13 ➵ 𝘀𝘁𝗼𝗿𝘆 𝘁𝗵𝗮𝘁 𝘄𝗼𝗻'𝘁 𝗲𝗻𝗱 • 𝘀𝘁𝗿𝗮𝘆 𝗸𝗶𝗱𝘀

↺𝑬𝒗𝒆𝒏 𝒊𝒇 𝒚𝒐𝒖 𝒈𝒆𝒕 𝒍𝒐𝒔𝒕 𝒂𝒏𝒅 𝒈𝒆𝒕 𝒍𝒐𝒏𝒆𝒍𝒚 𝒇𝒐𝒓 𝒂 𝒎𝒐𝒎𝒆𝒏𝒕
𝑳𝒊𝒔𝒕𝒆𝒏 𝒕𝒐 𝒎𝒚 𝒔𝒎𝒂𝒍𝒍 𝒃𝒓𝒆𝒂𝒕𝒉, 𝒎𝒚 𝒗𝒐𝒊𝒄𝒆
𝑰𝒇 𝒚𝒐𝒖 𝒄𝒂𝒍𝒍 𝒎𝒆, 𝑰'𝒍𝒍 𝒇𝒊𝒏𝒅 𝒚𝒐𝒖, 𝒘𝒉𝒆𝒓𝒆𝒗𝒆𝒓 𝒚𝒐𝒖 𝒂𝒓𝒆
𝑰 𝒑𝒓𝒐𝒎𝒊𝒔𝒆𝒅 𝑰 𝒘𝒐𝒖𝒍𝒅𝒏'𝒕 𝒄𝒓𝒚, 𝒆𝒗𝒆𝒏 𝒊𝒏 𝒔𝒕𝒐𝒓𝒎𝒚 𝒅𝒂𝒚𝒔
𝑰 𝒑𝒓𝒐𝒎𝒊𝒔𝒆𝒅 𝒕𝒐 𝒉𝒐𝒍𝒅 𝒚𝒐𝒖 𝒆𝒗𝒆𝒏 𝒎𝒐𝒓𝒆 𝒘𝒂𝒓𝒎𝒍𝒚
𝑨𝒏𝒅 𝒑𝒓𝒐𝒕𝒆𝒄𝒕 𝒚𝒐𝒖
𝑻𝒉𝒆 𝒍𝒐𝒗𝒆 𝒚𝒐𝒖 𝒈𝒂𝒗𝒆 𝒎𝒆 𝒓𝒆𝒎𝒂𝒊𝒏𝒔
𝑻𝒉𝒂𝒕'𝒔 𝒉𝒐𝒘 𝑰 𝒉𝒂𝒗𝒆 𝒕𝒉𝒆 𝒔𝒕𝒓𝒆𝒏𝒈𝒕𝒉 𝒕𝒐 𝒍𝒊𝒗𝒆 𝒀𝒐𝒖 𝒅𝒐𝒏'𝒕 𝒄𝒓𝒚
𝑳𝒆𝒕'𝒔 𝒔𝒂𝒗𝒆 𝒕𝒉𝒆 𝒈𝒐𝒐𝒅𝒃𝒚𝒆𝒔 𝒇𝒐𝒓 𝒕𝒉𝒆 𝒏𝒆𝒙𝒕 𝒕𝒊𝒎𝒆 𝒘𝒆 𝒎𝒆𝒆𝒕
𝑵𝒆𝒗𝒆𝒓 𝒄𝒓𝒚
*

Le lendemain de leur discussion tardive, qui a fini par un câlin mutuel et par leur endormissement commun sur le canapé, leur deux corps étroitement liés, leurs interactions ressemblent presque à ce qu'elles auraient pu être si Minho n'était jamais parti.

