Chapitre 27

[20:13]

C'en était trop. Anne en avait marre.

June avait recommencé. Et cette fois, c'était grave.

Vraiment grave.

Pas seulement parce qu'Olive était bloquée dans un bassin d'eau glacée sans pouvoir en sortir.

Pas seulement parce que Legolas ne mangerait pas ce soir parce qu'il a pleuré.

Pas seulement parce que Camilo et Lotus se faisaient battre actuellement dans l'arène.

Mais Tess était en danger de mort parce que June voulait qu'elle soit pendue.

C'était elle qui mourrait demain.

Anne en avait marre. Depuis bien longtemps. 

Elle ne savait pas si la folie était aussi dangereuse.

Mais bon, quand on a plus rien à perdre, il valait mieux tout faire.

Pour ne rien regretter.

Elle quitta sa chambre, refusant d'écouter les consignes de Luna. D'ailleurs, elle détestait toujours la blonde. Malgré ce quart d'heure d'amitié (et encore, si on pouvait appeler cela de l'amitié), cela n'avait rien changé. Anne la haïssait. Cela ne changerait pas.

Elle tenait fermement un couteau dans sa main. Elle le tenait si fort entre ses doigts qu'elle croyait qu'elle se trancherait la main avant de lui avoir tranché la tête. Sa tête.

Elle sortit. Le sol de l'arène était tâché de sang. Camilo était effondré au sol, à son chevet, Lotus qui essayait tant bien que mal de le réveiller. Mais il était trop tard. Camilo était mort.

Anne serra les dents. Lotus releva la tête et son visage se décomposa en voyant la lame.

Puis son regard se durcit. Elle fusillait Anne de ses yeux. Elle la défiait. Elle lui disait "vas-y, tue moi, essaye". Mais ce n'était pas contre Lotus qu'Anne comptait se servir de son arme.

La châtaine parcourut les lieux du regard. Elle la cherchait. Elle. 

Mais elle ne la trouvait pas. Elle s'approcha donc de Livaï qui fixait Lotus et Camilo. Anne détailla le Madrigal : une profonde entaille traversait son torse. Il était mort dans d'atroces souffrances.

- Livaï, déclara Anne à voix basse, je sais qu'entre nous, c'est pas le grand amour mais je te connais assez pour savoir que toi aussi, June te soûle.

L'autre haussa un sourcil mais ne répondit pas. De toute façon, Anne ne comptait pas le laisser protester. C'était soit il acceptait, soit il mourrait. Mais elle savait que Livaï serait de son côté.

- Ecoute-moi bien, souffla t-elle, je sais qu'en tant que gardienne, je suis censée vouer mon corps et mon âme à la protection de cette putain de maison qu'est la J-House. Et que je suis censée surveiller les Anormaux, les capturer et les buter après. Mais je suis contre tout ça, je suis contre ce système de merde et je suis contre June. Est-ce que tu es d'accord avec mes idées ?

Livaï la toisait froidement mais prit quelques secondes pour réfléchir et ça, Anne le considérait comme une victoire. Il aurait pu l'envoyer bouler. Mais il ne l'avait pas fait.

C'était étonnant d'ailleurs.

- Ouais. 

Anne cligna des yeux.

- Ouais ?

- Ouais, je suis contre cette connasse de merde et je me ferais un plaisir de la buter de mes propres mains.

- Fallait y penser avant, ce plaisir revient déjà à quelqu'un d'autre, rétorqua t-elle d'une voix sèche, mais bon passons. 

Le brun plissa les yeux en attendant la suite.

- Si quelqu'un prévoyait...disons...de faire effondrer ce système de gardiens et Anormaux, lâcha t-elle en essayant de bien choisir ses mots, est-ce que tu y participerais ?

- A la chute du D-système ?

- Oui, à la chute du Discorde-système, la corrigea Anne, je préfère prononcer son nom en entier.

- Hm. Oui, sûrement.

Anne parut satisfaite et hocha la tête avant de faire demi-tour sous le regard exaspéré de Livaï.

Elle devait aller voir les autres gardiens. Elle savait déjà que Livaï et William seraient de son côté.

Mais combien à part eux ? Combien accepteront de trahir les ordres ?

Luna. Elle devait aller la voir, même si cela ne la réjouissait pas.

Anne appréhendait un peu. Au moindre faux pas, Luna irait prévenir June.

Et dans ce cas, tout son plan serait mis à l'eau.

Tout serait foutu.

La châtaine plissa les yeux et regarda attentivement autour d'elle. Elle la vit.

Luna était assise dans l'herbe. Elle lui tournait le dos. Anne s'approcha d'elle.

- Hé.

