Dans la rue commerçante, tous travaillaient déjà d'arrache-pied. Beaucoup marchaient rapidement pour arriver à l'heure alors que d'autres flânaient tranquillement sur le chemin. Jisoo n'en faisait pas partie, debout depuis plus d'une heure, elle prenait déjà les commandes de ses clients de bon matin. Seule derrière le comptoir, elle avait du mal à gérer mais tous étaient compréhensif. Elle refusait à chaque fois qu'on lui conseillait de prendre un barista en plus, pour la patronne, personne ne pouvait remplacer ses deux amies disparues. Avec le temps, les murs s'étaient ornés de photos prisent quand Jennie avait eu le droit à une fête d'anniversaire surprise après sa dure journée de travail.

Quand Jisoo ouvrait la porte chaque matin, elle regardait chacune des photographies pour se donner le courage de vivre une journée de plus sans elles. De cette façon, elle était sûre de ne jamais oublier le sourire de Lalice et Jennie, ni le visage juvénile de la plus jeune des deux. Souvent elle soupirait avant de secouer la tête, elle n'avait jamais compris comment elle pouvait être majeur, et ne pas voir comment Jennie pouvait fondre pour elle d'un seul regard. Parfois elle oubliait même l'heure en se perdant dans ses pensées, jamais elle n'avait pu savoir si Lalice faisait simplement semblant et attendait patiemment la déclaration de Jennie.

Roseanne avait fini le travail, le ridicule cadeau qu'elle avait trouvé dans la veste de son amie avait fini dans le cercueil de Lalice. Elle devait assurément l'avoir comme on le souhaitait.

Jisoo avait soupiré en massant sa nuque endolorie, elle devait se reconcentrer alors qu'elle n'avait aucune envie de travailler. Un an jour pour jour après l'accident, son sourire était encore forcé et bien plus que d'habitude. Ses mains tremblaient, elle qui avait l'habitude d'avoir des gestes précis, de faire du latte art quand on lui demandait un café au lait, avait abandonné dès qu'elle avait pris sa première commande.

Son café restait le meilleur de la ville alors même si elle servait simplement ce qu'on lui demandait et qu'il y avait beaucoup d'attente, ses clients trouvaient légitime de patienter. Tous s'étaient attachés à la jeune femme, comme si venir chaque semaine lui dire bonjour était obligatoire. Alors, même si elle n'était plus souriante comme avant, même si elle avait l'air antipathique, personne ne pouvait l'abandonner.

Ce jour-là, Jisoo avait très mal dormi, au point qu'elle était fatiguée à peine après avoir ouvert la boutique. Il était encore tôt mais ses paupières voulaient se refermer en retournant dans les bras de sa bien-aimée. Toutes ses pensées étaient d'ailleurs focalisées sur elle, dormant encore dans leur lit quand elle était partie.

Jisoo savait parfaitement qu'elle se lèverait tranquillement, mangerait un maigre petit déjeuner avant de partir à son travail. Pourtant elle ne la laisserait pas tranquille pour autant, Jisoo était souvent à l'ouest et sa petite amie faisait réellement tout ce qu'elle voulait. Ce matin-là, son sac sur l'épaule, elle était retournée s'asseoir au bord de son lit, ses doigts avaient glissés sur la tempe de la rousse et avec douceur, elle lui avait déposé un baiser. Au point qu'elle avait complètement oublié de prendre les pâtisseries qu'elle avait préparé la veille.

- Rose ? Elle avait tout de suite pris son téléphone quand elle avait servi le dernier client de la file. J'ai oublié de prendre les cupcakes qui sont dans le frigo, tu peux me ramener les trois cartons avant ton service ?

Roseanne avait trainé les pieds jusque dans la cuisine avant de soupirer devant le contenu du frigidaire.

- Tu l'as fait exprès pour que je vienne te voir, avoue-le.

- Mhh... C'est vrai que j'ai énormément envie de te voir, d'un baiser dans la réserve et d'un câlin de ta part... Elle l'avait dit avec un sourire sur les lèvres et pourtant la distance entre-elle ne s'était plus jamais totalement comblée. C'est leur anniversaire aujourd'hui et je n'ai pas-

La rousse avait basculé la tête en arrière et mordu sa lèvre, rien n'était un anniversaire, un an que sa vie était bancale. Elle pinça l'arête de son nez, Jisoo avait toujours ce qu'elle voulait mais s'il y avait bien une chose qu'elle ne pouvait refusée, c'était ce jour-là en particulier.