Presque, car si Jisung ne lui est plus hostile, ce n'est pas pour autant qu'ils ont miraculeusement retrouvé leur complicité. Ils se tolèrent bien, disons. Avoir quelque peu mis les choses au clair entre eux a aidé, c'est sûr. Mais il reste encore un non-dit, la raison du départ de Minho, et tant qu'il ne l'aura pas admise, il sait qu'ils ne pourront jamais tout à fait redevenir comme avant. En attendant, ils se sont rapidement habitués à la vie ensemble, leur cohabitation se déroule plutôt bien.

Et pendant quelques jours, ils tombent dans une sorte de routine. Jisung pars en cours tôt le matin, pendant que Minho est à demi-plongé dans le sommeil, partiellement réveillé par les bruits que produit le blond en se faisant à manger ou en se douchant. Une fois que celui-ci a passé la porte, il n'arrive plus à dormir, et reste de longues heures dans le canapé à penser, ou bien à regarder des vidéos sur son téléphone. Il passe la majorité de la journée seul, puis rejoint Chan en fin de journée, quand celui-ci a terminé d'aller voir tous ses anciens amis et sa famille, qu'il profite pour visiter tant qu'il est à Tokyo. Ensemble, ils vont dans un café, ou bien au cinéma ou dans un des nombreux centres commerciaux du centre-ville, rattrapant le temps perdu, réapprenant à se connaître. Puis ils récupèrent Felix, Jisung, Hyunjin et Jeongin quand ils sortent des cours, et s'ils n'ont pas trop de devoirs, ils vont à la salle d'arcade ou chez Jisung, et Minho trouve impressionnant que même après quatre jours ici, même s'ils ont parfois les mêmes conversations en boucle, pas une seule fois ils ne se sont retrouvés sans rien avoir à dire, et pas une seule fois ils ne se sont ennuyés.

Il découvre petit à petit le lien très fort qui semble unir les quatre jeunes hommes restés à Tokyo, et bien qu'il ne puisse s'empêcher de ressentir une petite pointe de jalousie, il admire leur amitié indéfectible, la façon qu'ils ont de se comprendre avec le moins de mots possibles, les petites attentions touchantes qu'ils ont les uns envers les autres. Ça fait si longtemps qu'il n'a pas vécu une telle chose, et il les regarde comme il regarderait un film romantique : en trouvant cela mignon, mais en ressentant douloureusement sa propre solitude, la certitude qu'il n'aura jamais le droit de vivre ça. Il est content pour eux : il est content qu'ils soient heureux, parce que ce sont ses amis, et qu'il ne souhaite que leur bonheur. Malgré tout, la douleur est toujours bien présente, un tiraillement désagréable au niveau de son cœur, qu'il aimerait pouvoir faire taire définitivement. Il pensait avoir réussi à se forger une carapace. Finalement, il se découvre plus sensible que jamais, chacune de ses émotions décuplées par dix. Il a cessé de ressentir quoi que ce soit pendant tellement longtemps que son corps semble vouloir se mettre à jour, en amplifiant la moindre de ses émotions jusqu'à ce qu'elle occupe tout son esprit.

Généralement, Felix et Hyunjin partaient en premier. Ils étaient bien souvent exténués après une journée passée à danser, et ils ne pouvaient pas se permettre de perdre trop d'heures de sommeil. Minho les écoutait parler de ce qu'ils faisaient en cours avec attention. Danser avait toujours été un de ses rêves, un parmi d'autres auquel il avait dû dire adieu il y a cinq ans. Voir ses amis réussir dans ce domaine le rendait un peu nostalgique, même s'il savait que ses parents ne l'auraient jamais laissé continuer dans cette voie et que cela ne serait resté qu'une option pour lui. Il les entendait raconter à quel point danser les libère, et il voulait crier que pour lui aussi c'était le cas, que lui aussi n'arrivait à s'exprimer pleinement que quand il laissait parler son corps. Mais Hyunjin et Felix ne le considéraient toujours pas comme l'un des leurs, alors il se taisait, et se contentait d'hocher la tête. De toute manière, ça faisait bien longtemps qu'il n'était plus capable de danser comme avant. Il n'était même pas sûr qu'il pourrait encore décrire l'effet que ça lui faisait de se laisser totalement aller, et de se défaire du poids des études et de la pression parentale. 

