Chapitre 29

[23:00]

- Ca ne va pas céder, déclara très calmement Olive qui n'exprimait plus aucune émotion depuis environ cinq heures, je vais crever et voilà.

Elle ressentait le froid de l'eau sur sa peau. Elle était habillée. Heureusement.

June l'avait attachée dans un bassin rond où elle avait les pieds ancrés dans le sol par une chaîne. L avait déjà essayé de casser le bassin mais il s'était avéré que ce dernier était réalisé en tungstène, soit, le matériau le plus résistant du monde. Il avait aussi essayé de dénouer les liens d'Olive mais c'était impossible car l'eau était vraiment gelée. L avait beau essayer sans se préoccuper du liquide, l'eau le glaçait et Olive lui ordonnait de ressortir. La jeune femme ne semblait pas vraiment perturbée par l'eau. En fait, elle avait le regard vide.

Encore.

- Non, cracha L en donnant un coup dans la structure du bassin, tu ne peux pas mourir !

- Si.

- Olive, aide-moi merde !

Le brun savait pourtant qu'elle ne pouvait pas l'aider. 

- Même si je pouvais, je le ferai pas.

- Pourquoi ?!, s'emporta t-il.

- Parce que tu mérites mieux que moi.

- Non ! On en a déjà parlé et non, tu mérites mieux que moi surtout !

- Tu plaisantes, j'espère ?, demanda la jeune femme avec un petit rire, tu es incroyable, populaire, beau, intelligent, courageux, fort..et je ne suis qu'une petite fille. Un monstre.

L poussa un long soupir et se calma.

- Je t'aimerais toujours, qu'importe ce qu'il se passe.

- L.

- Qu'importe ce que tu me fais, je t'aimerais.

- Lawliet !

Il releva la tête, le visage assombri.

- Oui ?

- Tu peux t'approcher ?

L fit quelques pas en avant et, étant donné que le bassin n'était pas très haut, put s'accouder sur la structure. Olive se tenait droite devant lui et, la gorge serrée, il la regarda de haut en bas.

Sa silhouette s'était affinée et elle semblait encore plus petite et fragile, comme une poupée de chiffon. Sa peau pâle était même blanche et son corps était couvert de cicatrices, pour certaines encore en train de saigner. Son visage avait beaucoup changé : ses grands yeux bleus étaient grands ouverts et semblaient éteints. Elle ne souriait pas mais ne faisait pour autant pas la moue. Ses sourcils n'étaient pas froncés par la colère ou l'incompréhension, mais plutôt haussés mais L n'arrivait pas à en déterminer la raison. Ses cheveux châtains étaient étonnamment bien coiffés  sur son front mais se terminaient sans grâce sur ses épaules. Ils étaient sales, avec le sang séché dessus. Elle portait un simple t-shirt gris trop grand pour elle qui s'arrêtait mi-cuisses, même si le tissu avait tiré sur du noir au niveau de la taille d'Olive.

L trouvait Olive vraiment jolie. Elle ne mettait pas de maquillage, elle ne se coiffait pas plus les cheveux que ça, elle ne faisait pas de routine pour la peau le matin et n'utilisait pas de produits pour la peau. En fait, il avait même l'impression que le regard des autres ne lui importaient pas or c'était faux. Elle le disait souvent : qu'elle était moche, stupide, grosse.

Et cela le rendait vraiment triste qu'elle pensait ça.

- L, l'interpella Olive en clignant des yeux.

Il secoua la tête, troublé par ces pensées soudaines.

- Oui, je suis là.

Olive tendit une main vers lui et la posa dans ses cheveux. L frémit et mit quelques secondes à réaliser que sa petite amie lui tapotait gentiment la tête. Pourtant, elle ne souriait pas.

- L, puis-je te poser une question ?

- Tout ce que tu voudras.

- Quand je mourrais, pourras-tu parler d'elles aux autres ? Je doute de pouvoir le faire avec mes dernières forces. Et puis, j'aimerais que ce soit toi qui leur disent.

Le regard de L s'embua et il détourna le regard.

- Je ne le ferai pas.

- Oh..pourquoi donc..?

- Parce que tu ne mourras pas.

- Arrête de te faire de faux espoirs.

- Je ne me fais pas de faux espoirs !

- Oh que si, mon coco..

Il tourna la tête vers elle. Elle inclina la sienne sur le côté.

- Un problème ?

Il ne prit même pas la peine de répondre et reposa sa tête sur ses bras.

