23 ➵ 𝗽𝘀𝘆𝗰𝗵𝗼 • 𝗿𝗲𝗱 𝘃𝗲𝗹𝘃𝗲𝘁

↺𝑊𝑒'𝑟𝑒 𝑓𝑜𝑜𝑙𝑠 𝑙𝑜𝑣𝑖𝑛𝑔 𝑒𝑎𝑐𝘩 𝑜𝑡𝘩𝑒𝑟 𝑠𝑜 𝑚𝑢𝑐𝘩
𝑊𝑖𝑡𝘩𝑜𝑢𝑡 𝑦𝑜𝑢 𝐼 𝑓𝑒𝑒𝑙 𝑑𝑖𝑧𝑧𝑦 𝑎𝑛𝑑 𝑠𝑎𝑑
𝐼 𝑓𝑒𝑒𝑙 𝑙𝑜𝑤

Qu'avait pu dire la mère de Jisung à son fils pour que l'atmosphère entre eux change autant en quelques heures ? Le matin même, ils parlaient comme si de rien n'était, et à présent Jisung paraissait préoccupé par quelque chose dont il ne voulait pas faire part à Minho. Le brun était loin d'être vexé, il l'avait pris à la rigolade, il savait qu'il y avait des choses qui ne le regardait sûrement pas entre ses parents et lui, mais il ne pouvait s'empêcher de penser que Jiwoo lui avait fait une réflexion sur sa présence ici. Peut-être avait-elle fait remarquer que Jisung ne le méritait pas, qu'il lui avait fait trop de mal pour qu'elle puisse accepter leur amitié, qu'il n'aurait pas dû lui pardonner ?

Se pouvait-elle vraiment qu'elle ait agi si gentiment devant lui, pour ensuite le dénigrer auprès de Jisung ? Compte tenu de son caractère, c'était hautement improbable, mais ce n'était pas une hypothèse à éliminer. Quoique cela aurait été très hypocrite.

Et puis, s'il n'avait pas été le sujet de la discussion, pourquoi Jisung avait eu l'air aussi perturbé quand Minho lui avait posé la question ? Ce n'était pas pour le rassurer. C'était évident, il avait quelque chose à voir là-dedans, sinon Jisung n'aurait pas réagi aussi de façon aussi apeurée quand Minho avait demandé s'ils avaient parlé de lui. Mais qu'avaient-ils pu dire ?

La partie de lui qui se sentait toujours coupable pour sa longue absence commença à lui insinuer des pensées auxquelles il n'avait pas été confronté depuis longtemps. Le silence de Jisung aggravait les choses. Il chercha quelque chose pour détendre l'atmosphère, n'importe quoi, mais rien ne lui venait à l'esprit. L'air entre eux semblait épais comme de la mélasse. Il ne comprenait pas comment ils avaient pu en arriver là, pas alors qu'ils avaient atteint un stade où tout était redevenu normal entre eux. Il soupira, mais Jisung, qui souvent savait détecter ce qui n'allait pas, ne réagit même pas.

Il avait les yeux perdus dans le vague, le cerveau fonctionnant visiblement à mille à l'heure. Minho fit la moue. Il n'aimait pas qu'on l'ignore, encore moins quand une distraction aurait été la bienvenue pour le sortir de ses pensées. Il fallait qu'il trouve un sujet de conversation, et rapidement. Il passa en revue tout ce dont ils avaient parlé avec les parents de Jisung, dans l'espoir de trouver l'inspiration.

-Sungie ! s'exclama-il soudain, ses yeux s'illuminant. Ta mère a parlé d'une sorte de fête foraine qui avait ouvert pas loin pour les vacances d'hiver, pas vrai ?

Jisung le regarda, visiblement surpris.

-Elle a dit ça, oui... Il y en a une tous les ans. On y est même allés ensemble une fois, tu te rappelles ? Quand on était... Euh, enfin...

Il ne termina pas sa phrase, mais il n'en avait pas besoin. Minho avait compris ce qu'il sous-entendait. Quand ils étaient ensemble.

