4 - Orange blossom
Roseanne avait difficilement ouvert ses paupières, elle n'avait pas encore bougé mais son crâne lui faisait déjà toutes les misères du monde. Elle avait cligné des yeux en fronçant les sourcils, le ciel était d'un gris anthracite et pourtant la luminosité lui coupait le souffle. Ses pensées n'étaient pas divagantes, elle pensait juste à un mauvais rêve. Si elle se tournait alors elle tomberait peut-être sur les genoux de Jisoo et elle se rappellerait s'être endormie sur elle. Pourtant, avec difficulté, elle s'était levée lentement en s'asseyant en tailleur sur les planches de bois qui lui avaient visiblement servies de sommier. D'un coup de tête, elle avait reconnu l'endroit, c'était la terrasse du café de Jisoo. Sa main avait glissé sur sa nuque endolorie, la petite rousse se sentait finalement bien plus en forme que d'habitude, comme si elle avait passé la plus longue nuit de sommeil dans les bras de sa bien-aimée durant une éternité.
Elle s'étira en faisant quelques pas avant de rentrer dans le café, la petite clochette tinta au-dessus d'elle et Jisoo fit son apparition derrière le comptoir. Roseanne ne pouvait que sourire devant sa petite amie, elle la trouvait si belle même simplement vêtue de sa chemise blanche et de son tablier. Pourtant encore une fois, elle ne pouvait qu'observer comme n'importe quel esprit.
- C'est donc ça, ton paradis ? Elle se tourna vers la jeune femme assise dans le fond du café, une tasse en main. Je n'imaginais pas que cet endroit représenterait tant pour toi.
Elle fronça les sourcils, elle ne l'avait pas vu, elle était sûr qu'il n'y avait personne d'autre que Jisoo quand elle avait poussé la porte vitrée quelques secondes avant. Sa présence n'était pas normale et puis si c'était vraiment son paradis rien qu'à elle, pourquoi n'était-elle pas seule avec ses souvenirs de sa bien-aimée ?
- Sun, tu ne connais rien de moi. Elle l'avait ignoré en s'approchant du comptoir. Ses doigts glissèrent sur la surface plane et elle s'étonna de la disparition de Jisoo, comme le mirage d'une oasis dans le désert.
L'esprit s'était mordu la lèvre avant de rire malicieusement, tout ce qu'elle pouvait faire était d'hocher la tête pour accepter ses dires. Bien sûr qu'elle ne connaissait rien de l'adulte qu'était Roseanne et elle non plus, ne connaissait rien de Sun. Pourtant elles étaient amies et avait absolument tout partagé jusqu'au jour de la mort de l'accompagnatrice. La jeune femme le faisait parfois à contre cœur mais Roseanne était le cas qu'elle avait choisi elle-même, elle avait l'intention de la guider jusqu'au bout du chemin, peu importe le temps qu'il lui faudrait.
Elle avait remonté sa casquette en continuant à lui sourire, buvant tranquillement sa boisson chaude. Il y avait bien des choses qu'elle devait apprendre à la jeune fille, la première était sûrement qu'elle pouvait presque absolument tout faire grâce à son imagination. Mais avant cela, elle voulait jouer avec la propriétaire du paradis dans lequel elle s'était infiltrée. Sa tasse s'était échouée dans un tintement contre sa coupelle et ses pas s'étaient fait lents et silencieux, comme si elle effleurait à peine le sol. Sun avait cette démarche la rendant presque aussi légère qu'une plume quand elle marchait ou plutôt, flânait sérieusement.
Son effluve la suivait jusque derrière le comptoir à présent totalement vide et elle prit plusieurs poignées de grains de café qu'elle disposa sur le plan de travail. Les bras croisés, elle se pencha au-dessus et observa Roseanne qui semblait perdue avec le réalisme de l'endroit et sa condition.
- Sais-tu tout ce qu'on peut faire ici ? Un simple grain de café peut devenir une noisette de gouache. Elle avait appuyé dessus et une pâte noire s'était étalée sur le marbre. Tu peux pratiquement tout faire si tu y crois vraiment.
