2 - Apple blossom


Jisoo était en train de s'endormir contre sa petite amie de longue date, elle avait finalement pris l'habitude d'être enlacée dans la faible carrure de Roseanne. Celle-ci avait d'ailleurs parfaitement trouvé ses marques dans la chambre au mur gris acier. De premier abord froid, une fois qu'elle l'avait admiré pendant quelques jours, elle y avait trouvé une aura chaleureuse et agréable. Le matelas lui semblait un peu dur au début puis, une fois qu'elle s'y était endormie une fois, elle ne voulait plus le quitter. Roseanne était douce et tactile, elle aimait les temps calmes et les câlins réchauffant son frêle corps après s'être glissée sous la couette encore froide. Jisoo en faisait alors agréablement les frais.

Ce soir-là, après avoir dit au revoir à Lalice et Jennie, elle avait rapidement pris sa douche pendant que Jisoo rangeait sa cuisine, clairement la pièce préférée de son appartement. L'ouverture sur son salon lui permettait d'avoir une grande luminosité en journée et le soir, elle ne se sentait jamais seule puisqu'elle pouvait surveiller Roseanne qui prenait son thé devant la télévision.

Il faisait encore froid mais Roseanne avait décrété qu'il était temps qu'elle porte un de ses shorts pour dormir. C'était une mauvaise idée et ses jambes grelottantes de froid en ouvrant la porte de la salle de bain, lui ordonna inconsciemment de courir jusqu'au lit pour se mettre au chaud. Jisoo y était déjà d'ailleurs, ses paupières closes, elle semblait être en train de s'endormir tout doucement. Ses muscles se décontractèrent lentement, faire la vaisselle lui avait pris tout ce qu'il lui restait en énergie. La rousse s'approcha doucement, embrassant le front de sa bien-aimée, l'invitant à se coller contre elle.

Jisoo était donc assoupie, comme chaque soir, dans les bras de sa petite-amie. Il n'y avait pas de rôle spécifique, l'une aimait dormir contre la poitrine de l'autre et à l'inverse, l'autre aimait savoir qu'elle protégeait son âme-sœur. Parfois elles échangeaient, un peu au gré de leurs envies même si parfois l'une n'avait pas vraiment envie d'avoir une des deux positions, malgré tout, jamais elle n'avait dormi séparé d'un quelconque centimètre.

Roseanne entendit son téléphone vibrer sur la table de chevet mais elle était trop fatiguée pour se retourner et répondre. Elle aussi elle voulait s'endormir mais à peine la sonnerie terminée, ce fut au tour de celui de Jisoo, qui se décida enfin à répondre. Elle pensait que c'était les filles pour lui dire qu'elles étaient bien arrivées mais elle ne connaissait pas la voix de son interlocuteur.

- Mademoiselle Kim ? Vous êtes bien la patronne de Manoban Lalice et Kim Jennie ? Jisoo ne comprenait pas pourquoi on lui posait toute ses questions alors qu'il était si tard. Je suis désolé de vous dire cela si tard...

- Qu'est-ce qu'il y a ? Roseanne commençait finalement à paniquer, pourquoi on ne lui répondait pas ? Pourquoi Jisoo ne semblait même plus respirer ?

Elle prit le téléphone des mains de sa petite amie et l'approcha de son oreille, elle entendait du bruit en fond, tellement qu'elle avait presque du mal à distinguer parfaitement ce qu'on lui disait après qu'elle se soit présentée à l'interlocuteur au bout du fil. Elle serra son étreinte autour de Jisoo, même d'une seule main elle devait la tenir fortement contre elle.

- Où... devons-nous aller ? Elle écouta la réponse de l'homme et raccrocha, posant enfin sa deuxième main dans le dos de sa petite amie.

Il n'y avait plus aucun bruit dans la chambre gris acier, même les respirations ne s'entendaient plus comme si elle était vide de toute présence. Les paupières de Roseanne se fermèrent lentement, longuement, comme si elle s'était endormi alors qu'elle essayait simplement d'assimiler ce que l'on venait de lui dire.

- Jisoo, lève-toi...