- Je me prépare et j'arrive. Elle l'avait coupé dans son excuse, Roseanne comprenait parfaitement que ce n'était pas un jour idéal pour que Jisoo travaille dans de parfaite condition. Tu as intérêt à m'offrir LE baiser de toute ma vie.

- Promis.

Jisoo était contente et sur le moment, elle avait souri en passant sa main dans ses cheveux, on lui avait encore accordé tout ce qu'elle demandait. Pourtant dès qu'elle se remit au travail, son expression s'effaça et elle prit la commande d'une de ses habituelles clientes qui venait juste d'arriver. Elle avait simplement hoché la tête et préparé la boisson pendant que la jeune femme cherchait sa carte de fidélité dans son porte-monnaie. Comme à chaque fois, elle avait mis une petite pièce dans le pot devant la caisse et avait simplement répondu un « merci, à demain » à Jisoo quand elle avait pris son café.

Roseanne se grattait le crâne, ses doigts perdus dans sa flamboyante chevelure, elle avait encore des cernes sous ses yeux et son reflet la désespérait. Elle aurait voulu dormir encore quelques minutes mais tout ce que demandait son amoureuse étaient des ordres à exécuter. Elle avait donc abandonné la table de la cuisine où elle avait mangé son petit déjeuner, pour se brosser les dents devant son double, un air blasé et fatigué tapissé sur son visage. Elle bailla en entrant dans sa douche, elle voulait se réveiller de cette façon, ses gestes étaient trop lents alors qu'elle voulait se dépêcher. Plus elle allait arriver tôt au café, plus vite elle embrasserait fougueusement Jisoo.

Elle le savait parfaitement, si elle était aussi tactile, si son amour était tellement exprimé à sa bien-aimée, c'était pour oublier. L'eau coulait fortement et elle s'immergea en dessous pour reprendre ses esprits. Jisoo, elle, préférait s'éloigner pour s'enfermer dans sa peine et cela même un an après. Sa cadette ne le supportait pas, ses membres tremblaient quand elle pensait à toutes les fois où elle avait eu l'impression de l'avoir forcé. Parfois sa respiration se coupait, comment pouvait-elle réellement continuer sa vie de couple avec son ainée plongée dans une dépression qu'elle refusait d'avouer ?

Pourtant elle ne pouvait la quitter, parce qu'elle l'aimait, parce qu'elle était son pilier et parce que sans elle, Jisoo ne vivrait plus. Elle avala sa salive avant d'éteindre l'eau, ses cheveux étaient trempés alors qu'elle n'avait pas l'intention de prendre de temps à les sécher. Encore une fois, elle avait tout perdu dans un moment de faiblesse.

Et Jisoo ignorait totalement tout le mal que Roseanne éprouvait encore.

Ce n'était pas de la force au final, simplement une bonne couverture, elle-même se voilait souvent la face. Alors sa serviette enroulée autour de son faible corps, elle était assise par terre dans un coin de la pièce à pleurer. Pour une fois, elle n'avait pas besoin de gâcher de l'eau pour couvrir le son de sa voix, personne ne pouvait l'entendre. Roseanne ne sentait sale, comme si avec le temps, elle avait noirci sa pureté en étant rude avec Jisoo. Elle ne comptait même plus le nombre de fois où ses baisers étaient forcés, où ses doigts avaient laissé des marques sur les bras de sa bien-aimée. Son ainée ne l'écoutait pas toujours, ses désirs étaient souvent repoussés et son cœur brisé de cette façon.

Roseanne se faisait du mal et pourtant ce n'était que du bien pour Jisoo qui en avait besoin. Elle n'avait jamais rien fait d'horrible, ses gestes n'étaient que pour lui montrer qu'elle était encore là et qu'elle l'aimait encore et toujours. Pourtant elle se détestait d'être brusque.

Elle avait secoué la tête pour remettre ses idées en place et d'un geste de la main, avait essuyé ses joues. Encore une fois, elle ne quitta son propre regard du miroir, jamais elle n'oubliait qui elle était de cette façon. Chaque matin elle avait besoin de se retrouver dans sa propre vue pour passer la journée et chaque soir, elle s'enfonçait dans les profondeurs de l'âme meurtrie de Jisoo. Epongeant une partie de sa peine de cette façon.