Tout n'était que persuasion, croire était le début et la finalité même des choses. Sun regardait Roseanne avec malice et avec cran, avait croquer un des grains entre ses dents. Il pouvait prendre absolument n'importe quelle saveur, des spaghettis à la bolognaise, une tarte aux fraises en passant par les bonbons, tant qu'elle y croyait, ce n'était pas infecte.
La rousse s'était approchée avec intérêt, elle trouvait que c'était fascinant même si elle n'y croyait pas vraiment. Instinctivement, son amusement s'était décuplée au point de vouloir essayer. Ses yeux ne savaient laquelle choisir exactement, et pourtant elle avait vivre une mauvaise expérience comme beaucoup l'avait déjà fait avant elle. Roseanne hésitait mais les grains de skybury semblaient l'appelés, Jisoo n'aimait pas les utilisés, elle considérait que ce n'était pas un véritable café qu'elle produisait. L'infusion était toujours trop intense d'après son palais avec des notes de fruits secs trop présentent. La rousse s'amusait bien à lui dire que c'était son préféré, elle lui commandait toujours un verre en taille médium, à emporter pour son trajet jusqu'à son travail. Malgré cela, elle le buvait rarement en entier, c'était un point qu'elle ne disait jamais à Jisoo, en réalité elle préférait les pâtisseries de sa bien-aimée et cela, par-dessus tout.
Ses flash-backs la désespéraient mais au moins, elle semblait être sûre de ne jamais oublier tous ses souvenirs de sa belle et courte vie. Roseanne n'était pas du genre à se laissé faire, elle était téméraire et répondait toujours quand on la taquinait un tant soit peu. Son regard était remonté vers Sun qui attendait les bras croisés, un sourcil haussé, on pouvait parfaitement lire en elle et la demoiselle ne croyait pas en la rousse et en ses capacités.
Elles semblaient être comme chien et chat, sans quitter le blanc de ses yeux, Roseanne avait pris une des petites pépites entre ses doigts. Pourtant elle devait regarder ce qu'elle allait manger avant de faire vraiment n'importe quoi alors elle baissa ses pupilles même si l'envie n'y était pas. Finalement elle avait presque fini par l'admirer de force en l'approchant de son visage. Ses gestes étaient hésitants, c'était comme si finalement, elle avait peur de faire une idiotie ou de carrément s'empoisonnée. Dans le creux de sa paume, elle continuait à regarder le petit fruit du caféier. D'un geste brusque, elle l'avait finalement pris comme un médicament avant de l'écrasé entre ses molaires.
- C'est pas bon... Le goût était si infect qu'elle l'avait avalé directement pour oublier l'amertume brûlant ses papilles. Tu t'es moquée de moi ? Elle avait presque envie de vomir tellement c'était insupportable.
- Roseanne, sais-tu pourquoi je peux les manger comme si c'était exactement ce que je désirais avoir comme repas ? Parce que j'ai la foi. Crois en ton monde, comme tu as cru en ton âme-sœur. Sun voulait voir jusqu'où son amie était fermée d'esprit, elle n'était pas là pour rien alors autant qu'elle s'amuse un peu, qu'elle divertisse sa vie de passeur légèrement monotone.
La petite rousse avait fermé les yeux avant d'en reprendre une, comme un mauvais quart d'heure à passer. Pourtant son essence était douce et enivrante, comme la saveur des cheese-cakes de sa bien-aimée. Sun était satisfaite, le processus pour qu'elle l'emmène rejoindre les cieux était enfin pleinement entamé. Pourtant elle l'avait laissé continuer d'apprivoiser son propre espace, celui qu'on lui avait accordé après sa dure vie sur terre.
Chacun de ses pas résonnait dans la grande pièce et rien ne changeait à la réalité, comme si elle avait passé sa vie à l'observer sans en sortir. Même la petite fissure sur le mur gauche était là, même la brèche sur le plan de travail que Lalice avait faite, tout était là, à la perfection. Sun l'avait remarqué, comme si elle appartenait déjà au décor. D'ailleurs elle semblait disparaitre dans les cloisons, ou alors c'était simplement Roseanne qui pouvait l'oublier en se baladant dans son lieu de paix.
