Chapitre 15
Il était tout juste neuf heures et Sarah se réveillait déjà. Elle s'extirpa de son lit, toute excitée et commença à se brosser les cheveux. Cette année, le 19 février tombait bien : c'était le deuxième jour des vacances d'hiver. Sarah s'enveloppa dans sa robe de chambre puis descendit les escaliers, un grand sourire aux lèvres. Dès que ses chaussons atteignirent le seuil de la cuisine, elle remarqua un plateau posé à sa place. Avant qu'elle ait pu s'en approcher, sa mère s'avança vers elle pour l'embrasser.
-Joyeux anniversaire ma princesse !
Sarah sourit et embrassa Solène en retour. La jeune fille s'attabla ensuite devant le plateau préparé par sa génitrice. Un bol de lait n'attendant qu'à être réchauffé se trouvait posé à côté de tours de pain recouverts de beurre demi-sel. Solène s'était amusée à dessiner un 16 avec de la pâte à tartiner sur une des tranches de pain de mie. Un petit mot "Joyeux anniversaire !", posé sur une serviette en papier, terminait la décoration. Sarah emmena son bol dans le micro-ondes, un sourire plaqué aux lèvres : cela annonçait le début d'une belle journée.
Pierre apparut alors que la sonnerie du micro-ondes indiquait que le lait était chaud.
-Joyeux anniversaire ma princesse ! s'exclama t'il à la vue de sa fille.
-Merci papa !
Pierre sourit avant d'embrasser sa fille et sa femme. Il glissa quelques mots à l'oreille de cette dernière. Solène laissa ses lèvres s'étirer puis les deux adultes se tournèrent vers l'adolescente.
-On a beaucoup parlé hier soir, commença la femme, et ton père m'a convaincu de te laisser partir en Norvège.
Sarah laissa exploser sa joie et sa gratitude. Elle remercia chaleureusement son père car elle savait la tâche ardue à laquelle il s'était livré. Les deux parents étaient heureux de faire autant plaisir à leur fille. Seul Pierre sentait une inquiétude sourde monter peu à peu en lui. Il attendit que sa femme parte préparer ses cours pour s'adresser à sa fille.
-Ecoute Sarah, ça m'embête d'avoir menti à ta mère et...
-Mais papa, tu lui mens tout le temps. le coupa la jeune fille.
-Ce n'est pas pareil. Là, il s'agit de toi et nous sommes tous les deux responsables de toi. Je t'ai aidé mais je m'inquiète. J'ai besoin de comprendre.
Sarah se tut. Elle comprenait les questionnements de son père mais elle ne savait que répondre. La peur commençait à naître aussi en elle à la perspective de ce voyage vers l'inconnu.
"Plus tard, entendit la jeune fille. A ton retour, on pourra lui donner plus d'informations."
-Je suis désolé mais tu vas devoir attendre un peu. A mon retour, je ferais en sorte que tu en saches plus. En attendant, ne t'inquiètes pas trop.
Pierre hocha la tête, résigné. Il avait hâte que toute cette histoire se termine.
***
-Je vais skier ! cria Sarah en s'esquivant par le garage.
Sa mère devait être dans sa chambre et n'en ressortirait que pour le déjeuner.
-Reviens tôt. lui indiqua son père.
La jeune fille acquiesça puis sortit sans ses skis. Pierre l'avait suivi.
-Tu n'oublies pas quelque chose ? questionna t'il.
Sarah lui offrit un clin d'œil et disparut vers l'arrêt de bus.
-C'est toujours à moi de mentir à Solène. soupira son père en cachant les skis de la jeune fille.
L'adolescente grimpa dans le bus toute joyeuse. L'engin la déposa au milieu du centre-ville. Sarah et Evan n'avait pas rendez-vous mais la jeune fille ne pouvait attendre pour lui annoncer qu'elle partait à Berlin. Elle préférait lui dire en personne plutôt que par message.
Sarah se dirigea vers l'hôtel qu'occupait son ami. Elle connaissait le numéro de chambre "au cas où" mais n'avait jamais mis les pieds dans le lieu. Elle entra, sans savoir si elle devait s'annoncer au réceptionniste. Sarah décida de se faire passer pour une cliente et grimpa dans les étages. Visiblement, l'employé n'en avait rien à faire. La jeune fille trouva rapidement la porte qu'elle cherchait. Elle mit une main sur la poignée mais se ravisa. Evan pouvait très bien dormir ou se changer. Elle préféra toquer et attendit avec impatience que son ami vienne lui ouvrir. La tête du garçon, surpris de recevoir de la visite, apparut une minute plus tard. Ses cheveux partaient dans tous les sens, il n'était vraisemblablement pas réveillé depuis longtemps.