La jeune fille enfila sa jupe et attacha ses cheveux en une simple queue de cheval, il n'y avait pas beaucoup de distance à parcourir mais Roseanne avait décidé qu'elle ne prendrait plus jamais sa voiture dans un jour si triste. Alors elle avait continué de galérer à pied avec les cartons dans ses bras.

Le temps n'était pas comme l'année précédente, il faisait bien plus beau et chaud et pourtant ce n'était pas une si bonne journée. La rousse voulait pourtant suivre les choix de sa petite amie alors elle avait prévu de lui faire une jolie surprise pour la soirée.

Elle devait donc prendre son service à onze heure pour ensuite rentrer en passant par le fleuriste. Jisoo ne devait rentrer que tard en fin d'après-midi, elle avait donc largement le temps de préparer un bon repas pour sa bien-aimée. Un service de table d'un blanc immaculé et des bougies allumées sur la commode et les tables de chevets dans leur chambre, tout devait être parfait pour lui faire oublier sa peine. Roseanne ne le faisait que parce qu'on avait dit à Jisoo que de cette façon, ce jour triste le serait un peu moins. Elle n'aimait pas du tout la psychiatre de sa petite amie mais elle ne disait rien si elle guérissait de cette façon.

Tout était bien sûr, absurde et faux. La mort de Jennie et Lalice ne devait jamais être vu comme un anniversaire. Le jour où elles s'étaient éteintes n'était ni beau, ni joyeux, juste plus triste que n'importe quel autre jour qu'elles avaient déjà pu vivre.

Pourtant elles continuaient à se faire mal de cette façon.

La rousse était finalement en retard, elle devait donc se dépêcher si elle voulait rester quelques minutes avec Jisoo avant de partir travailler. Elle jurait intérieurement parce que si elle était restée concentré alors, ses cheveux seraient restés secs et elle aurait fait bien plus attention sur le chemin. Les boites avaient failli se renverser quand elle avait trébuché devant les marches de la terrasse du café mais par chance, elle s'était rattrapée avant de reprendre son souffle. Elle s'était bien effrayée surtout que sa bien-aimée se serait inquiétée si elle s'était blessée. Les cupcakes auraient pu finir à la poubelle et la barista n'aurait rien pu vendre avec ses cafés. Roseanne ne voulait rien de tout cela.

- Roseanne ! Jisoo avait fait le tour du comptoir pour lui ouvrir la porte de la réserve. Merci, tu me sauves.

La jeune fille ne pouvait retenir son sourire, elle était donc la sauveuse de sa bien-aimée pour de simplement petit gâteau. La porte battante s'était refermée et elle avait posé avec délicatesse les boites sur le plan de travail. D'un rapide geste, elle avait coincé son ainée entre elle et un des meubles composant la pièce. La rousse n'avait pas beaucoup de temps, elle savait parfaitement que le café ne pouvait pas être vide de la présence de sa responsable pendant longtemps. Alors elle pressa ses lèvres contre celle de Jisoo avec passion et on entoura son cou. Pour une fois, sa bien-aimée y répondait avec franchise.

- Reste avec moi, je n'ai pas envie que tu partes au restaurant. Elle lui avait chuchoté en restant dans ses bras. Dis-leur que tu es malade...

- Je ne peux pas, Jisoo. C'était la seule chose qu'elle ne pouvait pas accepter de faire pour elle. Mais je t'attendrais à la maison ce soir, j'ai quelque chose de spécial à te dire mais qu'une fois qu'on sera juste toutes les deux sans aucuns de tes clients aux alentours. La barista faisait la moue en posant sa joue contre l'épaule de Roseanne. Si je reste avec toi alors je ne peux rien te préparer. Elle lui avait murmuré en la serrant contre elle. On pourra faire ce que tu veux demain comme c'est le week-end, je ne te quitterais pas une seule seconde pendant deux jours entiers.