Il y avait quelque chose qui s'était bloqué en lui, et qui l'empêchait de faire ce qu'il aimait le plus au monde. C'était sa passion, ce qui le motivait à se lever tous les matins, ce qui faisait vibrer toutes les cordes de son être, et du jour au lendemain, tout cela était parti en fumée. Il n'a jamais vraiment su ce qui l'a conduit à changer d'un coup. Ça s'est produit après son départ de Tokyo, tout d'abord petit à petit, comme on s'enlise dans un marécage, jusqu'au jour où il s'est réveillé en sachant qu'il avait définitivement perdu cette part de lui. Il avait déjà entendu qu'un danseur mourait deux fois, la première fois quand il n'était plus capable de danser. Il pouvait en témoigner : la tristesse qui l'avait envahi quand il avait réalisé qu'il ne ressentait plus les mêmes choses en dansant avait presque été aussi douloureuse que celle causé par la disparition des seuls vrais amis qu'il avait eu. Il avait perdu en peu de temps les deux choses qui lui donnaient envie de vivre, et il avait traversé cette épreuve tout seul, ne trouvant plus appui que dans la musique, s'abandonnant corps et âme dans des mélodies et des paroles auxquelles il laissait le soin de panser ses blessures.

C'est pourquoi aujourd'hui il ressentait un tel sentiment de nostalgie en entendant Hyunjin et Felix parler. Ils expliquaient avec excitation le spectacle qu'ils préparaient, la façon dont leur entraineur les poussait toujours vers le haut, à quel point ils s'étaient amélioré depuis le début de l'année. Et Minho se sentait une fois de plus à part, lui qui autrefois était celui qui les aidait à ajuster leurs postures. Quand ils quittaient enfin le petit groupe pour rentrer se reposer, c'est comme si le poids dans sa poitrine s'allégeait un petit peu. Il savait que cela ne serait que de courte durée, mais il pourrait prétendre, au moins jusqu'au lendemain, qu'il avait tout imaginé, et qu'ils ne vivaient pas le rêve de sa vie à sa place.

Ensuite, c'est Chan et Jeongin qui rentraient tous les deux, l'un raccompagnant l'autre à son logement. Minho n'était pas sûr de la nature exacte de leur relation. Il savait qu'il s'était passé quelque chose entre eux qui ne s'était pas très bien fini, et il ignorait s'ils comptaient recommencer ou s'ils n'étaient vraiment juste que des amis à présent. Il ne savait pas vraiment ce qui s'était passé. L'histoire n'avait été que vaguement évoqué par Jisung, et il n'osait pas demander des précisions. Tu n'avais qu'à être là, et tu aurais su. Tu t'es exclu toi-même de leurs histoires, tu n'as pas le droit de prétendre vouloir y revenir. Oui, la voix dans sa tête était toujours aussi déterminée à l'attirer vers le bas, et il ne pouvait pas vraiment lui donner tort.

Puis ils se retrouvaient seuls, Jisung et lui. Ils n'avaient pas vraiment profité de ces moments en tête à tête, puisque depuis le dimanche soir où ils s'étaient endormis dans les bras l'un de l'autre, le blond prenait garde à ne pas trop s'attarder dans le salon aux côtés de son ex-meilleur ami. Lundi, il avait déclaré être fatigué, mardi il avait eu des devoirs à faire, mercredi il avait travaillé au restaurant de ses parents jusqu'à tard le soir. Minho attendait, se demandant quelle excuse il allait lui sortir cette fois.

Mais curieusement, Jisung ne parut pas pressé de bouger du canapé où il était confortablement installé, concentré qu'il était sur un Rubik's cube que Chan lui avait mis au défi de terminer en moins de trois minutes. Jusque-là, il n'avait pas réussi à le finir en moins d'un quart d'heure, et il était déterminé à impressionner l'australien.