Elle n'avait pas eu de réponse, alors elle l'avait doucement relevé avant de la reprendre tendrement dans ses bras pendant quelques minutes. Elle l'avait senti, à la respiration de Jisoo et à la joue humide qu'elle avait frôlé de sa main. Roseanne par contre, n'avait pas remarqué ses propres larmes et après avoir repris un peu ses esprits et compris qu'elle devait vraiment se dépêcher, força Jisoo à s'asseoir au bord du lit. Elle prit les premiers vêtements qu'ils y avaient dans sa garde-robe et les enfila rapidement pendant que la brune peinait à mettre son jeans. Jisoo n'avait plus aucune force dans ses membres, comme si elle avait entièrement dépensé son énergie. La rousse ne disait rien, elle s'était juste accroupis à côté d'elle et attendait patiemment que sa bien-aimée ait fini. Ses jambes flagellaient, elle voulait sortir de cet horrible cauchemar mais il n'en était rien, la réalité était des plus cruelles.

Elle fut aidée par Roseanne pour mettre son t-shirt et a peine l'avait-elle sur ses épaules qu'on l'emmena rapidement mettre la paire de chaussures la plus simple à enfiler avant de partir sans même prendre de veste. La plus jeune des deux s'était tellement précipitée en tenant la main de sa petite amie qu'elle en avait oublié d'éteindre les lumières.

Le moteur de sa voiture avait vrombi avant qu'elle ne crispe ses doigts sur le volant, elle allait devoir conduire, faire pratiquement le même trajet de Lalice et Jennie. Au lieu de continuer tout droit, Roseanne devrait tourner à gauche. Elle connaissait parfaitement ce chemin, il arrivait que Lalice n'ait pas de train tôt le matin alors l'une des trois se dévouait pour la chercher et l'emmener au travail et en contrepartie, la thaïlandaise organisait une soirée dans son petit appartement où elle faisait des plats de son pays natale.

Roseanne prit son inspiration, elle ne pouvait pas se permettre de rouler dangereusement, pas après ce qu'on lui avait dit au téléphone. Elle appuya doucement sur sa pédale avant de freiner violemment, c'était impossible qu'elle y arrive. Lentement elle tourna la tête vers Jisoo avant de baisser les yeux devant cette image qu'elle n'avait voulu à aucun moment. Sa main se posa sur la cuisse de la passagère qu'elle frotta doucement et dans un soupir, elle enclencha finalement sa vitesse et accéléra.

La radio passait un son agréable aux tympans des deux jeunes filles mais qui brisait le cœur des amantes. Jisoo ne bougeait pas de son fauteuil, pas même d'un millimètre comme enfermée dans un mutisme sans fin. Les phares de la petite voiture éclairaient le bitume dans un calme déconcertant, elle avait envie d'hurler ses pleurs en se vidant de toute les larmes qu'elle pouvait avoir tandis que l'autre n'avait qu'une seule envie, crier en forçant sur les vitesses de son véhicule, rouler aussi vite qu'elle le pouvait en jouant exprès avec la vie. Pourtant elle était à l'arrêt, devant le feu rouge en attendant patiemment, bien sûr, elle n'avait pas de patience car chaque seconde qui passait lui semblait devenir une éternité.

Jisoo regardait simplement par la fenêtre, le temps semblait s'être arrêté pour elle aussi. Le centre-ville ne dormait jamais complètement, il y avait toujours des jeunes éméchés qui traînaient sur le chemin entre deux bars de leur tournée. Ce Soir-là ne dérogeait pas à la règle et quand Roseanne démarra, elle se perdit dans la contemplation des autres passants, les couples rentrant de leur dîner, les étudiants sortant prendre l'air pour oublier un peu leur révision ou tout simplement à la fin du service de leur petit job. Elle soupira, enfin elle eut une réaction et la rousse tourna le volant pour se garer sur le parking arrière du grand bâtiment.

Elle n'avait pas pris la peine de faire une deuxième manœuvre pour être proprement entre les lignes de la place. Elle sortit de la voiture et accouru pour ouvrir la porte de Jisoo, elle lui tendit la main et la brune admira les fins doigts de sa petite-amie. Il était temps qu'elles y aillent, il était déjà bien trop tard alors elle enleva sa ceinture de sécurité et s'aida grâce à Roseanne pour sortir.