-Sarah ? Qu'est-ce que tu fais là ?
-Mes parents ont accepté pour Berlin. annonça la jeune fille, sautillant presque.
-Oh, tant mieux ! s'enthousiasma le garçon en l'invitant à entrer. Cela aurait été difficile d'expliquer ta disparition. Tu vas me raconter tout ça.
Sarah entra et embrassa la pièce du regard. Elle était simple. Des vêtements trainaient sur le lit défait. Des feuilles s'empilaient sur un bureau, à côté d'un ordinateur. Il s'agissait sans doute des cours qu'Evan devait rattraper. Sarah repéra une petite armoire au fond de la pièce. En s'asseyant sur le lit, la jeune fille pensa qu'elle n'aurait pas pu entasser ses affaires pour deux semaines à l'intérieur de ce petit meuble. Le parfum d'Evan flottait dans la pièce et imprégnait les tissus. Sarah ouvrit la bouche afin de raconter comment elle avait convaincu son père de la laisser partir mais Evan l'interrompit.
-Attends, avant que tu me racontes...
Il se dirigea vers la table de chevet et en sortit un petit paquet emballé.
-Joyeux anniversaire !
-Oh merci ! s'exclama Sarah, les mains tendues vers le présent.
-Ca fait une semaine que tu me bassines avec ton anniversaire, je ne pouvais pas oublier !
-Non, mais je rigolais. T'étais pas obligé de m'offrir un cadeau.
-Ca me fait plaisir. Et puis c'est pas grand-chose.
Sarah déchirait déjà le papier, ravie. Son enthousiasme enfantin fit rire son compagnon.
-Oh, mais fallait pas. insista la jeune fille. Ses doigts saisirent le métal froid d'un bracelet couleur or. Un "S" était gravé sur le médaillon central.
Evan sourit. L'attitude de Sarah ne correspondait pas du tout à la phrase qu'elle venait de prononcer. Il était content que ce cadeau lui plaise autant.
Sarah avait déjà repéré ce bracelet et hésité à l'acheter. Il ne coutait pas grand-chose mais imaginer Evan à la recherche d'un présent dans le but de lui faire plaisir accrut le sourire de la jeune fille.
Les deux amis parlèrent pendant plus d'une heure. Ils commencèrent à préparer leur voyage et s'exercèrent aux messages télépathiques que Sarah maîtrisait de mieux en mieux.
Vers midi, la jeune fille fut de retour chez elle. En poussant la porte d'entrée, elle entendit une voix grave qui fit bondir son cœur. Elle retira ses vêtements chauds puis se précipita dans le salon. Elle y trouva son frère, Andréa et ses parents autour d'un café.
-Joyeux anniversaire la petite ! s'exclama Simon en apercevant sa sœur.
-Joyeux anniversaire ! lui fit écho Andréa.
Sarah les remercia. Cette journée était décidément parfaite.
-Vous avez pu vous libérer. Vous n'avez pas trop de travail ?
-Les partiels viennent de passer. Et puis, on allait pas louper les 16 ans de notre petite princesse ! répondit le jeune homme.
-J'aurais été te chercher jusqu'à Lyon. affirma sa petite sœur.
-Alors, papa et maman m'ont dit que tu partais skier en Norvège.
-Ouais, je vais faire une compétition là-bas. Je pars jeudi !
Le mensonge prenait des proportions immenses. Trop de personnes se retrouvaient impliquées. Simon voudrait voir des photos de la Norvège, il tenterait de regarder les résultats de la compétition sur internet,... et Sarah aurait de plus en plus de mal à trouver des excuses.
"Il va falloir m'aider, là !" lança Sarah à ses gardiens.
"Ne t'inquiètes pas, les Stackjans s'en occuperont."
La conversation dériva sur la Norvège, puis sur les performances en ski de différents athlètes. Quand Simon commença à raconter une anecdote sur la naissance de Sarah que tout le monde, y compris Andréa, avait beaucoup trop entendu, Solène proposa de passer à table.
Les membres de la famille s'assirent en silence, attendant de pouvoir se servir. Leurs regards -surtout celui d'Andréa- se dirigèrent presque naturellement vers la télévision.
-L'origine de cet incendie demeure encore inconnu mais la piste criminelle n'est pas écartée. On peut noter la rareté d'un phénomène de ce genre à cette époque de l'année. En effet, les feux de forêts se déclenchent principalement en été quand les herbes sont sèches. Il est d'autant plus étonnant qu'un autre incendie s'est déclenché hier après-midi en Italie. Peut-être que cette année les conditions atmosphériques sont différentes de ce dont nous avons l'habitude. La faute au réchauffement climatique ? scandait le journaliste sur des impressionnantes images de flammes et de pompiers se battant contre le feu.