Minho n'osa pas parler de peur qu'il réalise soudain qu'ils n'étaient plus que tous les deux, et qu'il prétexte n'importe quoi pour avoir à ne pas rester en sa compagnie. Il attendait, anxieux, que Jisung fasse quelque chose, parle, témoigne qu'il avait pris conscience de sa présence. Pour éviter de stresser complètement, il se concentra sur les dizaines de papiers collés au mur, lisant chaque ligne avec attention pour empêcher son esprit de se focaliser sur le blond à côté de lui. Il avait tellement peur qu'il retenait quasiment sa respiration, comme si le moindre bruit de sa part pouvait briser la bulle de confort qu'ils avaient réussi à se créer. C'était ridicule, et il en avait bien conscience. Mais il ne voulait pas qu'ils soient à nouveau chacun de leur côté, lui dans le canapé ressassant trop de choses et Jisung dans sa chambre à faire sa propre vie.

Dimanche pourtant, ils avaient bien parlé. Ils avaient réussi à avancer un petit peu, et si ce n'était pas un pardon complet, c'était en bonne voie. Enfin, quoi, ils s'étaient même endormis dans les bras l'un de l'autre, alors que la veille, il avait bien cru qu'il allait devoir rentrer chez lui sans que leur relation ne se soit améliorée. Quelque chose avait, depuis lundi, changé dans le comportement de Jisung, et il ne comprenait pas pourquoi, alors qu'ils étaient sur le chemin d'aller mieux. Il ne savait plus comment agir. Il avait essayé d'être conciliant, de s'effacer, de laisser Jisung aller à son rythme. Comment était-il supposé agir si ses efforts n'étaient pas payants ? Il poussa un soupir, oubliant ses résolutions de ne pas laisser échapper le moindre bruit.

Jisung releva les yeux de son Rubik's cube, et pencha la tête sur le côté.

-Pardon si tu t'ennuies, lança-il, semblant sincèrement désolé.

Minho hésita. Devait-il faire part au plus jeune de ses réflexions ? Lui demander pourquoi ce subit changement d'attitude envers lui ? Il ne savait plus sur quel pied danser, quoi dire pour qu'ils réussissent à reprendre ce qu'ils avaient commencé à créer ensemble. Il avait l'impression d'être constamment en train de jouer à un jeu dont le moindre faux pas pourrait le condamner à rester seul encore plus longtemps.

-Non non, ne t'en fais pas, finit-il par dire, ajoutant un petit sourire. Fais ce que tu veux, je me débrouille.

Jisung plissa les yeux, considérant sa réponse, puis finit par reposer le cube coloré sur la table basse et par s'avancer jusqu'à être plus proche de Minho.

-Ça va ? demanda-il, alors que le brun évitait son regard, toujours focalisé sur les papiers punaisés aux murs.

Une liste de course. Une méthodologie de thèse. Un dessin d'enfant. Des photos de Jisung avec Felix. Des photos de Jisung avec Seungmin. Des photos de Jisung avec Hyunjin. Des photos de Jisung avec tout le monde, sauf lui. Il sentait sa respiration s'accélérer dangereusement, et le poids sur sa poitrine devenir de plus en plus lourd. Il fallait qu'il parle à Jisung de ce qui n'allait pas. S'il lui posait la question, c'est qu'il s'en faisait réellement pour lui, pas vrai ? Il avait toujours su voir en lui comme personne d'autre ne le faisait. Minho avait beau être renfermé et ne pas laisser facilement ses émotions s'exprimer, Jisung était bien souvent le seul à réussir à voir au-delà de son masque inexpressif. Cette fois-ci ne faisait pas exception. Minho décida de jouer franc jeu. Ils étaient déjà à peine amis : il ne pourrait pas vraiment empirer les choses en lui parlant de ce qu'il ressentait, pas vrai ?

-En fait... pas vraiment, avoua-il, cette fois en souriant amèrement.