Elle s'était mordu la lèvre avant d'ouvrir une des boites qu'elle avait ramenées, elle avait hésité en laissant divaguer sa main au-dessus des cupcakes avant d'en choisir un. En croquant un morceau, le topping avait fini au bout de son nez alors elle avait souri avant de venir s'essuyer et faisant la moue. Jisoo s'était approchée d'elle et lui en avait volé une bouchée pour vérifier qu'ils étaient toujours assez bon pour être vendus et Roseanne elle, préféra la dépouiller d'un dernier baiser plein de crème. Elle était alors sortie sans se retourner, continuant à manger le petit gâteau qu'elle n'avait même pas payé. Elle était juste fière d'avoir donné autant envie à sa petite amie d'être le soir. Tout était prêt dans sa tête, elle avait acheté tout ce dont elle avait besoin, elle devait juste préparer le repas et l'appartement pour l'accueillir dans les meilleures conditions possibles. Elle avait l'intention de lui offrir tout l'amour qu'elle avait bien gardé pendant longtemps. Ce soir-là, tout était prévue pour qu'elle passe une bonne soirée au côté de Roseanne, Jisoo allait sourire, bien manger et sa bien-aimée l'emmènerait jusqu'à son lit, la nuit venue. Elle aurait bu une partie de la bouteille de vin que sa petite amie avait choisi pour ensuite se faire déshabiller avec passion dans ses draps violets.

Mais Roseanne était encore une fois dans la lune. Les cieux n'avaient jamais été avec elle, ni avec Jisoo et malgré la joie qui l'entourait après avoir imaginé sa soirée en tête à tête, son destin était tout autre. Un bruit sourd l'avait sorti de ses pensées et sa respiration s'était coupé en assimilant ce que ses yeux voyaient. L'accident qui venait d'arriver l'avait si effrayé, elle avait cette impression d'être devant la voiture de Jennie. Ses jambes tremblaient et pourtant, elle avait accouru au milieu de la route, vers la voiture blanche alors que personne d'autre ne venait les aider. Elle n'arrivait à rester calme, elle usait de sa force à tort et à travers pour ouvrir la portière coincée mais c'était peine perdue.

- Putain ! Elle n'y arrivait pas. Je vais vous sortir de là, ne vous inquiétez pas. La femme n'était plus consciente, ses paroles n'étaient que du vent.

Pourtant, pendant quelques secondes elle s'était arrêtée, comme si elle avait senti que quelque chose n'allait pas. A peine s'était-elle à demi retournée qu'elle vit la vieille voiture qui leur fonçait dessus. Sa respiration s'était coupée, une partie de sa vie avait défilé devant ses yeux et pourtant ce n'était que des souvenirs de Jisoo qui lui revenait en mémoire. Ce n'était pas une coïncidence, c'était le ciel qui s'abattait sur elle parce qu'elle n'avait pas payé pour tous ses péchés et pourtant, elle ne savait pas ce qu'elle avait pu faire de mal.

Et Jisoo pendant ce temps, imaginait qu'elle retrouverait son âme sœur en rentrant chez elle.

La ville semblait s'être endormie, la seule chose qu'elle entendait vraiment était les sirènes qui avaient l'air si loin qu'elle mettrait des heures à arriver. Un homme était enfin venu vers l'accident, il tentait de garder Roseanne consciente mais tout ce qui l'intéressait était son propre sang qui devenait une large flaque rouge foncée. Il y avait tant de choses qu'elle voulait avouer à Jisoo et elle avait attendu pour lui dire, c'était enfin le bon soir pour lui murmurer tout ce qu'elle ressentait. Elle avait parfaitement imaginé le moment, juste avant le dessert elle aurait pris sa main pour l'emmener jusqu'au canapé. Un genou à terre, Roseanne lui aurait dit combien elle l'aimait, combien elle lui était indispensable et à quel point elle serait son entière sauveuse. La jeune fille ne devait pas mourir et pourtant ses organes ne pouvait tenir si longtemps. Ses paupières étaient lourdes et malheureusement elle ne tentait plus de luter, si elle dormait quelques minutes alors elle irait mieux ensuite.

Le bitume était froid et pourtant elle se sentait enveloppée dans une douce chaleur. Le soleil aussi était présent, l'éblouissant de sa lumière même à travers ses paupières. Tout allait bien se passer, c'est ce qu'elle se disait, rien de mal n'allait arriver puisque Jennie et Lalice veillaient sur elle. Pendant ce temps, Jisoo allait préparer la fermeture du café, un an qu'elle prenait une pause d'une vingtaine de minutes pour manger le repas que Roseanne lui préparait chaque soir. La petite boite lui faisait de l'œil, elle ne lui disait jamais ce qu'elle cuisinait, parfois elle tentait de le découvrir en sentant l'odeur émanant de la cuisine mais elle y arrivait rarement alors, tous les jours, c'était sa surprise. Souvent elle priait pour que ce soit du gratin, elle adorait celui de sa petite amie mais jamais elle n'était déçue de ce qu'elle trouvait en ouvrant le couvercle du contenant.