La porte de la voiture s'était violemment claquée et les deux jeunes filles avaient couru dans les couloirs de l'hôpital, main dans la main jusqu'aux urgences. Jisoo n'avait plus de souffle, au point qu'elle s'était retenue avec son bras contre le bureau des infirmières.

- Jennie Kim... Où est-elle ? Avait peiné Roseanne.

- Bonsoir, venez-vous asseoir. L'homme qui venait de parler avait coupé la parole à la jeune femme qui traitait un dossier sur son ordinateur. Ce n'est pas facile à dire... Jisoo avait serré sa poigne autour des doigts de la rousse.

Les mots qu'il avait prononcés étaient insupportables à entendre, au point que leurs oreilles semblaient être victime d'acouphènes. Jisoo avait posé sa joue contre l'épaule de sa bien-aimée avant qu'elle ne craque complètement. Roseanne ne tenait plus non plus et son chagrin ne pouvait être retenu par ses cordes vocales. Le médecin s'était levé avant de regarder sa blouse tachée de sang, il ne l'avait pas sauvé et ce soir-là, il se sentait bien plus mal que d'habitude. Peut-être parce que cet idiot de chauffard n'avait pas eu une égratignure ou alors parce qu'elles avaient toutes à peu près l'âge de sa propre fille qui était de sortie aussi. Il avait besoin de s'en griller une, de sentir la nicotine s'engouffrer dans ses poumons avec un petit café noir, soluble et complètement infect.

La jeune infirmière rapporta la veste de Jennie à Roseanne et elle la prenant, elle sentie que la poche n'était pas vide. Alors elle ouvrit le bouton pression de la fine veste kaki et en sortie la petite boite bleue. Son pouce glissa sur le velours l'entourant avant qu'elle ne l'entrouvre. Elle esquissa un sourire avant de rire, n'accentuant qu'un peu plus cette tristesse qu'elle ne voulait accepter.

- Je lui ai dit de prendre une bague ou un collier et cette idiote achète un ridicule porte-clé.

« I love coffee », parce que la rencontre des deux jeunes filles était grâce au café, Jennie n'avait pas d'argent à l'époque et aucun rêve ne lui traversait l'esprit pour son futur. En traînant dans la rue, devant les magasins qui lui plaisait, elle enviait les jeunes qui pouvait tout s'acheter grâce à leurs parents mais elle, ne demandait jamais rien. Pourtant, ses chaussures étaient abîmées, elle avait vraiment besoin de trouver un petit job pour payer son loyer et des vêtements corrects.

L'affiche contre la porte du café l'avait semble-t-il appelée, comme si elle devait postuler à cet endroit et nulle part d'autre. Roseanne avait alors poussé la porte et levé la tête pour voir la petite clochette qui avait retenti au-dessus de sa tête. On lui avait chaleureusement dit bonjour, alors qu'elle s'approchait du comptoir. Automatiquement elle s'était inclinée avant de se tourner légèrement pour montrer la feuille annonçant la recherche d'une barista.

- Je ne sais pas faire de café... Mais je voudrais apprendre. Elle se frappait le front intérieurement, quelle idiote, jamais elle n'allait avoir le post.

- Tu aimes en boire ? Jisoo posait toujours cette question pour connaître la personne.

- J'aime l'américano le matin, le caramel macchiato quand il pleut et le frapuccino l'été ? Jennie n'était pas du genre à répondre simplement, même si elle n'était pas sûre d'elle, elle avait besoin de donner son avis et exprimer les propres idées qu'elle avait.

Jisoo lui avait souri, elle aimait entendre ce genre de réponse, on ne lui répondait pas juste un oui ou un non bafouillé. La réponse de la jeune fille était réfléchie, comme les gestes à effectuer pour libérer toutes les arômes du café. Elle lui plaisait, c'était exactement le genre de personnalité qu'elle voulait dans son café.

- Demain, huit heures Mademoiselle... ?

- Jennie, Jennie Kim !

Quand elle était arrivée le lendemain, il y avait un casier à son nom et une chemise d'un blanc écarlate à l'intérieur. Elle l'avait alors enfilé au-dessus de son t-shirt blanc avant de rester statique devant la porte, un tablier noir, brodé de son prénom en un fin fil de bronze.