Il ne pouvait pas craquer maintenant. Olive avait déjà été en plus gros danger. 

- L ?

Il ne bougea pas. "Je voudrais tant qu'on retourne dans notre monde..je pourrais lui accorder plus d'attention...mais..et si elle y restait ?"

- L.

Il releva la tête, la gorge nouée. Olive cligna deux fois des yeux et se pencha vers l'avant. L sentait l'odeur de sang des blessures de la châtaine.

- Quoi.

- Je pense que j'ai compris quelque chose.

- Quoi donc ? Quelque chose qui peut te sauver ?

Olive hocha la tête lentement, sans sourire.

- En quelques sortes.

- Alors dis !! Je veux te sauver !!

Olive cligna à nouveau des yeux.

- Je ne pense pas que ça va te réjouir en fin de compte..

L la fixa, un air très sérieux sur son visage.

- Rien ne me réjouirait plus que de te savoir en sécurité et vivante.

Olive ferma les yeux quelques secondes avant de relever la tête, ses yeux encore plus vides qu'avant comme si elle venait de réaliser quelque chose d'important.

- En fait, tu sais, Camilo est mort. Heather est morte. Will est mort. Anake est morte. Enola et Emily sont probablement mortes aussi. Mais..comme tu me l'as rapporté, Discorde vous ait apparu à la mort de June. Il avait l'air furieux, c'est ça ?

- Oui, il semblait même fou en fait.

- Ca ne change pas de d'habitude ça, le coupa Olive d'une voix lasse, je te parle de ses émotions sur le moment. Il était furieux, pas vrai ? Mais je ne pense pas que ce soit pour la mort de June en elle-même parce qu'il s'en contrefiche d'elle. Donc en théorie, il aurait dû être ravi que June meurt or, s'il était furieux, c'est qu'il souhaitait la garder en vie. Et ce n'est pas parce qu'elle dirigeait la J-House et qu'elle était le seul moyen pour communiquer avec moi. 

- Pourquoi avec toi principalement ?, s'étonna L, Discorde en veut à tout le monde.

Olive secoua la tête. 

- Non L, Discorde en a après moi.

- Et pourquoi ? A cause d'elles ?

- Là n'est pas la question, répliqua fermement Olive.

L fronça les sourcils.

- Dis-moi, Olive.

- Ca ne change rien si je garde le secret, soupira cette dernière.

- Alors dis-le moi !

- Non. 

L poussa un long soupir et la châtaine reprit la parole :

- Bref. Si Discorde était furieux à la mort de June, c'est parce que ça ne faisait pas partie de son plan. 

- Et je ne vois pas en quoi ça te concerne.

- L, je pense que si on meurt dans cette réalité, on retourne dans l'autre.

Le brun mit un moment avant de comprendre ce que sa petite-amie venait de dire. Il écarquilla les yeux et se figea aussitôt.

- Quoi ?!

- De mon point de vue, si on meurt ici, on revient dans l'autre réalité, c'est à dire..

-..dans notre réalité.., souffla L.

Olive hocha la tête.

- Donc il faut mourir.., articula difficilement L.

- Oui. Il faut mourir.

- NON !

Ce mot avait presque immédiatemment échappé des lèvres du brun. Olive le fixait, pas vraiment surprise. En fait, elle n'avait pas changé d'expression.

- Non, tu ne peux pas me faire ça ! Et si tu as tort ?!

- Dans ce cas.., répondit-elle, ce serait..triste.

L se redressa, la mâchoire tremblante.

- Triste ?! J'en mourrais, oui !

- Non Lawliet, ne me fais pas croire ça.

- Je te le prouverai !

- Je ne veux pas de preuves. Et de toute façon, si je meurs, je ne la verrais pas, ta preuve.

L sentit ses yeux se remplir de larmes et il se mordit la lèvre. Olive se pencha sur lui et pour une fois, elle était plus grande que lui. De seulement quelques centimètres, mais cela emplit la jeune femme d'une joie pure même si elle ne put pas le montrer.

- Si je meurs, tu continueras à vivre, Lawliet. Avec Livaï. Dans ce nouveau monde.

L attrapa son visage par les joues et se mit sur la pointe des pieds pour l'embrasser.

Olive ne répondit pas au baiser et recula son visage, troublée.

- Pourquoi tu fais ça ?

- Je n'ai pas le droit ?

- Non, éloigne-toi de moi.

- Quoi ?

- Eloigne-toi de moi, je te dis.

- Jamais !