- Sortons, Dieu n'est pas du genre à offrir une simple pièce à une âme qui le mérite. Roseanne avait suivi celle qui se disait être un passeur, elle ne savait pas où elles iraient mais sa curiosité la suppliait de découvrir une nouvelle fois son monde. Sais-tu la liberté que tu peux avoir quand tu es le maître des lieux ? Dis-moi l'endroit où tu voudrais par-dessus tout retourner.
- Le parc. Soupira-t-elle doucement, l'air rêveuse.
C'était un endroit qu'elle aimait pour les souvenirs de Jisoo. Pour son parapluie qui l'avait abrité mais surtout pour ce moment où elle l'avait aperçue pour la deuxième fois de la journée. Dans son regard, Roseanne avait compris qu'elle cherchait quelqu'un et plus précisément, elle-même. Alors elle l'avait suivi tant bien que mal jusqu'à la retrouver.
- On dirait une vieille scène de film à l'eau de rose cliché, « Rose' ». La concernée s'était pleinement retournée vers elle en fronçant les sourcils. Comment pouvait-elle dire cela, comme si elle y était, comme si elle pouvait juger. C'est quoi l'expression déjà, « réfléchir à voix haute » ? C'est un peu la même chose là.
La rousse n'avait pas fait suite, simplement, elle avait arrêté de repenser à ses beaux souvenirs, ils étaient de toute façon bien ancrés dans sa mémoire alors elle n'avait pas peur de les oublier. Peut-être qu'avec le temps il allait doucement s'effacer mais l'attente pour retrouver Jisoo allait s'amoindrir alors elle était tout de même bien heureuse de sa condition.
- Est-ce loin ? Le parc. Sun savait déjà parfaitement où c'était. Penses-tu pouvoir y arriver en trente secondes ?
Roseanne fronça les sourcils en souriant, elle ne comprenait plus rien de son amie. Même en voiture, elle mettrait au moins cinq bonnes minutes pour atteindre ne serait-ce que la grille de l'entrée. Elle secoua la tête avant de descendre les marches de la terrasse pour entamer le chemin. Sun claqua sa langue contre son palais avant de rouler des yeux, encore une fois la bêtise humaine semblait la rendre folle. Parce que ce n'était pas réaliste sur terre alors ça ne l'était pas non plus ici, à chaque fois c'était la même chose. Même les enfants qu'elle récupérait régulièrement au centre pédiatrique, ils ne croyaient jamais Sun la première fois. C'était toujours la même chose, elle devait faire un petit quelque chose pour qu'on comprenne la chance qu'ils avaient d'être là. L'esprit détestait ça, de voir des petites filles et des petits garçons qui n'avait encore rien vécu. Un premier baiser, une première fois, tout cela, ils ne le vivraient donc jamais et cela la rendait triste jusqu'à ce qu'elle se rende compte qu'elle non plus, n'avait pas pu vivre tout cela avec la personne qu'elle aimait à l'époque où son cœur battait encore sur terre.
Dieu permettait beaucoup de chose aux âmes qu'il récupérait, l'enveloppe charnel n'était pas importante alors si l'enfant voulait prendre une apparence adulte, il l'acceptait et lui permettait de prendre l'image de n'importe quelle personne qu'il ou elle voulait. Souvent on refusait, comme si l'esprit était attaché à son reflet dans le miroir. Tous avaient le droit de reposer ensuite avec les autres ou seul dans leur propre monde.
Sun n'était pas différente, simplement, son rôle lui avait été attribué pour réparer la faute qu'on avait commise à cause d'elle. Jamais elle n'avait regretté ce choix qu'elle avait fait ou plutôt, qu'on avait fait pour elle. La jeune fille n'avait que très peu de répit, on ne lui accordait que peu de temps pour se reposer, Sun devait toujours partir pour chercher des âmes perdues, égarée, qui ne voulait se convaincre de leur mort. C'était son travail pour se racheter, sa corvée pour apaiser la colère de Dieu pour avoir entrainé une autre personne avec elle le jour de sa mort.