Elle allait bientôt partir faire sa pause et pourtant son téléphone n'arrêtait pas de vibrer dans sa poche, Roseanne l'appelait toujours pour savoir si elle mangeait bien son repas et si elle ne se fatiguait pas trop. Elle avait donc vite préparé le café qu'un homme lui avait commandé avant qu'elle ne décroche enfin.

- Rose, arrête de t'enfermer dans les toilettes pour m'appeler alors que tu dois travailler.

- Excusez-moi, je ne suis pas « rose »... Son cœur venait de perdre sa douce cadence. Il y a eu un grave accident aujourd'hui.

Le cauchemar ne s'était donc jamais fini. Jisoo avait pris son sac à main et refusé la jeune fille qui voulait entrer dans le café. Elle s'était excusée sans même la regarder, un tour de clé dans la serrure et elle avait accouru jusqu'à la route principale tout en cherchant un taxi. Ses poumons ne se remplissaient plus d'air, elle n'arrivait plus à respirer, même en ouvrant la fenêtre de la voiture. Jisoo n'y arrivait plus, elle avait peur, mal avec l'envie de pleurer toutes les larmes de son corps encore une fois.

Tout ce dont elle avait peur était déjà arrivée.

Le chauffeur de taxi avait presque dû rattraper l'argent au vol, on lui avait jeté les billets et son hôte était sortie aussi vite qu'une bourrasque de vent. Il avait presque pensé qu'on l'avait arnaqué en lui donnant moins que ce que coûtait la petite distance qu'il avait parcouru. Pourtant on lui avait donné près du double, alors il regarda la jeune femme qui montait les marches de l'hôpital deux par deux et la remercia pour ce pourboire imprévu.

- Jisoo ! Je suis là. La concernée venait de passer devant elle. Jis-

- Elle ne peut pas te voir. On venait de parler dans son dos alors que sa bien-aimée l'avait ignorée en pleurs. Enfin, plus personne ne te verra sauf moi.

Roseanne se retourna lentement, elle connaissait cette voix qu'elle n'avait pas entendu depuis des années. Ce n'était pas possible qu'elle soit là alors qu'elle ne l'avait pas revue depuis son enfance pourtant elle l'avait reconnu comme si c'était hier.

- Sun ?

Le sourire qu'on lui offrit lui glaça le dos, des années qu'elle n'avait plus eu de ses nouvelles. Son amie dont elle parlait toujours, il y avait tant de fois où elle avait raconté à ses amis combien son enfance et son adolescence avait été joyeuse grâce à elle. Pourtant elles s'étaient perdue de vue quand Sun avait déménagé. Roseanne soupira avant de se jeter dans ses bras, il y avait si longtemps qu'elle voulait la revoir qu'elle n'avait pu se retenir. Pourtant Jisoo était encore dans ses pensées alors elle avait tapoté le dos de son amie avec de s'en détacher.

- Je dois aller voir ma petite amie.

- Tu ne peux pas, tu dois venir avec moi. Elle la retenait par le poignet et l'emmenait parcourir les longs couloirs.

- Sun, plus tard s'il te plaît, Jisoo s'inquiète.

Elle l'avait donc lâché puisqu'elle le voulait tant. Si Roseanne voulait voir d'elle-même qu'elle ne pourrait plus jamais consoler sa petite amie, alors elle lui laissait le malheur de l'apprendre toute seule. La rousse avait parcouru les couloirs en trottinant, elle évitait les infirmières sans même qu'elle ne se retourne pour lui dire de ne pas courir. Tous semblaient l'ignorer jusqu'à ce qu'elle retombe sur Sun, assise à côté de Jisoo. Comment avait-elle pu la dépasser, elle pensait pourtant n'avoir fait aucun détour. C'était déjà le moment pour se poser des questions, comprendre et accepter ce qu'il lui arrivait.

Ses pas se firent lent et discret jusqu'à elle, elle remonta doucement les pans de son bas et se baissa pour voir le regard perdu de sa petite amie. Sa main glissa sur sa joue pour les essuyer alors que la jeune fille se mettait à pleurer encore plus. Elle bascula la tête en avant et ses doigts empoignèrent ses cheveux, ses paumes pressaient ses tempes avec force, elle ne pouvait y croire.