Jisoo l'avait regardé avant de s'approcher bien trop proche d'elle. Elle avait complètement oublié de respirer et réagir lorsque les bras de sa patronne avaient enlacé sa taille. Jennie s'était d'un coup dit qu'il y avait bien quelque chose de bizarre pour qu'on l'embauche directement de cette façon.

- Le nœud, tu dois le faire devant, comme ça. La jeune fille avait alors acquiescé en hochant la tête.

- Vous allez m'apprendre alors ?

- Mh ? Déjà tu as l'obligation de me tutoyer. Pour l'instant tu t'occuperas de la caisse, je t'apprendrais ce soir après avoir fermé la boutique.

Jisoo s'en rappelait parfaitement, elle revoyait chaque scène de cette période. Pendant des heures, elle lui avait appris à différentier les grains de café, à savourer leur essence et à créer ses propres recettes en associant astucieusement les infusions et les toppings proposés. Elle se rappelait de ce soir-là où elle avait regardé la jeune fille qui se concentrait pour apprendre, Jisoo l'avait vu, sa paire de chaussures abîmée au point d'y avoir des trous.

- Ses chaussures, c'est moi qui lui ai offert. Quand je l'ai embauché, je lui ai acheté une paire parce que ses vieilles converses étaient dans un état pitoyable. Roseanne tapotait doucement le dos de Jisoo, elle ne savait pas qu'elle était si gentille au point de dépenser son argent pour ses employées. Elle continuait à les mettre pour rentrer chez elle pour ne pas abîmer les nouvelles.

- C'était important pour elle, Jisoo. Tu es bien plus qu'une simple patronne, tu es leur amie.

- Je veux les voir, une dernière fois.

C'était la pire idée qui soit, la rousse crue voir sa petite amie sombrer devant ses yeux, et cette vision ne l'avait plus jamais quitté. Elle avait attendue devant cette porte beige qui lui donnait la nausée à la simple vue du mot « morgue » affiché dessus. Roseanne ne le supportait pas, elle ne voulait pas les voir dans cet état mais Jisoo, elle, le voulait alors comme d'habitude elle prit sur elle pour entrer dans la pièce. Elle tenait la jeune fille par l'épaule, contre elle pour qu'elle ne flanche pas.

Elle s'était penchée au-dessus du corps de Lalice, sa main avait replacé une des mèches de la thaïlandaise avant de frôler sa peau glacée.

- Dans quel état es-tu ? Elle l'avait murmuré d'une voix tremblante en se perdant dans toute les égratignures qui rendait son teint encore plus fade qu'il ne l'était déjà. Je suis tellement désolée, j'aurais dû te forcer à rester.

- Jisoo... Roseanne l'avait forcé à venir contre elle, elle avait assez vu le corps sans vie de Lalice. Jennie prendra soin d'elle.

On s'était accrochée à son t-shirt, elle sentait le souffle saccadé de Jisoo contre son cou et pourtant, on ne croyait pas un traître mot qu'on venait de lui dire car elle ne croyait en rien après la mort. On mourrait simplement et plus rien n'arrivait alors.

Jisoo semblait déjà avoir plongé dans les profondeurs de son âme. Elle ne pouvait plus respirer, assise dans le couloir des urgences, son esprit ne semblait plus être présent, juste son corps pourtant bien en vie. Ses poumons fonctionnaient encore, son cœur battait toujours, son foie bataillait corps et âme avec les deux verres de vins qu'elle avait bu et ses reins continuait à en pâtir avec lui. Ses jambes repliées vers elle, ses bras croisés étaient posés sur ses genoux et elle cachait son visage dans cet abri de fortune.

Ses larmes roulaient lentement, croisant la route de ses lèvres craquelées. C'était salé, comme l'abandon qu'elle devait accepter. Elle ne pouvait pas, jamais elle n'allait accepter l'absence de Jennie et Lalice, ce n'était qu'un cauchemar dont elle sortirait rapidement. Bien sûr qu'elle se réveillerait en sueur dans les bras de Roseanne, elle prendrait alors soin d'elle en la câlinant, elle lui cherchant un t-shirt sec dans lequel elle serait plus confortable que celui plein de sueur. Elle lui aurait cherché un verre d'eau fraîche avant de la recoucher dans son lit. Jisoo n'aurait eu aucun mal pour se rendormir, elle aurait demandé un baiser pour ensuite fermé les yeux en frissonnant avec les frôlements que sa bien-aimée lui faisait le long de son bras.