-C'est bizarre cette histoire. commenta le père de Sarah.
-De quoi ? questionna sa femme. Occupée à se servir, elle n'écoutait pas la télévision.
-Il y a eu un feu de forêt en Espagne et un en Italie ces derniers jours. En plein hiver, ça paraît étrange. expliqua son mari.
-Ne me dis pas que tu veux partir enquêter avec ta caméra pour je ne sais quel journal. menaça Sarah.
-Non chérie, ça m'intrigue mais ça ne vaut pas un reportage.
Durant le déjeuner, Sarah savoura ce qu'elle considérait comme le meilleur repas. Il alliait convivialité, chaleur, produits locaux, la tradition de sa chère montagne et goût savoureux. Depuis toujours, la famille Gemarel préparait la raclette avec du fromage, des pommes de terres et une partie de la charcuterie issus de la ferme familiale. C'est en songeant à cela, le fromage fondu sur sa langue, que Sarah regretta de ne pas avoir invité ses grands-parents à partager le repas.
La jeune fille arrêta bien vite de compter le nombre de fois où elle se resservait. Elle essaya néanmoins de se retenir de manger trop. Il fallait garder de la place pour le dessert !
-Tu ne manges plus ? s'étonna Simon en raclant du fromage dans son assiette encore pleine.
-Je veux faire honneur au dessert de maman. répliqua sa sœur.
Simon réfléchit quelques secondes à cette option puis haussa les épaules :
-Il me restera bien un peu de place.
Quand il s'agissait de raclette, son estomac semblait sans limite. Petits, le frère et la sœur se livraient une compétition acharnée pour savoir qui mangerait le plus. En réalité, il s'agissait d'une guerre plutôt que d'une compétition, et le mensonge était monnaie courante. Simon gagnait toujours. Mais cette fois, Sarah put enfin prendre sa revanche. Simon avait tellement mangé de fromage, qu'il se tenait le ventre, au moment où le dessert arriva. Sarah contempla le gâteau de crêpes, fière de s'être limitée plus tôt. Elle pourrait pleinement le savourer alors que son frère n'aurait droit qu'à une toute petite part.
Les lumières s'éteignirent et Sarah put remplir ses oreilles des voix mal accordées des membres de sa famille. Les photos se succédèrent, intégrant toujours plus de personnes. Chacun craignait pour la stabilité des bougies, en équilibre précaire, sur le haut de la pyramide de crêpes. Mais elles tinrent bon, et le sourire de Sarah aussi. Quand elle put enfin détendre les muscles de son visage, elle prit une grande inspiration et souffla. Les applaudissement retentirent tandis que les flammes, qui avaient consumés une bonne partie des chiffres 1 et 6, disparaissaient.
Enfin, le moment que Sarah attendait le plus, arriva.
-Joyeux anniversaire, mon ange ! fit sa mère en lui glissant un paquet entre les mains. Sarah défie l'emballage et découvrit une boîte en carton colorée. A l'intérieur, elle trouva de magnifiques baskets de courses. La jeune athlète les examina. Elle testa la semelle, la souplesse des chaussures, la pointure, les lacets avant de déclarer que ces pointes lui allaient parfaitement.
-Je les testerais demain, pour éliminer la raclette ! lança t'elle.
Elle se tourna vers le gâteau et constata qu'un second paquet, soigneusement emballé, était posé dans son assiette. Le papier cadeau était admirablement bien disposé. Sarah admira les lignes bien droites. A première vue, il lui fut impossible de trouver où se cachaient les scotches. Son prénom, en revanche, se trouvait inscrit bien en évidence, sur une étiquette autocollante.
-C'est Simon qui l'a emballé, non ? sourit Sarah. Elle reconnaissait le perfectionnisme de son frère.
Andréa leva les yeux au ciel.
-Il a recommencé le paquet que j'avais fait. affirma t'elle. Alors que j'avais utilisé la méthode qu'il m'a apprise pour que tout soit parfait.
-Tu as dû mal l'appliquer car il y avait plein de défauts. rétorqua son petit copain.
-Il est toujours méticuleux avec les paquets cadeaux, mais je ne l'ai jamais vu s'appliquer autant. confia Andréa en ignorant la remarque de Simon.
Sarah sourit et défit soigneusement les scotches, qu'elle avait fini par repérer, afin de conserver le papier.
-Normalement, tu ne les as pas. fit Andréa alors que Sarah découvrait quatre DVDs. Tu pourras les regarder en anglais.
La fêtée approuva et remercia chaleureusement sa famille. C'était un bel anniversaire. Sarah jeta un coup d'œil à son nouveau bracelet. Oui, un très bel anniversaire.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top