La peine qui s'inscrit sur le visage de Jisung lui fit un pincement au cœur. Il détestait impliquer les autres dans ses histoires, il détestait devoir se reposer sur eux pour aller mieux. Il préférait tout gérer lui-même, prétendant que tout allait bien, cachant sa douleur pour afficher un sourire de façade. Surtout avec Jisung. Jisung était très empathique, peut-être trop : il absorbait les émotions des autres comme une éponge, et il finissait par souffrir lui aussi. Minho ne voulait pas causer plus de peine au blond qu'il ne l'avait déjà fait.

-Qu'est-ce qui ne va pas ? s'inquiéta-il immédiatement, ses yeux chocolat remplis d'appréhension.

Il était trop gentil. Minho ne méritait qu'on le soit autant avec lui, pas après ce qu'il avait fait. Il ne méritait pas d'avoir Jisung dans sa vie. Le blond était à des centaines de kilomètres au-dessus de lui. Il était attentionné, rieur, chaleureux. Il savait conforter les gens quand ça n'allait pas, et leur redonner le sourire. Et Minho... Minho était juste le garçon un peu à part, qui se contente d'observer les autres briller pendant qu'il reste à terre dans l'ombre. Et il était d'accord avec ça. Il lui importait peu d'être celui dont tout le monde recherchait la compagnie, tant qu'il avait ses amis avec lui. Et maintenant que même eux n'étaient plus là, que lui restait-il ?

-Je ne veux pas... Je ne veux pas t'embêter avec mes histoires.

-Minho, tu ne m'embêtes jamais, qu'est-ce que tu crois ?

-C'est juste... Je me demandais pourquoi tu m'évitais, Jisung. Je pensais que dimanche, on s'était mis d'accord sur le fait qu'on voulait tous les deux améliorer la situation. Et pourtant depuis lundi, on n'a pas été une seule fois ensemble... Dès qu'on se retrouve seuls, tu t'enfermes dans ta chambre. Je veux dire... Tu fais ce que tu veux, évidemment, mais j'ai l'impression que tu veux juste pas me parler. Et-et je voulais savoir si j'avais fait quelque chose de mal. En dehors de... Enfin, tu sais.

Il osa enfin planter ses yeux dans ceux de Jisung. Le blond parut déconcerté, comme si ce n'était pas l'explication à laquelle il s'était attendu.

-Je ne t'évite pas, finit-il par dire. J'ai juste... Du mal à savoir comment agir avec toi.

-Moi aussi, réagit immédiatement Minho. Bon sang, je ne sais jamais quoi faire. J'ai peur qu'à la moindre parole de travers, tu te renfermes et que... que je ruine à jamais nos chances de redevenir amis.

Jisung rigola doucement, et Minho se détendit un petit peu. Il ne savait pas pourquoi il avait eu aussi peur d'avouer ça. Ce n'était pas un monstre en face de lui, c'était Jisung, et Jisung n'avait jamais été méchant volontairement, à moins d'avoir été blessé. Il aurait dû en parler directement, au lieu de garder cela en lui jusqu'à ce que son cœur devienne trop lourd. En parler était toujours la meilleure solution. Il y avait déjà trop de secrets entre eux pour qu'ils ne puissent même pas communiquer correctement sur leurs sentiments.

-Je suis pareil, continua le plus jeune en se rappuyant contre le dossier du canapé. Après ce qui s'était passé dimanche, je veux dire... J'avais peur d'avoir dépassé une limite en restant avec toi. Je sais que tu n'aimes pas trop le contact avec ... Enfin, avec les gens dont tu n'es pas proche.

Le cœur de Minho se serra douloureusement à l'entente de la dernière phrase.

-Tu n'es pas non plus un inconnu. Je veux dire... On a été plus proches que ça.

Jisung ricana nerveusement. La mention de leur ancienne relation amoureuse n'avait pas été une seule fois évoquée, et Minho n'avait aucune idée de comment il prenait la chose. Il ne savait pas s'il était mieux d'en parler, ou au contraire de se taire et de se concentrer sur comment faire renaître leur amitié. Car avant d'être son petit ami, il avait été son meilleur ami, et c'était la perte de cette relation-là qui avait été la plus douloureuse. Ils étaient comme connectés, deux âmes-sœurs qui s'étaient miraculeusement trouvées. Jisung avait été la plus belle rencontre de sa vie.