- Je te croyais plus ouverte d'esprit, c'est dommage. Soupira-t-elle en basculant la tête en arrière. Mais je vais m'amuser un peu du coup.
C'était devenue son passe-temps, de taquiner les entités pour qu'elle révèle leur propre nature, celle caché à cause de la société créée sur terre. Elle en avait fait son objectif, sa propre règle en tant qu'accompagnatrice. Sun devait montrer toutes les libertés qu'on pouvait avoir sur le temps, l'aspect et les convictions. Des minutes pouvaient devenir des secondes comme elles pouvaient devenir des jours entiers, du métal pouvait prendre la texture et la dureté d'une épouse et vice-versa. Mais Sun aimait jouer avec ses propres limites, c'était bien plus drôle et de cette façon elle oubliait un peu cette prison dans laquelle on l'avait envoyé juste parce que l'amour avait été plus fort à l'époque.
Elle n'avait pas descendu les marches, elle avait parcouru toute la terrasse pour finir par sauter la rambarde. Sa réception était inaudible, comme une plume s'échouant sur la surface d'une flaque d'eau. Roseanne ne l'avait quitté du regard qu'une seule seconde avant de se rendre compte de son absence. Sun avait disparu tel un nuage de fumée en hiver. Tournant sur elle-même, la rousse avait cherché son amie avant de comprendre qu'elle n'était bel et bien plus là. Roseanne semblait perdue, qu'allait-elle pouvoir faire, seule dans ce qui semblait être un rêve. D'un coup elle se sentait oppressée en se rendant compte qu'il n'y avait aucun bruit, comme si ce n'était qu'une énorme pièce insonorisée.
- S-Sun ?
La concernée l'observait au loin, un sourire en coin. Il lui manquait juste un café de la dénommée Jisoo pour que sa planque soit parfaite. Pourtant elle avait bien d'autre chose à faire, comme avancer avec son amie et sa faiblesse d'esprit. Elle attendait simplement que la jeune fille fasse quelque chose, de là où elle était, elle pouvait absolument tout voir. Ses yeux se plissèrent en essayant de voir l'expression de la petite rousse, celle-ci semblait presque son sang-froid à être seule dans un espace si grand. Elle n'y avait jamais pensé, à la peur de finir seule au monde. Roseanne fit quelques pas, avant de tourner sur elle-même, ses mains commençaient à trembler, sa peur lui nouait l'estomac, ses tempes commençaient à devenir brûlantes comme si sa peau allait s'embraser.
Sun glissa ses mains dans ses poches avant de descendre du toit de l'immeuble où elle s'était légèrement cachée. Il était temps qu'elle lui montre tout ce qu'elle savait faire, tout ce qui rendait la mort plus belle qu'il n'y paraissait.
- Ici ! Elle secouait la main pour lui faire comprendre où elle était exactement. Ou là ? Elle jouait déjà avec Roseanne en apparaissant derrière elle. Peut-être même ici. Elle lui avait murmuré à l'oreille avant de rire faiblement.
- Comment...
- Je te le redemande, le parc, tu penses pouvoir y être en trente secondes ?
Roseanne serra les dents, ayant la sensation de ne rien pouvoir faire d'elle-même. Elle commençait sérieusement à assimiler le fait que Sun pouvait apparaitre n'importe où quand elle le voulait mais elle, elle n'était que Roseanne, comment pouvait-elle aussi faire ce genre de chose ? Alors ses yeux se perdirent vers le sol et sa tête bascula finalement complètement en avant, ses pensées lui jouaient des tours encore et encore.
- Comment je pourrais alors que je suis juste... moi...
Sun perdit son sourire, elle n'avait jamais entendu son amie parler ainsi d'elle. Les âmes qu'elle accompagnait avaient l'habitude de vouloir faire pleuvoir de l'or, de changer de l'eau en vin comme Jésus était censé pouvoir le faire mais jamais, jamais on ne lui avait dit qu'il n'y avait rien qu'on pouvait faire. Pour une fois, elle hésitait sur ce qu'elle devait faire alors elle posa avec peur, sa main sur son épaule et elle la tapota doucement en soupirant.