-Il est à peine quatre heures, et on n'a rien de spécial à faire chez toi. Tu veux qu'on aille y faire un tour ?

Jisung réfléchit quelques instants, et l'enthousiasme de Minho retomba un petit peu, persuadé qu'il allait essuyer un refus. À sa grande surprise, le blond finit par hocher la tête, un peu timidement, mais il s'agissait indéniablement d'un oui. Minho sourit largement. La perspective de passer l'après-midi avec Jisung à la fête foraine le réjouissait, lui faisant oublier pour un moment le mystère de la conversation avec Jiwoo. Il y avait longtemps qu'il n'était pas allé dans un parc d'attraction ou dans tout autre lieu du même style. Il battit dans ses mains comme un enfant. Jisung ricana en le voyant si impatient.

-Quoi ? protesta Minho. J'aime bien ça, c'est tout !

Le plus jeune leva les mains en signe d'innocence.

-Je n'ai rien dit ! Tu es adorable, c'est tout.

Minho rougit légèrement et croisa les bras pour bouder, ce qui conduit Jisung à lui tirer la langue.

-Très mature, pour un adulte de vingt-quatre ans ! fit remarquer Minho, et il gémit quand son ami le frappa de son coude. Pardon, pardon ! J'ai oublié où était la fête foraine, tu nous guide ?

-Quelle mémoire de poisson rouge, observa Jisung, mais il se mit malgré tout en avant pour indiquer la bonne route à prendre.

Ils marchèrent en silence jusqu'à l'entrée, mais il n'y avait plus la même tension entre eux, comme si le simple fait de se chamailler avait permis de relâcher un peu la pression. Minho était soulagé. Il n'aurait pas pu apprécier l'après-midi autant si Jisung avait continué d'être si bizarre. Quoi qui l'ai autant perturbé, il espérait que ça n'avait rien à voir avec lui. Il pourrait toujours lui demander le soir, quand il serait plus disposé à faire des confessions. Pour l'instant, il paraissait plus occupé par les dizaines de stands qui s'offraient à eux, ses yeux ne semblant pas pouvoir se fixer sur l'un d'entre eux en particulier.

Minho relégua l'histoire dans un coin de son esprit, déterminé à profiter un maximum de son après-midi. Il aurait le temps de penser au reste plus tard : pour l'instant, tout ce qui comptait était de passer un bon moment avec Jisung. Leurs problèmes respectifs attendraient.

L'endroit était exactement comme dans son souvenir. Il inspira grandement, laissant l'odeur caractéristique des fêtes foraines emplir ses narines, un mélange de sucre, de churros et d'aventure. Des dizaines d'autres personnes avaient eu la même idée qu'eux pour occuper leur après-midi, et la foule se pressait autour d'eux, les contraignant à se rapprocher s'il ne voulait pas se perdre de vue. Le parc était disposé de telle façon que la moitié était à l'intérieur d'un centre commercial, qui contenait de nombreux restaurants et des boutiques.

-Bon, déclara Minho. Par quoi on commence ?

Les attractions qui consistaient à monter à plus de trois mètres de hauteur étaient déjà exclues d'office : ils avaient tous les deux le vertige. Enfin, Jisung l'avait eu dans le passé. Il ne savait pas si c'était toujours le cas. En tout cas, il était hors de question qu'il monte sur une de ces horribles machines qui les faisaient faire des tours à 360 degrés dans les airs. Ce qui laissait quand même un nombre assez raisonnable d'autres activités : des stands de hasard, de nourriture, ou des attractions qui avaient lieu à terre, comme le train fantôme. Minho espérait secrètement que Jisung ne choisirait pas celui-là, car il ne se sentait pas de se retrouver dans le noir avec les horribles effets spéciaux qui le faisaient toujours sursauter.

-On peut faire le train fantôme, suggéra Jisung. Vu que tu as le vertige, j'imagine que rien d'autre ne te tente ?

De toutes les choses qu'il y avait à faire ici, il fallait évidemment que son choix se porte sur ça. Enfin bon, au moins, il se rappelait que Minho avait le vertige.

-Va pour le train fantôme, soupira le plus âgé, se préparant psychologiquement.