-Je sais, mais je ne voulais pas... je ne voulais pas que tu penses que... Raah, je n'arrive pas à trouver mes mots !

-Si toi tu n'y arrives pas, on est mal, sourit Minho. Tu as toujours été celui qui était le plus doué à exprimer ce que tu ressentais.

Jisung le regarda, et ses lèvres s'étirèrent en un sourire qui n'arriva pas jusqu'à ses yeux.

-On est vraiment nuls, pas vrai ? Je n'ai aucune idée de comment réagir à cette situation. Felix me dit une chose, Chan une autre, et moi je suis perdu au milieu de tout ça et je ne sais pas qui je dois écouter.

-Je sais bien que je ne suis pas fort à parler de ces choses-là mais... Écoute ce que toi tu veux, non ?

-C'est bien ça le problème. Je ne sais pas ce que je veux ! La situation est complètement nouvelle et je suis perdu... Je ne sais pas comment je suis supposé réagir, si je devrais te pardonner immédiatement et faire comme si de rien n'était, ou attendre que tu me dises pourquoi tu es parti pour décider, ou juste ne rien faire... Ça me prend la tête depuis dimanche, et si je me suis éloigné, c'est parce que j'avais juste peur de ne pas agir de la bonne manière.

Il lâcha un rire sans joie.

-Mais je ne peux pas t'éviter indéfiniment, à un moment, il va falloir que je confronte mes émotions.

-Peut-être qu'en parler tous les deux est le meilleur moyen, suggéra Minho, son ton s'adoucissant.

Il était un peu réconforté par la pensée que Jisung était aussi perdu que lui. Au moins, ils étaient deux à être dans le même état. Le plus jeune acquiesça doucement, puis poussa un soupir.

-Je veux qu'on redevienne amis.

-Moi aussi, répondit immédiatement Minho, et cette fois le sourire de Jisung fit pétiller ses yeux.

-Alors... On essaye juste de faire comme si rien ne s'était passé ? hasarda le blond.

-Je... Non, je ne pense pas. Il faut simplement qu'on l'admette et... Qu'on essaye de passer au-dessus ? Je sais que c'est facile à dire, mais...

-Non, non, je crois que tu as raison et que c'est la meilleure chose à faire. J'en ai marre de me prendre la tête à chaque fois sur ce que Felix ou Chan feraient à ma place. Je suis à ma place, et j'ai envie qu'on se reparle comme avant.

Minho hocha la tête, une petite bulle d'espoir se formant dans son cœur. Il se sentait tellement mieux qu'il songea qu'il aurait dû mettre la discussion sur le tapis bien avant.

-Alors... on a des discussions normales, et on ne finit plus par pleurer dans les bras de l'autre ?

-Ça me va, répondit Jisung en rigolant.

Il fut heureux de constater qu'il n'avait plus l'air triste. Il n'y avait rien qu'il n'aimait plus au monde que de voir Jisung sourire. Ils laissèrent le silence les envelopper, cette fois plus confortable. Puis Minho reprit la parole, désireux de mettre leurs nouvelles résolutions à effet :

-Ce que tu as sur les murs... C'est des paroles de chansons ?

Il indiquait une feuille qui l'intriguait depuis tout à l'heure, un vieux brouillon raturé de notes, avec des mots qui ne semblaient pas s'accorder ensemble. Jisung parut rougir légèrement en voyant ce dont Minho voulait parler.

-Ça ? C'est juste des idées en vrac... J'avais eu une inspiration pour une chanson il y a quelques temps, mais je n'ai pas réussi à en faire ce que je voulais. Je l'ai laissé accroché là en me disant que j'allais y revenir plus tard, mais pour l'instant, ça ne vient toujours pas.

-Je peux lire ? demanda Minho, qui regretta immédiatement après d'être aussi direct alors qu'ils venaient à peine de stabiliser leur relation.