Luna ne tourna même pas la tête.

- Dégage.

- Qu'est-ce que je t'ai encore fait ?

- Je veux pas voir ta sale gueule.

- Sympa tout ça.

Anne s'assit à côté d'elle.

- Ecoute-moi bien. Je sais qu'on se déteste mais bon, l'heure est grave.

Luna arracha une fleur dans l'herbe et se mit à arracher les pétales.

- Je vais donc te poser une série de questions, ajouta Anne qui commençait à prendre un peu plus confiance, et tu dois y répondre avec honnêteté.

Luna releva la tête.

- Ouais. L'honnêteté c'est pas mon point fort mais dis toujours.

Anne hésitait maintenant. Luna était quand-même le bras droit de June. Et en plus, elles se détestaient. 

Mais bon, elle ne pouvait plus faire demi-tour.

- O.K, je sais que je suis censée être une gardienne et protéger à la fois Discorde, June, la J-House et les territoires J-Housiens. Je sais que je suis censée traquer les Anormaux et les buter juste après, comme un bon gardien. Mais je suis contre ça. Es-tu d'accord ?

Luna cligna des yeux sans rien dire pendant quelques secondes puis déclara :

- Je ne pense pas que je répondrais avec honnêteté en te disant que j'approuve ce que June fait.

Anne esquissa un petit sourire.

- Donc tu es d'accord avec moi ?

Luna la fixa.

- Je suis d'accord avec toi.

- Autre question : si quelqu'un prévoyerait de faire effondrer le Discorde-système, rejoindrais-tu la bataille ? Ou resterais-tu te battre avec June ?

- Je me battrai avec vous, répondit Luna sans hésiter.

Anne hocha lentement la tête.

- Et dernière question..quel est ton tatouage ?

Luna parut surprise et son ton se durcit quand elle dit avec fermeté :

- Je n'ai pas à te le dire. Et quel est le rapport avec le D-système ?

- Pourquoi avez-vous tous aussi peur de prononcer son nom, merde ! Il s'appelle Discorde.

- Je ne sais pas..c'est une intuition.

- Une intuition qui te forcerait à garder son nom pour toi et à le remplacer par un D ? C'est stupide, Luna. 

- Bon, je te montre mon putain de tatouage et tu me fous la paix ?, soupira la blonde.

- O.K.

Luna ôta sa veste et dévoila un dessin sur son coude.

Cela représentait une maison. Un peu fantaisie. Et en dessous, il y avait écrit "London".

- Ca réprésente quoi ?

- Je n'en sais rien. Mais c'est joli.

- On croirait nous il y a genre deux heures.

- Plus que ça.

- Bref, lâcha Anne en se relevant, je te remercie d'avoir répondu à ces questions.

- Y'a pas de quoi, répliqua Luna avant de se figer de peur, attends, tu comptes pas le répéter à June ?

Anne poussa un long soupir et secoua la tête.

- Non, je n'en vois pas l'intérêt.

- Merci.

Anne lui adressa un petit sourire et lui fit un salut militaire auquel Luna répondit par un geste identique.

"Bon, maintenant, les autres gardiens."

Il y avait L. Mais il avait repris connaissance.

"Et moi ? Vais-je reprendre connaissance ?"

La première reprise de connaissance avait été Ajax. Elle l'avait envoyé loin d'ici.

Il allait bien. Elle l'avait envoyé chez Tauriel, une Anormale. 

Une qui avait survécu.

Anne serra les dents. Combien mourront encore dans cette bataille ?

Car il était certain qu'une bataille aurait lieu. Une bataille qui tournerait au carnage.

Et à un bain de sang.

C'était inévitable. Elle savait que ça arriverait. C'est pour ça qu'elle a mit en sécurité les Anormaux, du moins, elle a fait ce qu'elle a pu. Plus d'une trentaine d'Anormaux au total ont été libérés et sauvés grâce à elle. Mais Anne ne d'en vantait pas.

En fait, elle ne pouvait pas s'en vanter. Car c'était interdit. C'était interdit de prendre le parti des Anormaux et d'être de leur côté. 

Anne tira dans un tas de sable qui s'effondra.

Elle n'aura pas le temps de demander à tous les gardiens s'ils étaient avec elle ou avec June.

Et elle espérait qu'ils soient avec elle.

Elle ne voulait pas être obligée à les tuer.

Mais de toute façon, elle en serait incapable.

Anne n'aimait pas tuer.

Sauf quand c'était nécessaire.

La châtaine serra les poings et se retourna et marcha vers Lotus et Camilo en cachant son couteau dans sa poche de pantalon. D'ailleurs, elle avait été étonnée que ni Livaï ni Luna ne lui avaient aucune remarque sur la raison du pourquoi elle avait une arme sur elle.