Jisung lui fit un grand sourire, et le prit par la main pour l'entraîner vers la vente des billets. En observant leurs mains jointes il se dit que, peut-être, le train fantôme n'était pas si horrible que ça.

*

Dix minutes plus tard, il revenait totalement sur ce qu'il avait dit. Le train fantôme était si pire que ça. Ils étaient serrés l'un contre l'autre dans un wagonnet qui grinçait horriblement, et Minho résistait à l'envie d'agripper la main de Jisung, comme si ça allait l'aider d'une quelconque façon à arrêter de paniquer. Il était grand. Il n'était pas censé être autant affecté par des attractions aussi stupides. Surtout que devant eux, des gamins d'environ dix ans riaient aux éclats, comme si les hurlements d'effroi qui interrompaient régulièrement le silence de l'endroit étaient extrêmement divertissant.

Jisung ne semblait pas inquiet le moins du monde. Minho l'enviait énormément. Ce n'est pas qu'il était particulièrement affecté par les pâles imitations de monstres au maquillage douteux qui surgissaient tous les quelques mètres, non, c'était plutôt qu'il était assez sensible aux choses en général qui apparaissait sans prévenir, le faisant sursauter. C'était la principale raison pour laquelle il évitait de regarder des films d'horreurs : il était dans la peur constante qu'un jump scare fasse irruption au moment où il s'y attendait le moins.

Heureusement, le tour finit par toucher à sa fin, et il sortit du wagon, mettant immédiatement le plus de distance possible entre lui et Jisung. Le plus jeune ne sembla pas s'en rendre compte : son attention était déjà focalisée sur autre chose.

-Il faut qu'on achète des serre-têtes ! affirma-il. Sinon, on ne peut pas dire qu'on est vraiment allé dans un parc d'attraction.

Minho le suivit. Il y en avait de différentes sortes, avec des animaux en peluche accrochés dessus pour la plupart. Le choix de Jisung se porta sur celui avec un écureuil, ce qui n'était pas étonnant : tout le monde trouvait qu'il ressemblait à cet animal et lui offrait des objets en rapport avec, et au fil du temps il avait fini par développer une collection plutôt impressionnante de goodies au thème écureuil. Minho hésita entre les oreilles de chat et le serre-tête girafe, et finit par se décider pour ce dernier.

-Il faut qu'on prenne des photos avec maintenant !

Minho haussa les sourcils, mais le suivit de toute manière. Il y avait plusieurs endroits où il était possible de faire des photos, les purikura étant très populaire au Japon. C'était des petits photomatons où il était possible d'ajouter des effets variés sur les photos, très utilisés entre amis. Ils en trouvèrent un et s'assirent à l'intérieur. La cabine était volontairement étroite, et ils étaient collés l'un contre l'autre.

-Souris, Minho ! s'exclama Jisung en levant ses doigts en forme de V.

Minho s'exécuta sans grande difficulté. Il était difficile de ne pas sourire en présence de Jisung, surtout quand il se comportait de manière aussi mignonne.

Une fois dehors, ils prirent chacun un exemplaire des photos qui avaient été prises. Minho rangea le sien précieusement dans la poche de son manteau. Après ça, ils continuèrent à faire quelques attractions, celles qui ne nécessitaient pas de s'élever trop haut dans le ciel.

-J'ai faim, commença-il à se plaindre après quelques-unes.

Le repas de Jiwoo avait été copieux, mais ça faisait maintenant quelques heures qu'ils l'avaient pris.

-Oooh, regarde ! Un hamster ! s'écria Jisung, sans faire attention à ce que disait son ami.

Il y avait en effet des grands terrariums exposés dans le couloir où ils se trouvaient actuellement, contenant des petits animaux de toutes sortes. Il y avait un lézard, des grenouilles, le fameux hamster ainsi qu'une tortue.

-C'est trop mignon ! s'attendrit Jisung, se penchant vers le hamster qui s'activait dans sa roue. Mais les pauvres, ça ne doit pas être marrant d'être enfermé toute la journée.