- Tu sais courir non ? Alors ferme les yeux et imagine que tu es un guépard, le plus rapide de toute la terre entière. Elle avait fermement pris sa main dans la sienne. Maintenant cours !
Elle ne lui avait même pas laissé le temps de prendre son souffle, ses paupières s'étaient ouvertes et ses jambes avaient suivi celle de Sun. Elle avait tellement de mal à voir la rue qu'elle connaissait par cœur que ses poumons peinaient à se remplir d'air. Le vent soufflait si fort contre sa peau que les larmes s'accumulaient dans ses yeux, d'un coup elle avait peur, peur de trébucher, de tomber et d'avoir mal et pourtant elle ne pouvait que sourire avant d'hurler.
Roseanne se sentait libre de tout, loin de la peine, de la haine, de ses responsabilités et de tout ce qui pouvait l'enchaîner quand elle était en vie. Tout lui semblait à portée de main finalement, la jeune fille voulait faire tout ce qu'elle avait pu rêver. L'espace d'un instant, elle avait oublié le fait d'être loin de sa bien-aimée, l'espace d'une seconde, elle était redevenue une enfant ayant toutes sortes d'espoir.
- Alors si je veux. Elle était devant la grille du parc. Je peux monter et sauter du toit de cet immeuble. Elle montrait du doigt, le plus proche et assez haut qu'elle pouvait voir. Pour voler comme un oiseau ?
Elle était si impatiente qu'elle n'avait pas le moins du monde, écouté Sun qui lui déconseillait de faire ça. C'était déjà trop tard, elle pouvait prononcée tous les mots qu'elle voulait, l'accompagnatrice n'était plus du tout présente dans l'esprit de Roseanne. La rousse avait déjà les pieds sur le rebord du toit. Ses paupières closes, elle respirait profondément pour se préparer, les paroles de Sun l'avait concertées dans ses choix. Si elle y croyait alors elle pouvait y arriver.
- Ne fait pas ça, il y a tout de même quelques petites limites... On n'est pas fait pour voler, Dieu s'est moqué de nous sur ce coup-là. Vraiment Chaeyeong à ta place je ne ferais pas ça.
Roseanne n'avait même pas remarqué le prénom qu'on avait utilisé pour la nommer, pourtant il n'y avait qu'une seule et unique personne qui l'appelait de cette façon. Une jeune fille qui avait du mal à compter sa monnaie.
Elle était finalement descendue et Sun avait pu soupirer, aucune bêtise ne serait effectuée ce jour-là. Le sourire de l'âme dont elle était en charge aurait dû la prévenir, qu'elle le ferait réellement et dans une ridicule seconde, elle avait tourné les talons avant de sauter dans un sprint final.
Roseanne essayait de voler, mais rien n'y faisait, elle allait s'écraser et même mourir dans son propre paradis. Son cœur semblait s'arrêter, sa peur faisait tressaillir chacun de ses membres avant qu'elle ne réagisse enfin. Si elle ne pouvait pas voler, alors elle pouvait atterrir sur un doux matelas cotonneux comme une guimauve. Son cri résonnait dans le quartier jusqu'à ce que sa chute soit amortie dans un rebond. Elle s'était laissée retomber en arrière, couché sur le sol devenu aussi mou qu'un marshmallow, sans regarder, ses doigts qui parcourrait le parterre lui donnait parfaitement l'illusion d'être sur un bonbon.
Un soupir avait détendu tous ses muscles meurtris par la peur qui avait parcouru chaque parcelle de son corps. Elle avait eu chaud, très chaud, l'adrénaline n'avait jamais été aussi forte et elle ne savait pas que c'était si addictif qu'elle regrettait tout juste de n'avoir jamais sauté en parachute. Sun s'était finalement rapproché avant de se pencher au-dessus de l'esprit enfin un peu plus libre.