- JE NE PLAISANTE PAS, ELOIGNE-TOI DE MOI !

L la regarda en souriant.

- Non.

Olive se laissa tomber à genoux dans le bassin, éclaboussant L au passage.

- Eloigne-toi..je t'en prie..

L s'appuya sur le rebord du bassin et sauta dedans. Olive lui tournait le dos. Il s'agenouilla à ses côtés. L'eau arrivait aux épaules de la châtaine. Quant à lui, elle lui arrivait au milieu du buste

- Olive..

- Laisse-moi..

L se déplaça doucement et lentement pour ne pas faire de geste brusque et par mégarde, envoyer de l'eau sur Olive avec ses mouvements. Il s'assit à côté d'elle. Elle tourna la tête vers lui et L put constater que ses grands yeux bleus étaient emplis de larmes. Elle en avait marre.

- L..éloigne-toi de moi..

- Non. Si tu meurs, je veux mourir avec toi.

- Et Livaï ?

- Il est..en train de faire autre chose.

Olive plissa les yeux et une larme dévala sa joue pâle.

- Je ne veux pas te voir, vas t-en.

- C'est faux. Et puis, même si c'était vrai, je resterais quand-même.

- Et pourquoi ?

L planta son regard dans le sien.

- Parce que je t'aime.

Olive secoua la tête.

- Je ne veux pas de ton amour. 

L ne répondit pas et serra simplement la châtaine dans ses bras.

Il l'entendit sangloter.

- Je suis tellement désolée..

- Shh, souffla L en retenant en vain ses larmes (même si l'état de la châtaine et la situation actuelle lui compliquaient la tâche), ne t'excuse pas, je suis là.

- Non..tu n'es pas là..

- Olive.

L se détacha d'elle et la fixa très sérieusement. Elle tremblait.

- Olive, je suis là. Tu me vois ?

Il prit sa main et la posa sur son coeur. Olive ne réagit pas et se contentait de fixer derrière le brun. Il tenta un sourire mais elle ne bougeait toujours pas. Elle avait froid.

- Olive..

- Lawliet, je t'en prie..

- Non, toi, je t'en prie. Comprends que je ne te veux aucun mal et que je te protègerai, quite à en mourir. La vie ne vaut pas la peine d'être vécue si tu n'es pas là.

- Ce n'est pas vrai. Regarde : tu te portais très bien sans moi.

- Olive, puis-je te dire quelque chose ?

- Oui..

- Si je t'ai quitté deux jours avant la Saint-Valentin, c'est parce que j'ai reçu une enquête urgentissime.

- Oui et..?

La voix de la châtaine se faisait de plus en plus lourde.

- Cette enquête parlait d'une bande d'amis qui avaient disparu tous le soir du 14 février. Ils avaient disparu sans laisser de traces, pas même leur nom. C'est par un mail que j'ai été mis au courant de ce mystère, par une personne inconnue et anonyme ne souhaitant pas révéler son nom. Au départ je pensais à un canular alors j'ai failli supprimer le mail. Mais c'est en remarquant un détail que j'ai compris que cette histoire cachait bien plus de choses que ce mail ne me disait. 

- Et..quel était-il ?, articula la châtaine.

- "Mirkwook, 23:59, 15/02/23",  écrit en bas à droite.

Olive coupa net sa respiration.

- L'anniversaire de Dryn..

L fronça les sourcils.

- De quoi tu parles ?

Olive ouvrit grand les yeux, terrorisée comme s'il avait annoncé la fin du monde.

- Dryn..elle est née un quinze février à minuit..elle me l'a dit..elle m'a tout expliqué..Discorde, les démons, la boucle temporelle..les différents univers..

L comprit qu'elle faisait une crise d'angoisse : elle baissait la tête, fixait l'eau, les yeux écarquillés par la peur, elle était secouée de tremblements et elle posait ses mains sur sa tête jusqu'à presque s'en arracher les cheveux.

- Olive, calme-toi !

- L..

La jeune femme releva la tête, le visage tumifié de larmes.

- L..ce que nous vivons est une boucle infinie. Si nous n'arrêtons pas la boucle ce soir, tout recommencera. A zéro.

- A..zéro ?! C'est à dire ?!

- Le jour de la naissance de Dryn..et..

Ils entendirent un grondement sous leurs pieds et L baissa la tête, accablé.

- Qu'est-ce que c'était ?

- Je crois que-

Elle n'eut pas le temps de répondre que la bassin explosa.

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