-Tu dis ça alors que tu ne bougerais pas de ton lit si jamais je n'étais pas là, fit remarquer Minho.

-Et alors ? Ça ne veut pas dire que cette vie convient à tout le monde !

-C'est vrai, mais toi en tout cas tu t'en accommodes très bien apparemment.

-Tu trouves que je reste trop souvent à l'intérieur ? bouda Jisung, faisant la moue.

-Non, regarde : tu n'es pas à l'intérieur là.

-C'est parce que tu m'as forcé à sortir ! protesta-il.

-Quoi ? Reviens ici, espèce de...

Jisung éclata de rire et se mit à courir, slalomant entre les nombreux visiteurs qui lui décochèrent des regards noirs. Minho tentait de le suivre tant bien que mal, mais il n'avait pas l'aisance et l'énergie et il abandonna bien vite la course, préférant déambuler plus calmement dans les allées. Résultat, il avait perdu Jisung.

Peu inquiet, il s'arrêta devant un stand qui permettait de gagner des lots variés en tirant au hasard des enveloppes. Il avisa ce qu'on pouvait gagner, et se demanda ce qui ferait le plus plaisir au plus jeune. Comme il ne décidait pas de toute manière, il paya et prit trois enveloppes, les ouvrant tour à tour. Les deux premières ne contenaient rien, et il commençait à penser qu'il avait perdu son argent, mais la troisième donnait droit à des peluches parmi les plus petites tailles. Il hésita, puis finit par se décider pour celle qui lui paraissait le plus susceptible de plaire à Jisung.

Quand il se retourna, il ne mit pas longtemps à repérer le blond, qui était en train d'acheter des churros à une petite dame juste de l'autre côté de l'allée. Il se rapprocha de lui, et quand Jisung arriva il lui tendit la peluche, en même qu'il lui tendait les churros qu'il venait d'acheter. Ils restèrent quelques secondes étonnés, chacun avec le cadeau qu'il souhaitait offrir à l'autre. Puis ils éclatèrent de rire, et s'échangèrent finalement les deux.

-Tu n'aurais pas dû m'en prendre, fit-il remarquer en désignant la nourriture.

Jisung haussa les épaules.

-Tu m'as dit que tu avais faim.

-Je ne pensais pas que tu avais entendu.

-Je fais attention à ce que tu dis, tu sais.

Minho ouvrit la bouche, mais ne trouva rien à redire. Il laissa Jisung s'extasier sur son cadau. Il avait trouvé une peluche de girafe, assorti à son serre-tête.

-Il n'y avait pas d'écureuils, s'excusa-il.

-Pas grave, j'ai déjà une trop grande collection de peluches écureuils de toute manière. Les girafes, ça va me changer !

Son sourire aurait pu alimenter une ville entière en électricité. Minho avait l'impression que son cœur se réchauffait indéniablement à sa vue. Il croqua dans son churro, savourant la pâte chaude sur sa langue. Il aurait voulu rester éternellement ici, mais il savait que ce ne serait pas possible. Déjà le soleil déclinait, et le parc n'allait pas tarder à fermer ses portes.

Ils s'assirent sur un banc le temps que Minho termine son churro, non sans avoir donné quelques bouts à Jisung, puis ils décidèrent de rentrer. Cette fois, il n'y avait plus aucune trace d'un quelconque malaise entre eux, la discussion de ce midi oubliée depuis longtemps.

Ils passaient devant les décorations imposantes de la boutique près de chez eux et Minho se souvint d'un détail important. On était le soir du 24 décembre. La soirée que passait généralement les couples ensemble. Le 25 était réservée à la famille, mais pas la veille. Il espérait que Jisung avait oublié. Après la remarque qu'avait fait ses parents le midi sur leur prétendue relation, il ne tenait pas à ce que les choses entre eux deviennent gênantes. Il ne  pouvait pas se permettre de perdre l'amitié de Jisung, chose qui arriverait sûrement s'il se doutait d'à quel point Minho était amoureux de lui. Il ne fallait pas qu'il laisse échapper le moindre indice. Il pouvait le faire : il avait prétexté avoir une fiancée quelques heures auparavant pour éloigner tout soupçon. Sauf que Jisung était au courant qu'il n'avait pas véritablement de fiancée. Alors, comme le convaincre qu'il ne ressentait rien pour lui ? Il allait devoir simuler l'indifférence le plus possible. Arrêter de se coller à lui à la moindre occasion. Lui parler d'autres filles ou d'autres garçons. Oui, Minho allait faire tout ce qui était en son pouvoir pour que jamais Han Jisung ne découvre qu'il avait encore des sentiments pour lui.

