordis ça peut passer, on dira qu'on les a pris pour mettre de la musique ou regarder des vidéos ou travailler à la bibliothèque après le sport... dit Evan.
-Oui mais pour le reste ça ne marchera pas. reprit Benoît en tapotant son crayon contre la table.
-On peut démonter des baffes. proposa Charlie. La jeune fille semblait traversée d'un éclair de génie.
-Comment ça ? questionna Sarah.
Kyllian, lui, avait les yeux qui brillaient, signe qu'il se projetait déjà dans l'idée de la jeune anglaise.
-Les enceintes portatives pour mettre de la musique. éclaira Charlie. On prend beaucoup ça au sport maintenant, ça passera inaperçu. On a qu'à les démonter et glisser les documents à l'intérieur.
Sarahhocha la tête, impressionnée par cette idée qu'elle n'aurait jamais été capabled'imaginer.
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