De lourds spasmes parcouraient son corps, elle se sentait triste mais aussi démunie. La vie se passait donc comme cela, naître et vivre le peu de temps qu'on nous accordait. On nous arrachait cette chance dès qu'on en avait le pouvoir ou l'envie sans qu'on ne puisse rien faire. Roseanne s'approcha doucement de sa bien-aimée et lui tendit un verre d'eau avant qu'elle ne se pose à côté d'elle.

- Boit, tu pleures toute l'eau de ton corps, ne te déshydrate pas. La rousse faisait tout pour paraître forte, elle ne devait montrer sa peine et la haine qu'elle ressentait mais pourtant en agissant de la sorte, elle ressemblait plus à un monstre sans sentiment qu'autre chose. Jisoo s'il te plaît...

Elle trempa ses lèvres dans le verre avant de se remettre à pleurer sans arriver à respirer. Elle souffrait bien trop pour faire quelque chose. Roseanne s'était occupée des papiers que l'hôpital voulait, elle n'avait que ça à faire en restant près de sa bien-aimée. Elle était restée silencieuse, elle avait ravalé sa peine et sa haine pour ne montrer que sa force.

Elles devaient de toute façon vivre, elles n'avaient pas le choix.

Roseanne avait appelé la mère de Jennie, sa voix à l'autre bout du fil lui brisait le cœur. Elle ne savait que dire, elle s'efforçait de garder pour elle toutes les fois où Jennie avait eu des problèmes d'argent, elle ne devait pas lui dire qu'elle était une si bonne fille qu'elle travaillait d'arrache-pied pour ne rien demander à sa famille.

Alors ses cordes vocales avaient menti, sa fourberie lui avait fait dire des demi-mensonges. Jennie était une bonne personne, Jisoo, Lalice et elle-même étaient comme sa famille dans la petite ville. C'était une jeune fille souriante, jamais en retard et qui travaillait même quand elle ne le devait pas. Si Jisoo avait besoin de renfort, elle venait toujours. Quand Lalice avait un chagrin, elle était la première à venir la réconforter, la prendre dans ses bras et embrasser son front.

Elle ne devait pas non plus lui dire que sa fille avait une meilleure amie et petite amie merveilleuse. La thaïlandaise aurait acceptée, Roseanne ne pouvait les imaginer séparé. Elle avait toujours du mal à se quitter, même le soir elle traînait et riait en recomptant encore et encore la caisse quand Jisoo se reposait chez elle. C'était le jour de sa déclaration, Jennie aurait dû finir dans le lit de Lalice, pas dans une pièce lugubre où elle ne respirait plus.

La rousse soupira, elle devait rassurer la mère de son amie, elle ne pouvait pas faire autrement, elle devait lui mentir encore et encore.

- Elle n'a rien senti, ni elle, ni sa meilleure amie qui était avec elle. L'impact les a juste endormi.

Pourquoi devait-elle être celle qui prenait toutes les responsabilités ? Qui s'occupait de tout comme si elle n'avait pas de cœur ? Elle ne comprenait pourquoi tout lui tombait dessus, comment elle pouvait rester si stoïque dans cette panique.

Elle avait attendu que sa bien-aimée réagisse pour la relever. Jisoo et elle devaient rentrer, dormir, manger, continuer leur vie comme si rien n'était arrivée. Dans la petite voiture, la brune ne parlait pas ou plus, elle semblait enfermée dans son mutisme en long et en large. On s'inquiétait pour elle mais que pouvait-on faire alors qu'elle était complètement perdue dans sa tristesse.

Roseanne l'avait ramené comme d'habitude, elle l'avait couché sans en faire de même. Elle avait besoin de se changer les idées. Son verre en main, elle avait coulissé la porte vitrée pour se tenir à la rambarde. Le vent était frais et tout semblait agréable à ses yeux, les toits des maisons et la lumière des lampadaires qui semblaient former des constellations à même l'horizon.