- Je te l'avais dit.
Son rire résonnait fortement, comme si l'euphorie faisait enfin effet. Son regard était enfin différent, son ciel était devenu d'un bleu azur et son enthousiasme s'était décuplé. Il y avait une chose qu'elle voulait revoir alors elle avait pris la main qu'on lui tendait pour se relever. Elle s'était ensuite approchée lentement du parc après avoir traversé la route et s'était engouffrée à l'intérieur. Dans une longue promenade, les mains derrière le dos, elle se baladait en comptant à chacun de ses pas. Un pour la gauche, deux pour la droite, l'endroit n'était pas assez coloré.
Elle avait tourné sur elle-même pour avoir attention de Sun qui la suivait.
- Je ne peux pas voler mais le sol peut devenir aussi mou qu'un gâteau de riz. Un grain de café peut devenir de la gouache comme un gratin dauphinois. Alors si je veux, les bourgeons peuvent tout de suite devenir des fleurs à leurs apogées ?
Sun avait hoché la tête et Roseanne s'était mise à courir dans l'herbe en se rappelant du jour où elle était sous le parapluie de Jisoo. Les bras ouverts, à chacun de ses sauts et son sourire illuminant son visage, les arbres s'étaient mis à fleurirent, d'abord lentement puis dans une rapide continuité. Il s'était mis à pleuvoir, mais ce n'était que des pétales roses qui tombaient et salissaient la chevelure de Roseanne.
Elle avait finalement fait demi-tour pour prendre la main de Sun et l'emmener au milieu de l'allée, c'était une de ses qualités, partager sa joie de vivre avec les gens autour d'elle.
Pourtant elle ne vivait déjà plus.
Le vent soufflait une légère brise fraiche et Roseanne était si heureuse qu'elle n'avait pas vu les nuages approcher du soleil. Son beau ciel bleu se couvrait petit à petit, et quand ses yeux quittèrent enfin ceux de Sun pour voir au-dessus d'elle, elle aperçue la noirceur et les éclairs fendant les cieux.
La brise devenait des bourrasques et petit à petit, le sol se couvrit entièrement des pétales des cerisiers. Les arbres n'avaient plus aucune couleur les égayants et le sourire de Roseanne s'effrita avant de disparaitre.
- Qu'est-ce qu'il se passe ? Je ne veux pas que ce soit comme ça, je croyais que j'étais le maitre des lieux...
Sun fit un pas en arrière avant d'avaler visiblement sa salive, tout était donc confirmé alors qu'elle ne voulait vraiment se l'avouer. Ce ne pouvait pas être ce dont elle pensait, il devait il y avoir une erreur. Pourtant tout était réaliste, jamais elle n'avait vu cela et peut être que si l'erreur à sa mort n'avait pas été faite, Sun aurait eu le même phénomène car elle en était sûre aussi, de qui était son âme sœur.
- C'est Jisoo. Elle te montre sa peine de cette façon, elle tente de te faire comprendre ce qu'elle ressent. Ce n'est pas fait exprès, c'est juste que ton paradis est dépendant de ton âme-sœur encore en vie. Elle tourna sur elle-même pour avoir une meilleure vision de l'endroit. C'est un peu comme si elle te faisait ressentir ce qu'il se passe dans son cœur et sa tête. Il n'y a pas de place pour la joie, sa tristesse est bien plus forte que toi.
- Qu'est-ce que je peux faire ? Dis-moi qu'il y a une façon pour que je l'aide d'ici.
- Roseanne... Tu es morte, ça ne fonctionne qu'à sens unique.
La rousse avait baissé la tête, elle ne voulait plus être là. Si tout lui rappelait qu'elle était partie en laissant sa bien-aimée seule et démunie, alors elle ne voulait plus jamais être heureuse comme elle l'était dans son paradis. Elle n'en avait pas le droit et n'acceptait pas l'appel que Dieu avait pu lui faire. Sa mort était injuste et cruelle à ses yeux, jamais elle n'avait voulu abandonner Jisoo.