Et tant mieux d'ailleurs, elle voulait garder l'effet de surprise.

Anne s'agenouilla à côté de Camilo. Lotus la fusilla du regard. Anne l'observait.

La blonde avait beaucoup changé : ses traits s'étaient encore plus durcis mais surtout, son visage s'était assombri. Ses yeux bleus avaient presque viré au gris et ses lèvres étaient constamment pincées. Ses cheveux blonds ondulaient de façon paresseuse sur ses épaules et sa peau pâle était couverte de croûtes, de bleus et de blessures. Mais aussi de sang 

Lotus était vraiment belle, même si elle même ne semblait pas s'en rendre compte. 

- Écoute-moi Lotus, murmura t-elle doucement, je sais que tu ne m'aimes pas et que tu te retiens de me gifler parce que tu as l'impression que je veux jouer la psychologue à faire comme si je te comprenais. Mais c'est faux : je ne suis pas toi. Je sais simplement ce que ça fait de perdre quelqu'un. Tu dois en vouloir au monde entier, tu dois vouloir tuer tout le monde et de détruire et réduire en miettes tout ce que tu vois. Mais malheureusement, ça n'arrangera rien.

- Si t'es venue me dire de me relever et de me battre, tu peux te barrer, gronda Lotus en attirant le corps de Camilo contre elle comme une grande sœur protégerait son petit frère, parce que je me suis déjà trop battue et tout ça n'a rien donné.

- Non Lotus, je ne vais pas te demander de te battre. Pas cette fois.

- Comment ça, "pas cette fois" ?, grogna t-elle.

Anne fut troublée et songea quelques instants avant de répondre :

- Je ne sais pas. J'ai..comme un sentiment de t'avoir déjà dit de te battre.

- J'en ai aucun souvenir, répliqua froidement la blonde, déterminée à contredire Anne.

La châtaine se concentra sur Camilo.

- Il est..

- Mort ? Ouais.

- Je suis vraiment désolée, même si ça ne sert à rien de le dire.

Anne avait été entièrement honnête : chaque mort d'Anormal l'affectait.

Elle les aimait. Plus qu'elle n'aimait June.

Et ce, depuis pas mal de temps.

- Lotus, je vais te dire quelque chose mais tu n'es pas obligée d'y répondre.

Lotus hocha la tête en hésitant. Anne effleura le sable de ses doigts couverts de terre et finit par poser sa main sur l'épaule de la blonde qui l'a fixait, une lueur apeurée dans le regard.

Anne savait que Lotus croyait qu'elle allait la tuer.

Mais ce n'était pas le cas. Anne n'allait tuer qu'une personne.

Et ce ne serait pas un Anormal.

- Je suis de votre côté. Depuis le début. Et je suis vraiment désolée de ne pas avoir réussi à tous vous sauver. Mais ce n'est pas à moi que revient cette tâche.

- À.. à qui alors ?, articula Lotus qui semblait complètement perdue.

On eût dit une petite fille qui ne comprenait rien à ce qu'on lui disait.

Anne connaissait ce sentiment. Elle l'avait déjà vécu, quand Robin était venue la voir.

Oh..mais non, c'était elle qui était venue la voir. À Nestintrunk.

Anne frémit : elle retrouvait la mémoire.

Elle était comme L, maintenant.

Elle se rappelait de tout.

- Bref, voilà.

Lotus hocha la tête, un peu secouée.

Elle se releva et quitta l'arène pour chercher June. Elle avança un peu dans la rue, sentant tous les regards des gens de la J-House sur elle. Elle voulait juste trouver la chef.

La responsable de tout ça. Celle qui suivait les ordres sans protester.

Elle l'aperçut : avec sa chevelure rousse. Sa stupide chevelure rousse. Anne s'approcha d'elle.

June parlait avec William. Elle lui disait qu'Armin avait échoué sa mission secrète et qu'il n'était pas revenu. Elle lui disait qu'il mourrait bientôt. Anne avança vers elle.

June lui tournait le dos mais William, qui aperçut Anne se diriger vers eux, un couteau à la main, comprit immédiatement ce que la châtaine comptait faire. Lui-aussi en avait marre.

- Hé, June le Clown !, cria Anne en souriant jusqu'aux oreilles.

La chef lâcha un juron et se retourna.

Et Anne lui planta le couteau dans le coeur.

June hoqueta et durant un instant, Anne vit ses yeux briller. 

Puis une larme.

Et une deuxième.

Une troisième.

June pleurait. Et ça, Anne s'en souviendrait toujours.


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