Il ne savait pas encore que ses nouvelles résolutions allaient durer à peine une heure.

Pour être honnête, c'était la faute de Jisung. À croire qu'il n'avait qu'un seul but dans sa vie : rendre amoureux Lee Minho le plus possible.

Tout avait plutôt bien commencé, pourtant. Ils s'étaient assis sur le canapé, plongés dans une discussion animée, et c'était Jisung le premier qui avait rompu ce calme en se levant, l'air soudainement inquiet. Minho avait immédiatement arrêté de parler, regardant son ami avec de grands yeux interrogateurs.

-Lee Minho, commença Jisung, la voix légèrement tremblante. J'ai quelque chose pour toi.

Cette fois, Minho était intrigué. Qu'avait-il de si important à lui donner pour qu'il se mette dans tous ses états à ce propos ? Il se rassit correctement sur le canapé, incliné curieusement, attendant que Jisung lui explique ce qu'il avait en tête. Il disparut quelques instants dans sa chambre pour en revenir avec sa guitare. C'était étrange. Il n'en avait pas joué une seule fois depuis que Minho était revenu. À vrai dire, il en était venu à penser qu'il s'agissait plus d'un objet décoratif qu'autre chose.

-Tu connais la tradition, sourit Jisung, mais il était nerveux, cela se voyait. On s'offre des cadeaux le 24. Alors, mon cadeau pour toi... C'est une chanson. Celle que je n'arrivais pas à finir. Je l'ai terminé.

Jisung prit une grande inspiration. Si Minho ne le connaissait pas mieux, il aurait pu croire qu'il était stressé. Mais c'était impossible : il n'avait aucune raison de l'être, pas alors qu'il passait simplement la soirée avec un ami. Puis il se mit à jouer de la guitare en chantant, et plus rien n'eut d'importance que le son de sa voix.

La chanson était magnifique. Il n'avait pas retenu toutes les paroles, mais il avait saisi l'idée générale, que la musique transmettait si bien. Un rythme, lent, doux, apaisant, pour des paroles qui évoquaient un après-midi au soleil, une minute de repos où les problèmes passaient au second plan. Il se rappelait ce que Jisung avait dit vouloir évoquer avec cette musique. Il trouvait qu'il y parvenait parfaitement.

Il se prit à penser, non pas pour la première fois, à quel point il souhaiterait posséder un talent qui lui permettrait de rendre justice à tout ce que Jisung représentait pour lui. Il ne savait pas manier les mots comme il le faisait dans ses chansons, il ne savait pas rendre sur le papier les traits de Jisung dans leur exactitude, et il n'avait pas l'oreille musicale d'un compositeur qui aurait pu retranscrire en musique tout ce qu'il lui faisait ressentir, et ça lui pesait. Il aurait aimé posséder l'un de ces dons pour exprimer tout l'amour qu'il ressentait à l'égard de Jisung.

La chanson s'acheva, et le blond le regarda d'un air anxieux, comme si l'approbation de Minho était la chose la plus importante au monde. Il avait toujours eu confiance en lui, n'avait jamais hésité à se lancer des fleurs quand il le méritait. Pour la première fois, il semblait attendre un avis extérieur plus que le sien même. Minho ne savait pas quoi dire. Il opta pour un simple mais efficace :

-C'est magnifique...

Cela sembla avoir l'effet escompté, puisque Jisung lui sourit largement, visiblement soulagé.

-Je n'étais pas sûr que l'enchaînement était bon. Il y a un couplet au milieu qui ne sonne pas très bien, je devrais peut-être le retravailler, je n'en étais pas totalement satisfait mais il fallait que je la termine pour aujourd'hui...