- Je veux partir d'ici. Maintenant ! Elle avait haussé la voix en serrant les poings pour se faire comprendre.
Sun avait hoché la tête avant de lui dire de la suivre, la seule façon était qu'elle ouvre d'elle-même une porte de sortie. Pourtant, elle ne disait rien. La première fois qu'elle avait servie de passeur, l'homme avait pris des heures entières pour y arriver alors que le temps était bien plus lent au paradis.
Sans dire un mot, elle avait fait le chemin inverse jusqu'au café. A force, il y avait certaine chose qu'elle avait compris. Le réveil était souvent près de la clé ouvrant l'accès aux véritables cieux où toutes les âmes finissaient par se retrouver. Roseanne était spéciale, au point que même la présence de Jisoo était apparue derrière le comptoir.
Les mains dans le dos, elle marchait dans une continuité, une courbe parfaite en joignant à chaque fois, son talon contre la pointe de sa chaussure. La tête baissée, elle réfléchissait à comment rejoindre Jennie le plus vite possible. Roseanne ne s'était même pas posée de question sur le comportement de son amie d'enfance. Pourtant elle la connaissait bien, elle savait parfaitement quels tocs elle pouvait avoir et ce qui l'insupportait. Le lieu l'empêchait peut-être d'ouvrir pleinement les yeux sur la personne qu'elle avait en face d'elle ou alors elle s'imaginait peut-être que le temps avait changé l'adolescente en une jeune femme sérieuse et impassible.
Pourtant quelque chose clochait chez elle.
- Tu dois te détacher de ton monde, imagine une porte, une ouverture, tout ce que tu veux qui puisse t'ouvrir la voie. Sun glissa sa main dans ses cheveux. Ou vis ici pour l'éternité, seule. Marmonna-t-elle, son regard en coin fusillant Roseanne.
Elle n'avait pas entendu ou alors elle avait décidé d'ignorer ce qu'elle ne voulait tout simplement pas entendre. Sans en attendre plus, elle s'était dirigée derrière le comptoir et avait choisi le café qu'elle voulait. C'était comme si elle avait été la patronne à la place de Jisoo, elle connaissait tout de la boutique et du café. Un sourire s'était esquissé sur ses lèvres, un souvenir lui était revenu en mémoire, si lointain qu'elle pensait l'avoir oublié à tout jamais.
Jisoo n'était pas du genre à profiter de sa petite amie mais quand elle le voulait, elle s'affalait sur Roseanne pour qu'on lui chatouille l'oreille. C'était son point faible, l'endroit où d'un simple effleurement, son rire se déployait. Ses joues se tintaient toujours d'un rose incarnadin avant qu'elle ne s'approche des lèvres de sa bien-aimée. Ses baisers étaient alors d'une douceur sans limite, contrastant avec le bout de ses doigts brûlant la peau de Roseanne d'un seul frôlement.
L'accompagnatrice se raclât la gorge, outre le fait qu'elle lisait en la rousse comme dans un livre ouvert, les souvenirs de Jisoo l'embrassant au lieu d'étudier en se reposant sur les cuisses de Roseanne n'était pas des plus utiles. Du moins pour elle, ça ne l'était pas.
- Qu'est-ce que tu fais ? Le café avait formé une large flaque sur le marbre quand la tasse s'était lentement penchée sur le côté.
- Le reflet du soleil sur le sol après une averse, je l'ai toujours trouvé fascinant. C'est éblouissant alors que l'humidité dans l'air est agressive comme l'odeur du café. Je la déteste et pourtant je pouvais en boire des litres par semaine pour Jisoo. C'est ça la porte, non ?
Les yeux de Sun se plissèrent, qu'avait-elle donc compris pour penser que la solution était là ?
-
Avez-vous compris qui est réellement Sun ?
J'ai pas beaucoup avancé cette semaine, entre le taf et les "je rentre pas tard, je travaille à 10h demain" et à 4h du mat je rigole encore dans la rue bah... J'ai pas trop écrit quoi.
Bon j'ai pas fait de relecture du coup
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