- Putain... Elle jura en essuyant ses joues humides, maintenant qu'elle était seule, elle craquait complètement.

Sa santé était importante à ses yeux, elle ne buvait et fumait jamais mais cette nuit-là elle avait sérieusement besoin de faire les deux. Elle s'approcha de la commode près du canapé et ouvrit le petit tiroir pour en sortir un paquet semblant assez vieux. Elle avait mis une des cigarettes entre ses lèvres et avec persévérance, elle essayait de l'allumer. Son briquet n'arrêtait pas de s'éteindre, le vent l'en empêchait et inconsciemment elle savait que le ciel lui en voulait. Il s'engouffrait entre ses doigts et elle se retenait de ne rien lancer par frustration, de ne pas pleurer plus parce que rien ne se passait comme elle voulait. Et une main s'ajouta à son rempart de fortune et la flamme brûla enfin le bout du tube.

Ses yeux bifurquèrent à sa droite et son index se posa sur la tempe de Jisoo avant de remettre sa mèche derrière son oreille. Elles se détruisaient à deux, remplissant chacune à leur tour, leurs poumons de fumée. Roseanne glissa son bras autour des épaules de sa bien-aimée et on se colla contre elle en enlaçant sa taille.

- Rose... On l'appelait rarement en utilisant ce diminutif. C'est un cauchemar, je veux me réveiller.

Elle embrassa son front avant de regarder l'horizon, le soleil allait se lever et d'ordinaire, Jisoo dormait encore dans les bras de Roseanne alors que son réveil allait la sortir de ses songes. La petite brune attendait impatiemment qu'il sonne et qu'elle se dépêche de l'éteindre pour que son âme sœur puisse encore se reposer. Pourtant rien ne l'emmenait dans son lit, au chaud contre une belle endormie.

- Viens avec moi. La rousse avait tout fermé et avait pris la main de sa petite amie dans la sienne.

- Je dois travailler... Jisoo semblait la supplier de son intonation pour qu'elle n'y aille pas.

- Personne ne travaillera aujourd'hui.

Roseanne était couchée dans le lit de sa petite amie, à ses côtés. Le café restait fermé, même à onze heure, il n'y avait pas l'ombre d'une âme dans la boutique. Il n'y avait aucun mot expliquant la porte close et celui ne rouvrirait pas de sitôt. La ville n'avait pas d'explication à avoir, tous savaient déjà que les deux jolies baristas avaient péries dans un tragique accident. Dès que quelque chose arrivait, les habitants s'en informaient rapidement, entre commérage et le journal, rien ne pouvait rester caché.

La rousse non plus, elle n'était pas partie le matin pour travailler. Elle avait attendu que Jisoo s'endorme contre elle pour envoyer un message à son chef. Tellement gentille qu'elle était désolée d'abandonner ses responsabilités mais elle ne pouvait plus bouger. La peur que sa bien-aimée fasse une bêtise lui nouait l'estomac.

Pourtant les ténèbres étaient déjà à ses trousses.

- Mon amour... Elle l'avait murmuré alors que l'après-midi battait son plein. Je t'aime tellement, tu sais...

Jisoo ne répondait pas, comme éteinte, elle prenait simplement la peine de respirer car non, son cauchemar continuait inlassablement. Pourtant elles ne se rendaient pas compte de l'absence de Lalice et Jennie, elles attendaient chacune un appel de leur part. Mais elles étaient aux abonnés absents. La brune était finalement tapie dans sa prison de verre, au point qu'elle s'était levée difficilement pour s'enfermer dans la salle de bain.

Elle n'était plus que l'ombre d'elle-même, même des mois après, son café n'était plus que tenu par elle et les fantômes qui l'accompagnaient. Les âmes de son passé la hantaient sans scrupule. Son sourire n'était que rare et de façade, le mensonge se lisait sur ses lèvres, sans honte.

- On doit dépasser tout ça, on doit vivre Jisoo, pour nous et pour elles. Roseanne ne pouvait même plus l'approcher, ses mains ne l'avaient pas frôlé depuis des semaines. Tu oublies que nous sommes ensemble, on est deux alors pourquoi tu t'efforces de rester seule, de dormir loin de moi et de ne m'adresser aucun regard ?