-Elle est parfaite, assura Minho. Vraiment.

-Je suis rassurée si elle te plait.

-Vraiment, tu viens de me chanter une chanson magnifique comme cadeau, et moi à côté, je n'ai rien d'aussi beau à t'offrir.

Sa voix était amère. Il aurait vraiment aimé pouvoir offrir quelque chose d'aussi incroyable. À la place, il soupira et alla fouiller dans son sac pour en sortir une écharpe, aux variantes couleur de rouge, la couleur préférée de Jisung. Il l'avait entendu râler toute la semaine qu'il avait froid et qu'il fallait qu'il se rachète une nouvelle écharpe. Il avait vu celle-là dans un magasin et avait prévu de l'acheter un peu plus tard, mais Minho l'avait devancé.

-Tu rigoles ! Je l'adore !

Il l'arracha des mains de Minho et enfoui son visage dedans.

-Je vais la mettre toute l'année, même quand il fera trente degrés, affirma Jisung, son sourire toujours plaqué aux lèvres.

-Tu exagères un peu, là, rigola-il, mais il était heureux que son cadeau reçoive un tel enthousiasme, même si ce n'était pas mérité.

-Tu veux parier ?

-Oh oui, je te parie que tu ne tiendras pas au-delà d'avril avec.

-Très bien, et qu'est-ce qu'on parie ?

-Je ne sais pas, qu'est-ce que tu veux que je te donne si je perds ?

Alors qu'ils parlaient, ils s'étaient rapprochés inexorablement l'un de l'autre, et sans qu'ils s'en rendent compte, Minho était presque allongé au-dessus de Jisung. Il avait sous-estimé l'amour qu'il ressentait sa vue : ce dernier balayait toutes ses pensées cohérentes comme une vague.

Alors qu'ils se retrouvaient l'un au-dessus de l'autre, l'atmosphère de la pièce changea subitement, et un silence s'installa. Encore essoufflés de leur brève chamaillerie, ils gardaient les yeux fixés dans ceux de l'autre, leurs poitrines se soulevant et s'abaissant en rythme. Minho sentait les battements de son coeur s'accélérer brutalement, et il savait que ce n'était pas à cause de l'effort physique qu'il venait de fournir. Il ne quitta pas Jisung des yeux, plongé dans son regard pénétrant, et il sentit le rouge lui monter aux joues.

Il n'aurait su dire combien de temps ils restèrent ainsi, absorbés par le visage de l'autre, il lui semblait qu'il était resté une éternité à détailler les traits parfaits de Jisung, ses longs cils, ses lèvres entrouvertes, quand tout doucement, ils commencèrent à se rapprocher.

Les mains de Jisung tremblaient alors qu'il lui caressait les cheveux. Minho retint son souffle. Il avait l'impression que le lien qui les unissait se faisait plus sentir que jamais, leurs deux coeurs battant à l'unisson. Il déglutit péniblement. Il n'était pas sûr de comment réagir. Jisung le regardait avec des yeux si implorants, si désespérés qu'il mourrait d'envie de le serrer dans ses bras et de lui assurer que tout se passerait bien.

-Minho... murmura Jisung, sa voix accélérant brutalement les battements de son coeur.

Il lui semblait que le temps s'était arrêté. Il avait tout oublié, la pièce, la chanson, le monde entier, jusqu'à son propre prénom. Rien ne comptait plus à l'instant même que les yeux de Jisung, et toute l'émotion qui y transparaissait. Il avait l'air apeuré. Il voulut lui répondre, lui demander ce qui n'allait pas, mais il le devança.

-Tu es tellement beau...

Minho sentit son estomac se tordre, sa poitrine se contracter. Jisung avait l'air si vulnérable, son regard plongé dans le sien comme s'il ne souhaitait plus lui dissimuler un seul secret. Comme s'il souhaitait que Minho comprenne quelque chose. Le compliment l'avait atteint en plein cœur. Il avait l'impression que des dizaines de papillons avaient élu domicile dans son ventre. Il aurait voulu répondre quelque chose, mais rien d'assez bien ne lui venait en tête. Jisung lui donnait envie d'aller chercher la lune et de lui apporter, pour lui prouver qu'il ne partirait plus jamais, qu'il était digne de lui, qu'il aurait tout fait pour lui.

