Narrateur interne, Maxence.

Je me réveille lentement.
J'ai bien dû faire une nuit de 14h, et c'est pas la première cette semaine.
Depuis cette soirée (la dernière) avec Lucas, les mouchoirs se sont entassés dans ma poubelle et éparpillés un peu partout autour de mon lit.
Sur mon oreiller on voit encore la marque de mon visage là où hier soir encore, je tentais d'étouffer vainement mes sanglots. Je crois que les voisins du bas commence à s'inquiéter et je préfère éviter qu'ils ne viennent prendre de mes nouvelles. C'est vrai qu'ils sont plus habitués à m'entendre hurler de rire avec Lucas...
Lucas.
Ce nom me fait mal.
Je me lève et me poste face à mon miroir : j'ai les yeux vitreux, le nez rouge et le teint pâle. Je n'ai pas vu le soleil depuis un bon moment...
Je suis lamentable.
On dirait un pauvre adolescent, un gamin fragile qui vient de se prendre son tout premier râteau.
L'ironie me fait rire. C'est vrai pourtant, je me suis pris un râteau. J'ai laissé mes sentiments pour lui grandir en moi, je le savais et je n'ai rien fait pour les en empêcher.
Et puis je l'ai laissé y mettre le feu et les réduire en cendre.
Je me demande ce qu'il a pensé de moi quand il a enfin compris... Il a peut-être eu peur ? Où il était dégoûté..
En tout cas, me dis-je avec cynisme, tu as échoué mon cher Lucas. Parce que malgré ton sale coup, on dirait bien que je t'aime encore.
C'est stupide.
Pourtant mon corps entier se refuse à laisser son image partir : la nuit je rêve de lui. Je rêve qu'il m'échappe le plus souvent mais son visage est bien là, dans mon sommeil. Et parfois, les yeux grands ouverts, je crois l'entendre m'appeler en bas de l'immeuble. Sous mon balcon.

Enfin bon, je suppose que je dois juste apprendre à l'oublier et à accepter cet immense râteau. Je dois aller de l'avant même si visiblement, ça va être plus dur que prévu.
Merde.
Je crois encore l'entendre.
J'essaie de m'en empêcher mais la tentation est trop forte.
Je cours jusqu'à la fenêtre, l'ouvre d'un coup et arrive en trombe sur mon balcon. Le soleil m'éblouit et je n'arrive pas à garder les yeux ouverts.
-Maxence !
Je l'entends de nouveau, je ne suis pas fou !
J'arrive enfin à y voir plus clair.
Je regarde au sol où je vois Seb qui fait de grands signes et tente de m'interpeller.
-Ah Seb...je lâche.
-Hé Maxence ouvre-moi ducon j'ai encore oublié le code !
J'ai mal à la tête...
-Heu je sais pas mec, j'ai un truc à faire désolé. je dis minablement.
-Un truc à faire, tu te fous de ma gueule ? T'es en pyjama et ça doit faire une semaine que t'es pas sorti !
-Bon... Tu me veux quoi Seb ?
-Laisse moi monter. Son regard est insistant.
-Ouais bha je suppose que j'ai pas le choix.

Je lui ouvre la porte et il se rue dans ma chambre en regardant de gauche à droite.
-Meeec ça fait combien de temps que t'as pas le ménage ? Nan mais regarde moi ce bordel !
Il ouvre tous les rideaux et laisse le soleil rentrer dans la pièce.
Il se tourne vers moi et contemple mon air pathétique que j'ai bien du mal à dissimuler.
-Bon alors il s'est passé quoi ? Parce que t'as vraiment pas l'air bien...

Je passe une main dans mes cheveux.
-Bhaaaaaa...
Il me coupe.
-Nan laisse. Tu ne comptes pas me le dire pas vrai ? N'invente pas de mensonges. C'est pas grave je comprends. Tu as le droit de garder des trucs pour toi.
-Ah ouais...merci mec.
Je suis soulagé, ça fait déjà ça de moins.
Il reprend :
-Bon quoiqu'il en soit, je suis pas vraiment venu pour ça. J'ai besoin de toi pour un projet vidéo Max. C'est un truc assez gros qui va carrément te plaire c'est obligé ! Même dans ton état... J'ai besoin de toi dans deux jours pour venir avec moi faire un repérage du lieu. Je t'expliquerai le projet là-bas parce que là j'ai...heu j'ai pas trop le temps.
Il fait mine de regarder sa montre.
D'ailleurs il est tard faut que je file !

-Écoute... je dis. Je sais pas mec. J'ai pas vraiment la tête à ça.
-Mais si tu vas adorer je te jure ! Allez en plus il te reste deux jours pour te préparer et te heu..laver. Tu me dois un service de toute façon alors t'es obligé !
Ah oui merde le fameux service...Il avait raison, je lui en devais une.
Je soupire.
-Bon, ok. Je viendrai à ton truc.
-Yes !! Tu vas pas le regretter tu vas voir !
Il quitte ma chambre et se dirige vers la sortie. Je lui ouvre la porte.

-Oublie pas, dans deux jours ! Je t'envoie l'adresse. dit-il en disparaissant dans le couloir.

Je referme la porte derrière lui, soulagé d'être de nouveau seul.
Bon...ça me changera les idées au moins. C'est déjà ça.
Je m'assoit sur mon lit.
Il fait beau dehors et des rayons de soleil entrent furtivement dans ma chambre et me réchauffe le visage.

Oh Lucas... Est-ce que toi aussi, tu les contemples ces rayons ?
Est-ce qu'un jour je pourrai regarder le ciel sans penser à toi ?