- Je suis vraiment toute seule maintenant... Jisoo avait hoqueté ses mots entre ses sanglots.

Ce n'était plus un cauchemar, c'était l'enfer.

- Non, je suis encore là. Roseanne avait posé ses mains sur les siennes. Jamais tu ne seras seule, je resterais pour toujours avec toi. Jisoo, regarde-moi, tout va s'arranger.

Jisoo ne pouvait rien entendre, ni voir quoi que ce soit. Un homme en blouse blanche s'était approchée et la jeune fille s'était levée en passant à travers Roseanne qui ne représentait plus qu'une faible entité. Elle ne comprenait pas pourquoi tout cela lui arrivait en ce jour si fatidique, pourquoi sa vie s'arrêtait dans un moment pareil alors qu'elle avait encore tant à faire.

Alors elle restait debout au milieu du couloir, à regarder le monde faire son chemin sans elle.

- Suivez-moi, s'il vous plaît. Elle s'était levée sans poser de question, comme si elle en avait déjà l'habitude. Pourtant elle ne pouvait pas faire un pas de plus toute seule. Elle n'avait pas de famille ou d'autres amis à part vous ?

- Je suis sa famille, c'est ma petite amie. Je veux la voir. Une infirmière était venue pour la soutenir, une main autour de sa taille. Je veux lui dire au revoir, seule.

- N'acceptez pas, elle se fera du mal comme ça ! Roseanne pouvait le crier autant qu'elle le voulait, seule Sun pouvait l'entendre.

Elle était complètement inutile et pourtant elle cherchait encore et encore à ce qu'on l'écoute, qu'on lui prête attention mais c'était totalement peine perdue. Même devant son propre corps, Roseanne voulait devenir aussi visible qu'elle devait l'être. Pourtant tout ce qu'elle pouvait faire c'était supporter la tristesse de son âme sœur, ses larmes et toute sa peine.

Jisoo n'en pouvait plus, démunie et le cœur brisé, elle se demandait ce qu'elle avait pu faire dans une autre vie pour qu'on la punisse tant dans celle-ci. Voir sa bien-aimée dans un état aussi pitoyable que celui de Lalice et Jennie n'avait pu que la confrontée à sa triste réalité, la dépression qui ne l'avait jamais quittée.

Sa peau pâle et ses lèvres bleuies, sa froideur et son souffle inexistant, son cœur éteint et ses paupières closes, Jisoo était en train de graver cette dernière image de Roseanne dans son esprit. Ce n'était pas du tout ce qu'elle devait garder en mémoire, la jeune fille avait besoin de n'avoir que de bons souvenirs de sa bien-aimée.

Plus personne ne l'aiderait à s'en sortir, même le temps qui passait avait fini par lui offrir le simple goût amer du deuil. Elle avait simplement enfilé sa robe noire et s'était assise dans un coin de la pièce près de l'autel dédié à sa bien-aimée. Pendant les soixante-douze heures où elle y était, son regard ne quittait la photo de Roseanne qu'elle avait choisi. Son choix la faisait sourire, la rousse détestait cette image d'elle alors que Jisoo l'aimait plus que n'importe quelle autre. Elle la trouvait si jolie avec son sourire forcé parce qu'on l'avait obligé à se faire faire des couettes, qu'elle ne pouvait que pleurer en riant devant ses souvenirs.

Roseanne était assise à côté d'elle, ne pouvant quitter sa triste petite amie. Elle voulait la toucher, essuyer ses larmes et la prendre dans ses bras pour la consoler comme elle l'avait fait quand Lalice et Jennie les avaient quittés.

Pourtant Jisoo était belle et bien seule dans la pièce aux yeux de quiconque.

Jour après jour, Roseanne continuait à rester derrière elle comme si elle s'était liée à elle, corps et âme. Mais de cette façon, Jisoo ne pouvait être en paix.

- Roseanne, tu ne peux pas rester ici. Tu dois partir parce qu'une âme n'est pas faite pour rester sur terre. Tu es morte et tu dois t'y faire, l'heure de Jisoo n'est pas encore arrivée.

Les paroles de Sun l'énervaient de plus en plus, sa respiration se faisait lourde et son esprit ne faisait qu'être tiraillé. Elle ne pouvait pas accepter le sort qu'il lui était réservé. La jolie rousse ne pouvait pas finir par n'être qu'une entité. Pas à son âge, pas maintenant qu'elle avait commencé à redonner le sourire à sa petite amie. Si elle continuait, elle ne pourrait plus partir se reposer en paix.