Il y avait tant de mots qui se bousculaient dans son crâne qu'il se sentait incapable de sélectionner ceux qui pourraient faire une phrase correcte. À la place, il fit ce qu'il avait envie de faire depuis des jours, et même des années s'il était honnête. Il garda quelques instants ses yeux fixés dans ceux de Jisung, porteurs d'une question muette. Quand le plus jeune hocha faiblement la tête en réponse, il ferma les yeux et posa ses lèvres sur celles de Jisung.

Il le sentit se raidir de surprise, et se détendre immédiatement après. Il avait les lèvres chaudes et légèrement gercés, des lèvres qu'il connaissait encore par cœur. La sensation était tellement familière, tellement agréable qu'il aurait pu en pleurer. Ça lui avait manqué. Il ne savait pas comment il avait pu tenir autant de temps sans embrasser Han Jisung.

Il ne pensait plus à rien, tout son esprit occupé par une seule personne, celle qu'il n'avait jamais cessé d'aimer, celle qui le comprenait mieux que personne, celle qui savait lui rendre le sourire quand il était au plus bas, celle avec qui il se sentait de passer toute sa vie pourvu qu'elle le veuille aussi. La terre aurait pu exploser qu'il ne s'en serait pas rendu compte. Il ne rouvrit les yeux que quand il se rendit compte que Jisung ne répondait pas à son baiser. Il s'écarta comme s'il s'était brûlé, l'incompréhension et la panique l'envahissant. Jisung le fixait, l'air indéchiffrable. Puis il se redressa à son tour, et détourna le regard.

-Minho, je ne pense pas que ... Je ne peux pas, je suis désolé...

Le monde de Minho s'effondra. Le fragile équilibre de confiance qu'il s'était bâti jusqu'à présent s'écroula aussi facilement qu'un château de cartes face à un souffle de vent. Il sentit quelque chose au fond de lui se briser. Tout d'un coup, ce fut comme s'il était de retour dans le train qui l'amenait à Tokyo la première fois, hésitant et angoissé, et désespérément seul. Il se releva d'un bond, les joues rouges. Il avait tellement honte qu'il était content que Jisung ne le regarde pas en face. Il n'aurait pas pu soutenir son regard.

Qu'est-ce qui lui avait pris ? Il venait probablement de gâcher l'amitié qu'il avait eu tant de mal à récupérer, et tout ça pour quoi ? Pour quelques secondes de plaisir égoïste ? Il s'était mis des règles, bon sang.

Il avait eu de l'espoir, l'espace d'une minute. L'espoir que son amour était réciproque. Que tout allait redevenir comme avant. Que quelqu'un l'aimerait à nouveau pour ce qu'il était, et pas pour ce qu'il pouvait apporter. La chute de cet espoir était peut-être ce qui faisait le plus mal. Il se sentait tellement stupide et tellement naïf.

-Je suis désolé, murmura-il en reculant, butant contre le canapé.

Il avait du mal à respirer. Il fallait qu'il sorte. Il fallait qu'il parte d'ici. Il ne voulait pas entendre Jisung lui dire que ce n'était pas réciproque, que Minho n'aimait qu'un fantôme du passé, qu'ils ne se remettraient jamais ensemble parce qu'il lui avait fait trop de mal.

-Minho, attends !

Jisung s'était relevé, les yeux écarquillés, la douleur se lisant sur son visage. Minho ne pouvait pas en supporter davantage. Il prit son manteau et ouvrit la porte, disparaissant dans le couloir. Il ne savait pas où il allait aller, mais tout valait mieux plutôt que de voir le dégoût dans les yeux de Jisung.

***
haaaa c'est bientôt la fin blblbl 😭😭 j'arrive pas a croire que je vais finir une histoire dans ma vie vraiment
-caly

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