Narrateur interne, Maxence.

Assis sur mon canapé, les pieds sur la table basse, je contemple ma télé d'un œil vide. Je zappe au hasard, sans conviction. Je ne regarde pas vraiment... C'est juste que je ne vois pas quoi faire d'autre, je n'ai goût à rien. Alors c'est soit la télé et ses émissions nulles, soit je dors.

Le tourne-disque est toujours posé dans l'entrée, le vinyle toujours en place... Je n'ai touché à rien. Pas même aux postites accroché à ma porte.
Seb n'a pas donné de nouvelles, je ne vois pas la signification de tout ça et ça m'énerve. Ça à un rapport avec Lucas bien-sûr, je ne suis pas stupide.
Mais pourquoi il ferait ça ? Il se moque bien de moi, je lui ai fais peur avec mes sentiments...
Alors ouais ça m'énerve.
Je me suis fais pleins de théorie, pleins d'espoirs même dans ma tête mais ça ne mène à rien. Les désillusions me font bien trop mal.
Je zappe.

J'entends un bruit, comme un glissement au niveau de ma porte d'entrée. J'attends que quelqu'un frappe mais rien.
Alors je me lève en râlant, me traîne vers la porte d'entrée.
Une enveloppe se trouve au sol.
On l'a faite passer sous la porte.
Je la ramasse et la tenant dans ma main gauche, j'ouvre la porte de l'autre. Je jette un œil dans le couloir. Personne. Évidemment.
À toute vitesse je me rue sur mon balcon. Je regarde de tous les côtés.
La personne qui a amené ça doit bien être quelque pars. Au loin je vois effectivement une silhouette de dos, qui part en trottinant. C'est un homme mais je ne vois rien de plus.

Je me rassois et pose l'enveloppe en face de moi.
Je ne sais pas à quoi m'attendre.
Elle est vierge, aucune adresse, rien.
J'inspire et me décide enfin à l'ouvrir. 
J'y trouve un papier que je déplie et commence à lire :

Pour toi Maxence,
De : Lucas Hauchard

Je suis désolé.
Ces mots ne vont pas changer grand chose, je le sais bien. Ils sont trop souvent utilisés à tort et à travers, pour des choses sans importances.
Pourtant aujourd'hui, j'use de toute la dimension de ses mots, de leur sens véritable, originel.
Parce que putain, je suis tellement désolé. J'ai tellement merdé.
Je suis vraiment nul et tu dois me détester. C'est bien normal. Oui déteste moi, je ne mérite que ça. Je suis détestable.

J'ai eu peur.
Je sais que ça n'excuse rien mais j'ai eu super peur. Je ne savais pas comment réagir ce soir là  alors ma seule idée (pas vraiment brillante hein) ça a été de te laisser là, en plan.
Sans aucun mot.
Je vais encore dire quelque chose de très cliché mais...c'est absolument pas ta faute. Y a que moi et mes conneries là dedans. Toi tu es parfait.
Mais ces derniers temps passé loin de toi, j'ai réfléchis. Jour et nuit. Et bien-sûr j'ai regretté mon acte à l'instant même où j'ai quitté le bar.
J'aurai pu faire marche arrière, revenir vers toi... Mais j'étais paralysé.
Et je le suis resté pendant toute la semaine qui a suivi. Une loque humaine. Tu m'aurais vu...
Enfin bref, je ne vais pas t'embêter avec mes "problèmes", j'ai bien mérité tout ça. Et plus encore. Je ne suis qu'un lâche. Pas toi.
Tu as dû avoir tellement de cran pour monter sur scène... Pour chanter comme tu l'as fais..
Et tu sais, je ne suis même pas sur de savoir encore la raison de tout ça.
Si je me fais de fausses idées. Peut-être bien.
Je suis détestable donc.
Je suis même inexcusable.
Pourtant c'est stupide je sais, mais je vais te demander de me revoir.
Parce que je déborde de mots, d'émotions que je ne peux pas simplement t'écrire. Je veux te revoir, en face.
J'en demande beaucoup je sais.
C'est stupide je sais.
Mais je le tente : retrouve moi dans une semaine à cette adresse "xxxx"
à 14h.
Je suis sûrement fou de te demander ça. Tu aurais toutes les raisons du monde de refuser.
Mais je suis plein d'espoir.

Je suis horriblement nul et désolé,

Lucas.

Je me laisse tomber vers l'arrière.
Ma première réaction quand j'ai lu son prénom, ça a été la surprise. Puis une certaine joie incontrôlable : "il pense à moi, il en a pas rien à foutre !" 
Alors avec une certaine appréhension j'ai commencé à lire.
Il est désolé. Il s'en veut. C'est ce que me dit la lettre. J'ai donc une certaine importance pour lui !
De nouveau, je me mets à sangloter.
Je suis important peut-être, mais je fais quoi si il me sort un "on reste ami". Parce que c'est sûrement le cas. Il s'excuse d'avoir agit comme ça, me dit que lui n'a pas de tels sentiments, qu'il aime les filles. Mais qu'on peut oublier et rester ami. C'est sûrement ce qu'il me dira si je vais à son rendez-vous.
Je pourrai faire semblant, rien que pour pouvoir continuer de le regarder, de rire avec lui... Mais ça me déchire le coeur.
J'en suis foutrement incapable.
Pas maintenant que je lui ai montré mes sentiments. Je peux pas.
Tout...ou rien.
Rien alors. Probablement.

Mais pourtant, j'ai terriblement envie d'y aller, à son rendez-vous. Curiosité déjà, mais j'ai envie de le voir surtout.
Je me lève et tourne en rond dans la salle. Je réfléchis. Je pèse le pour et le contre. Puis je me décide enfin :
Je vais y aller. Rien que pour le revoir une dernière fois.
Ça va être très dur et en une semaine je vais sûrement changer d'avis une centaine de fois.
Mais on verra bien.

Et comme tu le dis Lucas, c'est sûrement stupide mais moi aussi.

Moi aussi je suis plein d'espoir.