Mais Jisung ne semblait pas choqué par l'excès de confiance brutale du brun. Lui aussi devait se sentir à l'aise à côté de lui, malgré la distance qu'ils s'étaient efforcés de maintenir. D'un coup, l'ambiance était redevenue celle de dimanche. Une atmosphère plus paisible, plus semblable à celle qu'ils avaient l'habitude d'avoir. Pour un peu, Minho aurait presque cru qu'ils n'avaient jamais été séparés. Il supposa que pour des âmes sœurs, le temps importait peu, puisque leurs âmes restaient liées qu'importe l'âge qu'ils avaient. Et il avait beau trouver ça stupide, il ne pouvait s'empêcher d'y croire un peu.

-Vas-y, mais je te préviens, c'est le bordel.

Il se leva et décrocha la feuille du mur. En effet, Jisung n'avait pas menti : des mots sans queue ni tête s'enchainaient, certains à peine lisibles. Seul le titre, écris en anglais, ressortait du reste du charabia.

-Sunshine, lut Minho. Ça veut dire...

-Soleil, oui. Je voulais écrire quelque chose de rassurant, un peu comme une chanson-couverture, qu'on écoute quand on ne va pas bien et qui nous enveloppe chaleureusement. Une sorte de havre de paix, de zone de confort. Mais je n'arrive pas à retranscrire exactement l'émotion que je veux faire passer.

-Close your eyes... slow mode...

-Vraiment, c'est pas terrible. Il va falloir que je m'y remette, mais pour l'instant j'ai d'autres choses plus importantes à faire. Et puis ça ne sert à rien de forcer l'inspiration, il faut atteindre que ça vienne, pas vrai ?

-Je n'y connais pas grand-chose, répondit Minho en reposant la feuille là où elle était. Seulement ce que tu me racontais. Tu te rappelles ? On était sur le toit du lycée, et tu m'expliquais pendant des heures quelles émotions tu voulais mettre en paroles.

Jisung sourit à la mention du souvenir.

-Ça devait être chiant, non ?

-Pas du tout. C'était fascinant. Je n'ai jamais vraiment été doué pour l'écriture, alors je ne comprenais pas, mais la façon que tu avais d'être passionné, le son de ta voix, tes yeux qui s'illuminaient... C'était incroyable. J'aurais pu t'écouter parler pendant des heures.

Le blond ouvrit la bouche, surpris, ses joues se colorant délicatement de rouge. Puis, pour ne pas être en reste, il grommela, faussement boudeur :

-Tu étais pareil, tu sais. Avec la danse. Moi aussi, je pouvais te regarder danser sans jamais en avoir assez. Tu bougeais comme un dieu. Je ne comprenais pas comment tes mouvements pouvaient être aussi fluides.

En entendant le mot « danse », Minho se rembrunit, ce qui ne passa pas inaperçu aux yeux de Jisung. Forcément, il le connaissait trop bien. Même après toutes ces années, il savait différencier le Minho blessé et le Minho blasé. Et c'était le premier qui se trouvait en face de lui, malgré ce que pouvait laisser penser son visage dénué de toute expression.

-Il y a un souci ?

Le brun se rassit sur le canapé aux côtés de Jisung. Il n'était pas sûr d'avoir envie d'expliquer son rapport complexe à la danse maintenant. C'était une partie de lui dont il avait été si fier, et qu'elle lui ait été arraché était vexant, humiliant. Il ne voulait pas avouer devant Jisung qu'il était trop faible pour réussir à venir à bout de ses peurs et se remettre à danser, parce qu'il craignait qu'il n'y arrive plus comme avant. Cette action, qui était aussi naturelle pour lui que de respirer, était devenu un torture, un acte qu'il redoutait.

-C'est rien, t'en fais pas.

-Je m'en ferais toujours pour toi, Minho. Parce que c'est ce qu'on fait, pas vrai ? On prend soin les uns des autres.