- Laisse-moi tranquille ! Je ne savais même pas que tu étais morte et toi non plus tu n'es pas partie de ce monde. Raillât-elle en serrant les dents d'énervement.

- Tu comprendras, mais il faut que tu viennes avec moi. Je ne suis qu'un passeur, je dois t'aider pour que tu te détaches de ce monde et que tu rejoignes le paradis. Dieu t'a appelé, c'était ton heure et tu ne peux pas y échapper. Plus tu resteras ici et puis ton âme s'assombrira, tu ne veux pas perdre tous tes souvenirs et devenir une simple âme égarée n'est-ce pas ? Viens avec moi avant qu'il ne soit trop tard.

- Laisse-moi quelques minutes... Accepta-t-elle finalement à contre-cœur.

Sun hocha la tête pour accepter et s'éloigna un peu pour la laisser encore un peu près de Jisoo. Jour après jour, elle était restée devant la tombe de sa bien-aimé, un bouquet de tulipe et de rose dans ses bras. Jamais elle ne voulait lui déposer avant de repartir, elle attendait toujours le dernier moment pour lui offrir. Jisoo lui faisait honneur à chaque fois en choisissant les fleurs préférées de sa mère et celle qu'elle lui avait toujours offert. Pourtant, elle, n'aimait que les Azalées.

Roseanne respira une dernière fois l'odeur du bouquet qu'on lui laissait, elle se rendait enfin un peu compte qu'elle enfermait sa bien-aimée au lieu de lui permettre de vivre sa vie. Jisoo devait avancer, ne pas regarder derrière elle, juste marcher sur le long chemin qui lui restait encore à parcourir.

Elle glissa sa main sur l'épaule de sa bien-aimée qui ne supportait plus cette impression d'être suivi et touché par une entité qu'elle ne pouvait voir. Jisoo pensait devenir folle, seule devant la tombe de Roseanne, elle ne pouvait d'hurler sa peine et sa peur de se perdre dans les abysses de sa dépression.

- Pardonne-moi Jisoo, je... Je vais te laisser tranquille maintenant. Tu sais que je t'aime, tellement que je m'en veux d'avoir fermé les yeux pour me reposer un peu. Elle lui avait murmuré à l'oreille comme si elle entendait parfaitement chacun de ses mots. Je t'attendrais, le temps qu'il faudra. Soit heureuse, remplace-moi et fait sourire les gens autour de toi. Je veillerais sur toi et continuerais de t'attendre parce que tu le sais, tu es mon âme sœur, ma moitié qui fait de moi celle que je suis. Jamais je n'avais imaginé rencontrer quelqu'un comme toi, celle qui me rendait si joyeuse même quand j'avais envie de pleurer. Si belle que jamais je ne t'ai mérité et pourtant c'est toi qui finit triste. Excuse-moi, je vais devoir partir prendre soin de Jennie et Lalice, je suis sûr que tu ferais la même chose que moi pour prendre soin de celles qui étaient comme nos petites sœurs.

Sun glissa sa main dans ses courts cheveux, elle baissa le regard et ses paupières restèrent fermées le temps que Roseanne pleure devant sa propre pierre tombale. Son amie était si gentille qu'elle regrettait presque le choix qu'elle avait fait le jour fatal qui avait mis un terme à sa vie.

- Lalice nous attend... Murmura-t-elle dans ses pensées.

La rousse s'était lentement levée pour partir, elle avait assez entendu les pleurs de sa bien-aimée qui se balançait devant sa tombe. Pourtant avant de disparaître pour toujours de ce monde, elle se retourna pour lui prononcer sa dernière phrase.

- Je t'aime, Jisoo.

La concernée essuya sa joue avant de fermer les yeux, elle ne pouvait rentrer chez elle alors que tout lui rappelait son âme-sœur.

Jisoo était maintenant perdue dans le monde si grand qu'était la terre.

Seule.

-

Hi guys, this is Ashley from Ladies' codeuh 

ah merde c'est pas la bonne présentation, Hi guys, this is Bad Krys'

Je sens les insultes fusées, ça va être drôle quand je vais lire vos commentaires d'amour franc et sincère.

Sorry not sorry les gars, c'est la vie.