- Je ne t'aime plus... La rousse la connaissait parfaitement pour savoir que c'était faux, qu'on souffrait juste en restant le plus loin possible de son entourage pour n'affecter personne.

- Jisoo. Elle tenait son poignet avec force et celle-ci faisait tout pour qu'on la lâche, elle ne voulait qu'une chose être loin de celle qui faisait battre son cœur et qu'elle risquait de détruire avec sa peine et sa haine. Regarde-moi ! Pour la première fois Roseanne avait haussé le ton avec elle. Arrête-moi ça, j'ai besoin de toi, même si tu m'envoie plus bas que terre, je préfère ça que vivre sans être à tes côtés. Elle n'avait pas attendu de réponse pour presser ses lèvres avec force contre celle de Jisoo. Ses faibles coups n'avaient duré que quelques secondes avant qu'elle ne fonde dans les bras de sa bien-aimée.

La rousse avait glissé une de ses mains dans les cheveux de son aînée alors qu'elle la retenait contre elle. L'amour et l'attention étaient tous ce qu'elle pouvait lui offrir et pourtant Jisoo ne pouvait pas accepter et encore une fois, elle l'arrêta mais avec sincérité comme si elle avait enfin pris du recul sur tout ce qui lui arrivait.

- Je ne peux pas, arrête. Pas maintenant... Je t'aime tu sais mais je n'arrête pas de penser à elles, à ce qu'elles devaient vivre avant de mourir, je n'ai rien fait alors que je savais qu'elles se tournaient autour... Elles m'ont aidé avec toi mais j'ai ignoré leurs sentiments parce que je me disais que ça ne me concernait pas.

- Mais non... Jisoo. Roseanne avait pris ses mains pour que ses bras entourent son cou. Elle enlaça le dos de sa petite amie avec force et vint une nouvelle fois déposer un baiser sur ses lèvres en se balançant doucement. Jamais elles ne t'en auraient voulu pour ça. Elles devaient se débrouiller toutes seules pour s'avouer leur amour. Regarde, c'est moi qui t'ai fait une déclaration, elles étaient simplement trop curieuses et fouineuses pour en rajouter.

- Elles me manquent tellement...

Elle s'était alors laissé réconforter dans les bras de sa bien-aimée. Elle avait tout accepté, ses baisers, ses câlins et la nuit dans ses bras. Son réveil était semble-t-il plus agréable que d'habitude, son sourire un peu sincère bien que toujours faux. Ses doigts avaient frôlé la peau de Roseanne, il y avait bien longtemps qu'elle n'avait pas eu cette sensation au touché. C'était doux et elle se rendait enfin compte qu'elle était toujours en vie. Elle l'avait réveillé en un frisson et Roseanne avait ouvert difficilement les yeux avant de venir l'embrasser.

- Bonjour mon amour. Elle l'avait murmuré avant de refermer les yeux. Pour une fois s'était-elle qui avait demandé un câlin à Jisoo et celle-ci avait accepté avant de soupirer en refermant elle aussi ses paupières.

- Je dois aller au travail...

- Mhhh... n'y va pas tout de suite, j'ai envie de rester avec toi.

- Et si tu venais m'aider ?

Bien sûr que sa bien-aimée avait accepté, même si elle avait réfléchi longtemps à gâcher son jour de congé, si elle pouvait remettre un peu de bonne humeur dans le café de Jisoo, alors elle le ferait à n'importe quel prix.

Et ce jour-là, en plus des compliments et petits mots que Roseanne s'amusait à écrire sur les gobelets des clients pour les faire rire, Jisoo souriait et tous l'avait remarqué.

Jisoo venait de passer la première étape de sa guérison.

Mais malheureusement, elle n'avancerait que très peu dans celle-ci...


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Hello, it's me.

Exprès je relis mon chapitre pour le poster le même jour que le comeback (il était pas prêt hier de toute façon.)

Sachez que je ne m'excuse toujours pas pour les événements de cette fiction (parce que je suis une connasse).

Bref j'vais m'faire mon petit makeup et partir manger de la tarte flambée. (ptdr c'est clairement en accord avec la tristesse du chapitre).

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