Les mots de Jisung, encore une fois, eut l'effet escompté et Minho se détendit un peu. Il y avait quelque chose de tellement apaisant en lui, tellement reposant... C'est lui-même qu'il aurait dû décrire dans la chanson qu'il avait tant de mal à créer. Jisung était un soleil dans la vie de beaucoup de gens, y compris dans la sienne.

-C'est stupide, commença Minho avant que son ego n'ait pu l'empêcher d'aller plus loin. Il y avait quelque chose en Jisung qui mettait à l'aise et poussait à se livrer.

-Rien n'est stupide si ça te tient à cœur. Mais si tu ne veux m'en parler, pas de problèmes.

Minho attendit. Il avait beau prétendre et feindre l'indifférence, il était humain, et ça faisait tellement longtemps qu'on ne l'avait pas réconforté qu'il avait envie de tout déballer à Jisung, rien que pour entendre sa douce voix lui assurer que ce n'était pas grave et que tout irait bien.

-Si tu préfères, on peut parler d'autre ch...

-Je n'arrive plus à danser. 

Sa déclaration stoppa net Jisung en pleine phrase, qui écarquilla les yeux. Il s'attendit à ce qu'il lui demande des explications, qu'il agisse comme n'importe qui d'autre, en disant que ce n'était sûrement qu'une passade. Mais Jisung n'était pas comme tous les autres. Il observa Minho quelques instants, puis se leva et se dirigea sous son regard étonné vers la chaîne hifi qui se trouvait de part et d'autre de la télé. Là, il brancha son téléphone, fit défiler l'écran, puis finit par cliquer dessus. Aussitôt, une douce mélodie emplit l'air, amplifié par les baffles qui se trouvaient derrière le canapé, donnant l'impression qu'ils étaient véritablement au cœur de la musique.

Jisung, satisfait, se dirigea ensuite vers Minho et lui tendit la main, un petit sourire sur le visage.

-Qu'est-ce que tu fais ?

-Ça me paraît évident, non ? Je t'invite à danser.

-Je ne peux pas, Jisung, je viens de te le dire, je n'y arrive plus, je-

-Tssst ! Viens avec moi. Allez, s'il te plaît.

Minho poussa un soupir, mais attrapa néanmoins la main qu'il lui tendait. Elle était chaude contre la sienne, et il eut un brusque flashback qui le ramena des années en arrière, à leur premier rendez-vous, où pour réchauffer Jisung qui tremblait de froid il avait glissé sa main dans sa poche, lui transmettant toute la chaleur qu'il pouvait. Aujourd'hui, ils avaient sept ans de plus, mais il se sentait toujours aussi timide et dépassé face au jeune homme en face de lui. Il avait toujours eu le don de le mettre dans des états impossibles.

-Tu vois quand tu veux ! s'exclama Jisung, alors qu'ils commençaient à tourner lentement au rythme de la musique, leurs mains jointes.

-C'est quoi, la chanson ?

-C'est l'OST d'un drama que j'adore. Je l'ai fini, mais j'écoute toujours la chanson. Je trouve qu'elle est magnifique.

Minho approuva, et ils continuèrent à danser doucement, son corps se détendant petit à petit. Jisung ne le poussait pas à faire plus, simplement à continuer de tourner, leurs yeux presque fermés pour mieux apprécier la musique. Ce n'était pas de la danse comme il avait l'habitude de le faire, soigneusement chorégraphiée au millimètre près, rythmée, précise. C'était une ronde comme les enfants formaient, brouillonne, spontanée, mais en même temps tellement vivante.

Là, dans l'appartement de Jisung, avec la lumière de ses guirlandes et la chaleur de ses mains et la ballade qui emplissait la pièce, réchauffant son coeur, il se sentit vivant pour la première fois depuis bien longtemps.

***
bonsoiiir j'espère que les passages du début n'étaient pas trop long!! j'ai vraiment l'impression de tourner en rond donc bon j'espère ça se ressent pas tant que ça, en tout cas j'aime bien la fin aha!
-calypso

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top